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Interview   

The Night Flight Orchestra : deuxième dose


La musique de The Night Flight Orchestra a beau être légère et directement inspirée de la frivolité des années 80, elle n’a probablement jamais été aussi importante qu’en 2020 et 2021. A une période où on a dû se confiner et garder ses distances, et où l’idée du voyage est devenue physiquement inaccessible, l’escapisme et le sens de la fête qu’offre l’octet suédois ont pris une tout autre dimension, devenant presque un remède à la morosité de la situation. Le groupe a lui-même dû mettre un terme à la tournée dans laquelle il venait tout juste d’embarquer pour promouvoir son album Aeromantic quand les frontières ont fermé les unes après les autres en mars 2020 (leur dernier concert a d’ailleurs eu lieu le 12 mars à Lyon, soit le jour de l’allocution de notre président annonçant le confinement).

Alors que faire quand on est un groupe, que tout s’arrête du jour au lendemain et que tous nos plans tombent à l’eau ? On fait ce qu’on sait faire de mieux : créer pour offrir aux gens une évasion. Nous avions échangé il y a quelques mois avec le guitariste David Andersson pour évoquer l’EP de Soilwork, A Whisp In The Atlantic. Le voilà de retour, lui et Björn « Speed » Strid, avec l’album Aeromantic II, la suite d’Aeromantic de leur autre projet The Night Flight Orchestra. C’est le chanteur qui cette fois a répondu à nos questions pour parler de l’album, de la pandémie et évidemment d’évasion, mais aussi de pop et de sujets plus légers.

« Avec un peu de chance, les chansons d’Aeromantic ont au moins permis à certaines personnes de s’évader dans leur tête durant cette période difficile. […] Cette musique est parfaite pour une pandémie [rires]. »

Radio Metal : Vous étiez en pleine tournée à la fin février quand le Covid-19 s’est répandu dans le monde, se transformant en pandémie. Vous avez fait onze concerts avant que les frontières ne ferment. Comment était-ce au sein du groupe à ce moment-là ?

Björn « Speed » Strid (chant) : C’était une période très bizarre. Même avant la tournée, les gens n’étaient pas très sûrs de ce qui était en train de de se passer, pas même les gouvernements. Ils savaient que c’était une menace sérieuse, c’était un virus, mais personne ne savait vraiment comment il fonctionnait ou opérait, et parfois on dirait qu’on ne sait toujours pas aujourd’hui. Nous avons décidé de quand même partir en tournée. Comme tu l’as dit, je crois que nous avions fait une semaine ou dix jours. La situation évoluait très vite. Nous avons joué à Barcelone et à Madrid, et je crois qu’ils ont tout fermé dès que nous avons quitté le pays. C’est là que nous avons vraiment commencé à penser : « D’accord, c’est vraiment du sérieux. » Notre dernier concert était à Lyon sur cette tournée. C’est là que nous avons réalisé que, même si nous voulions continuer, nous nous sentions irresponsables de rassembler des gens à ce moment-là, car la situation était très sérieuse. Il est clair que c’était une grosse douche froide pour tout le monde. Plein de gens avaient acheté des places et voulaient venir nous voir. Ils s’étaient procuré l’album, ils voulaient entendre les nouvelles chansons en live et tout. Nous avions créé un grand élan avec cet album, nous l’adorons, nous en sommes très fiers et nous avions hâte de le partager avec le public, et ça a super bien marché lors des concerts que nous avons pu faire, les gens chantaient de nombreuses paroles et mélodies. C’était une grande déception. Je suis sûr que plein de groupes peuvent se reconnaître. Ce n’est pas comme si nous étions les seuls à annuler notre tournée. Plein de groupes ont aussi sorti un album à cette période. Ensuite, tu te retrouves là sans rien, à vivre dans l’incertitude. Ce n’est jamais marrant. Nous sommes rentrés chez nous et tout le monde a attrapé le coronavirus dans le groupe. Dès que nous avons été tous en forme, nous avons regardé si nous avions des anticorps et c’était le cas. C’est là que nous avons réservé du temps en studio pour compenser la tournée. A la place, l’an dernier est devenu extrêmement créatif et ça a donné Aeromantic II.

