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Interview   

The Haunted : une question de confiance


Après la déflagration provoquée par l’audace de l’album Unseen, faisant imploser une partie du groupe, The Haunted a aujourd’hui bel et bien fini son processus de cicatrisation suite au cycle d’Exit Wounds. C’est d’ailleurs un The Haunted pas encore prêt à retenter le diable à coup d’expérimentations qui nous revient avec Strength In Numbers. Un album qui saura aisément contenter les fans du The Haunted classique, à la fois incisif et sophistiqué. Mais pas de quelconque stratégie dans la démarche, The Haunted fait les choses comme il les a toujours faites, à l’instinct, démocratiquement et au plaisir avant tout. Plus que jamais, même, puisque le combo a abandonné une bonne fois pour toute l’idée d’une carrière professionnelle pour lâcher le poids des pressions en tout genre.

Nous nous sommes entretenus avec le guitariste Patrik Jensen pour faire le bilan de la situation et l’état des lieux trois ans après la recomposition de The Haunted, et qu’il nous parle de ce nouvel opus qui devrait re-solidifier la confiance du groupe en lui-même mais également de sa fan base.

« Si tu ne fais qu’écouter ce que les autres ont à dire, tu commenceras à sonner comme tout le monde. Tu ne seras plus créatif. Tu composeras comme si quelqu’un avait précommandé un dîner. »

Radio Metal : La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous as dit que « Unseen est un super album mais les gens le l’ont pas trop accepté », ce qui a mené au final à de la déception et des membres qui ont quitté le groupe. Maintenant, avec le recul, est-ce que Exit Wounds, qui est un album plus classique de The Haunted, a mieux réussi qu’Unseen ?

Patrik Jensen (guitare) : C’est difficile de… Je ne sais pas comment comparer. Peut-être avec les ventes d’album mais tu sais aussi bien que moi que les ventes d’albums ne font que baisser encore et encore. Donc on ne peut pas comparer. En fait, j’ai vu les deux types de réactions avec Exit Wounds, des fans qui ont dit « oh oui, c’est le vieux The Haunted qui est de retour » et j’ai vu d’autres fans dire que « non, ce n’est pas le The Haunted progressif qu’on veut voir. » Donc tu ne peux jamais contenter tout le monde, je suppose. Mais tant que le groupe est content, c’est le plus important.

Donc vous ne faites pas trop attention aux réactions de la presse et des fans…

Est-ce que tu penses que c’est une bonne chose si les groupes font ça ? Moi pas ! Parce qu’il faut être fidèle au groupe. Si tu ne fais qu’écouter ce que les autres ont à dire, tu commenceras à sonner comme tout le monde, j’imagine. Tu ne seras plus créatif. Tu composeras comme si quelqu’un avait précommandé un dîner, ils veulent que ce soit exactement comme ça. Mais c’est bien plus créatif et amusant si tu peux faire ton propre truc. Genre : « Voilà l’album que je veux faire. Désolé si vous n’aimez pas et je suis content que cette autre personne l’aime. Donc tout va bien ! »

Ce que tu nous as aussi dit à l’époque est que « ce qui fait que le groupe souffrira probablement encore c’est que [vous] av[ez] désormais été obligés de trouver du travail. » Du coup, comment vont les choses financièrement pour le groupe maintenant ? Est-ce que vous continuez à galérer ?

Tout le monde a un boulot en journée. Donc c’est comme pour n’importe qui : si tu as un boulot, alors tout le reste va bien. Je suis sûr que lorsque nous avons fait l’interview précédente je t’ai dit que lorsque nous essayions encore d’être des musiciens professionnels à plein temps, nous tournions huit mois par an ! Et nous rentrions à peine dans nos frais, donc nous avions des revenus tout juste corrects. Parce qu’il faut manger et vivre quelque part, et être absent pendant huit mois, si tu as des enfants et tu manques tous les anniversaires et tout le reste, ce n’est pas marrant, en fait. Si tu es Metallica ou Iron Maiden, tu peux emmener ta famille avec toi, c’est une autre histoire ! Mais nous allons tous bien.

