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Interview   

Theraphosa : dépasser sa nature


Chassez le naturel, il revient au galop. Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est notamment ses efforts pour dépasser sa propre nature. Et pour se protéger de ses instincts primitifs, il a construit une société avec une morale et des règles. Pourtant, il n’en faut pas beaucoup pour que tout cela vole en éclats. Avec un album intitulé Transcendance, Teraphosa ironise, non sans autodérision, sur ce triste constat. Évidemment, tout n’est pas à jeter chez l’homme et le titre est également choisi pour évoquer l’espoir de ceux qui ont réussi quand tous les donnaient perdants.

Vincent, chanteur-guitariste mais également « grand frère » du trio nous raconte ce que ce combat représente dans sa vie et pour Theraphosa. Et dans ce combat, cet album est une victoire quand on lit le récit de Vincent à propos du premier EP ou, plus généralement, de sa carrière.

« Quand je suis arrivé en fac de musique et que j’ai découvert l’ampleur de tout ce qu’il y avait à apprendre, de ce qu’était la vraie écriture musicale, je me suis rendu compte que, musicalement, je connaissais très peu de choses. Ça m’a mis une espèce de claque, et ça m’a donné envie de connaître tout ça sur le bout des doigts. »

Radio Metal : Après le premier EP, comme il y a eu un laps de temps assez grand entre son enregistrement et sa sortie, vous n’avez pas tourné, et vous vous êtes directement lancés dans l’écriture de l’album. N’avez-vous pas ressenti une frustration vis-à-vis de ça, comme s’il y avait eu quelque chose d’inachevé ?

Vincent (chant & guitare) : Je ne dirais pas une frustration à cause du fait de ne pas avoir tourné. Par contre, il y a eu une frustration parce que lorsque nous avons fait cet EP, nous nous sommes dit que nous avions du matériel pour démarcher, aller voir des gens, des labels, des tourneurs, qui pourraient justement nous aider à tourner ou à développer le projet, et ça n’a malheureusement pas été le cas. On nous a dit : « C’est vachement cool, mais il n’y a que cinq titres, et on ne peut pas s’engager sur cinq titres. » Donc la frustration est plutôt venue à ce niveau-là. Ce n’était pas tant le fait de ne pas tourner, c’était le fait que nous ayons fait un EP, et nous avons eu l’impression que ce n’était pas suffisant pour les professionnels de la scène, car ils avaient besoin de plus de matière. Ce qui voulait dire, en gros, retourner en studio, balancer cette fois-ci quelque chose de plus long – donc un album – pour pouvoir déclencher quelque chose de plus concret.

Au niveau de votre public, est-ce qu’il y a des gens qui ont été déçus de ne pas vous voir sur scène ?

Oui, il y a quand même une demande des gens qui nous écoutent de pouvoir nous voir en concert dans leur région. Comme nous sommes un groupe totalement autoproduit – distribué par Season Of Mist –, tout est à notre charge, donc c’est parfois un peu compliqué pour nous d’organiser des tournées tout seuls, surtout financièrement. Donc il y a une demande de leur part, et c’est vrai que nous aimerions bien pouvoir y répondre. Malheureusement, ça a été compliqué, car financièrement, nous n’avions pas les moyens de tourner partout, parce que ça revient très cher, très vite.

Avec le confinement, j’imagine que les projets de concerts ont dû être reportés aussi. Finalement, le moment où vous allez monter sur scène, ça va presque être un événement, non ?

Oui, complètement ! C’est sûr, ça va être quelque chose d’assez particulier. Déjà, nous ne sommes pas un groupe qui a fait énormément de concerts, en soi, par rapport à d’autres qui ont vraiment tout misé là-dessus. Nous avons fait des concerts, mais nous ne sommes pas non plus ceux qui ont le nombre le plus élevé de shows ici et là. Nous avions des dates prévues qui, à cause du confinement, ont été annulées, ou du moins reportées. Donc comme tu le dis, ça sera un événement, ça c’est sûr ! [Rires]

Ressens-tu une pression par rapport à ça ?

La seule pression que j’ai lorsque nous faisons des concerts, c’est que je veux juste faire la meilleure performance possible. Je n’ai pas la pression de me dire : « Ah, j’ai un concert, donc ça me stresse. » C’est plutôt : « Quand je fais un concert, je veux être sûr de ce que je fais. » C’est-à-dire que même si les gens sont contents du concert qu’ils ont vu, si j’estime que je n’ai pas donné tout ce que j’avais à donner, je ne suis pas satisfait. C’est surtout à ce niveau-là, ce n’est pas au niveau du concert en lui-même.