Ça ne faisait pas peur quand tout le monde est rentré de tournée malade du Covid-19, puisqu’on ne savait pas grand-chose de ce virus à ce moment-là ?

Personnellement, je l’ai eu, mais je n’en avais pas conscience, parce que je n’étais pas malade. Je n’ai rien senti. Deux mois plus tard, j’ai vérifié parce que tous les autres emblaient l’avoir attrapé, et j’avais des anticorps, ce qui voulait dire que je l’avais eu aussi. David a été très malade, mais il n’a pas été en soins intensifs ou à l’hôpital. Personne n’est allé à l’hôpital, mais les gens ont été bien malades, c’était comme une grippe, ils devaient rester chez eux et ne pouvaient rien faire pendant plusieurs semaines. Certaines ont perdu le goût et toutes ces choses qui sont très courantes.

Vous ne vous êtes clairement pas reposés sur vos lauriers. Vous avez trouvé le moyen de faire tout un nouvel album, mais aussi un EP avec Soilwork. J’imagine que vous n’aviez pas grand-chose d’autre à faire…

C’est vrai. Que peut-on faire ? Tu as planifié ta vie sur un an et demi ou deux ans, tu t’attendais à être longtemps sur la route, et quand finalement ça ne se fait pas, un grand vide se crée. A la fois, pas que je sois content qu’il y ait une pandémie, mais c’était bien pour moi de faire une pause, je ne peux pas le nier. L’été 2020 allait être très chargé avec les festivals et ça a été repoussé à cet été. Surtout en 2020, je pense que j’avais besoin d’un break, c’était bien mérité. Je n’ai pas arrêté comme ça depuis… Jamais ! Depuis que nous avons commencé à intensivement tourner avec Soilwork, et ensuite The Night Flight Orchestra est arrivé. C’était la première fois que j’ai vraiment arrêté et pu prendre du recul sur tout ça. Je pense que plein de gens peuvent comprendre. Il n’est pas nécessaire d’être musicien pour commencer à apprécier les choses et voir la vie avec plus de recul au moment où ce truc est arrivé. Donc peut-être que ça apportera du bon. Je ne sais pas. Peut-être que je suis naïf, mais j’espère.

« J’ai été inspiré parce que j’avais l’impression qu’aujourd’hui plus que jamais notre musique est très importante et que nous devons répondre à un besoin d’évasion chez les gens. »

La musique de The Night Flight Orchestra est très exaltante et joyeuse. Ça n’a pas été bizarre de faire ce genre de musique à une période aussi morose ?

Nous avons juste essayé de rester dans notre bulle. Le genre de musique que nous créons est plein d’évasion. Je pense que nous avons maintenant trouvé la recette pour que cette bulle n’explose pas. Après le fait de tourner, être en studio est la meilleure manière de s’évader de la réalité, car on a aussi l’impression d’être dans une bulle quand on est en studio, on ne sait pas quel jour on est ou quelle heure il est tellement on est concentré sur la musique. Mais évidemment, c’était dur par moments. Surtout en rentrant chez soi après le studio, il ne se passait rien. Je pense que l’incertitude est ce qui nous tue. Ce n’est pas le fait de ne pas tourner, c’est plus : « Quand est-ce que ça va revenir ? » Car on ne peut rien planifier, or je suis du genre à aimer avoir un plan. Bien sûr, je sais aussi être spontané… Je ne suis plus tout jeune, j’ai la quarantaine, donc la routine, les plans et l’organisation sont de plus en plus importants. Dans le temps, je m’en fichais, mais maintenant ça me stresse quand je ne sais pas ce que je vais faire [rires]. Peut-être que j’ai une mentalité incroyablement scandinave ou quelque chose comme ça.

