On ne présente plus Scott « Wino » Weinrich : membre émérite de Saint Vitus, légende du doom, fort de pas moins de quarante ans de carrière et d’une intégrité à toute épreuve, c’est avec l’un de ses plus anciens projets, The Obsessed, qu’il revient sur le devant de la scène après un épisode houleux avec la justice norvégienne qui l’a mené en centre de désintoxication et l’a interdit de séjour en Europe pour cinq ans. Hors de question de se laisser abattre, cela dit : Wino semble inépuisable, et bien décidé à continuer de créer quoiqu’il arrive.
La preuve avec le grand retour de The Obsessed qui n’avait pas sorti d’album depuis le légendaire The Church Within en 1994 : Sacred est intense, corrosif et pleinement à la hauteur de ses illustres prédécesseurs. Nous en avons pu en discuter longuement avec l’artiste qui n’hésite pas à parler de ses forces comme de ses faiblesses, du passé comme du présent. Il évoque avec nous le retour de The Obsessed, l’évolution du monde de la musique, et ce qui l’anime depuis le début de sa carrière : la passion, encore et toujours.
« La vie est un combat. Quand on passe par les épreuves de la vie et qu’on survit à ces épreuves, je suppose qu’on apprend des choses. La vie, ça consiste vraiment à apprendre. »
Radio Metal : Tu sors ton premier album avec The Obsessed depuis The Church Within. Quels sont tes sentiments à cet égard ?
Scott « Wino » Weinrich (chant & guitare) : Une complicité s’est finalement créée quand Brian Costantino et moi avons unis nos forces après trente ans. C’est le batteur de The Obsessed maintenant, mais avant c’était notre roadie, notre technicien. On ne s’était pas vu depuis trente ans, depuis très longtemps. Pendant ce temps-là, il a appris la batterie. J’ai beaucoup tourné et après la dernière tournée avec Spirit Caravan, Brian et moi nous nous sommes réunis et nous avons fait une jam. Après ça, je me suis senti très inspiré. Etant donné que son principal amour a toujours été The Obsessed, ça a été tout naturel. Donc grâce à cette complicité que nous avons aujourd’hui, nous étions inspirés pour enregistrer un nouvel album.
Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire Sacred et vraiment retravailler en tant que The Obsessed après tout ce temps? A cause de cette nouvelle rencontre avec Brian ?
The Obsessed a toujours été mon bébé. C’était mon premier groupe et mon premier amour. Même si nous avions fait quelques concerts de reformation, des trucs du genre, je n’avais pas l’impression que cela convenait vraiment. Alors, évidemment, la première chose que nous avons faite quand nous avons commencé à travailler sur Sacred, ça a été de ré-enregistrer « Sodden Jackal », le premier single qui a eu du succès dans les années 1980. A mon goût, ce morceau était très mal enregistré et je voulais l’enregistrer correctement. Après, bien sûr, il y a quelques autres vieux morceaux… Nous avons dû creuser en profondeur et discuter pour obtenir les quatorze chansons du nouvel album. Mais, quand Brian et moi avons commencé à jouer ensemble et qu’ensuite Relapse Records nous a proposé un contrat, c’était une très bonne motivation. Et c’est comme ça que nous avons relancé l’aventure.
Si je ne me trompe pas, tu as reformé The Obsessed après la séparation de Spirit Caravan, groupe que tu as créé après la deuxième séparation de The Obsessed. Comment les histoires de ces groupes s’entremêlent et en quoi est-il différent de travailler dans l’un ou dans l’autre ?
Le seul groupe que j’ai aujourd’hui est The Obsessed. Ce que je veux dire, c’est que Spirit Caravan est terminé. Ce groupe est apparu à un moment très positif de ma vie, c’est la période où j’ai eu mes enfants, j’avais une situation domestique plutôt agréable. En gros, j’étais sobre pendant de nombreuses années. Je trouvais que Spirit Caravan était un groupe très positif, et nous étions plutôt prolifiques. Pour une raison ou pour une autre, une fois de plus, je pensais que c’était le groupe qui durerait, évidemment, mais ça n’a pas marché à cause de certaines choses, des tournées, des concerts qui approchent, des caractères différents, des choses personnelles. J’ai décidé de ressusciter Spirit Caravan ces dernières années parce que j’appréciais vraiment la musique et nos fans voulaient nous voir en live.
