Après Austin Dickinson et sa nouvelle formation As Lions que nous présentions il y a quelques jours, dans la série des groupes de fils de légendes, voici désormais The Raven Age. Le groupe du guitariste George Harris, fils de Steve Harris, le mythique bassiste d’Iron Maiden, emboîtant le pas de sa chanteuse de sœur aînée Lauren, sort son premier album intitulé Darkness Will Rise le 17 mars prochain. L’occasion pour nous de s’entretenir avec ledit George, sur la genèse du groupe, le processus créatif qui a mené à cet album, mais également sur les tournées qu’il a faites avec les différents groupes de son père, ainsi que sur l’assurance que ce dernier a pu avoir sur lui.
En parlant de tournée, d’ailleurs, le groupe sera en première partie d’Anthrax, à Paris la veille de la sortie de l’album, le 16 mars, à l’Elysée Montmartre, l’occasion de découvrir sur scène ce groupe qui met un point d’honneur à délivrer une performance scénique de haut niveau, comme George nous le confie dans les lignes qui suivent.
« Nous ne sommes pas très à l’aise sur des petites scènes, sur lesquelles il faut rester immobile, nous y sommes un peu à l’étroit parce que nous aimons changer de place, bouger partout sur la scène, donc les scènes plus grandes, avec plus d’espace, sont vraiment parfaites pour nous. »
Radio Metal : Quelle était l’idée initiale derrière la formation de The Raven Age en 2009 ? Quelle était votre vision pour ce groupe ?
George Harris (guitare) : C’est en 2009 que nous avons eu l’idée de former le groupe. Nous avons fondé le groupe avec notre autre guitariste, Dan. Nous nous étions rencontrés quelques années auparavant, et nous avons découvert que nous aimions tous les deux jouer de la guitare, que nous étions tous les deux fans de metal, puis nous avons commencé à jouer ensemble et à écrire quelques trucs. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à réfléchir à un nom pour le groupe, et nous avons eu l’idée de l’appeler The Raven Age. Nous avons donc composé pendant quelques années avant de commencer à recruter d’autres membres. Ce n’est qu’en février 2013 que nous avons fait notre première scène, c’était un petit truc de présentation en studio. On pourrait croire que ça fait très longtemps que nous tournons, mais ça ne fait en réalité que depuis février 2013 que le groupe est au complet. Depuis, tout est allé très vite, ça s’est un peu emballé [rires].
Le nom du groupe fait référence aux corbeaux de la Tour de Londres, la légende raconte que le jour où ils partiront, la Tour et la monarchie s’effondreront. Pourquoi avez-vous choisi de faire référence à cette légende en particulier ? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Nous ne voulions pas d’un nom de groupe qui n’a pas vraiment de sens, nous voulions une sorte de contexte, car ça permet de développer un univers, et quand on y pense, c’est un concept assez cool en lui-même. La Tour de Londres est un lieu très sombre et mystérieux, ça l’était d’autant plus par le passé, quand on y faisait toutes sortes de choses [horribles] Nous sommes fans de… Je ne sais pas, nous sommes très fans de fantastique, je crois que ça s’inscrit dans cet univers : The Raven Age. Nous voulions pouvoir raconter une histoire avec le groupe et pouvoir créer un univers graphique pour l’illustrer, etc. The Raven Age correspondait donc parfaitement à cette idée.
Était-il important à vos yeux de faire référence à un élément de la culture britannique en particulier, faire une sorte de clin d’œil à votre pays d’origine ?
Ce n’était pas l’idée à l’origine, on peut dire que c’est une sorte de bonus. Cette idée m’est en quelque sorte venue…. En fait, je lisais des trucs, je n’arrive même pas à me souvenir comment j’ai trouvé ça en fait, je crois que c’était sur Internet. C’était une de ces nuits où je n’arrivais pas à dormir, je cherchais l’inspiration, je lisais toutes sortes de trucs, et je suis tombé là-dessus et je me suis dit : « C’est pas mal du tout comme concept ! » Il se trouve que nous sommes de Londres, et ça coïncide avec le fait que le groupe est britannique. C’est en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Nous ne nous sommes pas dit : « Bon, il nous faut un nom de groupe qui soit typiquement britannique », pas du tout, ça s’est fait naturellement.
