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Interview   

Threshold : l’harmonie au centre


Threshold est un authentique groupe de metal progressif. Fondé en 1988, il n’y avait pas à ce moment-là de scène metal progressive à proprement parler, en dehors de quelques groupes qui commençaient à en définir les contours (Queensrÿche, Fates Warning, Crimson Glory, Majesty qui venait tout juste de se rebaptiser Dream Theater…). C’est donc par une simple envie de mélanger le son du heavy metal à la liberté du rock progressif des années 70 que Threshold a donné naissance à ses premiers morceaux qui formeront en 1993 l’album Wounded Land. Pratiquement trente ans plus tard, s’il a évidemment évolué pour affirmer son style et ses connaissances, Threshold est resté fidèle à sa ligne de conduite : un metal progressif où riff et mélodie sont les maîtres mots, accessible autant aux musiciens qu’aux non-musiciens, sans technicité/virtuosité inutile, toujours au service de la chanson.

Après le double album Legends Of The Shires qui aura vu le retour de Glynn Morgan au micro et marqué les esprits par la qualité de ses ingrédients malgré le copieux menu, voilà Threshold de retour avec Dividing Lines. Un album qui a le mérite de trouver un équilibre entre les deux facettes du groupe : la concision heavy et les longs développements prog. Nous en discutons ci-après avec le guitariste-compositeur Karl Groom qui revient avec nous sur le style Threshold, les débuts du groupe, la place de celui-ci dans la scène prog d’hier et d’aujourd’hui, et tant d’autres sujets.

« Le genre metal progressif n’existait pas quand nous avons commencé. Threshold sonne un petit peu différent de ce à quoi on s’attendrait de la part d’un groupe de metal progressif standard aujourd’hui, car nous avons réuni ces deux esthétiques musicales de façon organique, plutôt qu’en sachant qu’un genre existait. »

Radio Metal : Richard West a déclaré que « quand [vous] av[ez] sorti Legends, il a été très bien reçu et [que] ça a ouvert pas mal de portes » au groupe. D’après toi, qu’est-ce qui a fait la différence ? Penses-tu que ce soit l’album lui-même ou est-ce la scène qui est aujourd’hui plus favorable à un groupe comme Threshold ?

Karl Groom (guitare) : Je pense que c’est l’album parce que les fans de prog ont un faible pour les longues chansons et les albums conceptuels, ça va dans le sens du public d’une certaine façon. Nous en étions arrivés à un point où nous avions déjà une heure de musique et j’ai dit à Richard : « J’ai encore d’autres choses à écrire et à dire », et c’était pareil pour lui. Nous avons continué à écrire et c’est venu assez naturellement, ce n’était pas planifié. C’était donc un très bon album et il nous a clairement ouvert plus de portes à certains endroits. Nous avons eu des offres pour faire des concerts dans des territoires où nous n’étions jamais allés avant et nous devions aussi nous rendre pour la première fois en Australie avant que la pandémie ne nous frappe. Nous avons eu un plein d’occasions d’aller dans toutes sortes d’endroits et de beaucoup plus tourner, et ça s’est très bien passé. Parfois, quand on écrit un album, toutes les conditions sont réunies, on se sent inspiré et la musique afflue, tous les musiciens jouent très bien et les gens sont prêts pour cet album ; même l’artwork a gagné une récompense ! Encore une fois, ça s’est fait naturellement et le fait de ne pas faire un album conceptuel qui était forcé et planifié était une bonne chose, car nous n’avions aucune idée préconçue, donc c’était fantastique. Bien sûr, étant donné que les gens étaient contents de ce que nous avions fait, il s’agissait d’enchaîner.

On dirait que dans le metal prog, c’est un peu l’opposé d’autres genres musicaux : plus l’album est long, plus grand est le succès !

[Rires] Je pense que parfois, le progressif fonctionne comme ça. Les gens adorent cette liberté d’expression qu’on retrouve dans les plus longues chansons, et en tant que musicien, j’apprécie aussi cette facette de ce que nous faisons. Je viens d’un background où j’appréciais plus le metal, mais les membres du groupe qui aimaient le progressif m’ont montré cette facette avec des groupes comme Genesis et Rush. J’adore cette liberté dans les structures et les arrangements de façon à composer jusqu’à ce qu’on ait fini. C’est donc clairement un point positif pour moi.

Vous avez commencé à composer le nouvel album en 2020, vous l’avez enregistré en 2021, et vous le sortez maintenant en 2022. Vous avez pris votre temps : était-ce exprès pour profiter des circonstances qui, j’imagine, vous ont donné plus de temps pour travailler sur la musique, comme pour beaucoup de groupes ?

