Quel plaisir de voir The Night Flight Orchestra maintenir le tempo en donnant, deux ans après, un successeur au jouissif Skyline Whispers. Mais la vérité est que ce plaisir est d’abord dans leur camp. Que cette musique soit un prétexte pour faire la fiesta ou qu’elle en soit la simple conséquence, elle a assurément, pour eux, quelque chose de libérateur. Elle est même devenue une source d’équilibre pour le chanteur Björn « Speed » Strid qui, en laissant son côté lumineux s’y exprimer librement, permet à son côté obscur de s’épanouir dans Soilwork. Toute l’histoire du yin et du yang.
Mais cet album, Amber Galactic, c’est avant tout une histoire d’amour, celle pour une époque bien précise – de 77 à 83 -, celle pour la science fiction rétro, celle pour les femmes, celle pour tout ce qui est inutile et donc indispensable… Nous nous sommes donc, une fois de plus, longuement entretenus avec Björn pour discuter de cette belle virée entre potes. L’occasion également à la fin de faire un petit point sur Soilwork.
« J’aime quand les groupes prenaient de la cocaïne [rires], j’aime lorsqu’ils ont changé de drogue. Plein de bonne musique est sortie lorsqu’ils sont passés à la cocaïne. »
Radio Metal : Le communiqué de presse mentionne que vous avez « découverts que [vous] éti[ez] en mission ; monter un groupe de classic rock et le jouer comme il est censé être joué. » Penses-tu que le classic rock ait besoin d’être secouru, pour ainsi dire ?
Björn « Speed » Strid (chant) : De bien des façons, oui. Je veux dire que nous avons entendu plein de groupes de rock rétro durant les cinq dernières années, je dirais, voire plus. Et généralement, ils capturent une époque un peu différente de celle que nous capturons. On entend plein d’influences provenant du début des années 70, parfois un peu de pseudo-stoner, parfois plus du psychédélique avec des thèmes occultes, et je pense que nous, nous capturons quelque chose qu’on n’a pas aujourd’hui. Evidemment, nous le faisons pour les bonnes raisons, nous avons toujours voulu créer un groupe comme celui-ci, capturer cette époque, disons, de 77 à 83, pour être aussi précis que possible [petits rires]. Nous ressentons qu’il y a un besoin pour ça et, tout d’abord, nous voulions créer une bande son pour nous-même, surtout pour lorsqu’on est en mouvement. Lorsque David [Andersson] et moi nous sommes rencontrés, nous tournions avec Soilwork en Amérique du Nord, et nous avions l’impression que… Nous nous sommes énormément rapprochés sur la musique et nous voulions créer une bande son pour être en mouvement. Je pense que c’est ce que nous sommes parvenus à faire avec ce groupe, et ça capture aussi une époque de façon assez intéressante et aussi personnelle, même si tu peux en extraire plein de références, évidemment.
Internal Affairs sonnait très dans la veine de la fin des années 70, alors qu’avec Skyline Whispers, vous avez apporté de grosses influences des années 80. Et maintenant, avec Amber Galactic, vous en avez apporté encore plus, surtout avec les claviers. Donc on dirait que vous glissez de plus en plus vers les années 80. Du coup, est-ce à cause de ce que tu viens de dire, le fait que beaucoup a déjà été dit pour ce qui est des musiques des années 70, alors qu’il reste beaucoup à explorer sur les années 80 ?
Ouais, je pense que c’est grosso-modo ce qu’il se passe, et j’espère que nous ne sonnerons pas comme en 92 sur notre sixième album [rires]. Mais bref, ouais, je pense que nous allons davantage vers les années 80, genre le début des années 80, et comme tu l’as mentionné, surtout avec les claviers. Nous avons complètement supprimé l’orgue Hammond parce que nous avions l’impression que… C’est un son magnifique, évidemment, et c’est un bel instrument mais tant de gens en jouent déjà et je pense que d’autres claviers collent bien mieux à notre son. Il y a davantage de Rhodes et de Wurlitzer mais aussi des claviers du début des années 80. Donc je pense que ça aussi ça crée ce feeling particulier des années 80, et je pense que c’est aussi une façon d’écrire et de composer. Tu as probablement dû le lire dans une partie du communiqué, nous avons l’impression de sonner plus comme de la cocaïne que de l’herbe ou du LSD, et je pense que c’est assez vrai. J’aime quand les groupes prenaient de la cocaïne [rires], j’aime lorsqu’ils ont changé de drogue, je suppose. Plein de bonne musique est sortie lorsqu’ils sont passés à la cocaïne ; je préfère cette époque, je préfère cette musique, c’est plus focalisé, d’une certaine manière. Je n’essaie pas du tout de faire la publicité des drogues, je parle strictement musicalement, évidemment, mais je trouve que c’est aussi ce que nous sommes parvenus à capturer.
