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Interview   

The Night Flight Orchestra : voyage à travers le classic rock


The Night Flight Orchestra - David & BjornLa mode aujourd’hui dans le rock est clairement au rétro, avec pléthore de groupes proposant leur propre tentative de retour à l’esprit des « seventies » voire des « eighties », avec plus ou moins de succès. Mais The Night Flight Orchestra, lui aussi un groupe au son rétro totalement assumé, a ce on ne sait quoi qui les démarque nettement de la masse et donne l’impression qu’ils évoluent en marge de cette mode. Et l’entretien qui suit donne des éléments de réponse à ce ressenti : tout d’abord l’expérience des musiciens qui leur permet à la fois une maîtrise intuitive de leur musique et d’adopter le panel complet du classic rock, pour une musique qui varie les plaisirs avec un naturel déconcertant. Mais surtout, The Night Flight Orchestra évite élégamment de tomber autant dans le pastiche des années 70 que dans l’ironie envers les années 80. Leur musique se veut authentique, passionnée et pleine de joie de vivre. Tout ceci étant mis en avant dans leur nouvel et second opus Skyline Whispers que nous ne cesserons de vous recommander.

Nous nous sommes longuement entretenus avec les deux compères à l’initiative de ce projet classic rock parmi les plus palpitants de ces dernières années : le chanteur Björn « Speed » Strid et le guitariste David Andersson, tous deux connus pour officier dans Soilwork, un autre groupe très différent mais également réputé pour son talent.

The Night Flight Orchestra

« Nous avons ce côté road trip dans nos esprits lorsque nous composons et jouons ce type de musique. […] La seule exception à la règle du road trip serait les séances de gym de Jane Fonda des années 80. »

Radio Metal : Vous venez tout juste de sortir votre deuxième album Skyline Whispers avec The Night Flight Orchestra, mais tout d’abord, comment l’idée de ce groupe a-t-elle émergé en premier lieu ?

David Andersson (guitare) : Ça remonte à 2006, je faisais ma première tournée en tant que guitariste de session pour Soilwork, c’était une tournée US, et je ne connaissais pas vraiment Björn avant cette tournée mais nous nous sommes instantanément retrouvés sur le classic rock. Nous avons donc passé ces quatre ou cinq semaines dans le tour bus, à voyager à travers les Etats-Unis en écoutant du classic rock. A un moment donné au cours de cette tournée, nous nous sommes dit qu’il fallait à l’avenir que nous montions un groupe de classic rock, et c’est le genre de genre de choses que tu dis toujours lorsque tu es bourré dans le tour bus, mais là, nous sommes restés en contact. Nous avons fini par écrire des chansons et Björn a convaincu Sharlee D’Angelo de se joindre à nous, il connaissait aussi Richard [Larsson] et moi Jonas Källsbäck, le batteur, et nous nous sommes rendus compte cinq ans plus tard que nous avions un groupe et que nous allions vraiment le faire ! C’est ainsi que nous avons commencé à faire le premier album de NFO, Internal Affairs. C’était super amusant, donc nous n’avons pas arrêté ! Nous avons poursuivi notre quête du classic rock ! [Petits rires]

Björn « Speed » Strid (chant) : Ouais, et je pense aussi que ça a vraiment commencé avec un jam que nous avons faite, quelque part entre Noël et le jour de l’An. C’était tellement l’éclate ! Personnellement, je n’ai pas souvenir de la dernière fois où je me suis autant amusé ! C’est vraiment ce que j’ai ressenti lorsque nous avons commencé à jammer ensemble. C’était aussi un sacré kif pour moi d’essayer de chanter dans ce style. C’était tellement amusant, nous nous sommes juste retrouvés pendant trois jours, nous avons bien bu et bien mangé, je ne sais pas, nous avons bu beaucoup de champagne [rires] et ainsi de suite… Ça a clairement mené à quelque chose de très spécial.

Comme tu l’as dit David, tu ne faisais pas encore officiellement partie de Soilwork lorsque NFO s’est formé, donc est-ce que ce groupe vous a vraiment rapprochés tous les deux ?