Au début, nous avons travaillé comme nous le faisions en temps normal, ça ne nous a pas affectés quand nous étions en train de composer. J’assemblais une démo musicale que j’envoyais à Richard et il écrivait les paroles et les lignes de chant. Nous avons travaillé normalement, donc nous écrivions et construisions nos démos comme nous le faisons habituellement. Mais bien sûr, quand est arrivé l’enregistrement, il y avait des restrictions et des contraintes jusqu’à l’été. J’ai pu faire venir Johanne [James] pour qu’il enregistre la batterie, mais ce n’était pas si facile parce que tout le monde était isolé et il était censé y avoir des confinements, donc on n’était pas censé sortir de la maison sans raison particulière. J’allais tous les jours au studio et je ne sais pas ce j’avais le droit ou pas de faire… Il y avait des restrictions, genre on ne pouvait même pas emmener une boisson avec soi quand on sortait. On oublie à quel point c’était étrange à l’époque et j’imagine que ça nous a un peu ralentis. Glynn [Morgan] a dû voyager, il vit dans les Midlands en Angleterre, c’est-à-dire à deux heures de chez moi. Nous avions clairement en tête que ce serait plus difficile de réunir les gens à ce moment-là. Puis, bien sûr, ça s’est progressivement assoupli et c’est devenu plus facile. Je suppose que ça nous a un peu ralentis dans notre processus, mais j’étais aussi occupé à produire des albums pour d’autres groupes, donc j’étais en plein sur d’autres trucs au début de l’enregistrement de Threshold, j’avais d’autres engagements.

Richard a dit que « lorsque [vous] av[ez] écrit March Of Progress (2012) et To The Journey (2014), [vous vous êtes] sentis contraints d’écrire d’une certaine manière ». Il est clair que vous avez découvert une forme de liberté sur Legends qui se poursuit sur ce nouvel album. D’après toi, qu’est-ce qui a fait que vous vous étiez sentis « contraints » sur des albums passés ?

Si je suis honnête, ça concerne plus Richard et son ressenti à l’époque. Quand il était en train d’écrire des paroles pour « The Hours », je pense qu’il décrivait à quel point il avait du mal à trouver l’inspiration au départ. Il a assuré au final, mais je pense que ça faisait partie de ces albums avec lesquels il a galéré et ressenti une pression. Quand on ressent une pression, ça ralentit tout le processus. Je n’ai pas souvenir de m’être senti comme ça, car personnellement, heureusement, j’avais déjà écrit pas mal de musique avant que lui commence dessus. Quand ça arrive, tu mets peut-être un peu de pression sur l’autre personne, d’une certaine façon. C’est une manière très injuste de voir les choses, mais je pense que c’est avec ça qu’il avait du mal. Je n’ai pas vraiment connu ça avec ces albums.

« Quand j’ai commencé à écouter de la musique progressive, j’ai réalisé qu’on pouvait penser la section instrumentale comme une voix alternative, et c’est là que j’ai commencé à songer à écrire les solos de guitare en travaillant les parties avec ma voix plutôt qu’en jouant sur la guitare. »

Quand nous nous réunissons, l’un d’entre nous dira : « Je suis prêt à commencer un nouvel album » et à partir de là, nous commençons à penser à ce que nous allons faire, aux possibilités qui se présentent à nous et peut-être à certains sujets à aborder pour les textes. Ça ne me pose jamais de problème car je n’amène rien à cette session qui viendrait de l’album précédent. J’ai toujours envie de composer durant la période précédant l’enregistrement, de façon à capturer ce que je ressens à ce moment-là et à séparer les albums pour ne pas constamment me répéter. J’ai toujours trouvé que c’était une bonne manière de travailler. C’est toujours difficile avec la première chanson parce qu’on n’a rien, on est face à une page blanche, mais une fois qu’on a une première chanson, ça peut s’enchaîner de façon très fluide – en tout cas pour moi, c’est particulièrement ce qui s’est passé avec Legends Of The Shires. C’était l’album avec lequel Richard et moi nous sommes tous les deux sentis inspirés et nous avions plein d’idées qui venaient, et c’est pourquoi c’était un peu plus facile. Ça varie d’album en album. Parfois on galère longtemps et ensuite ça vient. Je pense que nous ne nous imposons jamais de contrainte de temps pour faire un album, de façon à obtenir un maximum de créativité plutôt que de dire : « Il faut qu’on ait fini l’album d’ici juillet. » Nous attendons qu’il soit prêt et nous avons un accord avec le label là-dessus.

Es-tu généralement le plus productif des deux ?

Pas du tout. Je pense que sur l’album March Of Progress en particulier, ça lui a pris beaucoup de temps de se mettre dedans. Il a eu très tôt une chanson, puis il a eu du mal à se mettre dedans et finalement, une fois qu’il a réussi à relancer la machine, ça allait, mais ça lui a pris du temps, c’est tout. Je peux comprendre. On veut que chaque album soit le meilleur possible et parfois, on se bloque dans un état d’esprit où on s’inquiète parce qu’on n’arrive pas à faire quelque chose. Il faut presque commencer à composer une chanson sans se soucier de ce qui lui arrivera, simplement pour se mettre dans le bon état d’esprit. Peut-être que ce morceau n’ira pas dans l’album, on le laissera tomber, mais au moins, on rentre dans cet état d’esprit où on produit quelque chose et ensuite, nos idées se mettent à sortir librement. C’est juste le syndrome de la page blanche, je pense.