Tout le concept de The Night Flight Orchestra tourne autour de l’idée de bouger et le fantasme du voyage, deux choses qu’on ne pouvait pas faire durant les confinements. Penses-tu que ça a rendu la musique comme vous la faites encore plus importante, afin de voyager avec l’esprit quand on ne peut pas le faire physiquement ?

Absolument. Je pense que c’est clairement quelque chose que nous offrons avec notre musique. C’est un genre d’outil pour l’évasion. C’est la BO de lorsqu’on est en mouvement et tout, mais quand on ne peut pas voyager, on recherche désespérément des moyens de voyager. Je pense que nous pouvons être d’une grande aide à cet égard. Notre musique est très onirique et cinématographique. Nous n’avons pas pu finir la tournée, mais avec un peu de chance, les chansons d’Aeromantic ont au moins permis à certaines personnes de s’évader dans leur tête durant cette période difficile. Ça a été très différent suivant les pays. En Suède, nous n’avons pas vraiment eu de confinement, mais ma petite amie est italienne et tu sais à quoi a ressemblé l’Italie, c’était horrible, il y a eu très tôt un confinement total et plein de gens sont morts. Evidemment, elle a réagi à la manière dont la Suède a géré la pandémie, elle était là : « Pourquoi on n’a pas de confinement ? C’est fou ! » pendant qu’en Italie, c’était tout le contraire. Ça crée beaucoup de tension, évidemment, je le comprends. Sans devenir trop sérieux, je pense que nous avons offert la deuxième chose idéale, après un concert, pour s’amuser. Cette musique est parfaite pour une pandémie [rires]. C’est le meilleur remède, en tout cas en matière de musique, je pense.

Penses-tu que le contexte vous a donné une plus grande responsabilité en tant qu’artistes ?

Oui, j’ai senti une forme de responsabilité de proposer quelque chose du mieux possible, du genre : « Ne vous inquiétez pas ! On a le remède ! On va le trouver ! » J’ai été inspiré parce que j’avais l’impression qu’aujourd’hui plus que jamais notre musique est très importante et que nous devons répondre à un besoin d’évasion chez les gens, sans vouloir paraître trop prétentieux. Je pense que c’est assez facile pour nous, nous ne devons pas nous forcer beaucoup pour faire de la musique onirique. Je pense que nous y sommes parvenus une fois de plus.

D’ailleurs, quelle a été ton évasion personnellement ? Quelle a été ta musique de pandémie ?

J’adore le nouvel EP de John Mayer qui s’appelle Sub Rock. Ça sonne très fin des années 80. J’adore surtout la chanson « Last Train Home ». Je ne sais pas si tu as vu le clip de celle-ci, mais il y a tout dedans, tout ce qui fait du bien et donne envie de s’évader. C’est fantastique.

La musique de The Night Flight Orchestra est très ancrée dans l’insouciance des années 80 et 70. Dirais-tu que ce groupe vous sert à échapper à la dure et déprimante réalité du monde actuel, tandis que Soilwork sert à y faire face ?

Je pense que pour moi, oui. Pour David, c’est probablement différent. Je pense que les deux groupes sont pleins d’évasion pour David, mais pour moi, c’est vraiment comme tu l’as dit. C’est avec Soilwork que j’affronte les côtés sombres et la réalité des choses, mais Soilwork peut aussi être très exaltant. Ce n’est pas du tout un groupe déprimant. C’est juste qu’il aborde des sujets plus sérieux et liés à la réalité. Alors que Night Flight, c’est vraiment de l’évasion, même si certains textes viennent d’expériences personnelles, de la vraie vie. Ce groupe est donc aussi une bonne façon d’évacuer différents sentiments, mas je dirais que son côté évasion est plus prédominant que dans Soilwork, en tout cas pour moi.

« Je ne demande pas grand-chose, je peux m’asseoir sur une chaise dans le jardin et regarder un oiseau pendant une heure en pensant que c’est le truc le plus intéressant et beau qui soit dans le monde. »

Est-ce que ces deux entités t’apportent un équilibre psychologique ?