Du fait d’être un groupe qui fait très peu de concerts, du moins jusqu’à présent, et qui pour l’instant met plus le paquet sur les sorties de disques, avez-vous l’impression d’être un groupe un peu à part, dans cette scène où on se concentre vraiment sur les concerts ?

C’est sûr que nous nous comparons naturellement à ce que nous voyons et par rapport aux groupes qui tournent, c’est sûr que nous, à côté, nous tournons beaucoup moins. Nous le ressentons. Après, je sais qu’aujourd’hui, de toute manière, pour tous les groupes, c’est compliqué de tourner, en fonction de ce que j’ai pu voir, et en fonction des discussions que j’ai eues, avec d’autres musiciens ou d’autres gens de la scène metal qui ne sont pas forcément des musiciens mais qui sont des professionnels du domaine. C’est quelque chose qui devient assez compliqué, et j’ai l’impression qu’en tant que groupe de metal, c’est encore pire. Forcément, on arrive avec l’étiquette « bruit », donc trouver des dates n’est pas forcément ce qu’il y a de plus simple, à moins de faire des plateaux à quinze mille… Ça implique toute une logistique derrière. Donc oui, je sens que nous sommes différents des autres groupes, mais en même temps, je ne suis pas sûr que nous soyons les seuls à avoir des difficultés à trouver des shows.

Contrairement au premier EP, vous avez enregistré cet album-là en France avec Francis Caste. Sur le premier EP, il y avait une sorte de relation privilégiée avec la Finlande, parce que vous avez travaillé avec le batteur d’Amorphis et le studio était en Finlande. Vous avez aussi travaillé sur tout le côté photo avec Denis Goria qui, certes, est français, mais est connu pour beaucoup travailler avec les artistes finlandais. Vous n’avez pas pu retourner là-bas pour des questions financières. Est-ce que c’est un regret pour vous de ne pas avoir pu continuer l’aventure là-bas ou était-ce un choix de travailler en France cette fois-ci ?

Il n’y a pas eu de regret du tout. Tu as mentionné Denis Goria, c’est grâce à lui que nous sommes allés en Finlande, parce que c’est lui qui a parlé de nous à Jan [Rechberger], et Jan a trouvé le projet intéressant. Et comme à cette époque-là, nous voulions faire un EP, et que Jan faisait ce travail de producteur, ça s’est fait naturellement. Mais si Jan avait par exemple été allemand… Je veux dire que ça n’a rien à voir avec la Finlande en soi. Par contre, nous avons vraiment voulu aller en France cette fois-ci, parce que nous sommes un groupe français, et qu’en France, nous avons aussi des gens qui savent faire un super boulot, et Francis l’a prouvé. Et puis, il s’est avéré que c’était moins cher, logistiquement, d’enregistrer en France, en toute logique, parce que nous sommes en France. Mais le choix n’était pas dû à l’argent, il était purement dû à la volonté de bosser avec quelqu’un de français, déjà, pour bosser au sein de la scène française, et aussi parce que Francis nous avait été recommandé par notre éditeur français, qui pensait qu’il y aurait un très bon contact avec lui et qu’il était fort probable qu’il comprenne très bien l’esprit et la musique du groupe. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé.

« On est tellement dans une société civilisée, avec des codes, des règles, des attentes, qui font qu’on a tendance à oublier le côté animal. Pour autant, on a toujours un comportement qui est parfois lamentable, primitif, presque parasitaire. »

Justement, peux-tu nous parler un peu plus ce déclic qui s’est fait entre vous ?