Il y avait un retour à un côté plus prog avec Legends Of The Shires, un peu comme en réaction à For The Journey, tout comme le plus direct Clone était une réaction au plus prog Extinct Instinct. Cette fois, on retrouve des morceaux assez metal, mais aussi d’autres qui sont assez prog : penses-tu que vous ayez trouvé une forme d’équilibre avec Dividing Lines ?

Je pense que nous avons toujours certains morceaux qui sont plus prog que directs, mais je crois aussi que tu as raison. Nous avons un album qui est un peu plus progressif et ensuite, parfois, nous revenons vers un son légèrement plus sombre et direct, mais c’est dur de prédire. Ce n’est pas intentionnel, mais ça semble se passer ainsi. Il y aura un album avec de plus longs arrangements et davantage d’éléments progressifs, et ensuite un album un peu plus rentre-dedans et metal. Nous avons des passages progressifs et deux chansons plus longues sur cet album, « The Domino Effect » et « Defence Condition ». La différence sur cet album est que Glynn a écrit quelques chansons aussi, ce qui apporte une troisième dimension, en dehors du fait que Richard et moi composons beaucoup. Quand il était dans le groupe la première fois en 1994 ou 1995, il avait écrit deux chansons, « Will To Give » et « Innocent » sur Psychedelicatessen, mais nous ne savions pas trop à quoi nous attendre quand il est revenu dans le groupe de nombreuses années plus tard. Manifestement, il avait évolué pour devenir un autre compositeur, en amenant des éléments différents. Sur cet album, Glynn a composé « Let It Burn », « King Of Nothing » et « Run ». Particulièrement avec « Run », on retrouve plus d’arrangements étendus et des parties très intéressantes. Il s’est amélioré en tant que compositeur au fil des années. J’imagine que c’était prévisible, mais ça reste une surprise car on ne sait pas à quoi s’attendre et il a fait du super boulot au final.

« Certains des thèmes abordés dans Subsurface sont presque aussi pertinents dans le contexte politique actuel. Il y a clairement des parallèles entre ces deux albums. Les nouvelles chansons parlent de propagande, de censure et de corruption. On ne parlait pas encore de post-vérité en 2004, mais on dirait qu’on a accentué le côté légèrement moche de la politique. »

Tu as dit tout à l’heure que tu venais d’un background plus metal. Apparemment, historiquement, c’était le chanteur et bassiste originel Jon Jeary qui t’a converti à la musique progressive. Peux-tu nous parler un peu plus de ton background avant de le connaître et, ensuite, de l’influence qu’il a eue sur toi à l’époque ?

Threshold a commencé avec un groupe d’amis qui jouait des reprises. Nous jouions du Van Halen et du Ratt, nous avons essayé quelques morceaux de Testament et de toutes sortes de groupes que nous aimions. Jon est arrivé et petit à petit, pendant que nous songions à composer des chansons, il a fait savoir qu’il aimait beaucoup Rush et des groupes plus progressifs comme Genesis. C’est là que j’ai commencé à être davantage exposé à ce type de musique. Quand quelqu’un nous a demandé d’écrire une chanson pour la compilation d’un label allemand, nous avons fait « Intervention », qui d’une certaine manière était progressive, comparée à ce que nous faisions avant. Après la sortie de ce morceau, nous avons reçu deux offres pour sortir notre premier album, chose à laquelle nous n’avions pas pensé. Nous n’avions jamais prévu de faire une carrière ou quoi que ce soit en dehors de jouer la musique que nous aimions. C’était une opportunité qui se présentait à nous. C’est Jon qui a amené le côté progressif et, évidemment, c’était le parolier, donc ses textes s’inscrivaient dans cette mouvance. Ça a donné le ton pour Threshold. D’après mes souvenirs, le genre metal progressif n’existait pas à l’époque, quand nous avons commencé. Nous avons juste essayé de marier deux styles de musique pour contenter tout le monde dans le groupe. Je pense que c’est la raison pour laquelle Threshold sonne un petit peu différent de ce à quoi on s’attendrait de la part d’un groupe de metal progressif standard aujourd’hui, car nous correspondons à cette étiquette mais nous avons réuni ces deux esthétiques musicales de façon organique, plutôt qu’en sachant qu’un genre existait.

Où en était la scène progressive dans les années 80 quand vous avez commencé ?