Non seulement le groupe s’appelle The Raven Age, mais vous avez également un morceau qui s’intitule « The Age Of The Raven » (l’ère du corbeau, NDT). C’est quoi exactement cette ère du corbeau ? Et qu’est-ce que le corbeau symbolise pour vous ?
En fait, j’ai composé cette chanson, les paroles et les mélodies de cette chanson, après avoir regardé Les Oiseaux, le film d’Alfred Hitchcock. Ça m’a en quelque sorte inspiré, puisque le nom de notre groupe s’inscrit directement dans cette thématique. Ça raconte comment les corbeaux prennent le contrôle, c’est un concept que j’ai voulu pour le groupe de manière générale, en termes de progression, ce genre de choses. C’est ça l’origine du morceau.
Vous avez pris presque trois ans pour enregistrer Darkness Will Rise. Est-ce que c’était important pour vous de prendre votre temps pour sortir ce premier album ?
Oui, enfin, encore une fois nous n’avons pas décidé de prendre notre temps, c’est juste que ça s’est fait comme ça, l’enregistrement de l’album a été un processus long [petits rires]. Mais c’est aussi bien, car nous avions le luxe d’avoir accès à un lieu dans lequel nous pouvions enregistrer, utiliser ProTools, etc. Nous avons travaillé avec le producteur Matt Hyde, il est venu et a enregistré la batterie, je ne me sentais absolument pas capable de faire ça [rires], j’ai ensuite enregistré tout le reste, donc les guitares, la basse, le chant, etc. Nous n’avions donc pas cette pression de devoir tout réussir du premier coup, tu vois. Nous n’étions pas dans cette dynamique où tu te dis : « Oh, il faut qu’on fasse ça, parce que le temps c’est de l’argent », puisque nous avions accès à ce lieu et nous pouvions prendre tout le temps dont nous avions besoin, ce qui s’est révélé être à la fois une bonne et une mauvaise chose, car nous avons vraiment pris notre temps [petits rires]. C’est long, trois ans ! En fait si nous avons mis autant de temps, c’est parce que nous avons eu des opportunités géniales, et nous n’arrêtions pas de partir en tournée, de revenir et de retoucher ce que nous avions composé. Le mixage a pris également énormément de temps.
Vous avez beaucoup tourné avant de sortir cet album. Vous avez même décalé la sortie en raison de votre emploi du temps chargé. C’était important pour vous de faire vos preuves en tant que groupe de scène ?
Absolument ! Je pense que c’est ça la base d’un groupe : jouer sur scène. Aujourd’hui, avec des petites astuces, tu peux avoir un son parfait sur un album, mais si tu ne peux pas faire la même chose sur scène, alors le public va tout de suite te mettre sur la touche. Nous voulions peaufiner notre jeu de scène autant que possible. Ça a donc joué en notre faveur d’avoir la chance de pouvoir faire toutes ces tournées, car je pense que nous avons vraiment confiance sur scène maintenant, nous savons que le public en a pour son argent.
« Quand il y a des milliers de personnes qui portent des tee-shirts d’Iron Maiden, et qui sont au courant de nos liens, certains ont une idée préconçue du groupe, c’est le seul côté gênant. Tu vois, tu as envie que les gens se fassent leur propre avis et écoutent ton groupe pour voir s’ils aiment ce que tu fais, plutôt que de s’imaginer quelque chose dès le départ. »
Comment avez-vous composé l’album ? Quel a été le processus ?
Nous avons sorti l’album trois ans après l’EP. D’ailleurs, une grande partie des morceaux avait été écrite il y a un bon moment. Par exemple, le riff principal de « The Age Of The Raven », c’est un riff que Dan avait composé il y une éternité, et nous l’avons en quelque sorte revisité. Nous avons procédé comme ça pour quelques morceaux, parce que nous avions des trucs que nous avions enregistrés sous la forme de démos, mais sans vraiment réussir à les finaliser. Nous avons donc repris une partie de ces démos, mais nous avons également composé de tout nouveaux morceaux. Je pense qu’il y a une sorte d’évolution naturelle depuis l’EP jusqu’à l’album, nous ne nous sommes pas dit : « À partir de maintenant, on fait comme ça ! » Ça ressemble à ce que nous avons sorti sur l’EP, mais avec un spectre musical plus large, je dirais. L’album est un peu plus dynamique. Il y a quelques morceaux plus lents, il y a aussi des morceaux plus longs, ce genre de choses. Pour moi, c’est une progression qui s’est faite naturellement.