Oui, je pense. Ça a du sens. Ça me permet de garder les pieds sur terre. S’il y a trop d’escapisme, en tout cas pour moi, ce n’est pas bon. C’est bien d’être terre à terre aussi. Je n’ai pas forcément de problème à affronter la réalité. D’ailleurs, je suis parfois très à l’aise quand les choses sont très réalistes. Je ne demande pas grand-chose, je peux m’asseoir sur une chaise dans le jardin et regarder un oiseau pendant une heure en pensant que c’est le truc le plus intéressant et beau qui soit dans le monde. Dans le temps, quand j’étais plus jeune, je ne pouvais pas faire ça. Je suppose que ça vient aussi avec l’âge. Peut-être que j’ai l’air d’avoir soixante ans, mais pas du tout, j’en ai quarante-deux. Il faut du temps pour se détacher des distractions, car avant, j’étais du genre à avoir tout le temps besoin d’une distraction. Être connecté à la réalité peut également être très beau ; la plus petite chose peut être très intéressante. On apprend à apprécier ça.

Etait-ce prévu depuis le début que la suite d’Aeromantic s’appellerait Aeromantic II, que ce soit un genre de double album ?

Non, absolument pas. C’était parce que nous avions clairement l’impression de ne pas avoir fini avec Aeromantic I. Nous étions dans un élan avec cet album et ensuite ça a été stoppé net. Nous trouvions que ça aurait été du gâchis de laisser tomber ça et de se concentrer sur un nouvel album. Nous voulions créer quelque chose autour du même thème et du même feeling, mais tout en créant de la nouveauté, car c’est ce que nous faisons toujours à chaque album. Nous étions là : « Non, on n’en a pas terminé avec cet album, mais en même temps, nous allons utiliser ce temps pour créer quelque chose de nouveau. Donc travaillons sur Aeromantic II et quand on recommencera à tourner, on pourra emmener avec nous ces deux albums. » Si le coronavirus n’était pas arrivé, il n’y aurait probablement pas eu d’Aeromantic II. Nous serions sans doute encore en train de tourner pour Aeromantic I. C’est comme ça, mais je pense que du bon en est ressorti. Maintenant nous avons deux superbes albums et nous avons hâte de les emmener sur scène quand ça rouvrira.

Aeromantic II est le premier album avec John Lönnmyr en tant que membre officiel – même s’il a contribué à Aeromantic. Comment le fait de l’avoir dans le groupe a impacté la dynamique créative ? Qu’a-t-il apporté à The Night Flight Orchestra ?

C’est toujours une formation très créative. Sebastian [Forslund] – qui est vraiment un membre clé du groupe, il a mixé tous nos albums, il joue de la guitare et des percussions, et c’est un esprit brillant – connaît John depuis de nombreuses années et c’était lui qui nous l’a recommandé. En gros, nous lui avons demandé de rejoindre le groupe pendant que nous étions en studio pour essayer des trucs, et nous avons senti que le gars comprenait tout de suite. En plus de tout ça, c’est un mec super sympa, il a une merveilleuse personnalité, et il est très beau aussi, c’est un bel homme, donc ça aide [rires], et il est super talentueux. Nous sommes contents. Je pense qu’il a apporté du neuf. Il a joué plein de genres de musique différents et il a aussi apporté de nouvelles couleurs à notre son.

Vous avez une chanson intitulée « Chardonnay Nights », évidemment en référence à la tendance qu’a le groupe de faire la fête…

Oui et non. J’ai écrit la chanson. J’ai découvert que le chardonnay rimait avec « saturday », même si c’est une très mauvaise rime [rires], mais quand on le chante ça fonctionne. Les soirées chardonnay sont devenues un symbole pour dire que je pensais trop à demain et que je n’appréciais pas assez l’instant présent. Je suis le genre de gars qui a parfois vraiment besoin de prévoir ce qui va se passer demain. C’est un peu une chanson à thème sur moi-même, mais c’est aussi un peu un hommage à ce groupe, car quand nous nous sentons bien, que nous sommes ensemble et que nous faisons la fête, c’est une grande célébration. Nous nous éclatons vraiment.