Nous avons changé de batteurs plusieurs fois. Nous avons fait appel à Henry [Vasquez] de Saint Vitus et ensuite Eddy [Ed Gulli]. Pendant la dernière tournée de Spirit Caravan avec Ed Gulli, c’est là que nous avons eu l’impulsion pour reformer The Obsessed, car Brian, notre batteur actuel, était le technicien d’Ed Gulli. C’est donc pendant la tournée de Spirit Caravan que Brian et moi nous sommes rapprochés. En un sens, c’était à la fois étrange et intéressant, la manière dont ça s’est goupillé. Je ne crois pas qu’Eddy appréciait tant que ça tourner, alors il a un jour encouragé Brian à s’asseoir derrière la batterie et c’est à ce moment-là que Brian a commencé à jouer la batterie. Dans un sens, Eddy nous a passé le flambeau, bizarrement. Je souhaite le meilleur à tous ceux avec lesquels j’ai travaillé dans le passé, Spirit Caravan et les autres. Mais pour le moment, je suis focalisé sur The Obsessed.
Depuis la reformation, The Obsessed a déjà subi quelques changements de line-up. Comment cela se fait? Qui exactement a enregistré l’album ?
Je sais que c’est un peu perturbant et je m’en excuse. Brian, Dave Sherman et moi avons enregistré cet opus. Dave Sherman était le bassiste de Spirit Caravan, et c’est lui qui a participé à l’enregistrement. Dave a fait du très bon travail sur cet album. Mais, pour une raison ou pour une autre, nous nous sommes séparés de Dave. C’était un type génial, je veux dire, c’était quelqu’un de super, avec un grand cœur et tout. Mais ça n’a simplement pas fonctionné. Après l’enregistrement de Sacred et le départ de Dave, j’ai voulu tenter une petite expérience. J’ai recruté le bassiste de Hidden Hand, groupe dans lequel j’ai joué, et une guitariste, Sara Seraphim, pour la deuxième guitare. Je trouvais ça cool, le line-up était bon. Nous avons fait quelques concerts, qui je pense étaient cools. Mais une fois de plus, des problèmes sont survenus et ont fait qu’il n’était pas possible de continuer avec cette line-up. Bruce [Falkingburg] et Sarah sont deux musiciens fantastiques et ils envoient du lourd. Mais en ce qui concerne Bruce, il n’aime pas trop faire de tournées, et quand le rythme des tournées s’est accéléré comme on le voulait, il nous a demandé de le remplacer. Et c’est ce que nous avons fait. Quand nous l’avons remplacé par Reid Raley, Sara n’est jamais revenue jouer avec nous. Maintenant, nous continuons en trio. Et je pense que c’est absolument le meilleure line-up. Nous avons a Reid Raley à la basse, c’était notre choix initial mais neuf heures de voiture nous séparaient de lui. Mais nous avions oublié à quel point Reid Raley est un vrai routard, alors neuf heures de conduite ne lui posaient pas de problème. Il voulait être dans le groupe et nous le voulions dans le groupe. Donc voilà où nous en sommes. Je pense que c’est le meilleure line-up pour The Obsessed, et le dernier line-up. J’ajouterais que les événements de ces derniers mois, quand tout ça s’est passé, ont été assez douloureux. Mais tout arrive pour une raison.
Tu penses donc que ce line-up est stabilisé ?
Oui, là c’est bon. On tient le line-up. L’alchimie est là. Nous nous sentons tous très inspirés et nous sommes très impatients d’amener ça sur les routes.
« Ce qui est sacré, pour moi, c’est la passion que nous avons pour cette musique, la passion que nous avons dans nos vies. Sacré, c’est ce à quoi nous tenons. Notre musique, nos enfants, notre espoir. »
Est-ce que tu penses que les “power trios” sont la meilleure formation pour ce groupe ?
Comme je disais, tout arrive pour une raison. Tu sais, la vie est un combat. Quand on passe par les épreuves de la vie et qu’on survit à ces épreuves, je suppose qu’on apprend des choses. La vie, ça consiste vraiment à apprendre. Personnellement, je brûle d’envie de jouer cette musique, et de faire écouter nos chansons au public. Et je crois qu’avec Brian et Reid, nous avons réussi à créer ce véhicule.