David : Ouais, je veux dire que ce groupe n’a rien à voir avec Soilwork. Ce groupe vient de moi et Björn qui avons créé des liens par le biais d’albums de classic rock, donc j’imagine que même si je n’avais pas rejoint Soilwork en tant que membre officiel, nous aurions quand même fini par monter ce groupe. Je veux dire que nous avons fait le premier album avant que je n’intègre Soilwork, donc c’est plus un travail passionné qu’un business [rires]. Mais ensuite, je suppose que le fait que désormais je sois aussi dans Soilwork renforce [notre relation]. Je pense que Soilwork affecte Night Flight et vice versa, car nous devons organiser nos priorités. Nous adorons tous les deux le classic rock, nous adorons tous les deux le heavy metal, et le fait d’avoir ces deux groupes nous permet d’avoir en permanence le meilleur des deux mondes.

Mais quelle est votre histoire avec le classic rock ? Parce que c’est assez éloigné du metal extrême que vous jouez dans Soilwork mais que Sharlee aussi joue dans Arch Enemy…

Björn : Moi, personnellement, je crois que j’ai grandi avec ça. Ma mère jouait beaucoup de choses dans la voiture : Fleetwood Mac, Bruce Springsteen mais aussi des trucs comme Eurythmics. Elle jouait énormément de types de musiques différents dans la voiture et je pense que c’est avec ça que j’ai vraiment découvert la musique. Et j’étais aussi porté sur WASP et Iron Maiden à l’époque, même lorsque j’avais sept ans, je pense, c’est là que j’ai acheté mon premier album, The Number Of The Beast d’Iron Maiden. Mais je ne me suis jamais contenté du heavy metal typique des années 80. J’étais porté sur tout type de musique des années 80. Je suppose que j’ai plus découvert les trucs des années 70, genre de la fin des années 70, un peu plus tard, peut-être dans le milieu des années 90, c’est là que je m’y suis intéressé. Surtout lorsque j’ai rencontré Dave : il m’a fait découvrir plein de trucs dont je n’avais jamais entendu parler. Au cours de ces cinq ou six dernières années, j’ai eu l’occasion de découvrir énormément de groupes dont j’ignorais totalement l’existence et plein de super chansons ! Ça n’en finit jamais ! Il y a tant à découvrir !

La chanson d’ouverture « Sail On » sonne beaucoup comme une chanson du Deep Purple Mark IV. C’est pareil pour « Lady Jane ». Est-ce particulièrement une influence pour vous ?

David : Ouais, l’album du Mark IV Come Taste The Band est sans doute l’une de nos plus grandes influences ; tout le monde dans le groupe a été influencé par cet album. Peut-être pas les chansons ou l’album en tant que tel mais plus toute l’atmosphère qui entoure cet album. Tu as Tommy Bolin, qui est l’un de mes guitaristes préférés de tous les temps. Tout l’esprit de cet album est quelque chose que nous voulons canaliser. Nous voulons retrouver le même esprit lorsque nous jouons. Et « Sail On » est grosso modo notre hommage à l’ère Mark IV de Deep Purple.

Björn : Je suppose que c’est un peu comme un hommage à « Coming Home ».

David : Ouais, notre but était d’avoir une chanson d’ouverture où tout était un peu exagéré. C’est censé sonner comme si tout d’un coup tu es balancé au milieu de nos folles fiestas, avec des piscines, de la cocaïne, des strip-teaseuses…

Les deux : [Rires].

Björn, tu fais même des cris qui sonnent beaucoup comme David Coverdale et Glenn Hughes… Est-ce que tu as été influencé par ces chanteurs pour ton style de chant ?

Björn : Bien sûr ! J’avais même un groupe avant ça qui était très… Je ne veux pas parler d’imitation, mais c’était très proche du Deep Purple avec Glenn Hughes et David Coverdale. Je pense que c’est là que j’ai vraiment commencé à découvrir que je pouvais réussir à chanter ce style. Je dirais que je suis peut-être un peu plus fan de Glenn Hughes aujourd’hui que de Coverdale, mais j’adore aussi tout ce que Whitesnake a fait. Mais, si tu me le demandes, je trouve que Glenn Hughes sonne toujours incroyable ! David Coverdale, je suppose, a un peu plus de mal par rapport à Glenn Hughes mais ce sont tous les deux de supers chanteurs et clairement d’énormes sources d’inspirations pour moi.

