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Chronique   

The Ocean – Phanerozoic I: Palaeozoic


Désormais, les approches conceptuelles de The Ocean, ou plutôt de The Ocean Collective, devraient être connues de tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu au metal progressif. La formation s’inspire de thématiques anthropologiques, géologiques et biologiques (le guitariste compositeur Robin Staps a une thèse sur la gestion des récifs de corail au Belize sud) souvent les utilisant comme métaphores. Pelagial (2013) traitait de l’évolution des abysses sous-marins, pour en faire « un voyage depuis la surface jusqu’aux profondeurs de l’esprit humain ». Son successeur, Phanerozoic I: Palaeozoic, premier volume d’un double album dont le second volet verra le jour en 2020, traite de l’éon succédant au Précambrien et du cycle des extinctions. Phanerozoic I: Palaeozoic doit ses thématiques à la théorie de Nietzche selon laquelle tout doit se répéter un nombre infini de fois à travers l’espace et le temps (pour faire simple). De fait le dernier effort de The Ocean se veut grave, moins neutre (avec le réchauffement climatique en filigrane) et d’une certaine façon plus sombre.

Si l’on prend Phanerozoic I: Palaeozoic en tant qu’album seul, le premier constat est qu’il est plus condensé que Pelagial. Ceci s’explique car il est le premier volet d’un diptyque, mais cette densité se ressent dans la manière d’aborder la musique, sans doute liée au fait que le groupe a répété en live avant d’enregistrer, une première dans sa carrière. The Ocean persiste dans une orientation décelable depuis Precambrian, à savoir employer avec de plus en plus de subtilité l’instrumentation classique. « Silurian: Age Of Sea Scorpions » est l’exemple même de l’intégration parfaite de cette orchestration, les cordes ajoutant une dimension épique au propos de The Ocean. Le titre est d’ailleurs l’un des plus progressifs de l’album, au sens premier du terme. Il est introduit par un riff qui rappelle le célèbre « Army Of Me » de Björk (pour ceux qui connaissent la version metal de Klone) et connaît plusieurs mutations, que ce soit des envolées mélodiques au ton léger ou un pont porté par des notes de piano et violoncelle. Le tout se conclut par un riff construit de nappes sonores massives, soutenu par le growl surpuissant de Loïc Rossetti, puis des cuivres homériques. Ce besoin de « dantesque », de monumentalité, c’est ce qui distingue réellement Phanerozoic I: Palaeozoic de son prédécesseur, au développement moins focalisé. Les premières notes de « Cambrian II: Eternal Recurrence » qui viennent satisfaire toute l’anticipation créée par l’introduction « The Cambrian Explosion » démontrent que The Ocean a l’une des productions contemporaines les plus impressionnantes (œuvre de Jens Bogren, qui a travaillé avec Opeth et Katatonia) et que le groupe ne souhaite pas tergiverser, prenant directement l’auditeur aux tripes. Cet aspect « mur de son » rappelle le Vertikal de Cult Of Luna, notamment lorsque The Ocean intègre de très légers passages électro dans ses compositions, employés à bon escient et avec goût, à l’instar de « Cambrian II: Eternal Recurrence ». « Ordovicium: The Glaciation Of Gondwana », avec la voix de Loïc Rossetti calquée exactement sur le riffing conforte l’auditeur dans l’impression de puissance que Phanerozoic I: Palaeozoic instaure d’emblée. On pourrait affirmer plutôt trivialement que The Ocean se veut plus incisif et agressif mais de manière solennelle.

Derrière l’impression de puissance évidente se cache une myriade de détails qui confinent à l’excellence. Ce n’est pas l’aisance avec lequel le groupe navigue entre passages purement metal et plages plus nuancées, ni le talent certain du chanteur pour passer d’un growl gargantuesque à une voix plus modulée. Pelagial et les opus précédents contenaient déjà ces éléments. La différence se crée dans les arrangements plus discrets qui permettent aux compositions de conserver leur homogénéité sans devenir monotone ne serait-ce qu’une seconde. Les leads de guitare en filigrane du riff d’ « Ordovicium: The Glaciation Of Gondwana » ont de quoi faire frissonner les plus rétifs d’entre nous. « Devonian: Nascent » avec la participation du chanteur de Katatonia Jonas Renske est d’une élégance rare, ce dernier dessinant petit à petit une tension qui se libère partiellement sur le refrain d’une finesse mélodique louable, avant de réellement exploser. The Ocean crée de véritables progressions qui vont d’un extrême à l’autre dont on ne peut que se délecter. « Permian: The Great Dying » synthétise ce que Phanerozoic I: Palaeozoic démontre depuis les premières secondes: une puissance mélodique et une intensité extrême. Fusionner le growl et la voix claire de Loïc Rossetti est à ce titre extrêmement évocateur, presque métaphorique.

Si à 47 minutes au compteur Phanerozoic I: Palaeozoic pourrait paraître bref, il ne faut pas oublier qu’il n’est que le premier volet d’un double opus. En réalité, c’est qu’on ne veut pas réellement en sortir. En prônant une musique moins ornée et plus dense, Phanerozoic I: Palaeozoic incite l’auditeur à ne pas réfléchir sur ce qu’il se passe mais à plonger et se laisser entraîner. Si le propos de The Ocean est plus grave, il a les arguments et les épaules pour le soutenir et le présenter d’une manière exceptionnelle.

Chanson « Devonian: Nascent » (avec Jonas Renkse de Katatonia) :

Chanson « Permian : The Great Dying » en écoute :

Album Phanerozoic I: Palaoezoic, sortie le 2 novembre 2018 via Metal Blade. Disponible à l’achat ici



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