Vous avez déclaré : « Nous, The Night Flight Orchestra, continuerons à repousser les limites du classic rock. » Mais qu’est-ce que ça veut dire « repousser les limites » de quelque chose qui est, par définition, classique ?
Ouais mais je pense que c’est nécessaire aujourd’hui aussi. Comme je l’ai mentionné avant, c’est une manière de composer et je pense que nous faisons également quelque chose de très personnel avec notre son. Tu peux balancer un tas de références autour de ce groupe et notre son mais il possède aussi un côté très rafraichissant, et je crois que c’est là où nous repoussons les limites aussi. Et ça sera mis en évidence lorsque nous allons porter ça sur scène et offrir un vrai spectacle de rock comme on est censé le faire, nous amènerons des choristes et tout ; c’est quelque chose qu’on ne voit pas souvent de nos jours non plus. Donc nous brisons les limites ; évidemment, il y a une bonne dose de nostalgie là-dedans mais je pense que c’est aussi très rafraichissant au final.
D’un autre côté, tu as déclaré : « Nous allons continuer avec les refrains inutilement accrocheurs, les solos inutiles, les atmosphère que personne ne comprendra à part nous. » Penses-tu que les gens, de nos jours, sous-estiment la puissance de ce qui est futile ?
Ouais, je suppose, d’une certaine façon. Il est clair que nous repoussons les limites avec ce groupe dans ce sens : « Ok, est-ce que ce solo va continuer pendant encore longtemps ? » « Oui ! » [Petits rires] Et alors nous continuons. Parfois, ce n’est qu’une question d’être têtu et se dire « parce qu’on peut », mais d’un autre côté, il faut aussi que ça ait du sens. Mais je crois que nous avons une approche très joueuse de ce groupe. Nous sommes sérieux et à la fois pas si sérieux. Nous sommes sérieux avec la musique et l’expression mais il y a… C’est une entité tellement créative et c’est ce qui fait qu’on s’éclate vraiment. Mais il y a énormément de personnalité dans les chansons et énormément de présence. Mais nous maintenons une distance saine avec elle également.
En parlant de limites, tu as déclaré que « Amber Galactic est caractérisé par le fait de se libérer des limites de genre et des attentes que les gens ont pour les personnes comme » vous. Vous êtes-vous sentis enfermé dans une case par les gens à cause de votre background ?
Ouais, je suppose. Je veux dire que je comprends que ce groupe ait besoin d’être promu en balançant mon nom ou celui de David de Soilwork et puis Sharlee [D’Angelo] d’Arch Enemy, et évidemment, ça va attiser la curiosité des gens. Et surtout, quand ils entendront la musique, ils risquent d’être choqués [rires], je ne sais pas. Mais bien sûr, c’est un vrai groupe en soi, et peut-être que ça attirera plein de fans de metal et The Night Flight Orchestra deviendra un genre de plaisir coupable, j’imagine [petits rires]. Il y a de toute évidence un gros potentiel de mélange des styles, et bien sûr, c’est loin du metal, mais peu importe le style que je joue, si je suis dans Soilwork ou The Night Flight Orchestra, le clavier reste très présent dans la musique. Ouais, je veux dire, bien sûr qu’il y a eu des moments où tu te dis « on ne parle pas du tout de metal, mec, ça c’est mon autre groupe. » Mais je pense que ce sera très intéressant de voir quel type de gens viendra à nos concerts. Ce sera probablement très mélangé, j’espère, ce serait cool.
Vous ne savez pas encore quel type de public vous suit ?
Pas vraiment. Nous avons fait six concerts au total, tous en Suède. En fait, c’est notre but de sortir de Suède et tourner plus sérieusement aussi. Et puis, il est clair que nous ne nous sommes pas encore tellement fait remarquer, car nos deux premiers albums sont sortis sur un label assez petit, Coroner Records en Italie, et maintenant c’est évidemment une tout autre histoire avec Nuclear Blast. C’est un soutien complètement différent pour les tournées, la distribution et tout.
« Je comprends que ce groupe ait besoin d’être promu en balançant mon nom ou celui de David de Soilwork et puis Sharlee d’Arch Enemy, et évidemment, ça va attiser la curiosité des gens. Et surtout, quand ils entendront la musique, ils risquent d’être choqués [rires]. »
D’ailleurs, comment se fait-il qu’il ait fallu deux albums à Nuclear Blast pour enfin signer le groupe ?