Dan et toi êtes les membres fondateurs du groupe. Peux-tu décrire votre relation sur le plan personnel et sur le plan professionnel ?
Ce qui est cool, je pense que c’est pour ça que ça marche aussi bien, c’est que nous nous sommes rencontrés sans avoir l’intention de monter un groupe, ça n’a pas été quelque chose de forcé. Je l’ai rencontré dans des circonstances complètement différentes, et il se trouve que nous aimons la même musique, nous jouons tous les deux de la guitare, nous sommes tous les deux plutôt décontractés, et nous nous sommes bien entendus, nous avons tous les deux joué au foot dans la même ville, etc. Nous avons des passe-temps communs, et nous partageons même certaines influences musicales. Nous avons découvert que nous avons assisté aux mêmes concerts, alors que nous ne nous connaissions même pas à l’époque, ce genre de choses. Nous avons beaucoup discuté et de là nous sommes naturellement devenus amis, et ça a toujours été comme ça. Dan joue presque le rôle de manager au sein du groupe, car il est le plus organisé d’entre nous [petits rires], et il a de l’expérience en marketing, donc il prépare ses campagnes et nous donne des tâches à réaliser, étant donné que nous gérons actuellement nous-mêmes le groupe. Mais nous n’avons pas franchi ce cap dans notre relation personnelle/professionnelle où ça devient bizarre, pas encore en tout cas [rires]. Tout va bien pour le moment, ça fonctionne parfaitement. J’espère que ça va continuer comme ça.
Concernant le processus de composition, comment fonctionnez-vous au sein du groupe ?
Dan et moi, comme nous sommes tous les deux guitaristes, nous écrivons, égoïstement, du point de vue d’un guitariste [petits rires]. La composition d’un morceau commence toujours avec un riff ou une accroche de guitare, ou quelque chose comme ça, puis, de là, on brode. Ça peut être une intro ou alors nous jouons quelque chose et nous pensons que ça pourrait être le milieu d’un morceau, par exemple une grosse montée en puissance au milieu d’un morceau, puis nous étoffons ça jusqu’à avoir un morceau complet. Ça commence toujours comme ça, ensuite j’enregistre rapidement une démo, je siffle un paquet de mélodies par-dessus, puis j’écris les paroles en essayant de trouver un concept pour le morceau. Il faut que je trouve le feeling de la musique, c’est ce que nous aimons faire en fait, créer des dynamiques dans le morceau, créer une atmosphère, comme si l’histoire pouvait se raconter toute seule juste avec la musique, et ça nous donne toujours une bonne idée, une image de ce que raconte la chanson, les paroles sont donc écrites en dernier.
La mort et les ténèbres sont des thèmes très présents dans cet album. D’où vous vient ce pessimisme ?
Je ne sais pas vraiment [rires]. On pourrait penser que nous sommes un groupe de black metal ou je ne sais trop quoi en regardant simplement les illustrations et les titres des chansons, mais c’est simplement un thème qui nous plait et qui nous semble intéressant. Beaucoup de titres font en particulier référence à la mort et aux ténèbres, mais plus du point de vue d’événements historiques, etc. En fait, c’est une question d’état d’esprit, ça va soit être quelque chose de personnel, soit quelque chose d’historique qui s’est réellement passé, par exemple le pouvoir du gouvernement ou quelque chose comme ça. Je trouve ça simplement fascinant, et parfois je n’arrive pas à croire que ces choses dont parlent nos chansons se sont réellement passées. C’est ça ma source d’inspiration, principalement.
Des titres comme « Darkness Will Rise » et « Winds Of Change » [« les ténèbres se lèveront » et « les vents du changement », NDT] suggèrent l’idée d’un monde en évolution. Quel est votre regard sur le monde actuel ?
