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Interview   

The Last Embrace : décomplexé et ambitieux


The Last Embrace suit son bonhomme de chemin sans pression financière ni angoisse du futur. D’après les dires d’Olivier Dubuc, guitariste, compositeur et principal moteur artistique du groupe, l’équipe a fait le choix de ne pas essayer de vivre de sa musique afin de composer librement. Ainsi, depuis quinze ans, The Last Embrace sort sereinement ses albums tous les trois à quatre ans, sans se frustrer artistiquement (pour preuve, des titres parfois très alambiqués approchant les vingt minutes ou un album entièrement acoustique) et sans se presser, prenant le temps qu’il faut pour les peaufiner.

A l’occasion de la sortie du quatrième album The Winding Path, nous nous sommes entretenus avec Olivier afin d’aborder un parcours, vous l’aurez compris, décomplexé et néanmoins ambitieux.

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« Si tu dois vivre de ça, ça veut dire que tu dois vendre ta musique, plus comme un marchand de tapis pour vivre, plus comme un commerce, et je pense qu’en ce qui concerne la créativité, cela doit changer même inconsciemment ta manière de gérer tes idées »

En préparant cette interview, j’ai remarqué que sur votre site la biographie est assez courte et que dans les interviews vous n’aimez pas forcément faire votre petite présentation. Sur votre site vous préférez présenter des petits moments isolés qui vous ont marqués donc est-ce que tu penses que votre vie de musicien ne peut pas être simplement résumée à une série de dates et de concerts mais plutôt par des moments un peu plus simples et fuyants ?

Olivier Dubuc (guitare) : Oui je suis entièrement d’accord, c’est vrai que la biographie est un peu le passage obligé mais ce qui est fait est fait mais nous sommes plus dans le présent et dans l’avenir sans pour autant oublier ce qui s’est passé avant, les bons moments etc. Mais c’est vrai que c’est toujours un peu fastidieux même si cette question est présente chez tous les groupes avec les mecs qui sont partis etc. J’ai l’impression que cela n’intéresse pas grand monde et de notre côté on se fixe plus sur la musique et l’essentiel en fait.

En fait on a l’impression que pour vous l’histoire du groupe ne se résume pas juste à « On a joué à ce moment là, on a sorti tel disque » mais plutôt à des moments de répétitions et à des choses qui intéressent peu de gens mais qui vous ont marqués en quelque sorte.

Oui carrément. On est un groupe d’amis donc il y a le concret et puis il y a ce qui se passe dans notre quotidien en groupe, ces moments internes. Et comme c’est nous qui rédigeons les textes que tu évoques, il peut en effet y avoir de ça.

Vous avez quinze ans d’existence et il y a trois à quatre ans entre chaque disque. Est-ce que vous auriez envie de sortir des disques un peu plus souvent si vous en aviez la possibilité ?

Dans l’idéal, effectivement, nous souhaiterions sortir des disques plus rapprochés, pas forcément pour la promo mais pour nous aussi. Maintenant, ça se fait de cette manière parce qu’on a tous des boulots. Et puis le fait est que la musique progressive prend quand même pas mal de temps à mettre en place et il y a beaucoup de boulot. De plus les changements de line-up ne nous ont pas aidés non plus. Mais tu sais, cela ne nous frustre pas tant que ça parce qu’il se passe quand même plein de choses entre les disques, que ce soit des concerts ou même des rencontres avec les nouveaux musiciens. C’est par exemple le cas avec notre batteur actuel, Chris, qui est là depuis deux ans et demi maintenant à l’instar d’Anthony (basse) qui est dans le groupe depuis 2009. Il se passe quand même plein de trucs donc ça nous frustre sans nous frustrer car on ne peut pas faire autrement et on préfère prendre du temps pour avoir un produit qui nous satisfait complètement.

Dans une interview tu as déclaré que vivre de ce groupe et de la musique n’a jamais vraiment été une option que tu as envisagée. Est-ce quelque chose qui te permet de te sentir plus libre en tant que compositeur ? Quelque chose qui permet de te dire « C’est pas ce qui va payer mon loyer, je peux donc faire ce que je veux » ?

Oui mais l’idéal serait peut-être de pouvoir en vivre car ça nous permettrait d’avoir plus de temps pour le faire et d’être plus actifs. Mais en même temps, je pense qu’à partir du moment où tu en vis, tu perds un peu une forme d’urgence ou de passion de le faire quoi. Parce qu’après ça devient ton job donc il y a d’autre facteurs qui rentrent en ligne de compte de type « Est-ce que ça va marcher ? Suffisamment pour vendre des albums ? Est-ce qu’il ne faut pas être dans le côté « noble » du truc ? ». Je pense que tu composes différemment quand tu penses ça comme un job, à mon avis. Maintenant oui, on fait ça avec nos tripes et je pense qu’effectivement on n’est pas parasité par l’argent ou par la nécessité d’en vivre. C’est peut-être pour ça qu’on fait ce genre de musique en fait, on se pose pas trop de questions, et si un morceau doit durer dix-huit minutes, il dure dix-huit minutes.