Je ne sais pas ! [Rires] En fait, je sais juste qu’ils ont vraiment aimé ce qu’ils ont entendu parce qu’ils m’ont appelé lorsqu’ils ont écouté le second album, genre : « Tout le bureau adore The Night Flight Orchestra ! On veut vous signer ! » Et j’étais là : « Wow ! » Je ne m’y attendais pas ! Je ne sais pas. Je pense que la bonne musique reste de la bonne musique. Je suis juste très content qu’ils nous aient signé au final, car ils sont évidemment très connus pour sortir des albums de metal et c’est une décision courageuse pour eux, j’imagine, de se diversifier avec d’autres types de rock. Ils n’ont aucun groupe comme celui-ci sur leur label. Donc je trouve que c’est cool. Je suis reconnaissant et aussi très excité, et tout le label semble également très stimulé par le groupe. Donc c’est vraiment bien.
The Night Flight Orchestra est évidemment très différent de Soilwork, ce sont presque deux opposés. Dirais-tu que ce sont ton yin et ton yang, que tu as besoin des deux pour avoir un équilibre ?
Ouais, je pense que c’est exactement ce qu’il se passe, en fait ! Avant, lorsque je n’avais que Soilwork, c’était presque comme si je devais être Lou Gramm et Tom Araya dans le même groupe [rires], et maintenant, je peux être Lou Gramm dans The Night Flight Orchestra et Tom Araya dans Soilwork. Donc il y a un peu un côté yin et yang. Je pense vraiment avoir le meilleur des deux mondes maintenant. Je me sens entier [rires], je suppose. Musicalement, c’est parfait.
Est-ce que le côté très mélodique de The Night Flight Orchestra te permet, d’un autre côté, de pousser l’agressivité dans Soilwork ? Parce que le dernier album de Soilwork contenait certaines de tes parties les plus extrêmes…
Ouais, je pense que Soilwork est devenu plus extrême et je pense que c’en est aussi la raison, parce que j’ai cet autre groupe où je fais tout ça. Tu sais, je suis aussi un grand metalleux et je laisse Soilwork s’occuper de mes pensées et de mes aspects sombres, et il est devenu plus extrême à partir de The Living Infinite et maintenant The Ride Majestic. Et c’est comme ça que j’aime que Soilwork soit, donc ça aussi ce sera intéressant.
Il y a dans Amber Galactic du chant comme on en a rarement entendu de ta part, que ce soit dans Soilwork ou d’autres projets. Je pense aux cris aigus à la fin de « Space Whisperer » ou cette voix légèrement voilée que tu as sur « Something Mysterious ». Est-ce que The Night Flight Orchestra est devenu un exutoire pour davantage explorer ta voix ?
Absolument, ouais. Je pense avoir découvert tant de types de voix différents. Et c’est marrant, tu sais. J’ai trente-neuf ans et je peux encore me développer ; c’est un sentiment vraiment cool de savoir qu’il y a encore tant de voix que l’on peut découvrir et tant de manières de s’exprimer en tant que chanteur. Donc ça m’a beaucoup apporté et je l’ai amené avec moi dans Soilwork aussi, et vice versa. Ça passe de l’un à l’autre. Je pense que ma voix est bien meilleure aujourd’hui qu’il y a cinq ans, par exemple. Avec ce groupe, c’est un grand honneur de jouer avec des musiciens aussi extraordinaires et il n’y a pas de limite, j’ai l’impression, et si nous ne pouvons pas le faire sur cet album, nous pourrons le faire sur le prochain. C’est pour ça aussi que tu te développes très vite en tant que musicien, parce que tu es entouré de ce genre de personnes.
Lorsque tu composes ces lignes de chant, est-ce que tu expérimentes ou bien est-ce que ça vient instinctivement ?
Je dirais les deux. Parfois tu expérimentes un peu avec quelque chose, tu essaies différents types de voix et tu utilises plus d’air, par exemple, tu fais des voix plus susurrées, ce qui apporte un petit grincement naturel à la voix. Et j’ai aussi beaucoup expérimenté avec les falsettos pour Night Flight, ce qui est, je crois, la clef pour renforcer ta voix, que tu fasses des voix criées ou simplement claires.
Sur Skyline Whispers, vous avez recruté le percussionniste Sebastian Forslund, et maintenant, avec le nouvel album, vous avez des choristes. On dirait que vous portez pas mal d’attention aux arrangements dans ce groupe…
Absolument ! Nous avions une artiste invitée au studio et elle a fait des chœurs sur « Star Of Rio » et « Josephine », et le reste, sur les autres chansons, je suppose que c’est moi qui essaie de sonner comme une fille [rires]. Je parlais du falsetto avant et j’adore faire des harmonies très aiguës et expérimenter avec ça aussi. Donc c’est une entité très créative et nous essayons toujours de nouvelles manières de nous exprimer musicalement, c’est certain. Pour ce qui est de cette chanteuse, nous étions en studio et il y avait ce break dans « Star Of Rio », qui est un genre de break question-réponse au milieu, et je me disais : « Wow, ce serait vraiment cool d’avoir la voix d’une fille là-dedans. » Et puis le batteur connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un et tout d’un coup, elle était dans le studio [petits rires]. Elle a essayé et nous étions là : « Oh, tant que tu es là, ça te dit de faire quelque chose pour ‘Josephine’ aussi ? » Et elle a dit : « Ouais, bien sûr ! » En fin de compte, c’était très spontané.