C’est une excellente question. C’est très étrange, en particulier dans notre position, en tant que groupe. On vit une époque où tout tourne autour des réseaux sociaux. Tout le monde a accès à tout : on attend de toi que tu diffuses en direct ton petit déjeuner, que tu sois tout le temps en train de faire quelque chose. Quand tu fais partie d’un groupe, tu dois presque devenir un personnage, faire l’acteur en permanence, faire des trucs pour tes fans, garder le contact avec tout le monde. Je pense que c’était complètement différent avant Internet, il n’y avait que le bouche à oreille, et c’est comme ça qu’un groupe devenait célèbre. C’est génial pour nous, car c’est un outil qui nous permet de développer notre groupe. Tu peux publier quelque chose, et instantanément, des millions de personnes y ont accès. L’inconvénient en revanche, c’est qu’énormément de groupes font ça. Il est donc bien plus difficile de se distinguer, de ne pas être noyé dans la masse, je pense.
La religion est un autre thème central du groupe, et je sais que ça te fascine. Quel regard portes-tu sur la religion ? Es-tu religieux ?
Je ne suis pas religieux, non. Je ne suis pas non plus sataniste [petits rires], je pense qu’on peut me définir comme athée. Mais, comme tu l’as dit, je trouve ça fascinant, en particulier le côté historique, je n’écris pas vraiment sur la religion au sens moderne du terme. J’écris sur des choses que j’ai pu lire dans des livres, ou voir dans des films, etc., et au travers de la religion, il y a une sorte de contrôle, et des idéologies, des états d’esprit, que je trouve fascinants, des choses auxquelles les gens peuvent se raccrocher et suivre. La religion est un concept si intéressant, c’est un truc tellement énorme, omniprésent, et qui fait partie de la vie de tellement de personnes. Je trouve ça vraiment intéressant, en fait.
« Les gens te disent des trucs du genre : ‘Ouah, ça doit être génial, tu peux ne rien foutre de tes journées !’ [Petits rires] Non ! J’ai l’impression de ne jamais avoir travaillé aussi dur de toute ma vie ! […] Ça peut être énervant parfois, mais ce n’est pas grand-chose. »
Vous avez tourné avec Iron Maiden, c’est une opportunité rare pour un groupe si jeune. Comment s’est passé cette expérience ? Étiez-vous stressés ?
Nous étions plus excités, je pense, que stressés. Au départ, nous étions très nerveux, à cause de la différence de taille par rapport aux scènes dont nous avions l’habitude… Notre plus gros concert avant ça était une salle de 2 500 personnes, la première date sur la tournée d’Iron Maiden c’était devant 22 000 personnes, donc 20 000 de plus que notre plus grosse scène, et c’était le premier concert, nous étions donc très, très nerveux [petits rires]. Mais après quelques dates, nous nous sommes habitués à la taille de la scène. Nous avions quatre ou cinq mètres de plus de chaque côté pour bouger, il faut remplir cet espace. De toutes façons, nous sommes très énergiques sur scène, nous bougeons beaucoup, nous aimons être très présents. C’était vraiment incroyable, nous n’aurions pas pu rêver d’une plus belle opportunité pour le groupe.
Comment l’expérience scénique acquise sur cette tournée a-t-elle changé votre manière de préparer vos concerts ? Est-ce que vous avez dû repenser la manière dont vous occupez la scène, changer d’équipement, etc. ?
En fait, sur la tournée d’Iron Maiden, étant donné la taille de la scène et parce qu’on avait la place de le faire, nous avons décidé d’acheter des podiums, des blocs sur lesquels nous pouvons monter, parce que certaines scènes sont si hautes que le public des premiers rangs ne peut pas voir grand-chose, etc. Nous avons pensé que ça permettrait de donner de la hauteur à notre jeu de scène, comme si ça boostait un peu notre égo. Ça fait partie de ces choses que nous avons jugées utiles d’avoir à notre disposition. Et puis, plus généralement, nous voulions naturellement passer à des scènes plus grandes, nous ne sommes pas très à l’aise sur des petites scènes, sur lesquelles il faut rester immobile, nous y sommes un peu à l’étroit parce que nous aimons changer de place, bouger partout sur la scène, donc les scènes plus grandes, avec plus d’espace, sont vraiment parfaites pour nous.