Je ne sais pas s’il y a eu beaucoup de groupes de prog issu des années 80… Marillion, c’est 1981, n’est-ce pas ? Ils étaient assez mélodiques. Je pense que les années 70, c’est là que tous ces groupes de prog existaient et faisaient de la musique, et c’était avant que je ne sois impliqué dans cette scène. C’est avec ces groupes que j’ai appris à voir comment la musique progressive fonctionnait, notamment Genesis, j’adorais A Trick Of The Tail et toute cette période, avec ces mélodies extraordinaires au clavier et à la guitare qu’ils avaient dans leur musique. Puis, plus tard, j’ai appris à apprécier davantage Yes et Rush. Mais les années 80 étaient une période assez déserte pour la musique progressive, c’était très impopulaire. Qui sait comment Marillion a réussi à avoir du succès à cette période ! Il y a de quoi les admirer pour avoir percé dans les années 80. D’ailleurs, ils étaient davantage populaires pour leurs morceaux plus pop dans les années 80 en Angleterre ; leurs éléments progressifs parlaient plus à un public de niche. Plein de gens savaient qui ils étaient parce qu’ils avaient quelques singles, mais pour plonger dans leurs albums, il fallait être plus un fervent fan de prog, car ce style n’était pas très populaire en ce temps-là.

Comment le fait de t’intéresser au prog a changé ta perception et ton approche de la composition ?

Ça les a complètement changés, car il faut comprendre qu’à l’époque où j’étais gamin et que j’écoutais des groupes de hard rock et de metal, il y avait des règles bien définies pour les structures de chansons et je n’étais pas très fan des passages instrumentaux chez une bonne partie des groupes que j’aimais écouter. Plein de groupes avaient des guitaristes qui se contentaient parfois de jouer des gammes aussi vite que possible. Quand j’ai commencé à écouter de la musique progressive, j’ai réalisé qu’on pouvait penser la section instrumentale comme une voix alternative, qu’on pouvait toujours avoir un élément mélodique, et c’est là que j’ai commencé à songer à écrire les solos de guitare, dans un premier temps, en chantant les parties, en travaillant les parties avec ma voix plutôt qu’en jouant sur la guitare. De cette façon, tu n’es pas coincé avec les motifs sur lesquels tu te reposes habituellement et ce n’est pas la mémoire musculaire qui dicte ce que tu joues. Souvent, quand nous avons une partie instrumentale à remplir, je la mets sur mon téléphone, je l’écoute et je chante par-dessus en enregistrant mes idées sur un dictaphone, et c’est ensuite que je travaille ça sur la guitare. Ça fait que les sections instrumentales restent créatives et mélodiques, et si plus tard tu veux des parties techniques, tu peux les travailler, évidemment, mais je veux que la partie instrumentale soit aussi intéressante pour un non-musicien que la partie chantée, plutôt qu’il ait à attendre qu’elle se termine.

Souvent, dans le metal progressif, les solos sont très techniques et partent dans tous les sens. As-tu l’impression d’être en décalage avec les autres groupes de votre scène à cause de ça ?

Je ne me sens pas proche de ce genre de musique. Ça ne me dérange pas, il y a des groupes que j’aime beaucoup qui sont comme ça, mais je n’aimerais pas être comme eux. J’adore Periphery en particulier. Il y a des groupes de prog fantastiques. On peut aussi citer les Italiens de DGM qui ont de super morceaux. Mais ce n’est pas quelque chose que j’aimerais jouer. J’aime les écouter occasionnellement, mais j’ai toujours voulu créer ce son Threshold. Je ne voulais pas être comme ces groupes. Ils sont fantastiques techniquement et ils ont sans doute plein de fans, ce sont des groupes brillants, mais je n’ai pas envie que Threshold soit comme ça. Je veux que nous conservions notre propre identité, si nous le pouvons.

« C’est plus difficile d’être aussi créatif que nous l’étions au début quand nous ne comprenions pas plein de choses. […] On devient tellement instruit qu’on tombe dans le piège de tout le temps refaire la même chose. Il faut trouver le moyen de contourner ça, d’ignorer ce que ses doigts feraient. Sur les premiers albums, nous ne savions pas très bien ce que nous faisions, donc nous trouvions des idées intéressantes. »

Tu es toujours amis avec Jon Jeary. Il a quitté le groupe en 2003 parce qu’il n’aimait pas tourner. Lui ou toi le regrettez-vous parfois ?

Je le regrette particulièrement. J’adore les textes de Jon. Richard est un parolier fantastique aujourd’hui, il a vraiment pris en charge le groupe sur ce plan, mais il y avait quelque chose que j’adorais dans les paroles vraiment originales que Jon écrivait et il me manque dans le groupe, car nous étions de grands amis, déjà avant que nous commencions à sortir des albums. Je suis toujours en contact avec lui. Nous nous voyons régulièrement, lui et sa femme passent nous voir ou nous allons les voir. Il a d’ailleurs de nouveau été impliqué récemment. Après toutes ces années, je me suis débrouillé pour le faire chanter sur Legends Of The Shires (la chanson « The Shire (Part 3) », NDLR). Nous sommes aussi en train de travailler sur de vieux albums qui arrivent pour des anniversaires. J’ai essayé de l’impliquer là-dedans pour qu’il me fasse savoir ce qu’il pense des choses. Nous sommes aussi en train de mixer un vieil album live et il est aussi impliqué là-dedans. Il a joué un rôle important dans le lancement de Threshold. Il a nommé le groupe, il a été le parolier sur six albums et j’estime encore beaucoup son opinion. C’est super qu’il revienne un petit peu dans le groupe. Fut un temps où il voulait être complètement séparé du groupe. Il a voulu le quitter, il était obligé, il avait une jeune famille, il devait prendre un autre boulot et il ne pouvait pas continuer à tourner, il ne voulait pas. C’était assez douloureux pour lui de quitter le groupe et pour nous de le perdre, donc il y a eu quelques années où il était vraiment séparé de nous, et ensuite nous sommes redevenus proches. Il continue à faire de la musique de son côté et il a fait toutes sortes de choses, mais ça reste un regret qu’il ne soit pas là. C’était très triste quand il est parti.

