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Chronique Focus   

The Hu – Rumble Of Thunder


Si l’on parle beaucoup ces derniers temps des tensions autour de Taïwan, ce n’est pas le seul territoire dont la souveraineté est mise à mal par l’Empire du Milieu, où le simple fait de prononcer le nom de Genghis Khan peut être perçu comme un affront. La Mongolie, malgré son exode rural massif et ses paysages meurtris par l’activité minière internationale, trouve encore en ses steppes de fervents défenseurs de sa culture et de son histoire. Une défense qui prend avec The Hu une tournure pour le moins inattendue et captivante, avec un metal folk qui a conquis le cœur d’un public toujours plus grand et hétéroclite, qui plus est à une vitesse fulgurante. L’un des enjeux de ce second album est ainsi de convaincre les éventuels derniers sceptiques que, au-delà du buzz, The Hu est avant tout un véritable groupe, avec un projet, des idées, et les ambitions qui vont avec.

Le communiqué officiel a beau évoquer un groupe de « rock », détrompez-vous : on trouve dans les émanations de The Hu bien davantage que ce que ce terme à la fois large et réducteur pourrait laisser penser. Cette formation lie adroitement des inspirations tribales et nomades avec une culture metal plus large. À l’heure où ces lignes sont écrites, The Hu tourne avec les géants de Megadeth. On pourrait voir là une consécration ultime, mais ce serait oublier leurs propres tournées – dans des salles toujours plus grandes – ou encore la décoration de haut rang décernée par le président mongol, ainsi que l’admiration exprimée à leur égard par un certain… Elton John.

Si la majorité des titres de pistes sont en anglais, ne vous attendez pas pour autant à comprendre un traître mot des paroles : fidèle à sa langue, The Hu n’utilisera, tout du long, que cette dernière. Pour ajouter au dépaysement, une armada d’instruments traditionnels est de la partie : le morin khuur (ou « vièle à tête de cheval »), des guitares mongoles, ou encore la guimbarde, qui peut faire sourire mais reste redoutable quand il s’agit de nous transporter en un claquement de doigts. Ces guerriers importent de surcroît leurs techniques vocales, et le concept de « chant guttural » prend, en leur présence, une autre dimension : ce que l’on perçoit d’ordinaire comme « extrême » fait en Mongolie office de tradition séculaire, reconnue dans le monde entier, et prend de multiples formes, et ce avec un naturel renversant. Lorsque les capacités polyphoniques de ces approches sont poussées suffisamment loin, on jurerait entendre en arrière-plan des instruments divers (ondes Martenot et autres étrangetés) qui ne sont tout bonnement pas présents. La première écoute de Rumble Of Thunder est un gisement de surprises. La musique de The Hu recèle mine de rien des aspects expérimentaux, même en prenant comme référentiel cette niche qu’ils se sont taillée à la force des bras. « YUT Hövende » nous renvoie ainsi les échos désordonnés de batailles passées, après quoi « Triangle » nous invite à une escapade plus joviale à dos de cheval, qui rappelle instantanément la musique country – un morceau quelque peu sucré qui fera néanmoins montre d’un peu de mordant au fil de sa progression. Ce ne sera pas le seul morceau à vocation divertissante de l’album, loin de là (« Teach Me », « Bii Biyelgee »).

L’album revendique, entre autres thématiques, un penchant écologique. Ce dernier n’est pas forcément à appréhender de la même manière qu’on le ferait avec les œuvres d’autres formations : l’écologie n’est pour ces Mongols pas une option, mais une part de leur ADN (« This Is Mongol »). Certains titres lui sont dédiés sans détour, notamment l’apaisant « Mother Nature » qui baisse le tempo et nous présente d’énièmes facettes vocales. C’est là l’une des chansons les plus radiophoniques de l’album, ce qui ne la prive pas d’un énorme cachet là où on aurait pu s’attendre à de la naïveté. Un solo tempétueux y précède une fin en apothéose, où les voix se lient autour d’un grand feu de joie. Rumble Of Thunder ne mise jamais sur l’agression pure, et se place dans une forme de revendication saine, une invitation à la constatation. Après le groove du classieux « Sell The World » vient ainsi « Black Thunder », et sa probable allusion au titre de l’album, qui trône en son cœur et incarne cet esprit avec brio. Les éléments s’y réunissent et les chaînes se brisent ; l’auditeur goûte à une nouvelle forme de liberté. Une rythmique souvent simple mais marquée au fer rouge évoque de longues marches régulières à travers des paysages grandioses, et il suffit alors de fermer les yeux pour se voir arpenter des steppes s’étendant à l’infini (« Shihi Hutu »). Histoire de ne pas laisser les plus belliqueux en reste, l’album se ferme sur « TATAR Warrior », qui puise discrètement dans la source du death metal.

On trouve en Rumble Of Thunder une forme de défiance, mais surtout une fierté sans fard. Le peuple mongol, à travers The Hu, nous prouve plus que jamais son existence. En découle une œuvre éminemment positive dans son esprit et sa tonalité. S’il était une leçon à retenir après l’exploration de Rumble Of Thunder, c’est que si la vision de la musique, son écriture et ses normes prennent d’innombrables formes autour du globe, elles ne sont pas pour autant irréconciliables ni impossibles à exporter avec succès. Ce peut être un formidable vecteur pour se garder d’oublier ce qui ne mérite pas de l’être.

Clip vidéo de la chanson « Black Thunder Part. II » :

Clip vidéo de la chanson « Black Thunder Part. I » :

Clip vidéo de la chanson « This Is Mongol » réalisé par John Connor Hammond :

Album Rumble Of Thunder, sortie le 2 septembre 2022 via Better Noise Music. Disponible à l’achat ici



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