Qu’est-ce que les nouveaux membres ont apporté à The Obsessed ?
Je dirais que Brian a apporté une virtuosité de jeu incroyable. Reid est un tueur aussi. Les deux ont des attitudes vraiment supers. Reid est un gars du Sud, de l’Arkansas. Il est très terre-à-terre, très honnête. Il ne tourne pas autour du pot, il ne met pas de gants, il dit ce qu’il a à dire. C’est un musicien génial. Il a grandi avec cette musique, avec la musique de The Obsessed. Brian aussi. Ils apportent du talent, ils apportent de l’énergie, ils apportent de la loyauté et ils apportent du cœur.
L’album a été produit par Franck Marchand qui parfois s’occupe du son pendant vos concerts. Est-ce que le fait qu’il connaisse déjà le groupe en live a fait une différence pour votre collaboration avec lui sur cet album ?
Tout à fait. C’est un mec génial. Il comprend le groupe, il a été capable de lire mes pensées. Lui et son associé Rob Queen, ils ont tous les deux été fantastiques. Ils ont formé une très bonne équipe avec nous en studio. La maîtrise que Frank a du monde numérique et son incroyable collection d’instruments vintage ont donné une combinaison des plus extraordinaires. Je pense sincèrement que cet album est l’album le mieux produit de notre carrière, c’est celui qui sonne le mieux. Nous avons des exemplaires vinyles en main en ce moment même. Nous les avons écoutés et je pense qu’il a réalisé un travail de maître. Même s’il a enregistré dans une console numérique, et que tout est numérique, j’ai chanté avec un micro à 30.000 dollars qui date de la Seconde Guerre Mondiale. Et, je vais te dire, dans son studio il a aussi des batteries vintage. Sur chaque chanson, nous choisissions une caisse claire différente que nous pouvions accorder. C’était une expérience géniale avec Frank.
Tu as déclaré que « tu as toujours ton mot à dire pendant la production ». Est-ce que tu penses que tu ne peux pas complètement donner carte blanche à un producteur ?
Oui, en effet. En gros, j’ai dit à Frank ce que je voulais et il m’a écouté. Il m’a dit ce qu’on pouvait faire et comment on pouvait le faire. Un bon producteur est un producteur qui peut conduire l’artiste à effectuer une bonne prestation sans le faire chier, tu vois ce que je veux dire ?
Ça fait déjà un petit moment que tu tournes avec The Obsessed. Qu’est-ce que ça a fait de rejouer ces vieilles chansons ?
C’est formidable! Pour moi, ces chansons n’ont pas d’âge. Je n’avais pas l’impression que nous leur avions rendu justice lors de nos reformations dans le passé. Mais maintenant je suis complètement inspiré, et je vais dire à vos fans, à nos auditeurs, que nos sets durent environ une heure et quinze minutes, nous jouons six ou sept nouvelles chansons, et des vieilles chansons aussi. Quand les gens viendront à nos concerts, avec un peu de chance ils trouveront leur bonheur.
Tu as dit plus tôt que l’album Sacred ouvre avec une nouvelle version d’une de vos premières chansons, « Sodden Jackal ». Pourquoi? Est-ce une manière d’affirmer que tu es toujours motivé par les mêmes choses après toutes ces années, ou que c’est toujours le même groupe ?
Je ne réécouterais même pas la version originale de cette chanson. Cette chanson est intemporelle, et il fallait qu’elle soit enregistrée correctement. Je crois qu’on lui a rendue justice, et voilà ce que c’est.
Est-ce différent pour toi d’écrire pour The Obsessed et pour Spirit Caravan, Saint Vitus, ou l’un de tes autres projets ? Ou est-ce que tu écris en premier et tu vois ensuite pour quel groupe ça collerait le mieux ?
C’est une bonne question. Sur cet album en particulier, sur Sacred, la chanson « Stranger Things », par exemple, allait être une chanson acoustique que j’allais montrer à Conny [Ochs]. Mais je me suis réveillé un matin et je me suis dit : « Pourquoi est-ce que je colle une étiquette à cette chanson comme ça ? » Parce que The Obsessed a toujours fait dans la diversité. Une des choses qui est cool concernant The Obsessed, c’est que c’est plutôt diversifié.