Pour revenir à Dividing Lines, il y a de grands écarts dans les durées de certaines chansons : approchez-vous de la même manière la composition d’un morceau de quatre minutes comme « Run » et un de onze minutes comme « The Domino Effect » ou « Defence Condition » ?

Je pense que quand on commence à écrire, on sait assez vite quelle tournure la chanson va prendre. Quand j’arrive à un certain point et que j’ai encore des idées, je me rends soudainement compte que j’ai envie de développer le morceau au-delà d’un temps standard. A ce moment-là, on sent une certaine liberté. Evidemment, même si je suppose qu’on pourrait, nous ne pensons pas qu’il faille ne faire que des chansons de dix ou onze minutes. De toute façon, ça ne marche généralement pas comme ça pour nous. Mais d’adore quand j’arrive à un point où je me dis : « En fait, ça peut être une chanson avec laquelle je peux faire ce que je veux. Je peux aller au-delà d’une certaine longueur. » Il se trouve simplement que dès le début du processus de composition, je me rends compte de la direction que ça prend, et alors je ressens cette liberté de poursuivre et il n’y a pas de limites. Ça se fait toujours de façon organique. Il n’y a pas de plan préétabli pour écrire une chanson longue ou courte. Je pense que c’est important. Nous avons toujours eu de la chance avec nos maisons de disques, car avant de signer, nous leur avons toujours dit : « Peut-on se mettre d’accord pour dire que la première fois que vous entendrez l’album, c’est quand il sera fini et qu’on vous le présentera pour le sortir ? » Nous avons toujours eu cette liberté artistique de faire ce que nous voulions et c’est inestimable pour nous.

Richard a dit qu’« avec des chanson telles que ‘Haunted’ et ‘Silenced’, [il a] repensé au sentiment qu[’il a] éprouvé quand [il était] en train de composer pour l’album Subsurface dans les années 2000, et ça [l’a] remis dans cet état d’esprit ». D’ailleurs, la dernière fois que nous lui avons parlé, il nous avait dit que vous voyiez tous les deux l’album Subsurface comme votre préféré. Cet album est-il devenu un point de référence pour Threshold ?

Je ne sais pas, mais c’est étrange car c’est clairement mon album préféré, c’était une super époque et nous avons fait une tournée géniale. J’adore la façon dont cet album s’enchaîne du début à la fin et on y trouve certains de mes morceaux préférés. Ce qui est drôle, c’est que lorsque j’ai composé « Complex », Richard l’a entendu et s’est mis à écrire les paroles, et ça lui a un peu rappelé Subsurface, le morceau « Mission Profile » en particulier, donc il y a un lien qui s’est créé. Quand nous avons terminé l’album, nous pouvions relier les thèmes et les paroles à Subsurface, il y a des sujets très similaires, en termes de commentaires politiques. Certains des thèmes abordés dans Subsurface sont presque aussi pertinents dans le contexte politique actuel. Il y a clairement des parallèles entre ces deux albums. Les nouvelles chansons parlent de propagande, de censure et de corruption. On ne parlait pas encore de post-vérité en 2004, mais on dirait qu’on a accentué le côté légèrement moche de la politique et les divisions. Il est clair que la censure, l’impression que les gens essayent de nous guider à coups de désinformation, de nous submerger d’information, de saper notre confiance en la vérité, et ces sortes de mensonges, tout ça était déjà là à l’époque et ça n’a fait que s’aggraver. Il y a de véritables parallèles entre ces deux albums, ce qui fait que j’aime le nouveau encore plus !

« J’ai été très isolé pendant de longues périodes et je ne voyais pratiquement personne. Ce lien avec la nature à ce moment-là est ce qui m’a permis de tenir. On perd le contact physique et les échanges avec les autres êtres humains, donc il faut trouver de nouveaux intérêts. Il est clair que ça change ta façon de penser. »

Qu’est-ce que l’album Subsurface avait de si spécial pour toi ?