Pensez-vous que l’album Come Taste The Band a été sous-estimé dans la discographie de Deep Purple ?

David : Ouais, c’est clair. Ce n’est peut-être pas le meilleur album ; mais c’est le plus grand [rires]. Ils n’ont jamais fait de chansons comme « Getting Tighter » ou… C’est quoi la dernière ? Björn ? Là où Glenn Hughes… [Il chante un riff].

Björn : « You Keep On Moving » ?

David : Ouais ! Rien que ces deux chansons en fait le plus grand de tous les albums de Deep Purple, même si… Je veux dire que j’ai surtout grandi en écoutant le Deep Purple de l’époque Mark II. Lorsque j’avais douze ans, j’ai appris tous les solos de Made In Japan, mais lorsque j’ai découvert Come Taste The Band, ça m’a ouvert une toute nouvelle dimension dans le genre « classique ». Ça sera donc toujours mon préféré.

The Night Flight Orchestra - Skyline Whispers

« Lorsque les gens jouent une musique typée année 70, ça devient un peu trop un pastiche. Et si quelqu’un fait quelque chose qui sonne années 80, c’est généralement davantage ironique. Alors que pour moi c’est de la musique authentique. »

J’ai lu que le premier album de The Night Flight Orchestra, Internal Affair, a été conçu comme un genre de road trip. Est-ce que vous avez conservé cet état d’esprit avec Skyline Whispers ?

Björn : Je pense que c’est vraiment le mot clef lorsque nous créons de la musique. Je ne crois même pas que nous ayons à en parler, c’est simplement là. Il faut que ça fonctionne dans une voiture. Il faut que ça fonctionne lorsque tu bouges. Moi et Dave adorons voyager, surtout s’il y a de l’alcool dans les parages [rires], donc en ce sens, nous sommes un peu des voyageurs alcooliques, je suppose. Mais nous avons aussi besoin d’une bande son, c’est toujours incrusté dans nos têtes. Nous avons besoin de la bande son parfaite pour voyager et boire.

Vous avez même des couleurs hispanisantes dans l’album…

David : Oh oui, nous avons voyagé en Espagne !

Björn : [Rires] Oh oui, nous avons voyagé en Espagne…

David : Nous avons un genre de cadre ou de contexte pour chaque chanson de Night Flight Orchestra et c’est un peu abstrait et implicite. Mais, à la fois, dès que nous écrivons une chanson de Night Flight Orchestra, on sait tout de suite que c’est une chanson de Night Flight Orchestra. Nous avons donc tous ce côté road trip dans nos esprits lorsque nous composons et jouons ce type de musique. Même si nous sautons d’un genre à l’autre, d’un thème à l’autre, etc. il y a toujours ce dénominateur commun du voyage, que ce soit un navire, un vol de nuit, un bateau de course [petits rires]… C’est toujours là. Nous avons une espèce d’étrange compréhension de ce qu’une chanson de Night Flight devrait être.

J’ai vu la vidéo que vous avez postée sur Facebook de cette scène du film Une Nuit Au Roxburry avec Jim Carrey mais avec votre musique par-dessus. Est-ce que c’est comme ça qu’il faut l’écouter ?

Björn : [Rires] C’est clair que ça fonctionne bien. Je ne sais pas qui a fait cette vidéo, ce n’est pas nous, de ce que j’en sais. Ce n’était personne dans le groupe, n’est-ce pas Dave ?

David : Non ! [Petits rires]

Björn : Ouais, j’imagine qu’un fan l’a faite mais c’était plutôt cool parce qu’évidemment, on a tous vu des milliers de fois ce clip avec la bande son d’origine, donc c’était rafraîchissant de le voir avec la musique de Night Flight [petits rires]. Mais, ouais, ça fonctionne bien, c’est sûr. Tu peux prendre ton pied dessus de cette façon.

David : La seule exception à la règle du road trip serait les séances de gym de Jane Fonda des années 80. N’est-ce pas Björn ? [Rires]

Björn : Ouais, je plaide coupable. C’est effectivement moi qui ai fait celle-ci. Je m’ennuyais et pour une fois je n’avais rien à faire, et donc je me suis posé et j’ai vu cet extrait issu des vidéos d’exercices de Jane Fonda des années 70 ou 80. C’était genre : « Tu sais quoi ? Ça sera parfait pour ‘West Ruth Avenue’ ! » Donc j’ai fait ça. Et d’ailleurs, c’est vraiment super !