L’album est un genre de space opéra, tu l’as même presque qualifié de concept. D’où est-ce que c’est venu et comment avez-vous abordé ça ?
David Andersson, le guitariste, est un énorme fana de science-fiction et a planté une graine avant même que nous ne composions pour cet album, c’est-à-dire qu’il imaginait un genre de thème spatial qui servirait de fil rouge, et j’aimais bien l’idée. En fait, il lit environ trois livres de science-fiction par semaine pendant qu’il boit du vin dans sa baignoire – lorsqu’il ne bosse pas en tant que médecin, car il est aussi médecin, donc… [Petits rires] C’est donc lui qui a planté la graine et j’ai aimé l’idée, c’est une manière de voyager aussi, parce que ce groupe tourne autour de l’idée du voyage et d’avoir une bande son lorsqu’on est en mouvement, et amener cet album dans l’espace paraissait être une idée vraiment cool. Il y a donc un petit fil conducteur thématique. Ça parle un peu de drames relationnels se déroulants dans l’espace, et on suit aussi de mystérieuses femmes commandantes spatiales, mais il y a aussi des chansons qui se passent sur terre, juste pour un peu contraster, je suppose [petits rires].
« Lorsque je n’avais que Soilwork, c’était presque comme si je devais être Lou Gramm et Tom Araya dans le même groupe [rires], et maintenant, je peux être Lou Gramm dans The Night Flight Orchestra et Tom Araya dans Soilwork. […] Je me sens entier [rires]. »
Ça donne notamment à l’album un côté un peu rétro-futuriste. As-tu une nostalgie pour la façon dont les gens voyaient le futur dans les années 80 ?
Ouais, je pense. En fait, pour ce qui est de la science-fiction, je ne suis pas trop… Je ne regarde pas beaucoup de nouveaux films de science-fiction, je suis très nostalgique. Donc si je choisis de regarder de la science-fiction, ce sera à coup sûr quelque chose en provenance des années fin 70 ou début 80. Il y a une atmosphère particulière là-dedans. J’apprécie aussi beaucoup des séries telles que Stranger Things. Bon, c’est nouveau, évidemment, mais ça capture aussi cette époque, et je pense que The Night Flight Orchestra aurait été une bande son idéale pour cette série. Je suppose qu’en ce sens, je suis davantage nostalgique que David.
Le présent que nous vivons est très différent de la façon dont les gens imaginaient le futur à l’époque. Du coup, es-tu un peu déçu de ce que le futur est devenu ?
Ouais, je suis assez déçu, comme tout le monde, je suppose. D’un autre côté, bien sûr, il y a aussi des choses qui sont devenues plutôt bonnes ; j’essaie de trouver quoi, mais… Je suis sûr qu’il y en a. Mais je pense que les gens aiment s’évader. Il y a beaucoup d’évasion et puis à la fois un besoin de garder les pieds sur terre, donc c’est difficile à concilier. Mais je pense que nous offrons quelque chose évidemment de très nostalgique mais aussi très rafraichissant, en ce sens. C’est une bonne bande son pour notre époque, je trouve que ça colle à bien des égards.
Est-ce pourquoi tu as qualifié cet album de « réalité alternative » ?
Ouais, je suppose que c’est une forme d’échappatoire, d’une certaine façon. Parfois, comme on le sait tous, c’est dur d’affronter la vie au quotidien et la musique peut faire des choses merveilleuses. Ça te permet de t’évader. Et surtout cette époque où les groupes citaient toujours des noms de femmes, de villes et de rues, ça me fait toujours un peu rêver. Je pense que c’est ce que nous voulions, prendre cet héritage et poursuivre cette manière d’écrire des paroles et composer de la musique.
Tu décris la musique comme une bande son et tu as mentionné que votre musique serait idéale pour une série comme Stanger Things. Avez-vous essayé de contacter les producteurs ou… ?
