Honnêtement, que peut-on attendre d’un « supergroupe » ? À croire que l’addition de grands noms suffirait à produire de la musique de qualité, pas du tout démonstrative, digne d’intérêt et qu’il serait impossible de la critiquer en raison du principe d’autorité régnant autour des membres du groupe. Oui, le « supergroupe » est un concept extrêmement surestimé. Heureusement, il existe certains contre-arguments, The Winery Dogs en est un. Hot Streak, le second opus du trio composé du prolifique (trop ?) Mike Portnoy (ex-Dream Theater, Flying Colors, ex-Adrenaline Mob…), de Billy Sheehan (Mr Big, ex-membre des groupes de Steve Vai et David Lee Roth…) et Richie Kotzen (ex-Poison, ex-Mr Big) a des objectifs modestes qu’il remplit avec une sincérité bienvenue.
À l’instar de leur premier album, il s’agit de renouveler avec un esprit classic rock, oscillant entre le FM et quelques touches progressives : un spectre assez large en somme. Hot Streak désire ne pas traîner en longueur et reprend à propos le schéma du titre de quatre à six minutes : couplet, refrain, couplet, pont, refrain, outro et le tour est joué. À l’ancienne. Toutefois, Hot Streak a une consonance légèrement moins « mainstream » et ouvre et complexifie légèrement le propos par rapport à son prédécesseur. Le titre d’ouverture, « Oblivion » laisserait presque croire que The Winery Dogs a décidé d’adopter des consonances à la King Crimson version survitaminée. Richie Kotzen se charge très rapidement de déjouer cette impression avec son timbre chaud qui rappelle tantôt Chris Cornell (Soundgraden), tantôt Doug Pinnick (King’s X) et tantôt David Coverdale (Whitesnake). Le refrain remet très vite les choses en place : appréhendable et mémorisable en vue d’un récital de l’auditeur lors du moment douche. « Captain Love » vient faire du pied à AC/DC version US et démontre cette faculté à faire du rock sans artifices et sans complexes. Le titre éponyme de l’album incarne sans doute au mieux la philosophie du groupe. Ce « Hot Streak » groovy au possible fusionne des éléments techniques sans cesse relâchés par des mélodies et lignes de chant d’une efficacité notable.
The Winery Dogs peut fusionner du Primus avec du Soundgarden ou du King’s X sans créer un monstre difforme, qualité assez singulière pour être notée. Que les familiers du groupe se réjouissent, ils retrouveront les fameuses ballades rock sucrées à la délicatesse douteuse : « Fire » aura bien son final soutenu par les sempiternelles notes de piano, avec des relents du « Take This Bottle » de Faith No More. On remarque d’ailleurs que le clavier commence à s’immiscer un peu plus dans la musique du trio, toujours avec des sonorités vintages, comme l’orgue Hammond de « How Long » ou le piano Rhodes de « Think It Over » dans une veine blues sudiste à la The Black Crowes. Parfois même, The Winery Dogs arrive à dépasser le simple stade de la satisfaction et fait frissonner. La fin de « War Machine » est une simple montée mélodique qui fait très bien son effet et dégage une vraie intensité lorsque l’outro de « The Lamb » – titre au demeurant très soul – et le chant de Kotzen rappelle les phrasés d’un certain Robert Plant.
The Winery Dogs accuse toutefois certains soli décousus bien que le jeu de Richie Kotzen reste sobre dans ses effets et nous gratifie de quelques élancées parfaitement placées (« Ghost Town »). En outre, il ne faut pas oublier que Billy Sheehan est celui qu’on surnomme le « Van Halen de la basse ». Son jeu peut être remarquable et faire tout l’intérêt d’un titre assez original comme « Spiral » lorsqu’il peut frôler les limites de l’indigestion sur « Oblivion », où l’ensemble du trio s’en donne d’ailleurs à cœur joie. Malgré quelques élans qui pourront heurter les plus sensibles, The Winery Dogs propose des compositions simples sans être formatées, cohérentes et appréciables à plusieurs échelles. Ce sont justement ces différentes échelles d’écoute qui rendent cet opus convaincant. On peut y rechercher des éclats de la virtuosité des musiciens si l’on souhaite y prêter attention et en trouver suffisamment pour être satisfaits. Surtout, on peut s’en fiche totalement. The Winery Dogs peut s’écouter avec le plaisir le plus simple en incarnant élégamment le principe même du « Plug & Play » qui fait parfois la force du rock.
Ecouter la chanson « Oblivion » :
J’adore cet album: Les chansons, la production. Ca fait du bien aux oreilles.