La plupart du temps, j’ai des idées, j’ai des concepts, ou j’ai un riff, et parfois ça collera plus pour un groupe qu’un autre. Mais maintenant les chansons que je fais et que j’ai sont pour The Obsessed. Je ne suis dans aucun autre groupe pour l’instant et The Obsessed a toute mon attention. Mais oui, parfois ça peut arriver que j’aie un riff qui irait mieux pour un certain groupe. Mais tu dois comprendre qu’à l’époque où j’étais dans Saint Vitus, David écrivait la plupart des chansons et des paroles. J’étais principalement le chanteur du groupe de David quand j’étais dans Saint Vitus. J’ai écrit une poignée de chansons. J’ai écrit les paroles de « Blessed Night » et j’ai écrit l’instrumentale « Vertigo » sur le dernier album de Saint Vitus. Mais de manière générale, il écrivait la musique et la plupart des paroles. Généralement, à un moment donné, quand j’avais un riff pour une chanson, il allait à l’autre groupe que j’avais à l’époque, que ça soit Premonition 13 ou Shrinebuilder, ou maintenant The Obsessed.
« J’ai toujours senti qu’on m’avait offert un don, et que je devais l’utiliser pour aider à enrichir la vie des gens. Jouer cette musique n’a pas été gratifiant financièrement. J’ai toujours dû galérer financièrement. Mais j’ai toujours continué parce que je crois en l’esprit et la passion de cette musique, et ce qui en ressort est bien plus puissant que l’argent. »
J’imagine que ce n’est pas pareil d’écrire les paroles sur ta propre musique que sur celle de David, par exemple. Est-ce que tu écris d’abord la musique et ensuite les paroles ou est-ce que tu fais tout en même temps quand tu écris pour The Obsessed ? Et qu’est-ce qui t’inspires ?
Dans le cas de Saint Vitus, je ne chantais que les paroles avec lesquelles je pouvais m’identifier. Je crois que ce que nous faisions est l’une des raisons pour lesquelles j’ai quitté le groupe après [l’album de 1992] Children Of Doom. J’avais du mal à m’identifier avec les chansons. D’habitude, la façon dont j’écris est que je trouve un concept. Un concept dans ma tête. Par exemple, pour « Razor Wire », j’ai trouvé le concept d’être torturé par une relation, de devoir traverser des épreuves et de souffrir dans une relation. Alors j’avais ça : « You got me rolling in razor wire » (« tu m’as fait rouler dans un fil de rasoir », NDT), parce que « le fil de rasoir », c’est ce[s rouleaux de] métal tranchant en haut des clôtures. Par exemple, tu ne peux pas sortir parce que tu ne peux traverser ces barbelés en rampant. Tu passes un sale moment à rouler là-dedans, c’est ce que j’ai pensé. Alors j’avais ce concept et j’ai trouvé le riff [fredonne le riff et la ligne vocale]. C’est tout ce que j’avais pendant un an ! Après, j’ai vécu quelques expériences récemment, ce qui m’a permis de remplir les bancs avec les paroles.
Mes paroles tournent principalement autour des expériences de la vie. « Sacred » se rapproche plus d’un fantasme. « Sacred » est une chanson d’amour, mais aussi une chanson de désir. Avec un peu de voyage inter-dimensionnel dedans. « Sacred » est plus sur le fantastique que la réalité. Mais toutes les chansons que j’écris sont surtout basées sur mes expériences de la vie. Des chansons comme « Razor Wire », « My Daughter My Son », des choses comme ça, c’est plutôt personnel. Mais ma vie est un livre ouvert. Je suis très fier de cet album. C’était amusant à faire, c’était exigeant. Mais le résultat est génial et je suis très content de cet album.
Est-ce que le titre, Sacred, doit être compris, en substance, comme le titre du dernier album de The Obsessed, The Church Within ? Qu’est-ce qui est sacré pour toi ?