Eh bien, oui, je… En fait, ils nous ont contactés mais c’était pour Soilwork. Ils vont inclure « Possessing The Angels » dans The OA – je ne suis pas sûr si tu peux le mentionner, en fait, parce que je crois que ce n’est pas encore officiel qu’il y aura une autre saison, donc je suis en train de te donner le scoop de ta vie… mais tu ne peux pas le mentionner ! [Rires] Je viens tout juste de m’en rendre compte pendant que je parlais, genre « peut-être que je ne devrais pas encore mentionner ça. » (NDLR : la deuxième saison de The OA est annoncée depuis février). Donc voilà comment je suis entré en contact avec eux, mais c’est assez dur de pouvoir avoir une chanson dans une série. J’étais plutôt surpris qu’ils demandent « Possessing The Angels », pourquoi pas quelque chose de plus récent, quelque chose de nos deux derniers albums ? Mais je ne sais pas, je suppose qu’ils voulaient un côté un peu années 90, peut-être, qui sait ? Mais on verra ! Ce sera intéressant.
Peut-être que je sur-analyse, mais y a-t-il un lien entre les chansons « Sad State Of Affairs » et « Internal Affairs » de votre premier album, ainsi qu’entre « Space Whisperer » et « Skyline Whispers » ?
Non, pas du tout. Pas autant que je sache ! Je ne m’en étais même pas rendu compte. C’est intéressant, en fait… Peut-être que David a un plan dont il ne nous a pas parlé. Mais non… En fait, je ne sais pas ! [Rires]
Il y a plusieurs parties parlées par des narratrices dans diverses langues, dont une en Français à la fin de « Jennie ». Qu’elle est l’idée derrière ça ?
C’est devenu une petite marque de fabrique à nous. Nous avons eu ça aussi sur l’album précédent et un peu sur le premier, si je me souviens bien. Ça pose l’humeur. Nous racontons parfois des histoires sur des femmes mystérieuses et, simplement, ça fonctionne très bien avec la musique ; et ce ne sont que des amies à nous, ce ne sont pas des trucs trouvés sur internet. Par exemple, la partie française était faite par une amie à David ; il a mentionné que ce serait parfait à la fin de « Jennie » et je trouve que ça colle. Là tout de suite, je ne me souviens pas exactement ce qu’elle raconte [rires], peut-être que tu peux me le dire… Mais ça a à voir avec les paroles, ceci dit. C’est Jennie, donc j’imagine que Jennie est Française. Donc ça crée un effet pour le son aussi, et la production, et l’enchaînement de l’album.
Deux chansons sont des prénoms féminins : « Jennie » et « Josephine ». Qui sont-elles ?
C’est une très bonne question ! David a écrit ces paroles. Je ne sais pas s’il avait des femmes particulières en tête lorsqu’il les a écrites mais d’un autre côté, David et moi, depuis que nous nous sommes rencontrés, nous discutons de noms féminins. Et lorsque nous avons fini par enregistrer The Living Infinite, nous sommes allés en studio, nous avions vingt-sept chansons et toutes étaient nommées d’après des noms féminins que nous aimions, que nous trouvions étaient des classiques ou juste… [Rires] Donc c’est un peu devenu une tradition pour nous d’inclure des noms féminins que nous apprécions ou qui, d’une certaine façon, génèrent des images.
Donc à la fin de votre carrière, vous aurez une chanson pour chaque prénom de femme…
Oui, ça sera mon dernier album avant que je parte à la retraite.
Il se trouve que de très nombreuses chansons, si ce n’est toutes, parlent de femmes. Dans les années 80, les femmes étaient en fait une sorte d’obsession pour les musiciens. Qu’est-ce que les femmes représentent pour toi ?
C’est une très bonne question. Evidemment, dans les années 80, il y avait beaucoup de chansons et de paroles qui parlaient de femmes et parfois en les dégradant, ce n’est pas vraiment ce que nous faisons. C’est plus un hommage. Nous racontons des histoires sur des femmes mystérieuses. C’est là-dessus que nous nous concentrons. Donc je pense avoir une assez bonne relation avec les femmes, je dirais. Et puis d’un autre côté, je remercie ma maman pour m’avoir fait écouté tous ces supers albums dans la voiture quand j’étais gamin, parce que sans ça, je ne serais pas assis là à faire une interview avec toi à propos de The Night Flight Orchestra, je pense. Et je pense que nous pourrions faire appel à davantage de leaders femmes dans le monde. Les deux sexes peuvent gouverner le monde, de bien des façons, mais il est évident que les hommes ont le dessus et c’est ainsi depuis la nuit des temps. Je veux dire qu’on voit beaucoup de changement en Suède. On voit beaucoup ici en Suède qu’ils essaient de neutraliser les sexes, ce en quoi je ne crois pas du tout, car je considère qu’on est différents et c’est ce qui rend les choses intéressantes. En fait, on a même créé un mot pour ne pas dire « il » ou « elle », c’est quelque chose entre les deux, et selon moi, c’est ridicule. Il se peut que David ne soit pas d’accord avec moi [petits rires] mais c’est ce que je pense, car nous sommes différents et on devrait laisser les gens être exactement ce qu’ils sont, tant que ça ne blesse personne.