Je t’ai posé la question à propos du succès d’Exit Wounds par rapport à Unseen parce qu’avec votre nouvel album, Strengh In Number, on dirait que vous avez voulu rester sur le même esprit musical plus traditionnel…

Unseen pourrait bien être le plus grand virage que nous ayons pris jusqu’à présent. C’est vrai. Donc par rapport à Unseen, oui, c’est un album de The Haunted très traditionnel. Mais voilà le truc. C’est très intéressant, en fait, parce que j’ai donné plein d’interviews ces deux dernières semaines, et comme tu peux le remarquer, ma voix est assez endommagée [petits rires], mais il y a eu deux réactions à l’album de la part des journalistes : une réaction est « oh c’est génial vous revenez au vieux The Haunted, c’est un album classique comme Made Me Do It » et puis, l’autre réaction est « c’est super que vous soyez toujours un groupe progressif, c’est comme The Dead Eye ! » C’est donc impossible de prédire ce que les gens entendront dans ta musique, ce qui est aussi une raison pour laquelle un groupe devrait juste faire ce qu’il veut, parce que de toute façon, les gens entendent ce qu’ils veulent entendre. Donc les gens ont dit que c’est un retour à notre vieux style, je pense qu’ils veulent dire les deux ou trois premiers albums peut-être, mais de Revolver à Exit Wounds, nous avions Tue Madsen en tant que producteur, et il a créé un son très riche, épais et lourd. Sur les premiers albums, ça tabasse plus et c’est plus rentre-dedans, et pour cet album, nous avons choisi Russ Russell, qui a fait Napalm Death et ainsi de suite, et sa production est plus rentre-dedans. Donc je pense que ce que les gens entendent, c’est la production ! Donc ils entendent les riffs thrashy et ils pensent « oh c’est un retour au The Haunted que j’adore du début », et ensuite d’autres gens écoutent ce que nous jouons vraiment et ils disent « oh c’est le The Haunted progressif que j’aime. » Donc d’une certaine façon, nous sommes parvenus à faire plaisir aux deux camps, pour ainsi dire. Nous n’en avions pas conscience, nous ne savions pas que nous étions en train d’écrire un album progressif, nous ne savions pas que nous étions en train d’écrire un album dans le vieux style de The Haunted, nous écrivions juste l’album que nous voulions écrire, et je suis très content que tout le monde semble l’apprécier.

Est-ce que tu penses, en fait, que le terme « progressif » est approprié pour The Haunted ? Parce que peut-être que ce que les gens appellent « progressif », c’est juste des riffs bien écrits et une certaine diversité…

C’est une bonne remarque, en fait, parce que j’y ai moi-même réfléchi. Lorsque les gens disent « c’est un groupe progressif », ils veulent dire que ça sonne comme les groupes progressifs des années 70, et est-ce progressif de sonner comme un groupe vieux de quarante ans ? Ça n’a pas de sens. Donc « progressif », c’est devenu un style, pas une définition en soi. Tu vois ce que je veux dire ? Donc lorsque nous avons des chansons qui ne sont pas typiquement intro-couplet-refrain-couplet-refrain-solo… tu sais, la construction standard, nous avons aussi ce genre de chansons, mais nous avons aussi d’autres chansons qui sont construites autrement, alors les gens qualifient ça de progressif parce que ce n’est pas standard. Je suppose que « progressif » est juste un mot pour qualifier ce qui n’est pas standard. Et je dirais la même chose que toi à propos de la diversité. En fait, généralement, je compose… Bon, historiquement, avec The Haunted, c’est moi qui écrivais les chansons rapides, les plus agressives parce que j’adore Dark Angel et tous ces vieux albums de thrash rapides, et les jumeaux Björler écrivaient les trucs mélodiques et ainsi de suite. Maintenant, pour cet album, Ola a beaucoup composé et il a aussi, disons, un style progressif mais aussi une approche très thrashy des chansons qu’il a écrites. Donc sur cet album, en fait, c’est moi qui ai écrit les chansons plus heavy, les chansons les moins traditionnelles, comme « Sinister » et « Illusions », simplement pour donner un angle différent, j’imagine. Donc oui, c’est un album varié, je suis d’accord.

« [De la frustration,] si ça n’en générait pas, ça voudrait dire qu’il n’y a pas beaucoup de passion. Mais d’un autre côté, nous nous faisons beaucoup confiance dans le groupe. »

Etait-ce important qu’Ola soit plus impliqué dans la composition cette fois ?