Êtes-vous aussi de grands amateurs de vin ?

David est un fin gourmet en général. Il connaît les vins, les mets et tout. Je dirais que c’est le mordu de vins dans le groupe, c’est certain. Sharlee [D’Angelo] est aussi un connaisseur. Personnellement, j’aime beaucoup le chardonnay. Quand nous avons filmé le clip, nous en avons apporté. C’était très sympa d’être dans l’archipel suédois, sur un voilier, en train de boire du chardonnay en admirant le soleil couchant. C’était un moment magique.

« J’ai toujours eu mauvaise conscience, je n’aime pas détruire quoi que ce soit, donc j’imagine que je suis une anti-rock star en ce sens. »

Evidemment, durant les fêtes, on fait parfois des choses stupides qu’on regrette après coup. Quel a été ton moment le plus honteux durant une fête ?

Je ne sais pas si nous faisons encore beaucoup de choses stupides. Je suppose que nous avons appris à nous maîtriser, mais je me souviens d’un truc vraiment drôle que j’ai fait durant ma jeunesse, quand j’étais en vacances au ski en Autriche. En revenant du bar, j’étais assez saoul et il y avait cette cabine téléphonique dans le village – c’était à la fin des années 90 –, je suis rentré dedans et ensuite, je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais j’ai arraché tout le téléphone de la cabine et je l’ai emporté avec moi à l’hôtel. Mon ami était dans le lit, il était en train de dormir et j’ai tapé sur son épaule en le réveillant : « Tu as un appel ! » [Rires] Puis tout d’un coup, j’ai commencé à vraiment culpabiliser, genre : « Oh mon Dieu, j’ai détruit la cabine téléphonique. Pourquoi j’ai fait ça ? » J’ai commencé à vraiment m’en vouloir. J’ai toujours eu mauvaise conscience, je n’aime pas détruire quoi que ce soit, donc j’imagine que je suis une anti-rock star en ce sens. Il se trouve que j’avais du chatterton dans ma valise pour je ne sais quelle raison. Je suis retourné à la cabine téléphonique et j’ai remis le téléphone en place en le faisant tenir avec le ruban adhésif tellement je me sentais coupable [rires]. Enfin, ça n’allait rien réparer, le téléphone était encore cassé, mais je me sentais un petit peu mieux de l’avoir remis, au moins il était là. Mais heureusement, je ne fais plus ce genre de chose.

Le personnage d’Amber, issu d’Amber Galactic, revient sur « Amber Through A Window », mais qui est Amber ?

Je pense qu’elle est un peu la mascotte du groupe. Tout a commencé avec le space opera féministe que David a créé pour Amber Galactic et c’est devenu un personnage féminin dominant dans l’espace. C’est aussi Amber qu’on voit sur la pochette d’Amber Galactic. Donc c’est devenu un genre de mascotte, un personnage féminin fort, et elle nous suit. Plutôt que d’avoir une image d’elle sur la pochette ou de nommer un album, j’ai été inspiré pour écrire une chanson. C’est là que j’ai fait « Amber Through A Window », et le fait qu’elle soit de l’autre côté d’une fenêtre donne l’impression qu’elle est dans un autre monde. C’est un peu comme si on regardait un monde différent à travers la fenêtre et on ne peut pas l’atteindre, car ça fait un moment et on dirait qu’elle est ailleurs maintenant, mais elle reste présente. J’ai donc écrit une chanson autour de ça et je trouve le résultat plutôt cool.