« Je ne pense pas que nous pourrions faire autant la fête que nous le faisons en studio lorsque nous sommes en tournée, parce que… Je ne sais pas, probablement que nous en mourrions ! »
Qu’est-ce qui te fait penser que David ne serait pas d’accord avec toi ?
Je ne sais pas, nous avons eu des discussions par le passé et c’est un grand féministe, et de bien des façons, je le suis aussi. C’est très dur de définir « féministe ». Si tu dis « féministe » ici en Suède, il se peut que ça soit différent de si tu le dis en France, par exemple. C’est une époque intéressante [petits rires]. Mais je pense qu’il pourrait être d’accord avec moi pour ce qui est de la Suède qui essaie de neutraliser les sexes, ça rend toute la chose très peu sexy.
Le communiqué de presse mentionne comment « Amber Galactic a été conçu au cours de soirées tardives et de matins bien trop tôt, lorsque parfois, du coin de l’œil, tu peux apercevoir une autre dimension, où toutes les femmes sont des capitaines spatiaux aux cœurs brisés vêtus de robe de chambre, le champagne est toujours gratuit et les drogues ne vous font pas de mal. » Est-ce que ça reflète vraiment les circonstances dans lesquelles l’album a été conçu ?
Oui, vraiment. En fait, ce communiqué de presse ne ment à aucun moment. Donc c’est clairement vrai. Car lorsque nous nous réunissons, ce n’est pas comme si nous arrivions et répétions ou enregistrions quelques heures et ensuite rentrions chez nous. En fait, nous nous assurons que nous restons ensemble pendant une semaine. Donc nous faisons des sessions d’enregistrement et nous enregistrons jour et nuit… Tu vois, j’ai mentionné des soirées tardives et des matins tôt, ça ne s’arrête jamais, vraiment. Donc certains trucs sont enregistrés live en studio, certains sont enregistrés à cinq heures du matin lorsque David peut à peine voir correctement mais il a quand même un feeling incroyable [rires] et il doit poser un solo de guitare, et le résultat est super ! Donc ça se passe vraiment sur le vif aussi.
Du coup, qualifierais-tu The Night Flight Orchestra de groupe pour faire la fête ?
[Réfléchit] Oui, on peut dire ça. Je veux dire que lorsque nous nous retrouvons, c’est comme… Je ne sais pas… C’est comme un voyage scolaire, j’allais dire, mais d’un autre côté, je suppose que nous ne nous soulions pas lorsque nous étions à l’école. Je ne sais pas, c’est une petite sauterie, c’est comme une colonie de vacances. C’est là où généralement nous faisons la fête. Je veux dire que je peux écrire des chansons lorsque je suis sobre aussi, ce n’est pas comme si j’avais vraiment besoin de faire ça mais c’est surtout de la beuverie sociale avec The Night Flight Orchestra – mais tu peux t’en inspirer, ceci dit. Mais pour ce qui est d’amener ça sur la route – ce que j’espère nous ferons, je veux dire qu’il y a clairement des choses de prévues pour ça -, je ne pense pas que nous pourrions faire autant la fête que nous le faisons en studio lorsque nous sommes en tournée, parce que… Je ne sais pas, probablement que nous en mourrions ! Quand nous sommes en studio, ça dure une semaine, donc n’importe qui peut faire ça pendant une semaine, mais si ça devient un mois [petits rires] à ce rythme, ça ne pourrait pas marcher. Donc j’imagine que ce sera un peu plus sérieux sur la route, mais je suis certain qu’on fera quand même un peu la fête.
Est-ce qu’avec ce groupe, c’est un peu parfois comme dans le film Very Bad Trip ?
Difficile à dire. Peut-être Las Vegas Parano, j’allais dire, plutôt. Mais non, ce n’est pas aussi moche. Je veux dire que nous ne prenons pas de drogues, nous buvons et nous adorons boire du Gammel Dansk, qui est notre boisson préférée, c’est du Schnapps aux plantes, nous avons toujours ça dans le studio. Donc, au final, je suppose que nous sommes plutôt innocents… ou pas.
Il y avait beaucoup d’insouciance dans les années 80, on pouvait rêver, et les rêves pouvaient devenir réalité. Est-ce l’état d’esprit que vous vouliez recréer avec The Night Flight Orchestra ?
Bonne question. Peut-être d’une certaine façon mais d’un autre côté, je ne suis pas délirant. Ça n’aurait pas été la même chose si j’avais grandi pendant que ça se déroulait. Je regarde et puise mon inspiration, plutôt, dans tous ces groupes de cette époque, en étant nostalgique et aussi en en faisant ma propre version. Ça fonctionne comme une bande son parfaite de ma vie quotidienne aussi, si ça a du sens, vraiment.