La toute première chose, avant de parler de musique, c’était le côté humain. Avec Francis, nous étions déjà sur la même longueur d’onde. Ce sont des détails, mais nous avions un peu le même sens de l’humour, des références communes… Rien que là, humainement, ça accrochait naturellement, même sans parler de musique. Ensuite, ce qui était très bien avec Francis, c’est que ce n’était pas du tout quelqu’un d’intrusif, or c’est quelque chose que nous avons toujours voulu. C’est-à-dire qu’il est arrivé et il nous a demandé : « Vous voulez quoi, comme son ? » Ça peut paraître bête, mais il n’y a pas forcément beaucoup de producteurs qui écoutent ce que tu veux avant de t’imposer leur choix ou, du moins, de tout de suite vouloir participer au processus, c’est assez rare. Nous n’avons pas de problèmes avec les gens qui donnent leurs idées ou qui souhaitent participer à l’aspect créatif, mais dans une certaine mesure. Avec Francis, ça a vraiment été parfait à ce niveau-là. Il a participé au processus, c’est normal, mais il nous a tout de suite mis en confiance, il nous a demandé ce que nous voulions faire, il aimait déjà les morceaux tels qu’ils étaient, et il n’a jamais cherché à imposer quoi que ce soit. Il disait : « J’ai une idée pour ça, mais si vous ne voulez pas, on ne le fait pas. » C’était le truc principal avec Francis. Je pense que c’est pour ça que nous avons eu un super résultat. Quand nous n’étions pas d’accord sur des choix, il ne les imposait pas, et quand nous étions d’accord sur quelque chose, c’était vraiment un choix à cent pour cent unanime.

Tu avais déclaré que les morceaux, par rapport au premier EP, étaient un peu plus travaillés. Sur quoi spécifiquement le travail s’est-il orienté sur ces morceaux ?

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la composition en elle-même, c’est-à-dire tout le travail sur la mélodie, sur l’harmonie, sur les choses « bien faites ». C’est de plus en plus inspiré par l’écriture de la musique classique, avec des règles de composition, des usages que l’on va pouvoir trouver dans la musique baroque ou dans la musique classique en général. C’est vraiment basé sur la tonalité, sur les règles d’écriture de la musique tonale. Ensuite, la musique est plus complexe sur le nombre d’éléments, parce que l’EP était beaucoup plus brutal, dans le sens où c’était principalement juste nous – guitare, voix, basse, batterie et c’est tout, avec deux ou trois petits détails. Là, il y a beaucoup plus d’enrichissements, il y a des chœurs, des nappes de son qui sont rajoutées… Il y a plein d’éléments qui viennent développer la richesse de chaque morceau. Et techniquement, pour nous tous, c’est aussi un peu plus complexe. Ce que nous faisons a toujours été un peu complexe, d’une certaine manière. Il y a toujours eu des passages un peu « tricky » pour chaque musicien du groupe. Là, c’était quelque chose qui était toujours présent, voire un peu plus développé à certains moments, surtout en ce qui concerne le fait de chanter et jouer en même temps, parce qu’il y a des fois où il faut se splitter le cerveau en deux.

Tu as évoqué l’utilisation de l’écriture tonale. Quand on choisit l’écriture tonale, il y a des notes qu’on n’a pas le droit d’utiliser. Est-ce que ça a représenté un challenge pour vous ?

Ça ne représentait pas un challenge à ce niveau-là. Nous nous sommes beaucoup basés sur l’écriture suivant l’harmonie tonale, mais pour autant, ça n’a pas été que ça. C’est-à-dire qu’il y a des passages qui ne sont pas forcément tonaux en soi. C’est un mélange des deux. Là où ça a été le plus difficile, c’est sur le côté guitare, parce que je composais pas mal de trucs au piano, et avec le piano, je peux jouer à huit doigts. Du coup, ce que nous faisions, c’est qu’un accord typique que tu peux faire sur un piano classique, nous le splittions entre la basse et la guitare. Ce qui fait que j’allais faire la première partie d’un accord et Matthieu faisait la basse. L’harmonie créait un accord particulier.

Cette influence de la musique classique et tout ce travail sur l’harmonie, est-ce que ça a nécessité un travail de recherche de votre part ou est-ce que ça faisait partie de vos influences et de vos connaissances musicales ?

L’élément déclencheur de tout ça, ça date désormais, c’était bien avant l’EP. Avec mon frère, nous étions en fac de musique. Personnellement, quand je suis arrivé en fac de musique et que j’ai découvert l’ampleur de tout ce qu’il y avait à apprendre, de ce qu’était la vraie écriture musicale, je me suis rendu compte que, musicalement, je connaissais très peu de choses. Ça m’a mis une espèce de claque, et ça m’a donné envie de connaître tout ça sur le bout des doigts. Donc le travail d’apprentissage et de recherche a été fait bien avant l’album, et c’est le fait que tout ça ait germé progressivement qui a donné l’album aujourd’hui. Après, il y a toujours un peu de travail de recherche, parce qu’il y a des notions d’écriture qui parfois sont oubliées ou avec lesquelles je suis un peu moins à l’aise parce que je n’ai pas l’habitude de les utiliser, donc je me rafraîchis un peu la mémoire là-dessus.