En tant que groupe suédois, nous sommes très démocratiques, comme les suédois le sont généralement. Sur Exit Wounds, tout le monde était totalement libre de composer de la musique, y compris Ola, autant qu’il voulait, et ensuite nous avons voté, genre tout le monde dans le groupe vote pour les démos qu’il juge être les meilleures et celles-ci sont celles que nous emmenons à l’enregistrement. Mais pour cet album, je crois qu’Ola était peut-être plus… Tu sais, tu rejoins un groupe qui a vingt ans, ce groupe a déjà un style et une formule, je suppose, et pour cet album, il connaissait maintenant mieux de quoi est faite cette formule et il a pu davantage créer dans ce contexte. Du coup il a beaucoup composé sur cet album, mais ce n’était pas comme si c’était une décision consciente, genre « Ola, tu dois composer plus ! » C’était plus quelque chose de naturel qui s’est produit.

Est-ce que tu penses que les meilleures décisions sont prises lorsqu’elles sont démocratiques, en musique ?

Non [petits rires]. Par rapport à d’autres groupes qui venaient de Göteborg à l’époque, et peut-être est-ce général à la plupart des groupes, lorsqu’on a grandi avec une bande d’amis et formé un groupe, il y a peut-être une ou deux personnes qui prennent les rênes, tu enregistres un album puis ta carrière avance à partir de là, mais avec The Haunted, nous étions cinq gars qui venaient de différents groupes où nous avons tous été les généraux, pour ainsi dire. Donc lorsque nous nous sommes mis ensemble, bien sûr nous étions amis, mais nous étions aussi cinq gars qui avions l’habitude de prendre les devants. Donc c’était naturel de dire : « Ok, tout le monde dans ce groupe a plein d’idées, donc tout le monde peut participer et ensuite nous voterons pour que ce soit plus simple. » Et aussi, tu as les mérites et l’argent qui vont dans différentes directions vers les compositeurs, mais nous avons toujours partagé en cinq, donc ça n’a pas d’importance qui compose quoi. Si tout le monde a contribué en arrière-plan et aidé à façonner l’album, alors tout le monde est crédité. Je pense que c’est une bonne chose. Ce sont toujours les meilleurs riffs, les meilleures chansons qui sont utilisées et pas parce que A ou B dans le groupe a besoin que ses chansons soient aussi sur l’album. Mais peut-être que le système démocratique n’est pas toujours le meilleur, parce que parfois, une personne peut avoir une vision et c’est dur pour les autres de comprendre cette vision avant qu’elle ne soit terminée.

N’est-ce pas dur d’obtenir un consensus au sein du groupe ? Ca ne génère pas des frustrations parfois ?

Si ça n’en générait pas, ça voudrait dire qu’il n’y a pas beaucoup de passion. Mais d’un autre côté, nous nous faisons beaucoup confiance dans le groupe. Donc si je ne comprends pas ce que quelqu’un fait, genre « c’est quoi cette chanson ? Je n’y comprends rien ! », mais si cette personne dit « ok, ouais, je ne sais pas non plus où ça va mais c’était quelque chose que je voulais essayer » ou si elle dit « non, je crois vraiment en cette chanson, je sais que ce sera bon lorsqu’on mettra toutes les guitares, les effets, le chant et tout, » alors « d’accord, je te fais confiance ! On la fera ! » Si tu as ce genre de confiance au sein du groupe, ça aussi ça aide. Evidemment nous avons des discussions mais nous ne nous disputons pas tellement dans le groupe.

Tu as déclaré que « les meilleures chansons sont généralement celles où tout le monde est impliqué. » Quelles sont les chansons dans cet album où tout le monde a été impliqué ?