Vous avez également tourné avec British Lion, un autre groupe dont fait partie ton père. Lors de ces concerts, que ce soit avec Iron Maiden ou British Lion, est-ce que vous avez ressenti une pression de la part du public, qui peut s’attendre à quelque chose que vous n’êtes pas forcément, simplement parce que The Raven Age est le groupe du fils de Steve Harris ?
Je ne ressens pas particulièrement de pression de ce côté-là. Mais c’est sûr que ça joue. Évidemment, quand il y a des milliers de personnes qui portent des tee-shirts d’Iron Maiden, et qui sont au courant de nos liens, certains ont une idée préconçue du groupe, c’est le seul côté gênant. Tu vois, tu as envie que les gens se fassent leur propre avis et écoutent ton groupe pour voir s’ils aiment ce que tu fais, plutôt que de s’imaginer quelque chose dès le départ. Je n’ai pas vraiment ressenti de pression, parce que je crois en ce groupe, et je pense que nous sommes à la hauteur de l’opportunité qui nous a été donnée. L’accueil que nous avons reçu sur les deux tournées a été absolument génial, et ça prouve bien ça.
Est-ce que le fait d’être catalogué comme « le groupe du fils de Steve Harris » est un avantage ou un inconvénient ?
[Il réfléchit] C’est sûr que c’est un avantage, nous avons par exemple pu faire cette tournée [petits rires], donc ça a été un avantage incroyable, qui contrebalance énormément les inconvénients. [Il réfléchit] Je pense qu’il y a tout de même des aspects négatifs, comme je le disais, le public a une idée préconçue du groupe avant même d’écouter notre musique, ce qui peut changer la donne… Le public nous donnerait-il la même chance s’il n’était pas au courant de ce lien ? Nous avons beaucoup de messages de gens qui nous disent : « On adore votre groupe, je viens de découvrir qu’il y a ce lien, seulement après avoir écouté votre musique, et j’aime beaucoup ce que vous faites. » Ça fait toujours plaisir. Mais il y a toujours quelqu’un qui, sur Internet, va dire… des trucs, mais j’essaye d’ignorer tout ça en fait.
Lorsque les enfants de musiciens célèbres se mettent à faire de la musique, le public à tendance à imaginer une image de « fils à papa », qui n’a pas à faire le moindre effort. Est-ce que tu penses que les gens se font une mauvaise image de ce type de situation ?
Je pense que, d’une manière générale, les gens ont une image biaisée des musiciens dans leur ensemble [petits rires]. Nous en discutions justement l’autre jour avec les autres membres du groupe. Quand la tournée avec Iron Maiden s’est présentée, et elle devait durer six mois, ce qui voulait dire que nous devions quitter nos boulots à temps plein, à temps partiel ou toute autre activité que nous avions, et nous dire : « On part faire ça maintenant ! Ça y est ! » Et entre les tournées, nous avons continué à faire des petits trucs ici et là, en termes de travail, mais j’ai trouvé qu’il y avait cette espèce d’atmosphère, d’autant plus maintenant que nous sommes signés sur un label, où les gens te disent des trucs du genre : « Ouah, ça doit être génial, tu peux ne rien foutre de tes journées ! » [Petits rires] Non ! J’ai l’impression de ne jamais avoir travaillé aussi dur de toute ma vie ! Il y a tellement de choses à faire, d’autant plus que nous gérons nous-mêmes le groupe, que nous faisons nos propres illustrations, le livret du disque, nous faisons tout nous-mêmes, et ça représente bien plus de travail que ce que les gens peuvent imaginer. Ça peut être énervant parfois, mais ce n’est pas grand-chose.
Vous n’avez jamais eu peur de vous enfermer dans cette case, de vous coller vous-même cette étiquette du « groupe du fils de Steve Harris » en participant à des tournées avec Iron Maiden et British Lion ?