Ce qui est sacré, pour moi, c’est la passion que nous avons pour cette musique, la passion que nous avons dans nos vies. Sacré, c’est ce à quoi nous tenons. Notre musique, nos enfants, notre espoir. On m’a appelé le « parrain du doom », et je comprends, les gens ont besoin d’un terme pour décrire les choses. Selon moi, il devrait y avoir de l’espoir quelque part. Donc les choses sacrées pour moi sont la passion, l’espoir, l’esprit. Je vais te parler du cœur de la philosophie dans ma musique… Le cœur de cette philosophie est que lorsque je suis né sur cette terre, un talent m’a été transmis, la capacité de jouer de la musique. Je crois que mon devoir est d’apporter cette musique pour enrichir la vie d’autres personnes, tout comme la mienne, dans un sens, porter la flamme de cette énergie. J’ai toujours senti qu’on m’avait offert un don, et que je devais l’utiliser pour aider à enrichir la vie des gens. Jouer cette musique n’a pas été gratifiant financièrement. J’ai toujours dû galérer financièrement. Mais j’ai toujours continué parce que je crois en l’esprit et la passion de cette musique, et ce qui en ressort est bien plus puissant que l’argent. Je continuerai toujours de faire ça. Si ce en quoi je crois est assez fort, et ça l’est, alors je serai capable de survivre et je continuerai à jouer cette musique.
Durant les dernières décennies, l’industrie de la musique a traversé beaucoup de modes et de changements. D’un autre côté, tu as toujours été droit dans tes bottes et es resté fidèle à ce que tu fais le mieux. Comment expliques-tu cela et que penses-tu de tous ces changements en tant qu’initié de l’industrie ?
La première chose qui s’est passée, bien sûr, c’est Internet. Comme tu le sais déjà, Internet a à peu près tout chamboulé dans l’industrie musicale. Les vieux ont été évincés, les jeunes sont arrivés. Ils se sont rendus compte qu’il fallait jouer le jeu avec les Napster, les torrents, et trouver un moyen de survivre avec les labels. Personnellement, je crois que certaines choses qui se sont passées, par exemple quand Frank Kozik – c’est un artiste incroyable, il a réalisé des illustrations d’album pour Melvins – a lancé son label Man’s Ruin, j’ai trouvé que c’était très cool, j’ai trouvé que ça a relancé le mouvement. Ca a donné de la force à ce que les gens appelaient le rock stoner quand il a signé Acid King, High On Fire, Queens Of The Stone Age… Je pense que ça a beaucoup aidé. Nous n’avons jamais changé mais c’est très sympa de voir cette vague revenir vers nous.
A l’époque, c’était le rêve d’être signé chez Columbia mais nous avons eu un contrat pourri et à moins que tu fasses un tube, tu gagnais que dalle. Je me souviens, quand on a fait la vidéo de « Streetside » en 1993, ou je ne sais plus quand, la seule plate-forme à l’époque était MTV, Beavis And Butthead. Ce sont deux personnages de dessin animé, tu sais. S’ils n’aimaient pas ta vidéo, tu étais mort, c’était la fin. Je me souviens du moment où notre vidéo est sortie, et l’un des deux a dit : « Ah, on dirait des vieux ! » Et c’était fini. Maintenant, la plate-forme pour notre vidéo – que j’espère voir plus tard aujourd’hui, nous attendons, nous l’avons finie, la vidéo pour « Sacred » devrait sortir dans très peu de temps – c’est Youtube, qui est une plate-forme publique ! Tu n’as pas à payer, tu n’es pas obligé d’avoir le câble pour regarder Youtube. Tu peux partager une vidéo gratuitement. Je trouve ça assez extraordinaire. Quand les gens viennent à nos concerts, je les laisse toujours enregistrer, je les laisse toujours filmer les prestations, à la condition qu’ils me donnent un exemplaire personnel plus tard dans le futur. Des personnes ont enregistré mes concerts et viennent me voir dix ans plus tard et me disent, voilà ton exemplaire. C’est comme ça qu’il faut faire, et c’est comme ça que nous faisons, en donnant le pouvoir au peuple!
Les scènes doom et stoner sont revenues en force ces dernières années. Pourquoi, selon toi ?
Je crois qu’il y a un besoin massif en ce moment. Je veux dire, regarde le monde. Le monde est en feu ! La France n’a jamais été autant bouleversée, du moins pas depuis la Révolution. Il y a l’extrémisme religieux. Partout, il n’y a que de la haine et du sang. J’espère que cette musique va soulager la douleur et aider les gens à se concentrer. Si je peux avoir un petit rôle pour aider les gens à regarder de l’avant ou se recentrer sur l’essence de leur esprit, comme j’essaye de le faire, nous ferons peut-être une petite différence.