À quand un album de Theraphosa où vous écrirez tout en contrepoint ?

[Rires] Alors ça, c’est encore un autre délire ! Je ne me suis pas encore trop penché sur le contrepoint. J’ai un peu regardé, mais j’ai encore le sentiment d’avoir beaucoup de choses à réaliser juste avec l’harmonie telle qu’elle est, là. Le contrepoint, ça arrivera peut-être un jour, mais pour l’instant, je ne me suis pas encore posé la question.

« On sort de beaux discours sur l’unité, sur l’amour les uns avec les autres, et finalement, dès qu’il y a une petite crise, tout le monde part dans son sens, tout le monde panique, et ça disparaît finalement très vite. Il y a une espèce d’hypocrisie qui, personnellement, me dégoûte. »

Apparemment, chacun s’est beaucoup plus investi personnellement. Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ?

Déjà, on peut parler des paroles. Sur le premier EP, par exemple, c’était moi qui avais écrit toutes les paroles. Là, ça n’a pas été le cas. Elles ont été coécrites avec mon frère, et certaines paroles ont été écrites par lui tout seul, de son propre chef. Je n’ai jamais empêché qui que ce soit d’apporter sa pierre à l’édifice. Ce qu’il faut bien comprendre dans Theraphosa, c’est que nous avons commencé lorsque mon frère et Martin avaient douze ans, et moi dix-sept, donc comme j’étais l’élément déclencheur du groupe, je venais avec les musiques et les premières idées. Mais au fur et à mesure que le groupe s’est développé puis a mûri, Matthieu et Martin ont façonné leur propre personnalité, ils ont développé leurs propres influences, et du coup, ils participent maintenant beaucoup plus. Forcément, on n’est plus dans le même cas de figure que quand ils étaient jeunes, que c’était très nouveau pour eux et qu’ils se contentaient de jouer.

Tu parles de quand tu avais dix-sept ans et eux douze. À cet âge-là, les différences d’âge sont énormes, et il y a, assez naturellement, un rapport hiérarchique qui s’impose. Quand on grandit, les différences d’âge ne sont pas aussi prononcées et ce rapport-là a tendance à s’effacer. Malgré tout, as-tu réussi à te débarrasser de cette espèce d’autorité que tu as pu avoir sur eux ou est-ce que c’est encore ancré en toi ?

Autant je suis le grand frère, autant je ne me considère pas comme le patron. Certes, j’ai eu un rôle de lead depuis le début du groupe et aujourd’hui encore, j’ai un peu ce rôle de lead, parce que c’est presque devenu une « tradition » vu que ça a toujours été comme ça. Je n’ai jamais voulu imposer quoi que ce soit à mon frère et à Martin. La preuve en est que si j’avais vraiment voulu imposer toutes mes idées, nous serions aujourd’hui un groupe beaucoup plus extrême que nous ne le sommes. Eux sont un peu mes garde-fous. Ils me contrôlent aussi. Ils m’empêchent d’aller dans des directions qui sont surtout liées à mon ressenti très personnel. Je les ai toujours encouragés à faire des choses. S’ils n’avaient pas envie de le faire à l’époque, ils ne le faisaient pas. S’ils ont envie, ils le font. Ce qui compte, c’est l’intérêt commun et le produit global. C’est-à-dire qu’une fois qu’une musique est écrite, ce qui compte, ce n’est pas que j’aie ma petite partie de guitare qui satisfasse mon ego, c’est que tout le monde soit content du résultat.

Tu décris leur rôle de garde-fous, mais est-ce que ça ne te manque pas de te lâcher complètement et de partir dans les directions que tu veux, sans aucune limite ?