Ça nous a bien entendu traversé l’esprit, mais à l’époque, la tournée avec British Lion, c’était clairement la bonne chose à faire pour nous, parce que cette tournée a été l’occasion de jouer notre musique dans toute l’Europe, ce que nous n’aurions sinon pas pu faire. Nous avons été très bien accueillis par le public, nous jouions dans des salles de cinq cent, six cent personnes. Nous vendions quarante voire cinquante EP chaque soir, ce qui est énorme pour un groupe de première partie, je pense. Ça a été la même chose pour la tournée d’Iron Maiden, la visibilité que ça nous a apporté, il n’y avait pas à hésiter une seconde. Encore une fois, oui, les gens vont dire « ah, mais vous avez pu faire cette tournée uniquement pour ça », mais si je ne croyais pas en ce groupe, et si je pensais que c’était juste l’occasion d’avoir notre quart d’heure de gloire pour retourner après dans l’anonymat, si je pensais que nous n’allions nulle part, je n’aurais pas accepté, et on ne nous aurait même pas proposé de faire cette tournée. Je pense sincèrement que nous avions le niveau pour assurer la première partie, et l’accueil du public a d’ailleurs prouvé que c’était le cas.
« [Mon père] m’engueule parfois, quand je dis des trucs du style : ‘Oh, j’adorerais aller là-bas un jour !’ Et il me répond : ‘Tu y as été ! Quand t’avais deux ans !’ [Rires] »
Iron Maiden a été et reste l’un des groupes les plus influents au monde. As-tu été influencé d’une manière ou d’une autre par la musique de ton père ?
Je pense oui, en tout cas inconsciemment. Je veux dire, j’ai été élevé avec Iron Maiden à fond depuis que je suis bébé. J’ai assisté à tellement de concerts d’Iron Maiden, je ne les compte même plus [rires]. Mais ouais, j’écoute toujours leurs nouveaux albums quand ils sortent, et j’écoute toujours Iron Maiden, j’aime vraiment Iron Maiden. C’est assurément une influence naturelle, tout comme les autres groupes que j’écoute, et que j’ai pu écouter en grandissant, qui nous ont influencés, ils ont été influencés par Iron Maiden, parce que tout ça fait partie d’un même genre de musique qui est le metal, et c’est un groupe fondateur de ce genre, il est unique, donc je pense qu’une majorité des groupes que j’écoute et qui m’ont influencé ont également été influencés par Iron Maiden. Du coup je suis en quelque sorte influencé par Iron Maiden via tout le monde [rires].
Quels sont les groupes qui ont eu l’impact le plus important sur ton éducation musicale, mais également sur le groupe ?
Nous avons grandi à une époque où le metalcore prenait de l’ampleur, je commençais à écouter des musiques plus heavy. Par exemple, je suis allé voir un concert de Funeral For A Friend, et c’était Bullet For My Valentine qui faisait la première partie, c’était à Cambridge, en Angleterre. Et c’était la première fois que je les voyais, et je me suis dit « ouah, c’était vraiment cool », et c’est comme ça que je suis tombé dans cette musique. Killswitch Engage, pour moi est un groupe énorme, j’adore tellement ce qu’ils font, c’est l’un de mes groupes préférés. Trivium, j’ai écouté Ascendancy quand il est sorti, c’était cette époque… Avenged Sevenfold, que j’ai découvert un peu tard, c’est le groupe préféré de Dan. Parkway Drive, As I Lay Dying, c’est tous ces groupes de metalcore qui m’ont fait aimer la musique vraiment heavy, je pense que ça s’est clairement imprégné dans notre musique.
D’ailleurs, ton père compte parmi les bassistes les plus influents et les plus respectés, comment t’es-tu retrouvé à jouer de la guitare ?
[Rires] J’ai commencé par jouer de la basse. J’ai commencé quand j’avais douze ans, personne ne m’a forcé ni quoi que ce soit. Dans le salon, il y avait cette basse acoustique qui trainait là tout le temps, je jouais avec, je bricolais deux trois trucs, et j’ai commencé à apprendre comme ça, j’aimais vraiment en jouer. J’ai fait ça pendant un an environ, et j’ai atteint un certain niveau, et je ne sais pas pourquoi, mais quand je voyais une guitare, je me disais « c’est de ça que je veux jouer », étrangement. Ma sœur Kerry avait une guitare acoustique trois-quarts. Elle n’en jouait jamais, donc je lui ai plus ou moins volée. Et j’ai commencé à jouer de la guitare, c’est parti de là. Je continuais aussi à jouer de la basse, j’ai été bassiste dans un groupe pendant environ trois ans, de mes seize à mes dix-neuf ans. Mais je composais tous mes morceaux à la guitare, donc je me suis dit qu’il valait mieux que je me concentre là-dessus.