Penses-tu que l’argent peut parasiter le processus en fait ?

Je ne sais pas, je n’ai jamais eu l’occasion de vivre de ma musique mais à mon avis oui, dans le sens où ça te met une pression en plus en fait. Si tu dois vivre de ça, ça veut dire que tu dois vendre ta musique, plus comme un marchand de tapis pour vivre, plus comme un commerce, et je pense qu’en ce qui concerne la créativité, cela doit changer même inconsciemment ta manière de gérer tes idées en fait.

Au sein du groupe, c’est toi la tête pensante mais tu ne composes pas non plus tout à 100%. Du coup comment cela se passe en termes de leadership ? Car c’est ton bébé mais en même temps tu ne composes pas forcément tout donc comment trouvez-vous l’équilibre ?

L’équilibre est simple : celui qui a les idées pour mettre les choses est tout à fait libre de le faire. Moi c’est mon truc parce que je suis là depuis le début et je mène un peu ma barque tu vois. Cependant je ne le fais pas de manière dictatoriale et je prends les idées de tout le monde. Si des idées sont bonnes, tout le monde les accepte au même titre que si je propose un riff de merde et que les gens me disent « Bah c’est un riff de merde » on ne va pas le garder. Donc ouais je pense que c’est important que tout le monde puisse s’exprimer musicalement, je n’ai aucun problème avec ça et c’est avec plaisir même. Si un jour un gars doit composer plus que moi parce qu’il a plus d’idées que moi à ce moment-là, ce sera comme ça et je n’aurai pas de problèmes. Sur le dernier album, tout le monde a par exemple beaucoup composé. Au clavier, Coco en a fait le plus, il a fini la moitié de la musique, tous les arrangements violons etc. et il le fait super bien. Il a le style, il a l’envie, il a le talent donc c’est cool.

J’ai vu dans les chroniques et les interviews une comparaison régulière avec The Gathering du fait de la voix de Sandy Carles qui a clairement une voix qui lui ressemble mais votre style de musique est quand même très différent de ce groupe donc est-ce que c’est une comparaison qui vous agace un petit peu ?

Moi personnellement, ça ne m’agace pas particulièrement parce que j’aime bien The Gathering et puis je trouve que c’est un groupe qui a, en son temps, apporté beaucoup au metal ou au rock en général. Après elle peut m’agacer dans le sens où, comme tu le dis, quand tu compares les deux ce n’est pas tout à fait le même truc même si le style de chant peut y faire penser. Donc c’est bien pour avoir un point de repère vocal mais musicalement, on est un peu loin de ça. Si c’était en complément d’autres références qui sont plus proches, je préférerais. Maintenant, si les gens trouvent que cela ressemble à The Gathering, qu’ils le disent, je m’en fiche un peu honnêtement.

« Je prends les idées de tout le monde. Si des idées sont bonnes, tout le monde les accepte au même titre que si je propose un riff de merde et que les gens me disent « Bah c’est un riff de merde » on ne va pas le garder. »

Quelles seraient vos références du coup à ce niveau là ?

Par rapport à cet album, ou même d’une manière générale, je suis un gros fan de Pink Floyd, par exemple pour mon style de guitare et même dans les idées. Par ailleurs j’aime bien le metal extrême, ça ne s’entend pas directement mais il y a certaines ambiances où je pense qu’on peut le percevoir. Après je sais que Coco et Chris sont de gros fans de rock des 70’s (Genesis, Yes), on aime bien aussi Porcupine Tree, des trucs un peu prog modernes. Ca peut s’entendre mais on essaye de trouver notre style en tout cas. La référence pour cet album c’est en tout cas le rock des années 70 et plein d’autres choses qui sont un peu diffuses dans tous les morceaux.

Dans votre biographie, vous indiquez que votre inspiration vous vient de partout parce que vous êtes des passionnés d’art au sens large et pas seulement de musique. Du coup quelles sont vos influences non musicales, qu’est-ce qui vous inspire dans la musique mais qui ne vient pas de la musique en fait ?

Il y a un côté visuel, on pourrait dire que la manière dont notre musique est arrangée, par moments, peut faire penser à de la musique de film, humblement et sans se comparer aux grands compositeurs comme Ennio Morricone. Mais en termes d’influences extra-musicales, je ne suis pas le mieux placé pour te répondre parce que je fais beaucoup de musique et c’est vraiment la musique qui me passionne avant tout. Néanmoins je sais que Coco lit beaucoup et est assez sensible à l’art, à la peinture etc. Mais globalement, on aime tous l’art dans le groupe. Moi ce serait peut-être le côté visuel de l’art qui m’inspirerait pour certaines mélodies.