David : C’est une exception à la règle du road trip. Faire du sport ou de l’exercice dans les années 80, c’est aussi un grand classique. Ça marche aussi très bien. Si tu as une chanson qui sonne comme une bande son de séance d’entraînement de Jane Fonda, ça remplit aussi les conditions pour être une chanson de NFO.

Internal Affairs était un album qui sonnait très années 70 alors que cette fois-ci vous avez ajouté bien plus de couleurs typiquement années 80, surtout avec les claviers. Est-ce que vous avez une nostalgie particulière pour les années 80 ?

Björn : C’est certain. J’ai toujours aimé les années 80. Je suis devenu assez fan du début des années 80, surtout. C’est là où nous voulons nous projeter avec Night Flight : entre 75 et 82, éventuellement 83 [petits rires]. Personnellement, j’ai tendance à écrire des chansons qui sonnent un peu plus années 80 que Dave, excepté pour « Living For The Nighttime ». Normalement, les chansons de Dave sonnent un peu plus années 70 que les miennes, à moins que je n’écrive quelque chose qui sonne comme Paul Stanley lorsqu’il fait du disco.

David : Ouais, et Richard, le claviériste, joue un rôle important dans l’ajout de ce type de couleurs qui font que ça sonne comme le début des années 80. Et c’est une bonne chose.

Aujourd’hui, les gens se moquent souvent de la musique des années 80 parce que ce serait kitsch voire superficiel. Est-ce que vous vous êtes dit à un moment donné : « Non, on ne peut pas faire ça, les gens vont se foutre de nous » ou au contraire est-ce que vous avez pensé qu’il était bon de rétablir ce type de musique, en montrant qu’il y a du génie là-dedans et à quel point ces mélodies pop sont éclatantes ?

Non, je ne pense pas que nous ayons ce genre de programme avec Night Flight. Avec ce groupe tout est une question de faire ce que nous adorons faire. Et si les gens aiment bien, c’est du bonus. Même si personne n’avait aimé, nous serions quand même en train de continuer. C’est donc pour nous un truc personnel. Mais ouais, personnellement, je trouve que les années 80 sont une décennie vraiment sous-estimée pour ce qui est de la composition, du visuel et de la production. C’est un peu pompeux mais à la fois, j’aime cette époque avant que l’ironie ne devienne la règle. Dans les années 90, il fallait prendre ses distances avec toutes les bonnes choses, alors que dans les années 80, tu te prêtais juste au jeu, et c’est aussi [l’état d’esprit] que nous voulons adopter avec notre musique.

Il y a même des trucs qui sonnent un peu funky et disco sur l’album, comme la chanson « Stiletto » qui commence presque comme du Kool And The Gang…

Björn : J’avais pour habitude d’écouter beaucoup… Bon, c’est toujours le cas… Mais surtout dans le milieu des années 90, j’ai commencé à écouter de la funk et du disco des années 70. J’étais vraiment à fond dans Chic et tellement d’autres groupes, et j’aimais vraiment le disco à l’époque parce que c’était de vraies gens qui jouaient de la vraie musique. Le disco, aujourd’hui, c’est quelque chose de complètement différent, n’est-ce pas ? C’est très rigide et générique. A l’époque c’était une atmosphère complètement différente. Même si c’était très commercial, je trouve que c’était vraiment bien joué et bien pensé. L’approche de la composition était différente.

La partie avec la conversation téléphonique dans « Living For The Nighttime » peut même faire penser à la chanson « Sex Over The Phone » des Village People…

Je ne l’ai jamais entendue ! Peut-être que je devrais l’écouter d’ailleurs.

David : Moi aussi ! [Rires]

Björn : Je ne suis pas le plus grand fan des Village People parce que je ne les ai jamais trop pris au sérieux. Peut-être que je devrais, qui sait ? [Rires]

The Night Flight Orchestra

« Je recherche une mélodie qui provoque dans ma tête des images que j’aime, et très souvent un sentiment nostalgique vient avec, ça me ramène quelque part où je me sentais vraiment bien lorsque j’étais gamin. »

Les paroles sont assez différentes de ce que vous écrivez dans Soilwork, surtout une chanson comme « Stiletto » qui a ces paroles typiquement glam au sujet des femmes. Où trouvez-vous votre inspiration pour écrire ces paroles plus légères, presque naïves ?