En fait, je crois que ce sont mes chansons, parce qu’Ola, tu sais que c’est un célèbre youtubeur, et il a aussi fait des études de production musicale, donc il a la connaissance pour faire un bon mix, donc ses vidéos sonnent vraiment bien sur YouTube. Donc lorsque ses démos arrivent, elles sonnent comme… En fait, les gens paieraient cher pour avoir un vrai album qui sonne comme ses démos ! Et Ola est aussi un perfectionniste. Si tu veux être un guitariste soliste aussi bon que lui, tu dois avoir cet état d’esprit perfectionniste. Donc ses démos arrivent et elles n’ont pas tellement besoin qu’on les retouche. Alors que moi, j’aime bien écrire mes chansons de façon plus ouverte, genre : « Ok, voilà le début et voilà les couplets. Peut-être que j’ai une fin. Est-ce que quelqu’un a un refrain ? Ola, peut-être que tu veux écrire les riffs du solo, puisque c’est toi qui feras le solo par-dessus ? » Simplement parce que j’aime bien quand tout le monde se rassemble. Donc dans ce cas, ce serait mes chansons, comme « Illusions », « Tighten The Noose » et ainsi de suite.

Comment parvenez-vous à obtenir le son de The Haunted lorsque des personnes différentes contribuent aux chansons, surtout avec quelqu’un comme Ola qui est encore relativement nouveau dans le groupe ?

C’est une bonne question parce que si je demandais à des amis à nous, comme Meshuggah, Arch Enemy ou In Flames, de jouer une chanson de The Haunted, ça ne sonnerait pas comme The Haunted. Et vice versa, si nous jouions une chanson d’Arch Enemy, ça ne sonnerait pas non plus comme Arch Enemy. D’une certaine façon, il y a quelque chose dans le groupe qui crée ce feeling. Peut-être est-ce moi et Jonas, nous sommes là depuis le début, et ensuite nous avons Marco et Adrian qui ont été sur quelques albums, qui maintiennent le son à peu près intact, probablement. C’est une bonne question !

« Avec ce groupe, nous n’avons pas de pression économique, nous ne sommes pas souvent loin de chez nous, donc nous n’avons pas cette pression extérieure. Donc lorsque nous nous réunissons et donnons des concerts, nous nous amusons. »

La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous a dit que toi « et Anders [vous vous êtes] façonnés ensemble en jouant dans le même groupe pendant tellement d’années, il faudra donc forcément un peu de temps pour qu’Ola et [toi] atteign[ez] ce stade. » Dirais-tu que vous avez désormais atteint ce stade ou penses-tu que ça nécessitera encore un peu de temps ?

Tu sais, c’est quelque chose qui se produit dans l’environnement live. Avec Anders, je sais toujours ce qu’il ferait, ce qu’il fait, à quoi m’attendre et ainsi de suite. Avec Ola, simplement parce que nous avons joué un paquet de concert maintenant, je sais désormais ce qu’il va faire, comment il joue les choses, etc. Parfois le son est mauvais sur scène, tu ne sais pas trop ce qu’il se passe, et maintenant je sais où il sera, donc en ce sens, nous sommes devenus soudés. Dorénavant, avec la routine que nous avons tous les deux, ça n’a pas pris beaucoup de temps pour en arriver au stade où nous savons que nous nous avons l’un pour l’autre.

De façon plus générale, comme ceci est le second album avec ce line-up, comment la dynamique du groupe et l’alchimie ont évolué depuis Exit Wounds, avec tous les concerts, etc. ?

A un niveau personnel, ce line-up est très harmonieux. Ce que je veux dire est qu’il n’y a pas de drame. Nous passons de très bons moments ensemble et nous sommes contents lorsque nous nous retrouvons et partons faire des concerts et tout. C’est toujours comme se retrouver entre amis. C’est super ! Je ne suis pas en train de dire qu’il y avait des drames par le passé mais lorsque tu tournes pendant huit mois, comme nous l’avons fait la dernière année où nous avons fait ça professionnellement, et qu’il y a autant de pression à la maison, « pourquoi tu ne peux pas être à la maison ? », qu’il y a tant de pression extérieure aussi, ça peut parfois créer des irritations. Tu as un boulot aussi, peut-être que tu es journaliste à plein temps, je ne sais pas, mais tu sais comment parfois quelqu’un peut être un peu à cran. Ça passe, ce n’est rien de sérieux mais ces choses arrivent. Et avec ce groupe, nous n’avons pas de pression économique, nous ne sommes pas souvent loins de chez nous, donc nous n’avons pas cette pression extérieure. Donc lorsque nous nous réunissons et donnons des concerts, nous nous amusons.