Non, je ne pense pas. Si je voulais vraiment faire ça, je pourrais faire un projet solo ultra-extrême. Ce qui est marrant, c’est que j’ai remarqué que même si j’aimerais beaucoup faire ça, à chaque fois que je me mets à composer naturellement et sans réfléchir, je ne compose pas forcément des choses extrêmes. Finalement, la musique de Theraphosa, quelque part, c’est le truc qui me vient directement. Il n’y a pas forcément de trucs extrêmes qui viennent. Ça peut arriver après, et quand ça arrive, ils sont là pour me dire : « Ça, c’est peut-être un peu too much. »

L’album s’appelle Transcendance. C’est une idée qui suggère le dépassement de soi, l’élévation, etc. même si c’est un terme très général. À quel point dirais-tu que ce titre définit le groupe, et vous en tant que personnes ?

C’est un peu compliqué. Chacun dans le groupe a sa vision de la chose, mais globalement, je pense que nous avons toujours eu la volonté, dans le groupe, de dépasser les comportements, les défauts purement humains, qui rappellent la médiocrité de notre espèce, et ce à tous les niveaux. C’est-à-dire que ça peut être des instincts primitifs que nous cherchons à contrôler. On est des animaux, c’est certain, mais d’une certaine manière, on ne l’est plus vraiment. On est tellement dans une société civilisée, avec des codes, des règles, des attentes, qui font qu’on a tendance à oublier le côté animal. Pour autant, on a toujours un comportement qui est parfois lamentable, primitif, presque parasitaire. Du coup, dans le groupe, le simple fait de prendre conscience de ça et de nous dire : « Je n’ai pas envie de faire partie de ça », ça met en place ce concept de transcendance.

Dirais-tu que ce que nous avons vécu là, avec l’épidémie du Covid-19, le confinement et certains comportements extrêmes que les gens ont pu avoir, t’a permis d’observer ce que tu es en train de décrire ?

Complètement. Il y a plein d’autres événements qui démontrent ça, mais le confinement, la crise sanitaire actuelle, ça l’a d’autant plus démontré. Quand on voit les gens qui se battent pour deux rouleaux de PQ, c’est flippant ! Et surtout, c’est triste ! On sort de beaux discours sur l’unité, sur l’amour les uns avec les autres, et finalement, dès qu’il y a une petite crise, tout le monde part dans son sens, tout le monde panique, et ça disparaît finalement très vite. Il y a une espèce d’hypocrisie qui, personnellement, me dégoûte. Donc oui, le confinement l’a montré d’autant plus. Comme tous ceux qui volaient des masques pour les revendre à des prix exorbitants… Si ça, ce n’est pas un comportement de parasite…

« Quand j’étais adolescent, le groupe qui m’a fait découvrir le metal, c’est Slipknot, et le groupe qui m’a aidé à affronter toutes les épreuves auxquelles j’étais confronté dans ma jeunesse et qui ont été des fois super difficiles, c’était Slipknot. Si je n’avais eu ce groupe-là, je pense que ça aurait été beaucoup plus compliqué pour moi d’affronter tout ce qui m’était jeté à la gueule. »

Est-ce que, personnellement, tu as la sensation de devoir parfois lutter toi-même contre tes propres instincts qui pourraient t’amener à des comportements parasitaires ?

Absolument ! C’est exactement ça, la grosse difficulté, et c’est ça que nous avons voulu mettre en avant dans l’album. Il y a ce désir de s’affranchir de tout ça, mais en même temps, c’est très difficile, parce que ces comportements ont parfois l’air d’être ancrés, d’être presque un instinct de survie. C’est très difficile de les contrôler ou de passer outre. Donc oui, ça m’arrive de me rendre compte de mes défauts, de ce que je trouve comme étant des éléments que je devrais plutôt proscrire.

Les paroles ont un double sens, notamment sur la question de la transcendance. Vous avez travaillé les textes de manière que deux personnes qui ont des visions totalement opposées puissent malgré tout s’y reconnaître. Comment avez-vous travaillé le texte pour qu’il ne soit pas excluant pour l’un ou l’autre des points de vue ?

C’est simple. Nous l’avons fait avec mon frère, et ce qui a permis de faire ça facilement, c’est que mon frère et moi avons une vision complètement opposée à ce niveau-là. Du coup, ça n’a pas été très compliqué, parce que quand j’écrivais quelque chose, il arrivait derrière et il me disait : « Ça, ça ne va pas avec ma façon de voir les choses. Comment peut-on essayer de modifier le texte pour que ta vision soit respectée et que la mienne soit aussi prise en compte et respectée ? » Ça se faisait comme ça. Nous avons directement été impliqués l’un et l’autre dedans et chaque phrase, chaque mot a été étudié de façon qu’il puisse être compris de deux manières différentes, et qu’il soit acceptable pour tout le monde. Pour que l’on puisse retrouver l’idéologie de chacun dans un texte.