Eh bien, ce n’est pas si difficile, tu sais. Lorsqu’on est dans Soilwork, c’est très sérieux et je veux que ce soit sérieux – et je ne suis pas en train de dire que Night Flight n’est pas sérieux, parce que ça l’est ! Ce n’est pas un groupe ironique, c’est pour de vrai, c’est ce que nous aimons. Dave écrit la plupart des paroles mais j’en ai écrit quelques-unes aussi. Je ne sais pas, c’est ce qui nous vient naturellement. Lorsque tu entends la chanson, la ligne de basse, les mélodies, ça fait venir des images en tête et ce n’est pas difficile d’assembler le tout, même si ça parle de talons aiguille ou peu importe, ça n’a pas vraiment d’importance.

David : Je pense que nous essayons tous de fabriquer une image dans l’esprit de l’auditeur qui peut le transporter ailleurs. Comme si tu étais dans une Corvette dans les environs de Miami, tu es sur cette grande route, tu as une blonde vénitienne sur le siège passager avec un cocktail et un collier de perles… Et elle te regarde avec ses yeux bleu intense [rires]. Si tu joues ce genre de musique, il faut que tu… Ce type de musique, c’est comme une obsession pour nous, et ça n’aurait pas été pareil si nous avions commencé à parler de politique ou de mort. Ce groupe est un hommage à tous les supers groupes qu’il y a eu avant nous. Donc si tu fais ça, tu dois avoir ces mêmes thèmes pour obtenir la même atmosphère, tu dois écrire au sujet des femmes.

Dans Skyline Whispers, on peut entendre des influences du Deep Purple des années 70, du Kiss ou du Thin Lizzy, on peut entendre de fortes influences des années 80, on peut entendre des trucs funky et on peut même entendre des éléments un peu progressifs à la Yes. Au final, cet album sonne comme un grand voyage à travers tous les aspects et principales ères du classic rock. Est-ce ainsi que vous l’avez imaginé ?

Oui.

Björn : Oui, c’est sûr. C’est aussi une déclaration forte. Autant c’est un hommage à cette époque, autant je trouve que c’est vraiment nécessaire de nos jours. Ça a beau avoir un côté vintage et rétro, je trouve que ça a aussi du sens aujourd’hui, c’est sûr. Je trouve qu’il y a un côté très rafraîchissant. On n’entend plus beaucoup de ce genre de musique, surtout dans les nouveaux trucs.

David : Une chose qui est vraiment importante pour nous, c’est que nous voulons faire une musique qui soit totalement dénuée d’ironie. Nous voulons exagérer et être complètement « too much » dans tous les aspects possibles. Ce qui inclut le fait d’avoir des solos de clavier et d’étranges parties de percussions, exactement comme dans les années 70. Dans les années 70 et début 80, tu pouvais encore avoir un solo de clavier fusion par-dessus une partie de percussions brésiliennes et personne ne trouvait ça ironique. Alors qu’aujourd’hui, toutes les musiques rétro qui sont faites sont toujours un peu ironiques ou alors ils se forcent trop à être cool. Mais nous, nous essayons juste d’être « too much » [petits rires]. Nous aimons vraiment la musique et nous nous mettons dans un état d’esprit dénué d’ironie. En général en buvant pas mal [petits rires].

Penses-tu que le fait de boire est un bon catalyseur pour faire de la musique ?

Non, mais c’est une bonne manière de se débarrasser de l’ironie que tu as en toi !

Björn, tu as dit que cette musique était vraiment nécessaire aujourd’hui. Pourquoi dis-tu ça ?