En 2014, tu nous avais dit que tu ne pensais « pas que le prochain album prendra beaucoup de temps non plus » et espérais sortir un nouvel album en 2015. Au final, Strengh In Numbers sort trois ans plus tard, et tu as d’ailleurs déclaré que vous vouliez vous « assurer de ne pas presser les choses avec celui-ci. » Pourquoi ? Avez-vous eu l’impression de presser les choses avant ?

Non. Je pense toujours que nous aurions pu faire cet album plus rapidement. J’ai dit que nous voulions faire le prochain album après Exit Wounds assez rapidement pour garder l’élan, donc nous nous sommes imposés des deadlines assez agressives, genre moi, Jonas et Ola qui sommes les principaux compositeurs, « il faut que nous ayons tout préparé d’ici telle et telle date pour pouvoir enregistrer l’album, et le sortir fin 2015 ou en 2016. » Mais, en fait, j’étais le seul à être prêt. Pour diverses raisons. Tu sais, les gens peuvent être… Il y a différentes choses qui surviennent dans la vie normale qui font que les choses prennent du temps. Donc lorsque mes chansons étaient prêtes, c’est là que j’ai écrit l’album de Witchery. Donc il y a eu un album de Witchery qui est sorti en novembre de l’année dernière, c’est donc ce que j’ai fait lorsque j’ai attendu les autres. C’était donc juste les aléas de la vie qui ont fait que ça a pris un peu plus de temps. Mais j’ai pu avoir du temps libre, et j’aime composer de la musique, donc j’ai saisi l’occasion et j’ai écrit un album de Witchery !

Ne mélanges-tu pas les choses lorsque tu composes un album de The Haunted et un de Witchery directement l’un à la suite de l’autre ?

Voilà le truc : avec Witchery, je compose tout, donc je suis le patron, si tu veux, par rapport à comment ça va sonner. Avec The Haunted, nous sommes cinq mecs. Donc lorsque tu veux une liberté créative totale, je pense toujours que je compose pour Witchery, parce qu’alors j’ai moins de pression. Et ensuite, de temps en temps, il y a un riff qui sonne plus The Haunted que Witchery, donc je le garde pour The Haunted. J’ai fait ça pendant toute la carrière des deux groupes, parce que les deux ont été formés en 96. Donc, par exemple, je ne sais pas si tu connais la première chanson de l’album Made Me Do It, « Dark Intentions », c’est une chanson de Witchery ! Mais maintenant « Dark Intentions » est presque une chanson signature pour The Haunted. Si tu la passes dans une boite rock, c’est immédiatement « oh, c’est The Haunted ! » Donc c’est comme ça depuis pas mal de temps et The Haunted bénéficie du fait que j’ai Witchery.

Concernant le délai qu’il a fallu pour faire l’album, je suppose aussi que vous n’aviez pas la même pression que pour Exit Wounds où vous êtes arrivés avec un nouveau line-up, et il y avait beaucoup d’attente…

Je ne crois pas que nous avions trop de pression sur nos épaules pour quelque album que ce soit mais, bien sûr, il y en avait un petit peu plus pour Exit Wounds parce que nous avions changé trois membres. C’est aussi pourquoi nous avions choisi de garder Tue Madsen afin d’avoir plus d’ingrédients du The Haunted d’avant. Et pour cet album, nous avions moins de pression, je suppose, parce que Exit Wounds, nous pensons, s’est très bien passé et est un album parfait de The Haunted. Donc voilà pourquoi nous avons aussi choisi de changer de producteur et ainsi de suite. Donc je suppose que, oui, nous avions un peu moins de pression sur cet album.

« J’espérais que Marco fasse un peu de chant clair sur cet album, mais il ne l’a pas fait [petits rires]. C’est assez dur de convaincre Marco lorsqu’il ne veut pas faire quelque chose. Donc peut-être pour le prochain album ! »

Comme tu l’as mentionné, après quatre albums produits par Tue Madsen, vous avez changé pour Russ Russell. Peux-tu nous en parler et ce que ça a changé pour le groupe ? D’ailleurs, apparemment, vous étiez très préparés avec les arrangements et tout avant d’entrer en studio…