C’est une chanson légèrement progressive, même si elle reste courte et très accrocheuse. Vous démontrez avec ce genre de morceau que la pop et le côté sophistiqué ne sont pas antinomiques. Nous avons justement eu une discussion sur le sujet avec Steven Wilson qui a essayé de retrouver la sophistication pop des années 80 que, selon lui, on a perdue. Es-tu d’accord avec lui ?

Absolument. C’est clairement un vide que nous essayons de combler dans la scène musicale, en montrant que la pop ne doit pas forcément être idiote. Elle n’est pas obligée d’être accrocheuse dans l’instant. Elle peut aussi être accrocheuse et durer dans le temps. La pop sophistiquée n’est pas forcément ennuyeuse. Elle peut être pittoresque, mais elle peut aussi nous emmener en voyage et faire effet après trente minutes d’écoute. Parfois il faut que ce soit une quête. C’est aussi là que nous comblons un vide, c’est-à-dire qu’il faut parfois accorder du temps. On n’est pas obligé d’accorder beaucoup de temps, mais un peu plus que pour un tube instantané écervelé, et je pense que c’est exactement ce que nous proposons. Nous proposons quelque chose qui, pour beaucoup de gens, est tout de suite accrocheur et est un tube instantané, mais pour d’autres gens, il faut lui donner du temps et une fois qu’ils ont accroché, ça dure. Donc je pense que c’est aussi notre mission, faire revenir la pop rock sophistiquée des années 80, sans vouloir paraître trop prétentieux ou intellectuels.

Comment vois-tu la pop d’aujourd’hui ?

J’essaye de me tenir au courant. C’est dur. Mais il y a plein de bonne pop, c’est sûr. Quand une fille comme Billie Eilish devient super populaire, tu te dis qu’il y a encore de l’espoir pour l’humanité [rires]. Je ne dis pas que j’adore tout ce qu’elle fait. Parfois je me dis : « Pourquoi est-ce qu’elle chuchote ?! Je veux qu’elle chante tout haut ! » C’est le problème que j’ai avec elle. A la fois, elle est super cool et j’adore le concept. C’est vraiment innocent et c’est fait avec sincérité. Je trouve que c’est une super personnalité dans la scène musicale actuelle et aussi pour les jeunes filles, et elle est super talentueuse. Il y a clairement encore de bonnes choses qui sortent. Je suis un assez gros fan de Dua Lipa aussi, un peu comme tout le monde. Elle est albanaise et c’est vraiment cool qu’elle vienne de ce milieu et qu’elle ait réussi à devenir une énorme pop star.

« Nous essayons clairement de combler un vide dans la scène musicale, en montrant que la pop ne doit pas forcément être idiote. « 

« White Jeans » était un des premiers singles que vous avez révélés. C’est rare de voir des gens porter des jeans blancs aujourd’hui en comparaison des années 80. Dans le dossier de presse, il est dit qu’ils sont un symbole de liberté. Penses-tu que les gens étaient ou se sentaient plus libres dans les années 80 qu’aujourd’hui, en mettant de côté la pandémie ?

Oui, quand y pense, je suis sûr que c’était le cas, mais peut-être que les gens n’en avaient pas vraiment conscience à l’époque. J’ai vu pas mal de jeans blancs en Suède ces dernières années, surtout chez les filles. Peu de gars portent des jeans blancs, mais j’imagine qu’il faudra attendre de voir comment sera la prochaine tournée. Peut-être que tout le monde portera des jeans blancs lors de nos concerts [rires]. Ce serait marrant ! Quand on y repense, même le fait de perdre ses cheveux n’était pas très grave dans les années 80. Regarde Klaus Meine de Scorpions – ou même tous les membres de Scorpions, comme Rudolph Schenker, ils n’avaient presque plus de cheveux sur la tête à l’époque. Kevin Dubrow de Quiet Riot n’avait presque pas de cheveux, il avait l’air d’avoir cinquante ans en 1982, mais ce n’était pas un problème. On dirait que la tolérance était différente avec le look des gens dans les années 80, mais à la fois, on revient de loin en matière de préjugés et ce genre de choses. Mais pour ce qui est de la mode, c’était un peu plus ouvert d’esprit et bien sûr, il y a aussi eu des désastres vestimentaires, des choses qu’on souhaiterait ne jamais voir revenir. Mais oui, j’imagine que globalement, c’était une décennie plus libre, avec plus d’acceptation du point de vue de la mode.