Björn : Eh bien, tout d’abord, je crois que lorsque les gens jouent une musique typée années 70, ça devient un peu trop un pastiche. Et si quelqu’un fait quelque chose qui sonne années 80, c’est généralement davantage ironique. Alors que pour moi c’est de la musique authentique. C’est une véritable histoire d’amour pour cette époque. Et la plupart des groupes qui font ce genre de trucs 70s ou rétro, ça sonne surtout comme Black Sabbath et Led Zeppelin. J’aime aussi ces deux groupes, c’est clair, mais on voit beaucoup de ce type de groupes aujourd’hui, surtout les groupes occultes, pour ainsi dire. Donc ça a été vraiment difficile de faire comprendre aux gens ce que nous faisions. Ils ne savent pas quoi en faire.

David : Nous sommes plus portés sur le côté diabolique de The Eagles. Comme lorsque The Eagles ont pris le contrôle de la Californie ; ils ont sorti tout le monde de Laurel Canyon pour les faire venir au Troubadour, les nourrir de cocaïne et leur faire péter une durite [petits rires]. C’est un tout autre aspect du mal diabolique, et c’est le genre de mal diabolique dont nous traitons.

L’une des chansons qui sort du lot dans l’album, c’est celle de dix minutes intitulée « The Heather Report » avec cette super seconde partie progressive, même jazzy à certains moments. Pouvez-vous m’en dire plus à son sujet ?

Personnellement, je suis aussi un grand fan du rock progressif des années 70. J’ai eu une période vers la fin de mon adolescence où j’écoutais presque exclusivement de la fusion des années 70 comme le Mahavishnu Orchestra, Billy Cobham, Tony Williams, peu importe… J’essaie toujours d’introduire subrepticement quelques éléments progressifs/jazzy dans Night Flight Orchestra. Si tu commences à composer une chanson et qu’il te vient toujours plus d’idées pour des parties que tu peux insérer dedans, et si tu es dans cet état d’esprit et te sens inspiré, et que de plus en plus de parties te viennent, tu ne veux pas casser cet élan et donc tu continues à en rajouter. C’est ce qui est arrivé avec « The Heather Report » : j’ai commencé par avoir le riff d’intro et j’ai simplement continué à avoir des idées, et ensuite Björn est arrivé au studio et nous avons jammé là-dessus. C’est l’une de mes choses préférées dans Night Flight Orchestra, le fait qu’on puisse faire ce genre de choses sans que personne ne s’en plaigne. Car ce n’est pas ce qu’on t’autorise à faire sur les albums de rock de nos jours.

Pourquoi crois-tu ça ?

Il y a plein de raisons différentes mais c’est en partie parce qu’avec l’industrie du disque de nos jours, on ne travaille pas avec de gros budgets, et les gens, en général, ne sont pas prêts à se poser et écouter de longs morceaux de musique comme celui-là. Aussi, les plus jeunes qui jouent notre type de musique, du genre rétro façon années 70/80, n’ont pas grandi avec tout le spectre du rock des années 70 et 80 comme moi ou comme nous, à écouter aussi de la fusion et du rock progressif. Nous sommes tous un peu plus âgés. Nous sommes tous dans notre trentaine et quarantaine, donc nous avons grandi en écoutant tout ça. Nous avons Jonas, notre batteur, qui est un batteur de jazz qualifié, et pour ma part, j’ai étudié la guitare classique et le jazz lorsque j’étais jeune, du coup nous pouvons faire tout type de choses. Et c’est vraiment amusant d’avoir un réceptacle qui permet ceci parce que normalement, tu n’es pas censé mélanger plein de genres différents dans un seul groupe comme nous pouvons le faire dans The Night Flight Orchestra.

D’ailleurs le solo dans cette chanson, avec les percussions, rappellent un peu Al Di Meola de l’époque Elegant Gypsy…

Merci ! J’adore cet album. Je crois l’avoir acheté lorsque j’avais genre quinze ou seize ans. Surtout la chanson « Race With Devil On Spanish Highway », c’était l’une de mes grandes favorites lorsque j’étais jeune et que je m’entraînais encore [petits rires].

The Night Flight Orchestra

« Lorsque quelqu’un veut faire quelque chose qui est un peu ‘too much’, c’est généralement ‘too much’ dans le bon sens [rires]. Tout le monde est libre de faire ce qu’il veut dans ce groupe. »

Björn, que ce soit dans Soiwork ou ici dans The Night Flight Orchestra, tu as ce don pour créer des mélodies de chant incroyablement accrocheuses et classieuses, surtout pour les refrains. Est-ce le classic rock et la musique rock des années 80, où l’accroche est l’une des composantes principales, qui t’ont en fait appris ça ?