Nous connaissons Russel depuis très longtemps. La première tournée que nous avons faite hors de Suède était au Royaume-Uni et nous avons ouvert pour Napalm Death, c’était en 1998. Russell était l’ingé son de Napalm Death sur cette tournée, donc nous le connaissons depuis 98, ce qui fait presque vingt ans désormais. J’aime beaucoup les albums sur lesquels il a travaillé, comme par exemple Apex Predator de Napalm Death, il a un son très énergique, je trouve, et c’est un chouette type. Donc en arriver à travailler avec lui était une étape naturelle. Je pense que c’est bien pour n’importe quel groupe d’essayer différents producteurs parce qu’ils peuvent entendre et apporter des choses différentes. Donc j’entends une grande différence par rapport aux productions de Tue. Mais tu sais, les groupes de metal, pas seulement nous, savent exactement ce que les chansons deviendront et où seront les solos et tout, et ensuite, le producteur dans un environnement metal, il est là pour encourager les musiciens à faire de leur mieux, comme le guitariste solo : « Donne le meilleur de toi-même ici. » Le chanteur : « Peut-être que tu peux faire ça un peu mieux ou peut-être que tu peux doubler ça. » Mais leur objectif principal dans un contexte metal est d’obtenir le son. Donc ils entendent les démos, ils se creusent la tête, genre « ok, il faut qu’on utilise ce type de batterie, il faut qu’on utilise ce type de micro, » et ainsi de suite. Un producteur dans un contexte metal est différent d’un producteur de pop, parce qu’un producteur de pop peut tout changer, il peut dire « pas de batterie, pas de basse, seulement de la guitare acoustique et du chant sur cette chanson », ce genre de choses, mais les groupes de metal, en général, ont déjà leurs chansons prêtes, elles sont déjà imaginées. Si tu n’es pas Aerosmith ou autre, t’es obligé d’avoir tout prêt avant d’entrer en studio parce que le studio coute environ six-cents euros par jour. Tu ne peux pas rester posé à prendre des décisions. Aujourd’hui, lorsqu’on a des ordinateurs, on peut très facilement changer de place les couplets et les refrains pour voir ce qui sonne le mieux. Donc les producteurs n’ont plus ou moins qu’à trouver un bon son pour la musique. Évidemment, ils peuvent dire « ça c’est peut-être trop ici » et ainsi de suite, ensuite on peut retirer quelque chose, parce que c’est toujours bien d’avoir une paire d’oreilles extérieure pour écouter quelque chose, genre « cette partie est peut-être trop longue, raccourcissons la de moitié », mais la participation qu’ont eu les producteurs ne va pas plus loin.

L’album débute sur la piste instrumentale baptisée « Fill The Darkness With Black » (« Remplis l’obscurité avec du noir », NDT). Devrait-on voir ceci comme un avertissement sur le contenu de l’album ? Surtout étant donné qu’elle s’enchaîne directement sur la chanson « Brute Force »…

Lorsque nous votons les chansons qui feront partie de l’album, nous ne savons pas dans quel ordre elles seront. Lorsque les chansons sont enregistrées dans leur version finale… Parce que nous les avons surtout entendues par un gars qui a tout enregistré, même parfois il peut y avoir une boite à rythme dessus, donc des choses peuvent se passer, les chansons peuvent devenir différentes de ce à quoi on s’attendait lorsqu’on les a écrites. Donc nous décidons de l’ordre des chansons après avoir tout enregistré. « Fill The Darkness With Black » n’était pas prévue pour être la première chanson de l’album mais lorsqu’elle était prête, elle semblait être le début parfait, parce que généralement, The Haunted démarre avec beaucoup d’action et d’agression, et là c’est différent. Donc elle peut susciter un genre de curiosité par rapport à ce que sera l’album. Peut-être que c’est un peu moins prévisible, voilà pourquoi nous l’avons mise au début.

Ola a déclaré : « Pas de chant clair, pas de banjo, pas de pick-up… » Est-ce important de rassurer les fans que vous n’êtes pas partis dans d’autres directions inhabituelles comme vous l’avez fait sur Unseen ?