Beaucoup de gens se demandent qui sera le prochain Iron Maiden ou le prochain Metallica. Est-ce que tu penses, en tant que musicien, avoir les mêmes chances aujourd’hui que ton père il y a quarante ans ?
[Il réfléchit] À l’époque, il y avait les groupes fondateurs de ce genre, la New Wave Of British Heavy Metal, et des groupes comme Iron Maiden et Metallica, ou bien sûr Black Sabbath, avant eux. Il n’y avait pas beaucoup de groupes avant eux qui faisaient ce que ces groupes-là faisaient, c’était un truc nouveau, ça a explosé et c’est devenu un phénomène mondial. Alors qu’aujourd’hui il y a tellement de groupes de metal qu’on va toujours te comparer à quelqu’un, à tel ou tel groupe. J’ai du mal à imaginer qu’un groupe puisse devenir aussi énorme dans le metal, avoir cette aura, parce que ces groupes étaient si énormes, et ils étaient nouveaux, c’était un nouveau genre. Bien sûr, il y a des groupes comme Avenged Sevenfold ou Slipknot, qui prennent un peu le relais, ils font la tête d’affiche de festivals, ce genre de choses. J’espère bien entendu qu’un jour nous ferons partie de ces groupes. Mais je ne sais pas, c’est bizarre, je ne suis pas sûr qu’on retrouvera un jour des groupes qui parviennent à susciter un tel engouement, presque religieux, si tu vois ce que je veux dire.
Comment ça se passe, pour un enfant, d’avoir comme père une star du metal qui part en tournée dans le monde entier ?
J’ai passé une grande partie de mon enfance en tournée avec mon père, je n’en garde que de bons souvenirs, vraiment. Je n’ai pas souvenir d’être à la maison à me dire « oh, papa n’est pas là… » ni quoi que ce soit. Je me souviens de tous les bons moments, lorsque nous passions les vacances d’été en tournée aux États-Unis, ce genre de choses. J’adorais vraiment ça, j’ai eu une enfance géniale. On me pose toujours ce genre de questions, les gens me demandent « est-ce que ton père te manquait quand il était en tournée ? », je réponds toujours : « Ouais, peut-être, mais je me souviens uniquement de tous les bons moments à vrai dire. »
Tu partais souvent en tournée avec lui ?
Oui, souvent. Quand j’étais plus jeune, il essayait de nous emmener en tournée avec lui autant que possible, donc pendant les vacances scolaires évidemment, etc. C’était bien, c’était bien sûr génial de pouvoir visiter tous ces endroits. Il m’engueule parfois, quand je dis des trucs du style : « Oh, j’adorerais aller là-bas un jour ! » Et il me répond : « Tu y as été ! Quand t’avais deux ans ! » [Rires] « Tu sais, j’avais deux ans, je ne me rappelle pas de ça ! » Je ne me rends pas compte que j’ai été dans certains de ces endroits, c’est assez étrange.
Partir en tournée n’est donc rien de nouveau pour toi…
Il faut croire que non ! Ce n’est plus pareil par contre, à l’époque c’était tranquille, je me promenais, je profitais du lieu et je me pointais au concert après. L’atmosphère est très différente, quand tu travailles, ça n’a rien à voir. Mais ouais, je suppose que j’ai l’habitude de partir en tournée.
Interview réalisée en face à face le 7 février 2017 par Aline Meyer.
Fiche de questions : Philippe Sliwa & Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Thomas Pennaneac’h.
Photos : Paul-Harries (2 & 5), John-Mcmurtrie (4).
Site officiel de The Raven Age : theravenage.org
Acheter l’album Darkness Will Rise.
J’adore leur nouvel album, bien énergique, des putains de riffs, une bonne batterie… Par contre, la basse je l’entends pas beaucoup, je veux dire on l’entend mais elle n’est pas très présente, seul bémol pour l’album sinon vu que j’aime beaucoup ce style de musique avec la nouvelle vague de groupes qui arrivent, je ne peux qu’être heureux. La chanson que j’ai le plus aimé (hormis les chansons de l’EP et Salem’s Fate) est Promised Land, putain elle est grave lourde et c’est bon ça ! À écouter absolument !