Comme je l’ai dit, j’ai adoré la tournée. Je pense que ça brouille en partie mon jugement. Il y a des chansons là-dedans que j’aime énormément. Je ne me souviens plus des titres [rires]. Au moment où on fait un album, on a parfois des titres différents et ils me restent sans arrêt en tête ! Je vais regarder sur mon satané iTunes. J’adore « The Art Of Reason », « Mission Profile », « Opium », « Pressure », « The Destruction Of Words », « Flags And Footprints »… Il y a tellement de morceaux que j’ai envie de jouer en live. Nous essayons toujours de structurer un album de façon à ce qu’il soit fait pour être écouté du début à la fin, et ce n’est pas pour rien. C’est parce que quand c’est le cas, il y a une histoire qui se déroule et une dynamique qui est réfléchie, on pense à la tonalité des chansons et à leur structuration, au déroulé des paroles, etc. Nous essayons de créer presque comme un film, comme s’il y avait une intrigue tout au long de l’album. J’adore cet album pour ça, simplement la façon dont il est structuré. Il y a possiblement des chansons que je trouverais encore meilleures. Par exemple, dans Hypothetical, j’adore « The Ravages Of Time », mais tout l’ensemble de l’album ne me fait pas autant d’effet que Subsurface.

D’un autre côté, d’après toi, comment ta connaissance de la production et de la musique a évolué depuis cette époque, en presque vingt ans ?

C’est à double tranchant. Tu t’améliores dans la composition, l’arrangement, le jeu, la production et tous ces domaines. Nous sommes un meilleur groupe qui sort de meilleurs albums, mais d’une certaine façon, c’est plus difficile d’être aussi créatif que nous l’étions au début quand nous ne comprenions pas plein de choses. Nous faisions des choses sans réfléchir à ce que nous faisions et nous ne pensions pas à ce qui allait se passer après. Nous créions sans réfléchir, et c’est parce que je ne comprenais pas très bien comment arranger la musique, quel instrument utiliser, etc. Tout ce qu’on apprend au fil des années nous rend meilleurs, mais aussi un petit peu plus prudents, d’une certaine façon. Ça fait de meilleurs albums, mais parfois, il y a des chansons radicales, inhabituelles et originales issues de nos débuts. J’aimerais croire que je pourrais réécrire comme ça, mais je ne pense pas en être capable aujourd’hui.

Tu es donc en train de dire que la connaissance et l’expérience entravent parfois la créativité ?

C’est comme ce que je disais quand tu en viens à jouer un solo de guitare, c’est la raison pour laquelle je laisse la guitare de côté pour commencer, car on devient tellement instruit sur ce qui va venir ensuite ou sur les gammes qu’on va jouer par-dessus certains accords qu’on tombe dans le piège de tout le temps refaire la même chose. Il faut trouver le moyen de contourner ça, d’ignorer ce que ses doigts feraient. Sur les premiers albums, nous ne savions pas très bien ce que nous faisions, donc nous trouvions des idées intéressantes. Je suppose qu’il y a même des albums, comme Extinct Instinct, que les gens trouvent un peu difficiles à suivre.

Dividing Lines est un album plutôt sombre et on retrouve sur l’artwork un sentiment d’isolement. Dans quelle mesure ces deux ou trois dernières années vous ont marqués et ont inspiré ce que vous avez mis dans votre musique ?

Je pense qu’on peut encore voir du positif et du négatif, mais il est certain que ça a tout changé. J’ai l’habitude de travailler en studio, de produire d’autres groupes, et je pouvais voir des tas de gens quotidiennement, et puis tout à coup, j’avais énormément de travail, mais les gens enregistraient dans leur propre pays. Ils ne venaient pas jusqu’en Angleterre pour travailler avec moi, ils restaient simplement chez eux, ils enregistraient quelque chose, ils me m’envoyaient le résultat pour le mixer et voir ce que j’en pensais, et ensuite pour produire l’album. C’est donc assez différent. J’ai été très isolé pendant de longues périodes et je ne voyais pratiquement personne. A la fois, mes enfants ne sont pas allés à l’école pendant des mois. Il y a donc plein de jours où nous sortions pour nous promener dans le parc. Ce lien avec la nature à ce moment-là est ce qui m’a permis de tenir. On perd le contact physique et les échanges avec les autres êtres humains, donc il faut trouver de nouveaux intérêts, autres que celui envers sa famille proche, ce qui est très bien, mais on comble ce vide en sortant beaucoup. Je partais donc faire du vélo ou marcher en famille, mais il est clair que ça change ta façon de penser. Evidemment, je pense que ça ressort dans ce que tu écris quand tu composes de la musique, donc c’est à la fois bien et pas bien.

« On devrait toujours assumer ses propres problèmes dans son propre pays, les gérer et arrêter de rejeter la faute sur les autres. Je pense que la division n’est vraiment qu’un outil que certains politiciens utilisent pour créer un vide qu’ils peuvent occuper et créer leur propre pouvoir. »

Le lien avec les gens quand nous sommes en tournée me manque beaucoup. Nous avons perdu de nombreuses dates qui étaient prévues et, pour moi, c’est le mauvais côté, car le plaisir quand on fait de la musique vient du lien, du fait de découvrir que le vécu d’une autre personne correspond à ce que tu dépeins dans une chanson et que ça signifie quelque chose pour elle, que c’est spécial. Evidemment, quand tu ne rencontres personne, tu ne t’en rends jamais compte et tu ne sais pas ce que les gens pensent de ta musique. Cet aspect me manque vraiment et j’espère que nous retrouverons bientôt ce lien avec les gens.