Tu es maintenant une légende du genre et du metal en général, et beaucoup de musiciens t’admirent. Quel est ton sentiment par rapport à ça ?
Je suis honoré d’être respecté par mes collègues. Je suis honoré d’être respecté et admiré. Je n’aime pas m’éterniser sur le côté héro personnel parce que je crois vraiment que la musique devrait parler seule. Je suis très heureux et honoré et j’ai été très bien traité, avec beaucoup de respect, par d’autres musiciens ces dernières années. Je suis content d’en être là. Mon but est de continuer à faire de la musique qui déchire. Pour la plus jeune génération et pour les gens, j’essaye de répondre à leurs questions, j’essaye de leur parler le plus possible. J’encourage les gens, c’est ce que nous faisons.
« Regarde le monde. Le monde est en feu ! […] Partout, il n’y a que de la haine et du sang. J’espère que cette musique va soulager la douleur et aider les gens à se concentrer. »
Avec tous tes groupes, ou la plupart de tes projets, tu joues généralement du doom, du stoner, de la musique très lourde, mais tu as quelques autres projets guitare-voix acoustiques très épurés – je pense à ta collaboration avec Conny Ochs par exemple ou l’hommage à Townes Van Zandt que tu as fait avec Scott Kelly et Steve Von Till. Comment ces deux aspects sont-ils liés selon toi ? S’équilibrent-ils, ou sont-ils deux revers d’une même médaille ?
Je crois que c’est un équilibre. Je crois vraiment que c’est un équilibre. Conny est un chanteur et compositeur incroyable. Avoir eu l’opportunité de travailler avec lui a été enrichissant. Enrichissant pour moi et, je l’espère, enrichissant pour lui. Je crois que c’est un équilibre. Tu peux jouer en acoustique et avoir une chanson puissante quand même, sans aucun doute. C’est cool. J’aime beaucoup ce que Conny et moi avons fait. Je leur suis redevable, à Exile On Mainstream et Conny, je leur dois la tournée parce que nous n’avons jamais eu de vraie tournée pour Freedom Conspiracy. Mais un jour ou l’autre on y arrivera. Mais pour l’instant, je suis concentré sur The Obsessed !
Il y a quelques années, tu as vécu un véritable calvaire en raison de détention de drogues en Norvège. Par conséquent, tu ne peux plus voyager librement, et particulièrement pas en Europe. Est-ce que cela a eu un impact sur ta carrière et ta façon d’appréhender les tournées et, bien sûr, ta consommation de drogue ?
L’incident en Norvège a été une prise de conscience pour moi. Il faut que tu comprennes qu’à l’époque, j’étais le chanteur principal pour Saint Vitus et pour être dans Saint Vitus, chanter ces chansons, et faire ce que je faisais chaque soir, j’avais besoin d’être dans un état d’esprit différent. Donc je me reposais sur ces outils-là. Malheureusement… L’incident en Norvège a été une prise de conscience et j’ai décidé de changer mon style de vie. J’ai pu laisser tomber ces outils, ces drogues, l’alcool, et me concentrer sur ce que je fais maintenant. En ce qui concerne cette interdiction, j’étais interdit de voyage dans les pays européens pendant cinq ans. Cela fait déjà presque trois ans. Mais mes avocats m’ont assuré que nous devrions pouvoir acheter et récupérer mon visa, surtout si nous avons pas mal de bonne presse [petits rires].
Je ne sais pas si c’est le résultat ou la conséquence de ça, mais Saint Vitus tourne maintenant avec Scott Reagers. Es-tu toujours impliqué dans Saint Vitus ?
Nous sommes amis, nous sommes toujours amis. Nous nous sommes retrouvés à Philadelphie et j’ai pu me mettre dans la foule et les regarder jouer leurs superbes vieilles chansons que j’aime tellement. Ensuite je les ai rejoints sur scène pour un couplet de « Born Too Late ». J’adore Scott Reagers. Je trouve que ce sont tous des gens merveilleux. Si David me demandait de participer à des concerts de réunion un jour dans le futur en Europe, et si je peux le faire, alors je le ferais. Ça dépend vraiment de lui. Tout est cool entre moi et Saint Vitus. Je ne suis pas dans le groupe mais j’adore les gars et je ne leur souhaite que du bien.
Et Shrinebuilder ? Je ne sais pas si quelque chose a été prévu depuis que l’album est sorti il y a quelques années. Y a-t-il une chance de vous revoir faire quelque chose un jour ?