Björn : Difficile à dire. Je veux dire, encore une fois, le fait d’être assis dans la voiture avec ma mère qui écoutait beaucoup de musique et beaucoup la radio à l’époque, je pense qu’à un très jeune âge ça m’a plongé dans la mélodie et ça s’est imprégné dans ma tête. Car parfois, je suis en train de créer une mélodie et je suis genre : « Wow, oh, ok, ça c’était Simple Minds. » Mais habituellement je trouve des choses qui me rappellent un peu les mélodies des années 80, car je crois qu’elles sont aussi vraiment intemporelles, peu importe les productions exagérées qu’ils avaient dans les années 80. Donc je pense que c’est complètement naturel pour moi. C’est là que je puise mon inspiration. Et évidemment, aussi le fait d’avoir grandi avec ABBA a été très important pour moi, c’est certain. Donc ça n’a pas vraiment d’importance si c’est Soilwork ou Night Flight Orchestra, j’adore travailler avec les mélodies. C’est difficile à dire si les mélodies que je crée pour Night Flight Orchestra fonctionneraient dans Soilwork et vice versa. En fait, parfois je me dis que oui. C’est juste un contexte différent, une expression musicale différente, donc difficile à dire. Mais c’est généralement ainsi que ça fonctionne pour moi. J’essaie toujours d’imaginer des images. Je recherche une mélodie qui provoque dans ma tête des images que j’aime, et très souvent un sentiment nostalgique vient avec, ça me ramène quelque part où je me sentais vraiment bien lorsque j’étais gamin. Ca me donne donc un certain confort.

Le bassiste Sharlee D’Angelo se révèle vraiment sur cet album avec ses lignes de basse. Diriez-vous que c’est un bassiste sous-estimé ?

David : Ouais, absolument ! C’est un bassiste formidable. C’est extrêmement difficile de trouver quelqu’un capable de jouer spontanément ces lignes de basse improvisées qu’il fait. Car presque toutes les pistes principales sur l’album ont été enregistrées live en studio. Donc, ce que tu entends de sa part, c’est essentiellement de l’improvisation. Je veux dire que nous avons répété deux ou trois jours avant de commencer les enregistrements, donc une bonne partie nous l’avons faite en jammant en studio. Certaines des choses qu’il fait sur ces chansons sont vraiment superbes ! Donc oui, je suis d’accord, c’est clairement un bassiste sous-estimé. C’est vraiment super que nous puissions lui donner une chance de montrer un peu ce dont il est capable avec ses compétences classic rock. Je veux dire qu’il a eu une longue et super carrière dans le metal mais le metal est un peu plus contrôlé et tu es censé joué les riffs, alors que dans Night Flight il a le droit de jouer tout ce qu’il veut, et il le fait extrêmement bien. C’est un peu une équipe de rêve pour moi, c’est super de pouvoir jouer avec tous ces excellents musiciens !

Est-ce important d’avoir cette spontanéité dans The Night Flight Orchestra ?

Ouais, absolument. C’est l’un des éléments principaux. C’est la raison pour laquelle nous aimons tellement ça, car tout le monde peut faire ce qu’il veut. Nous n’avons pas de producteur, nous produisons tout nous-mêmes. Si quelqu’un veut faire quelque chose, il peut le faire ! Nous sommes tous des musiciens avec beaucoup d’expérience, et nous avons tous écouté ce type de musique pendant très longtemps, donc nous ne sommes jamais confrontés au cas où quelqu’un veut faire quelque chose qui soit complètement à côté de la plaque. Lorsque quelqu’un veut faire quelque chose qui est un peu « too much », c’est généralement « too much » dans le bon sens [rires]. Tout le monde est libre de faire ce qu’il veut dans ce groupe.

Est-ce que l’album a été totalement enregistré live ?