Peut-être pour Ola mais pas pour moi. En fait, j’adore toujours Unseen. Peut-être qu’Ola ne l’aime pas parce qu’il n’a pas fait partie de cet album, et pas de soucis. La musique est subjective, donc tout le monde a le droit d’avoir son avis, évidemment. Je ne pense pas que j’aurais choisi ces mots mais… Je veux dire que c’est vrai, il n’y a pas de banjo sur l’album et ainsi de suite. Ça reste fidèle à l’essence du concept de The Haunted, je suppose. En fait, j’espérais que Marco fasse un peu de chant clair sur cet album, mais il ne l’a pas fait [petits rires]. C’est assez dur de convaincre Marco lorsqu’il ne veut pas faire quelque chose. Donc peut-être pour le prochain album !

Tout comme Made Me Do It et One Kill Wonder, Strengh In Numbers est assez court : seulement 38 minutes. Etait-ce fait exprès d’avoir un album très court et direct, comme les classiques de Slayer, par exemple ?

Non. En fait, je pense que c’est une mauvaise chose que les gens puissent mettre un CD et voir la longueur que fait un album, car je ne crois pas qu’un album devrait être déterminé par sa longueur. Si tu as écouté un album et tu penses « c’est déjà fini ? », alors l’album est trop court, mais si tu écoutes un album et qu’il donne le sentiment d’être complet, alors ça n’a pas d’importance ce que disent les minutes. Par exemple, si Ride The Lightning avait toutes les chansons de Master Of Puppets à la suite, sur le même album, est-ce que ça en ferait un album deux fois meilleur ? Tu vois ce que je veux dire ? Donc 38 minutes, lorsque nous l’avons écouté, nous trouvions que c’est ce qu’il fallait, que ça suffisait, parce qu’en toute honnêteté, il se passe beaucoup de choses dans certains de nos riffs, donc plus de longueur aurait été trop. Donc ce n’est pas une question d’essayer de copier d’autres groupes ou dire « il nous faut un album court, » c’est juste qu’avec ça il paraît fini. Il y a beaucoup à assimiler !

« Tu peux avoir de la force dans le nombre pour une cause que normalement les gens ne suivraient pas. […] C’est une époque vraiment désespérée de notre histoire que nous vivons, parce qu’on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre et à qui faire confiance. »

Exit Wounds, en tant que titre, était une sorte de déclaration à propos du groupe et des difficultés que vous veniez de vivre. Du coup, maintenant, quelle serait la déclaration de Strengh In Numbers ?

Strengh In Numbers est une réflexion sur les temps que nous vivons en ce moment. Si tu veux créer le changement, alors tu peux y parvenir plus facilement si vous êtes plusieurs personnes. Que ce changement soit pour le meilleur ou pour le pire n’a pas d’importance, si vous êtes plusieurs, vous avez plus de chances de réussir. Nous l’avons vu récemment dans différentes élections, par exemple, le vote sur le Brexit, personne ne pensait qu’ils allaient quitter l’Union Européenne et tout d’un coup, ils l’ont fait ! Est-ce que c’était basé sur la meilleure information possible ou est-ce que d’autres choses ont influencé les gens comme… Je n’aime pas utiliser le terme fake news mais il y a tant d’intentions cachées derrière la création d’une opinion publique. Donc tu peux avoir de la force dans le nombre pour une cause que normalement les gens ne suivraient pas. Il y a vingt ans, ils n’auraient jamais voté comme ça. Donc je pense que c’est une époque vraiment désespérée de notre histoire que nous vivons, parce qu’on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre et à qui faire confiance, si cette chose en quoi on croit est vraiment vraie… Ce titre, Strengh In Numbers, et l’idée qu’il y a derrière, peut-être que dans dix ans ce sera totalement obsolète. Peut-être que dans un an on aura résolu tout ça et tu auras une information et voteras et agiras en conséquence, mais aujourd’hui tu reçois de fausses informations et puis tu reçois des informations de la part de robots sur Twitter de façon à ce que ça te fasse croire que plein de gens pensent ainsi et que tu en déduises que ça doit être vrai… Tu vois ce que je veux dire ? C’est un problème très sérieux. Mais la force dans le nombre peut aussi être ce qui va réparer ça. Je veux dire que tout le monde mérite d’avoir la bonne information, quelle qu’elle soit. Je ne suis pas en train de dire qu’une quelconque idée est bonne ou mauvaise, du moment que tu as la bonne information. Donc l’artwork de l’album… Est-ce que tu connais le film L’Armée Des Douze Singes ? Ça parle d’un mouvement underground qui milite en défaveur d’une sorte d’état tyrannique. Donc sur l’illustration de l’album, les couleurs sont un peu délavées, c’est un genre de poster photocopié que quelqu’un à affiché sur un mur, genre une résistance, presque, c’est déchiré sur le côté, il y a un coin écorné, etc. C’était ça l’idée derrière le titre et l’imagerie, c’est dans l’intérêt de tout le monde d’être au courant de cette situation.