Comme nous en avons parlé, il y a un grand côté fêtard dans ce groupe, tout comme vous parlez beaucoup des femmes, donc seriez-vous, d’une certaine manière, les Steel Panther scandinaves ?
Eh bien, je pense que Steel Panther a été créé pour s’amuser avec cette époque. En fait, nous aussi nous nous amusons et nous inspirons de cette époque mais c’est un peu plus sérieux, tu sais. J’ai vu Steel Panther lorsqu’ils s’appelaient encore Metal Skool à Hollywood en 2007, et tout tournait autour du fait de faire la fête et d’écrire des paroles drôles. Ça peut être très marrant à écouter ou voir en concert mais habituellement, je ne suis pas très fan des paroles ironiques, à l’exception de Steely Dan, je dirais [petits rires]. Mais, je veux dire, Steel Panther sonne fantastique, c’est un super groupe, mais ce n’est pas ce que nous faisons ; après tout, Steel Panther est aussi un peu une parodie de toute la scène hair metal, mais ce sont de merveilleux musiciens et je suis sûr qu’ils s’éclatent en tournée.
En fait j’ai parlé à leur guitariste Satchel il n’y a pas longtemps et il avait un bon argument : il demandait quelle était la différence entre une chanson de Steel Panther et une chanson de Mötley Crüe comme « Ten Seconds To Love » ; pour lui les deux sont des chansons très drôles, du coup doit-on qualifier Mötley Crüe de groupe parodique ?
Ouais, c’est un bon argument et je suis sûr que Steel Panther a probablement démarré comme un groupe parodique mais qu’ensuite c’est aussi devenu sérieux, d’une certaine façon. Je veux dire qu’il y avait plein de paroles dans les années 80 qu’il était très difficile de prendre au sérieux, donc ouais, il a clairement un bon argument ! Mais je pense que ça vient des raisons pour lesquelles nous avons monté le groupe, c’est devenu un hommage… en fait, notre groupe est aussi un genre d’hommage mais c’est un hommage plus personnalisé, et ça sonne très rafraichissant selon moi. Ça provient clairement de bonnes intentions. Notre intention lorsque nous avons fondé ce groupe n’était pas pour que les gens disent : « Oh mon Dieu, ça sonne exactement comme Foreigner ! » Et j’aurais dit : « Oh, ouais, je sais, n’est-ce pas ? » Et ce n’était pas pour ça que nous avons démarré ce groupe. Ça va bien plus loin que ça. Ceci étant dit, évidemment que nous nous marrons aussi et, évidemment qu’il y a beaucoup de références, genre : « Oh mon Dieu, c’est exactement comme ça… » « Oui, oui, oui… Ça sonne exactement comme Bob Ezrin qui a produit cette chanson. Ouais mettons une cloche tubulaire, exactement comme dans une chanson de Kiss. » Donc bien sûr, c’est aussi comme ça, mais je pense que c’est aussi une question de faire quelque chose qui a également du sens aujourd’hui et n’est pas qu’un pastiche.
« Beaucoup de groupes débarquent avec du matériel plus cher que ce que nous avons, et ensuite ils commencent à jouer et ils n’arrivent pas à jouer. J’ai vu ça tellement souvent et c’est parce qu’ils montent un groupe pour de mauvaises raisons. »
Tu as déclaré que « la maestria musicale en soi n’est pas intéressante, ni même les aspects techniques de la création musicale. » Penses-tu que les gens ont tendance à se perdre dans la technique et oublient d’avoir une vraie vision artistique ?
Ouais, je le pense vraiment ! Et je suis fier de dire que j’ai pu vraiment me concentrer sur la musique, et je le suis toujours, plutôt que ce qui se passe autour. Peut-être que nous aurions été plus gros avec Soilwork si nous nous étions davantage focalisés sur l’apparence des choses, l’image et tous ces trucs, mais j’ai toujours été très, très concentré sur la musique et le type d’image qu’elle génère et ce que j’en ressors ; le feeling, la passion et la présence. Comme les jeunes groupes… Nous tournons avec Soilwork et beaucoup de groupes débarquent avec du matériel plus cher que ce que nous avons, et ensuite ils commencent à jouer et ils n’arrivent pas à jouer. J’ai vu ça tellement souvent et c’est parce qu’ils montent un groupe pour de mauvaises raisons. Bien sûr, nous voulions tous avoir l’air cool et attraper des nanas lorsque nous avons commencé à jouer dans un groupe mais d’un autre côté, ce qui était important était la musique. Et parfois, j’ai l’impression que certains se soucient plus d’avoir l’air grands et professionnels que de se concentrer sur le fait de vraiment apprendre à jouer et composer de vraies chansons ; j’ai souvent vu ça, malheureusement. Je ne veux pas avoir l’air d’être un vieil homme aigri, car j’ai aussi vu plein de jeunes groupes qui étaient fantastiques. Donc je ne dis pas que les jeunes groupes qui peuvent se concentrer sur la musique n’existent pas, bien sûr qu’il y en a, mais j’ai aussi beaucoup vu l’autre aspect de la chose.