Dans le côté sombre, « Defence Condition » se termine avec du chant presque death ou black : qui en est à l’origine ?

C’est Glynn. Personne d’autre n’a chanté sur cet album. Il ne me semble pas que Richard ou moi avons fait quoi que ce soit. Nous n’avons pas eu d’invité non plus. Tout vient donc de Glynn et c’est lui qui a fait aussi bien le chant agressif que le chant clair, les growls et quelques autres trucs. Il n’a pas voulu trop forcer sur sa voix, car il ne fait pas ce genre de chose normalement, donc il a mis ce passage de côté jusqu’à ce que nous ayons terminé la musique et le reste de ses parties de chant, et ensuite il a fait ça chez lui et m’a envoyé ses pistes, donc je ne sais pas comment il l’a fait [rires]. Par le passé, quand nous avions des petits passages avec une voix un peu plus rugueuse, nous avons demandé à quelques invités de s’en charger (notamment Dan Swanö sur Dead Reckoning, NDLR), car il est clair que ça ne convenait pas à Damian [Wilson] quand il était dans le groupe. Glynn est capable de le faire mais je ne sais pas s’il pourra le faire régulièrement et chanter autre chose après. Il faudrait lui demander. On verra, nous demanderons probablement à Richard de s’en charger si nous jouons la chanson en live.

Etais-tu surpris quand tu as entendu ça ?

Pas vraiment. J’aurais été très surpris si Damian avait fait ça parce qu’il a une voix très claire. Glynn a un côté un peu plus rugueux quand il veut. Surtout quand nous avons fait Psychedelicatesses, il mettait plus de grain dans sa voix quand il voulait, il avait beaucoup de puissance, donc ce n’était pas une énorme surprise de constater qu’il était capable de faire ça. Ceci dit, je ne l’ai pas vu faire, donc ça m’intéressait de voir [rires].

Le titre de l’album, Dividing Lines, peut être interprété de plusieurs façons, par rapport aux divisions dans la société ou entre pays, mais aussi à la déconnexion avec la nature, comme le montre l’artwork avec cet homme seul dans les ruines d’un paysage urbain. Le thème de la division est particulièrement courant aujourd’hui dans le metal et probablement dans l’art globalement. Penses-tu que ce soit le mot clé de l’époque actuelle ?

Je pense oui, parce que si on regarde autour de nous, particulièrement en Europe et je suppose aussi en Amérique, il y a eu pas mal de réelles divisions qui ont permis aux politiciens extrémistes de s’emparer du pouvoir et de promouvoir leur programme. La façon dont ça a fonctionné dans la plupart des pays est relativement la même. Peut-être que dans le monde post-crash financier, les gens sont insatisfaits et recherchent quelque chose d’extrême pour essayer de gérer ça et de changer les choses, donc ce n’est pas surprenant. Je n’aime pas cette méthode consistant à séparer les gens pour créer du pouvoir. Je trouve que ce n’est pas sain. Ça a mené à une situation vraiment moche dans notre pays, au point où deux politiciens ont été assassinés. Ce n’est pas bon. Ça crée des divisions au sein des familles, entre les amis, et en général dans la société. C’est devenu affreux.

Je n’aime pas le fait que l’on soit maintenant séparé de l’Europe. J’ai des amis en Europe, nous avons pas mal travaillé là-bas et maintenant, c’est devenu plus difficile. Je préfèrerais être le pays tolérant qu’on a été, ou l’Europe tolérante qu’on a été, en se mélangeant, en étant sympathiques les uns avec les autres, sans tenir les autres pour responsables des problèmes. Dans notre pays notamment, les gens cherchent à accuser ceux des autres pays de nos problèmes, comme si tout était à cause des étrangers. C’est absolument absurde. On devrait toujours assumer ses propres problèmes dans son propre pays, les gérer et arrêter de rejeter la faute sur les autres. Je pense que la division n’est vraiment qu’un outil que certains politiciens utilisent pour créer un vide qu’ils peuvent occuper et créer leur propre pouvoir.

« Le fait d’affirmer un mensonge tellement de fois que les gens commencent à croire que c’est la vérité est une technique, mais maintenant, les gens commencent à en avoir conscience et j’espère qu’on va pouvoir revenir à quelque chose de plus modéré. »

Le bon côté, et le rayon de lumière qui transparaît dans l’album, plutôt qu’il ne soit que morose, est le fait qu’on est en train d’arriver à la fin de cette ère dans la politique du Royaume-Uni. Les gens commencent à réaliser les mensonges qui sont propagés et les techniques qui sont utilisées pour saper leur confiance en ce qu’ils savent être la vérité. Le fait d’affirmer un mensonge tellement de fois que les gens commencent à croire que c’est la vérité est une technique, mais maintenant, les gens commencent à en avoir conscience et j’espère qu’on va pouvoir revenir à quelque chose de plus modéré. Je me fiche que ce soit une politique de gauche ou de droite, je ne m’en soucie pas tellement. J’ai envie que ce soit centré de façon à ne pas pouvoir faire la différence entre gauche et droite, à ce que tout le monde soit inclus, à ce qu’on n’ait pas la moitié du pays qui se batte contre l’autre moitié. Je pense que c’est un peu un thème central dans l’album, ça traite de ces sujets. C’est ce qui est en train de se passer en ce moment, donc ça ressort dans ce qu’on écrit, je suppose.