Est-ce que ce thème est un fil conducteur dans l’album ? Ou au moins une inspiration ?

Pour moi c’était une inspiration. Je consomme beaucoup d’informations. J’aime vraiment rester au courant des choses qui se passent. Ces choses nous affectent, même si tu te fiches totalement des informations, ça affecte tout le monde. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être dites sur l’état du monde en ce moment, surtout avec la Corée du Nord et tout. Tout est incertain, je trouve. C’est pour ça que c’est encore plus important que les gens obtiennent la bonne information. Marco a écrit la majorité des paroles, et je pense qu’il avait aussi cet aspect en tête lorsqu’il a écrit certaines des paroles. D’un autre côté, certaines des autres paroles sont ses sentiments et points de vue personnels, donc ce n’est pas du tout un album thématique. Mais dans une certaine mesure, je pense, la signification du titre est présente dans l’album.

On voit actuellement beaucoup de groupes dire ce qu’ils pensent sur ces sujets…

Je pense vraiment que c’est important de dire ce qu’on pense. C’est quelque chose qui inspire les artistes et les a toujours inspirés. Peu importe si tu es un peintre, un poète ou un musicien, les choses dans ta vie quotidienne t’affectent. Plein de gens qui composent de la musique agressive disent qu’ils sont en colère. Ils voient des choses se produire autour d’eux et ils peuvent canaliser cette agression à travers la musique.

Paradise Lost a dû se séparer d’Adrian Erlandsson à cause de son implication dans plein de projets : il a At The Gates, The Haunted et maintenant Lurking Fear. Est-ce que ça ne va pas finir pas poser problème à The Haunted également ?

Pas pour le moment. En fait, Jonas est aussi dans At The Gates, donc si un membre de plus est dedans, ça ne nous affectera pas. J’ai aussi Witchery et Ola a Feared. Rien que parce que nous ne sommes pas financièrement dépendants du groupe, ça créé moins de stress si nous devons attendre deux semaines pour faire un concert ou une tournée quelque part parce qu’un autre groupe fait autre chose. Donc c’est une situation plus flexible lorsqu’on ne dépend pas dessus financièrement.

Anders Björler avait quitté The Haunted pour rejoindre At The Gates mais il a désormais aussi quitté At The Gates. Est-ce qu’il t’a contacté pour revenir dans The Haunted ?

Non. Il a quitté At The Gates en 96 parce qu’il en avait marre du metal, et ensuite il a retrouvé de l’inspiration avec The Haunted, il est revenu au metal et puis il a quitté une première fois The Haunted en 2001, parce qu’il en avait à nouveau marre du metal, et il est revenu… Maintenant je pense qu’il en a vraiment fini avec le metal. Je veux dire qu’il a eu une très longue carrière à jouer du metal, et en le jouant très bien aussi, mais il a un haut niveau d’exigence et s’il a le sentiment de ne plus rien avoir à apporter à cette scène, alors je peux comprendre qu’il choisisse de ne plus jouer de metal. Donc non. Ola est notre guitariste et même si Anders voulait revenir, je ne pense pas que j’accepterais parce que ce ne serait pas juste envers Ola.

Donc j’imagine que ça ne t’as pas surpris qu’il quitte à nouveau At The Gates…

Non. En fait, j’étais surpris qu’ils relancent At The Gates ! Parce qu’il disait déjà qu’il en avait marre du metal. Mais je pense qu’il voulait… Ce qu’il m’a dit était qu’At The Gates s’était séparé avant que Slaughter Of The Soul ait vraiment beaucoup de succès, donc ils n’ont jamais pu profiter de ce succès. C’est donc pour ça qu’ils voulaient se réunir et permettre à tout le monde, tous les fans, de voir le groupe et ainsi de suite. Je peux totalement le comprendre.

Interview réalisée par téléphone le 6 juillet 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : .

Site officiel de The Haunted : the-haunted.com.

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