En 2012, quand The Obsessed s’est reformé pour un concert au Roadburn Festival, avec Sleep, Al Cisneros m’a demandé si je voulais faire un autre album de Shrinebuilder et je lui ai dit oui. Ça dépend vraiment des gars et je pense qu’ils me diront s’ils veulent le faire ou pas. J’ai toujours dit que j’étais prêt à le faire, donc qui vivra verra.
Dernièrement, tu as vendu certaines des peintures que tu as réalisées. On peut les trouver sur le site de The Obsessed. Fais-tu de la peinture depuis toujours ou as-tu commencé à en faire récemment ?
J’en ai toujours fait. Je n’avais jamais vraiment été sûr de moi en ce qui concerne mes compétences en peinture. Pendant les années où je prenais beaucoup de speed, j’étais plutôt productif [petits rires]. Alors j’ai décidé de commencer à faire le tour des magasins d’occasion pour acheter des cadres et encadrer des trucs. Les gens pendant les concerts me questionnaient sur mes trucs d’artistes. Alors je me suis dit, OK, j’en ai beaucoup, je vais les encadrer. Je le fais depuis un certain temps mais jamais à un niveau professionnel comme ça. Je voudrais remercier les gens qui achètent mes créations. Ça m’aide. Quelqu’un qui achète une œuvre d’art, ça met du pain sur la table, et des cordes sur la guitare. J’espère qu’un jour ou l’autre, nous pourrons nous lancer dans l’international. Le problème que nous avons avec l’art et la livraison à l’international, c’est que ça coûte très cher d’expédier à l’étranger. Donc nous y travaillons en ce moment, et dès que nous aurons trouvé une solution, j’espère que les gens pourront acheter les œuvres d’art aussi.
Est-ce la même inspiration créative qui te fait écrire de la musique et peindre ? Ou c’est quelque chose de complètement différent ?
Je dirais que c’est pareil. A un moment donné de la journée, je pourrais être en train de faire quelque chose de musical, peut-être avoir ma guitare ouverte, travailler sur un fil ou travailler sur une pédale, et je regarderais ma peinture posée là et un désir ardent de tout laisser tomber et faire une peinture me submergerait. C’est impulsif, en quelque sorte. Souvent, je m’y mets sans savoir exactement ce que je veux faire. Ce que j’ai appris en art et à propos de mon style favori en peinture, c’est que j’aime mélanger les choses, j’aime mélanger des produits chimiques dans ma peinture, j’aime peindre sur de simples bouts de papier… Parce que ce que j’ai découvert c’est que parfois ils se disputent, parfois ils baisent. C’est très impulsif, je dirais.
Que réserve la suite, pour toi ? Tu as dit que tu ne travaillais que sur The Obsessed pour le moment. Quels sont tes plans pour les mois à venir ?
En gros, nous allons tourner assez intensément. Nous allons partir en tournée aux États-Unis, au Royaume-Uni, et j’espère que nous pourrions faire une tournée en Europe bientôt. Mais nous sommes déjà prêts à tourner, donc au moment où nous serons en Europe, je pense que nous aurons déjà quelques nouvelles chansons. Donc je vais continuer à écrire. Nous allons continuer à écrire, surtout avec Reid et Brian. Je pense que ce sera un line-up explosif. Nous continuerons à tourner comme des fous et à écrire des nouveaux morceaux, et avec un peu de chance nous vous verrons plus tôt que tard.
Interview réalisée par téléphone le 27 mars 2017 par Chloé Perrin.
Retranscription & traduction : Clotilde Percheminier.
Photos : Susie Costantino.
Site officiel de The Obsessed : www.theobsessedofficial.com
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Razoe Wire se traduit tout simplement par fils barbelés rasoir ou barbelés concertina . il s’agit de fils barbelés où le spointes sont remplacés par des lames.
C’est une discussion qu’on a eu entre nous avec Chloé, et il semblerait que le nom commun soit bien « fils de rasoir » :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fil_barbel%C3%A9_concertina
« Le fil de rasoir, ou moins communément ‘fil de Constantin’, est constitué d’un seul fil avec des rasoirs régulièrement disposés sur toute sa longueur »
Leurs photos promo sont particulièrement mauvaises…