Quel a été le plus grand désastre vestimentaire pour toi dans les années 80 ?

Le fanny pack est en train de revenir, tout le monde en porte. Tu sais, c’est ce sac que tu attaches autour de ton ventre. Ça s’appelle un fanny pack, c’est un terme classique des années 80. Ce n’est d’ailleurs pas un terme très joli. Ma copine appelle ça le « funny pack », ce qui est plus logique vu comme c’est étrange.

En France on appelle ça un sac banane.

Vous appelez tout une banane ! La coupe de cheveux de Sylvain dans Soilwork, c’est aussi une banane [rires]. D’accord, sac banane, je vais utiliser ça ! C’est bien, j’aime bien.

Dans la description des chansons qui accompagne le dossier de presse, le morceau « How Long » est décrit comme « du Deep Purple des années 90 sous cocaïne ». C’est marrant parce que les années 90 sont souvent une période oubliée chez Deep Purple. Trouves-tu que ces albums soient sous-estimés ?

Je n’ai pas écrit ce commentaire. Je ne sais pas si je serais d’accord, en fait [rires]. Pour moi, ça ne sonne pas comme du Deep Purple des années 90, mais peut-être que celui qui a écrit n’a pas totalement tort. Quand j’y pense, ça sonne comme… Je ne sais pas, c’est extrêmement cinématographique, je trouve. Mais je vois ce qu’il veut dire. Jonas a clairement des influences d’Ian Paice dans son jeu de batterie sur cette chanson. C’est presque comme un Ian Paice au jeu très ferme et appuyé par moments avec ces roulements, ce qui est extraordinaire. Je ne sais pas, c’est dur pour moi de comparer à un groupe, je vois ce qu’il veut dire, mais ça ne sonne pas très années 90 selon moi. C’est là que je ne saisis pas.

Il y a une grande nostalgie des années 80 dans The Night Flight Orchestra, et il est généralement dit que les années 90 ont tué les années 80, mais quel est ton sentiment concernant les années 90 ?

Je commence à être un petit peu nostalgique des années 90. Les gens ne peuvent peut-être pas l’entendre, mais dans la composition de The Night Flight Orchestra, nous avons pas mal de pop indé suédoise des années 90. Je sais que David était pas mal là-dedans, tout comme je l’ai été. Nous avons eu une grande scène pop indé en Suède au début et au milieu des années 90, et c’était souvent très bien composé. Nous avons tous les deux été très inspirés par ça aussi. C’est quelque chose qu’on porte avec soi. A la fois, il y a aussi les mélodiques suédoises classiques, voire le Schlager, de l’Eurovision ou – je ne sais pas comment vous appelez ça en France – l’équivalent suédois, la compétition qui se déroule avant l’Eurovision. Il y a aussi beaucoup de ça, ce genre de composition à la suédoise, et ça aussi remonte aux années 90 avec la pop indé suédoise qui avait de très bonnes chansons. Mais je commence aussi à être assez nostalgique de la scène Brit pop. Je ne savais pas que ça allait arriver, mais on dirait que maintenant… Quand tu écoutes The Verve et ce genre de chose, c’est genre, ouah ! Quand tu écoutes « Lucky Man », cette intro te ramène directement à l’époque, tu t’imagines dans un festival, assis sur l’herbe, avec une bière et la bonne ambiance dans les années 90. C’est extraordinaire.