Dans le communiqué de presse, il est mentionné que vous avez « passé beaucoup de temps à discuter de plein de choses comme du concept de l’anxiété de Kierkegaard, de différents vins pétillants millésimés, des aspects psycho acoustiques de la modulation, de la supériorité innée des femmes et du pourquoi un collier de perles est toujours plus beau lorsque celle qui le porte a une expression d’ennui sur son visage. » Eh bien, avez-vous trouvé la réponse à cette interrogation fondamentale ?
[Rires] Pas encore ! Oh, c’est hilarant. Oh, David… [Rires] Voilà les choses dont nous parlons en studio pendant notre temps libre en privé. Ce sont des sujets très intéressants, vraiment.
Avez-vous fait une chanson à ce sujet ?
Le collier de perles ? Pas encore, mais nous allons probablement le faire.
J’ai vu Soilwork avec Kreator et Sepultura récemment, et le groupe avait pas mal de nouveaux visages. Evidemment Bastian Thusgaard a remplacé Dirk Verbeuren, mais David Andersson et Markus Wibom n’étaient pas non plus là…
David vient de changer de boulot. Il est médecin, donc il ne pouvait pas s’absenter du travail, du coup il a dû laisser sa place pour cette tournée. Et puis Markus est en train de devenir père, donc il a dû rester chez lui. Donc voilà ce qui s’est passé, ils n’ont pas quitté le groupe. Il fallait juste que nous solutionnions ça et heureusement nous avions Taylor [Nordberg] et Ronny [Gutierrez] qui sont venus faire du travail de session sur cette tournée. Je trouve que nous sonnions quand même super. Nous sonnions incroyablement bien. Ils ont fait du très bon boulot, ce sont de fantastiques musiciens, ça fait pas mal de temps qu’ils écoutent du Soilwork et ce sont de très bon amis à nous, donc c’était une transition assez facile, en ce sens.
Dirk a rejoint Megadeth. Qu’est-ce que ça t’a fait de voir Megadeth te voler ton super batteur ?
Ça va. Je comprends pourquoi Dirk a accepté, et peut-être que je me serais attendu à ce que Dave Mustaine dise un « merci » ou quelque chose. En fait, c’est à peu près tout. Il n’y a pas de ressentiment et j’ai hâte d’entendre le prochain album de Megadeth avec Dirk à la batterie, avec un peu de chance il pourra mettre du blast beat là-dedans aussi [petits rires].
Etais-tu inquiet étant donné les imposants souliers que le prochain batteur allait devoir chausser ?
Ouais, Dirk est clairement parmi les cinq meilleurs batteurs de metal extrême au monde, et évidement la barre est haute, mais je pense que Bastian a fait du très, très bon boulot et aussi qu’il va apporter quelque chose de nouveau et frais au groupe, et certaines caractéristiques que Dirk n’avait pas. Je pense que ce sera intéressant, mais d’abord, nous allons nous occuper de Night Flight et ensuite, nous allons doucement nous pencher sur un autre album avec Soilwork. J’ai d’ailleurs hâte de jammer. Maintenant, nous pouvons répéter parce que Bastian vit à proximité ; Dirk vivait à Los Angeles depuis environ les cinq dernières années, c’était assez difficile de faire venir Dirk en avion pour des sessions de jam spontanées le mardi soir, si tu vois ce que je veux dire. Donc ça facilite les choses aussi, et l’alchimie personnelle est très bonne, donc j’ai hâte.
Donc vous êtes fixés avec Bastian en tant que nouveau batteur ?
Oui, absolument. Il est très créatif également, c’est quelqu’un de vraiment moteur et j’apprécie énormément sa compagnie.
Et avez-vous débuté un quelconque travail sur le successeur de The Ride Majestic ?
Nous avons de vagues idées, rien de très solide. Comme nous avons énormément tourné pour The Ride Majestic, je pense que nous avons besoin de laisser reposer ça un peu, de façon à recharger les batteries et retrouver de l’inspiration.
Interview réalisée par téléphone le 12 avril 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Wayne Bregulla .
Page Facebook officielle de The Night Flight Orchestra : www.facebook.com/pages/The-Night-Flight-Orchestra/210664785613576.
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