Je vais un peu remonter dans le temps. A l’époque de l’EP, vous aviez déclaré que la philosophie du groupe était d’essayer d’aider les gens via la musique, et que pour ce faire, votre musique devait être comprise. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il arrivait régulièrement qu’il y ait des annotations dans vos vidéos pour que la musique soit vraiment comprise. Sur quel thème en particulier souhaitez-vous aider les gens ?

C’est large. Pour répondre à ta question, je vais commencer par te donner un exemple avec moi-même, parce que ça sera le plus simple. Quand j’étais adolescent, le groupe qui m’a fait découvrir le metal, c’est Slipknot, et le groupe qui m’a aidé à affronter toutes les épreuves auxquelles j’étais confronté dans ma jeunesse et qui ont été des fois super difficiles, c’était Slipknot. Si je n’avais eu ce groupe-là, je pense que ça aurait été beaucoup plus compliqué pour moi d’affronter tout ce qui m’était jeté à la gueule. La musique m’aidait, mais pour autant, je ne saurais pas te dire à quel niveau. Le simple fait d’écouter la musique me donnait une espèce de force qui me permettait d’affronter la journée et c’était comme ça jour après jour. Donc déjà, pour Theraphosa, il y a ça. Il y a simplement ce que la musique va générer inconsciemment chez celui qui l’écoute et en ça, elle va pouvoir être une aide. Après, au niveau des paroles, mon frère aura peut-être une vision différente, mais l’idée est d’essayer de ne jamais se laisser abattre. Il faut se rappeler qu’il y a des gens qui ont réussi à faire des choses grandioses, alors qu’ils étaient donnés perdants, alors que tout le monde leur a craché au visage, alors que tout espoir semblait perdu… Il y en a qui ont réussi juste parce qu’ils ont cru à leur truc, ils n’ont pas lâché même si ça a été extrêmement difficile – il ne faut pas se leurrer, ce que je dis là, ça peut paraître beau, mais c’est très difficile, tous les jours d’affronter certaines difficultés. Dans ma vie personnelle, je me rends compte qu’il y a des choses que j’ai réussi à surmonter alors que tout le monde me disait que je n’y arriverais jamais. Et juste parce que j’y ai cru, juste parce que je me suis forcé à ne pas lâcher, même si des fois, j’avais l’impression que je n’y arriverais jamais, j’ai réussi à faire ce que je voulais faire. La musique de Theraphosa est une espèce d’outil. Si ça peut leur donner une arme pour affronter ce qu’ils ont à affronter, quoi que ça puisse être… La transcendance, c’est ça. C’est l’élévation de soi, mais c’est aussi : « Prenez conscience de la force que vous avez en vous. »

J’ai remarqué que sur tous vos outils de communication et même en interview, vous avez un dress code que tout le monde applique : vous êtes habillés en noir et de manière plutôt élégante, avec soit une chemise, soit une veste. Ça correspond à votre musique qui a ce côté sombre et en même temps assez élégant ?

Oui, tout à fait. C’est exactement ça. Moi, personnellement, je m’habille très régulièrement comme ça, ce n’est pas un déguisement, ce n’est pas un costume à proprement parler. C’est quelque chose que, déjà, dans la vie de tous les jours, j’aime. Et en plus de ça, je pense simplement que c’est aussi un héritage français. On est quand même connus dans le monde entier pour être le pays de la gastronomie, mais pas seulement, il y a aussi la haute couture. L’élégance à la française, c’est quelque chose qui est reconnu mondialement et que nous avons aussi voulu, en tant que groupe français, mettre en avant. Chaque pays a un peu ses références et son histoire. Par exemple, les groupes scandinaves, ou du Nord, vont très souvent utiliser l’imagerie de leur héritage viking, ils vont utiliser les runes… Ce sont des symboles culturels qui sont intimement liés à leur histoire. Je pense que l’élégance française, très simple, comme ça, tout en noir, avec un blazer, comme on peut des fois la retrouver dans la haute couture, c’est aussi un héritage culturel et je pense que c’est intéressant de le mettre en avant.

Interview réalisée par téléphone le 11 mai 2020 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Photos : Denis Goria.

Site officiel de Theraphosa : www.theraphosa.fr

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