Comme je l’ai dit, la plupart des pistes principales de l’album sont enregistrées live. Mais ensuite, tu dois généralement ajouter des guitares supplémentaires et avec certaines parties de clavier plus compliquées tu ne peux pas vraiment t’amuser à changer les sons lorsque tu enregistres en live. Mais la plupart des pistes de guitare, basse et batterie sont enregistrées en live et nous les avons conservées telles quelles. Peut-être ai-je ajouté quelques guitares, Richard a ajouté le clavier et Björn son chant. Les pistes de base sont très spontanées et je pense que tu peux l’entendre dans l’album. C’est aussi quelque chose qui nous met à part par rapport à beaucoup d’autres groupes qui jouent ce genre de musique. Nous sommes vraiment authentiques. Nous essayons de faire les choses exactement comme ils le faisaient à l’époque.

The Night Flight Orchestra fait preuve d’un grand potentiel, surtout avec une chanson comme « Stiletto » qui est super accrocheuse et fun. Pensez-vous que le groupe pourrait grandir et devenir gros ou bien préférez-vous le conserver comme un simple projet où vous vous éclatez entre amis ?

Dans un monde idéal, nous adorions grandir mais, en même temps, nous n’avons ni le temps ni l’énergie de partir sur les routes et ne faire que tourner gratuitement. Mais nous aimerions vraiment grandir et pouvoir faire de super concerts et peut-être de petites tournées en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, ou peu importe. Notre but sur le long terme c’est de rester ainsi, en tant que projet où on s’éclate entre amis, mais avec un peu de chance les gens accrocheront et trouveront ça super, et un de ces jours nous pourrons tourner un peu. Mais nous n’avons pas vraiment le temps ou le budget pour aller sur les routes et faire les choses gratuitement. Si les gens peuvent acheter l’album et s’il y a un intérêt et qu’on nous fait une bonne offre, alors nous serons très intéressés pour jouer davantage en concert.

Cette année, vous sortez deux albums, l’un avec The Night Flight Orchestra et l’autre avec Soilwork en août. Comment trouvez-vous le temps et assez d’inspiration pour faire les deux à la fois ?

Tu peux te mettre dans un certain mode. Si tu sais que tu vas composer ou jouer une chanson ou un concert de Soilwork, tu te mets dans cet état d’esprit et c’est plutôt facile de passer de l’un à l’autre. Soilwork c’est quelque chose de complètement différent. C’est vraiment super mais tu dois te mettre dans un tout autre état d’esprit lorsque tu composes une chanson de Soilwork ou joue un concert de Soilwork. En même temps, c’est quelque peu rafraîchissant de pouvoir faire autre chose qui n’a rien à voir… C’est un peu comme prendre une douche après avoir couru [rires], ou peu importe, c’est un peu difficile de trouver une métaphore. Ce n’est pas dur du tout. J’aime vraiment la musique heavy également et tu te retrouves avec une sensation complètement différente en étant sur scène à jouer du metal par rapport à celle que tu as lorsque tu joues du classic rock, mais j’aime quand même les deux.

C’est un peu une bouffée d’air frais par rapport à ce que vous faites dans Soilwork, j’imagine…

Ouais et à la fois, Soilwork est également un peu une bouffée d’air frais par rapport à Night Flight. Je veux dire que les attentes des gens sont complètement différentes, tout comme tes propres attentes. Lorsque tu joues dans Soilwork, tu es tout le temps censé jouer les bonnes notes, tu es censé proposer un bon show, alors qu’avec Night Flight, au moins, je veux improviser, je peux rester sur le qui-vive et interagir avec les autres musiciens et créer des trucs amusants et spontanés que le metal ne permet pas vraiment. C’est aussi un défi, d’une certaine manière. Les deux sont super et jouer du metal par rapport à jouer du classic rock offre des défis différents. C’est vraiment rafraîchissant de faire les deux.

Interview réalisée par téléphone le 17 juin 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.

Page Facebook officielle de The Night Flight Orchestra : www.facebook.com/pages/The-Night-Flight-Orchestra/210664785613576.



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  • Super intéressant. Merci RM

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  • J’me disais « C’est bizarre, on dirait Björn… ». J’ai mis plus d’une journée à percuter que c’était vraiment lui. Hmm… Faut que je jette un coup d’oreille à ce truc.

    [Reply]

  • Entrevue très intéressante! NFO arrive à donner une bouffée d’air frais à un style qui peut parfois paraître complètement surfait. Cet album, c’est le pied, tout simplement!

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