Juste avant cet album, vous avez fait un disque qui s’appelait Essentia qui était un album de reprises acoustiques, ce qui est une démarche un peu curieuse…

Il s’agissait en fait de réenregistrements de morceaux de notre répertoire mais en versions plus épurées et acoustiques. Ca peut paraître un petit peu prétentieux pour un groupe de notre stature puisqu’on est pas un groupe énorme et les gens pourraient penser « Les mecs ils se mettent à faire de l’acoustique alors qu’ils n’ont même pas fait le Stade de France ! ». Après, c’est plus une démarche personnelle, c’était une envie qu’on avait et ça s’est calé au moment où on n’avait plus de batteur donc on s’est dit, voilà on aime bien faire des concerts en acoustique à deux ou trois et on s’est dit que c’était le moment de faire ça, de réenregistrer des morceaux, de rajouter un petit quatuor à cordes et essayer de proposer quelque chose de différent pour justifier tous ces concerts acoustiques qu’on a d’ailleurs faits juste après. Moi j’aime beaucoup la folk des 70’s et la folk récente et je trouve que le format acoustique colle bien à nos morceaux puisque notre chanteuse a une voix très douce. On s’est donc vraiment fait plaisir à le faire. Il n’y a vraiment pas eu de calcul par rapport à ça mais on est content de l’avoir réalisé puisque la démarche fait un peu le trait d’union entre notre précédentes sorties électriques. Voilà, ça tombait bien.

Vos albums électriques sont-ils d’ailleurs d’abord composés en acoustique ?

En effet il peut y avoir des idées qui viennent d’une guitare acoustique, on va dire une structure de morceau, le premier titre « On My Own », j’ai dû la composer à l’acoustique parce que c’est une basse très acoustique et il y a beaucoup d’accords ouverts. Après ouais, il y a « The Fear Of Loss » qui est un morceau qui est totalement acoustique. Et effectivement les morceaux de Coco sont composés au piano donc ça part toujours d’un son assez pur, on va dire. On a la base du morceau et après on électrifie si besoin.

Du coup, en comparaison, le nouvel album dégage beaucoup de grandiloquence avec, comme tu le disais, un petit côté musique de film et même quelques orchestrations. Comment est-ce que l’on passe du minimalisme acoustique à un tel album avec autant d’orchestrations ?

Eh bien, on l’avait déjà partiellement fait avec Essentia parce qu’il y a du quatuor aussi. Après là, effectivement, on part dans un délire plus progressif, plus puissant, plus électrique, il fallait qu’au niveau de l’orchestration ce soit un peu plus puissant on va dire : moins minimaliste, moins soft. Du coup quand on y passe, on est passé assez naturellement en fonction du matériel qu’on avait et de toute façon tout ce qui concerne les arrangements à cordes vient un peu à la fin. Car en fait c’est le clavier qui s’est chargé de tout ceci et c’était en fonction de ce que lui sentait sur les morceaux et en en discutant aussi entre nous pour savoir quel passage mériterait plus de cordes, moins de cordes ou pas de corde du tout. Ainsi un morceau comme « The Field Of Minds » de dix-huit minutes devait sonner lyrique tout en envoyant aussi au niveau des violons. Donc on l’a fait naturellement : il n’y a pas besoin de calcul et c’est en fonction du besoin et de nos idées. De nos envies sur le moment.

Est-ce que tu penses que vous êtes destinés à aller plus loin dans la démarche des gros arrangements et à faire de plus en plus appel à des musiciens additionnels pour enregistrer des parties ?

Je n’en sais rien parce que cela dépend un peu du matériel qu’on a sur le moment. Pour l’avenir, on n’a pas encore trop parlé parce qu’on est en pleine promo de cet album. On va faire pas mal de concerts donc on a des bribes d’idées mais on n’a rien travaillé. Au niveau de l’écriture ça modifie pas mal de choses et c’est un gros boulot. Cela veut dire qu’il faut qu’on utilise des samples pour la scène si on veut vraiment rendre ce qu’il y a sur l’album et ça complique un peu les choses. Et on n’aura jamais les moyens tout de suite de prendre un quatuor avec nous, un orchestre pour faire des concerts. Il faut la scène qui va bien, il faut les moyens pour faire des répétitions avant parce que ce sont des musiciens professionnels et ça complique les choses. Là on s’est fait plaisir, on avait envie de le faire, on l’a fait et c’est cool mais après je ne peux pas me prononcer sur le futur. Moi j’aime bien ça et le clavier aussi donc on verra quelle tournure on prend pour l’avenir.

Interview réalisée par téléphone par Philippe Sliwa.
Retranscription : Jonathan Beal.

Site officiel de The Last Embrace : www.thelastembrace.fr.



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  • Vous devriez rédiger plus vos interviews, virer les « quoi », « en fait », « tu vois », qui passent à l’oral mais à l’écrit alourdissent le tout.

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