« [David Andersson ] me voit comme le petit frère qu’il n’a jamais eu et je le vois comme le grand frère que je n’ai jamais eu. C’est une amitié assez intense. »

Dans le clip de « Burn For Me », on voit ce scénario typiquement années 80 où les gens se réunissent dans la rue pour danser. Tu as déclaré que c’était « la chanson parfaite pour célébrer dans la rue le monde post-coronavirus ». Cependant, penses-tu que le monde post-Covid-19 sera aussi joyeux que ça ? Penses-tu qu’on sortira de cette crise en dansant dans les rues, pour ainsi dire ?

Parfois on pense aux scènes lorsque la Seconde Guerre mondiale s’est terminée. On voit ces vieilles images de Stockholm, dans le centre-ville où les gens brandissent des drapeaux à travers les fenêtres. Evidemment, je l’ai vu dans d’autres villes en Europe, mais c’était une époque vraiment magique. J’adorerais que ça arrive. D’un autre côté, ce n’est pas une guerre. C’est peut-être une guerre contre un virus, mais ce n’est pas pareil, même si je suppose que c’est ce qui se rapproche le plus d’une guerre pour notre génération qui n’en a pas connu. C’en est quand même loin, mais des gens meurent et il y a des confinements. Si je pouvais choisir, c’est ce que j’adorerais voir se passer, que les gens sortent la rue une fois que c’est terminé, si jamais ça se termine un jour. Je veux dire qu’on va devoir apprendre à vivre avec, je suppose, donc je ne sais pas s’il y aura une date où on sera là : « C’est fini ! » Ce n’est pas une guerre en ce sens. Mais oui, ce serait super à voir, presque comme une scène tirée de Fame où les gens commencent à danser sur les toits des taxis, etc.

Es-tu optimiste sur le monde post-Covid-19 ?

Je ne sais pas. Avec un peu de chance, il y aura un monde où on saura le contrôler. Ils sont en train de parler d’une troisième dose et d’une quatrième dose, toutes ces choses, mais qui sait ? A un moment donné, ça reviendra plus ou moins à la normale, j’imagine, mais il y aura quand même un monde avant et après le coronavirus. C’est dingue quand on y pense.

David est incroyablement productif en tant que compositeur. Il est à l’origine de l’EP de Soilwork et c’est le compositeur principal de The Night Flight Orchestra. Ce n’est pas difficile parfois de le suivre avec sa créativité ?

Si ! Je lui dis : « Il faut que tu arrêtes ! » [Rires] Il est extrêmement créatif et productif. La plupart des morceaux qu’il compose sont extraordinaires, mais parfois il faut… j’aillais dire qu’il faut mettre le holà, mais à la fois, on n’a pas envie de stopper sa phase créative. Il a composé tellement de bons trucs. Dans Soilwork, nous nous sommes partagé la composition, lui et moi, à cinquante-cinquante, même si l’EP c’était clairement tout lui ; j’ai écrit quelques trucs, mais c’était surtout lui. Avec Night Flight, il compose soixante pour cent, je compose peut-être trente pour cent et Sebastien compose dix pour cent, pour être très précis. Mais oui, il est extrêmement créatif et c’est mon mentor musical, à bien des égards. Il m’a énormément inspiré au fil des années. C’est aussi un peu mon grand frère. Il me voit comme le petit frère qu’il n’a jamais eu et je le vois comme le grand frère que je n’ai jamais eu. C’est une amitié assez intense. Nous créons énormément de choses ensemble et nous communiquons super bien. Nous nous connaissons très bien.

David nous a dit en 2020 que vous aviez réservé un studio pour Janvier avec Soilwork. Du coup, est-ce terminé maintenant ?

Je suis justement au studio en ce moment avec Soilwork. Nous devrions être bons pour l’année prochaine, à coup sûr. Nous avons enregistré pas mal de chansons. C’est presque fini. Ça sonne dingue et super bien. Ce sera la suite logique de Verkligheten voire peut-être un peu plus intense.

Interview réalisée par téléphone le 4 août 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Therés Stephansdotter.

Facebook officiel de The Night Flight Orchesta : www.facebook.com/thenightflightorchestraofficial

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