Richard a dit que « le titre de l’album renvoie aux murs que l’on érige entre nous, et au fait qu’on préfère se battre les uns contre les autres plutôt que de travailler ensemble »…

Je crois que le titre Dividing Lines vient des paroles de Glynn, dans le morceau « Let It Burn ». Nous cherchions un titre qui pourrait couvrir tout ce à propos de quoi nous avions écrit. Richard était en train de lire les paroles et il a remarqué ces deux mots au milieu de la chanson de Glynn, et il a dit : « C’est quoi, ça ? » et nous avons opté pour ce titre. Ça semblait tout de suite coller.

A l’inverse de ce que dit Richard dans cette citation, considèrerais-tu Threshold comme un exemple de confiance, d’unité et de collaboration ?

C’est le cas de n’importe quel groupe, dans une certaine mesure. Evidemment, les groupes connaissent des problèmes et des désaccords quand ça fait longtemps que leurs membres sont ensemble, mais c’est plus facile de gérer un groupe avec l’âge, car on a plus d’expérience et on est moins excité, ça s’échauffe moins, je suppose. Je pense que nous avons une bonne situation dans le groupe actuellement et c’est toujours super quand on part en tournée et qu’il y a une unité au sein du groupe, qu’on voyage et travaille de manière soudée. Depuis 2017, c’est fantastique. Nous nous éclatons quand nous sommes ensemble et nous avons hâte de repartir sur les routes le plus vite possible, donc c’est clairement ce que tu dis. J’ai toujours eu une bonne relation de travail avec Richard, car nous officions depuis tellement longtemps dans ce groupe que nous savons quoi attendre de l’autre. C’est bien que tout le groupe soit sur la même longueur d’onde maintenant et nous sommes impatients de revoyager et travailler ensemble pour jouer live. Tant qu’il n’y a pas de problème et qu’on s’entend tous bien, c’est génial. Je suis pour l’unité et je pense que le monde serait clairement meilleur si on pouvait résoudre certaines de ces divisions. Je ne peux pas parler pour le pays de tout le monde, mais particulièrement au Royaume-Uni, si on pouvait revenir à un discours plus civilisé, obtenir que les gens ne s’énervent pas les uns contre les autres et n’aient pas des opinions aussi extrêmes, je pense que tout irait mieux et serait plus prospère.

La musique prog a souvent une dimension d’évasion. Je sais que tu n’écris pas les textes, mais est-ce important pour vous que votre musique ne soit pas que ça, mais qu’elle soit aussi ancrée dans la réalité, voire la politique, en transmettant un message qui peut servir aux gens ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas envie d’être un groupe qui prêche auprès des gens ou essaye de leur mettre une idée dans le crâne. Je pense que Richard le dit mieux que moi : « Cet album est une sorte de commentaire politique. » C’est juste ce que nous voyons et ce que sont nos espoirs pour le futur, sans rien imposer aux gens. Je pense que la pire chose qu’on puisse faire, c’est imposer ses idées, car ça ne fait que créer plus de division. Si quelqu’un voit ou entend quelque chose dans une chanson qui lui parle à un niveau plus profond et a un sens dans sa vie, c’est super, c’est génial. Mais je vois vraiment ça comme le fait d’exprimer ce que nous pensons, ce que nous espérons et comment nous voyons le monde. D’autres gens peuvent avoir des avis différents, ce n’est pas pour ça que je les déconsidère. Je pense que l’acceptation et la tolérance sont vraiment le message.

« Je vois vraiment ça comme le fait d’exprimer ce que nous pensons, ce que nous espérons et comment nous voyons le monde. D’autres gens peuvent avoir des avis différents, ce n’est pas pour ça que je les déconsidère. Je pense que l’acceptation et la tolérance sont vraiment le message. »

D’ailleurs, tu ne ressens pas le besoin de t’exprimer au travers de paroles ? Penses-tu que tu dis tout ce que tu as à dire avec la musique ?

Ce qui est drôle, c’est que quand nous avons commencé à composer, Nick Midson et moi avons écrit tous les deux des paroles et ensuite, nous les avons regardées et nous nous sommes dit que Jon Jeary était vraiment doué pour ça à l’époque. Il était bien meilleur que nous dans ce domaine. Il faisait passer ses idées tellement brillamment que nous avons laissé tomber. Quand Jon est parti, Richard avait déjà commencé à écrire pas mal de textes et c’est devenu le parolier principal. Je n’y ai plus jamais vraiment pensé ensuite. J’étais content de m’exprimer en musique et je n’ai pas envie d’aller plus loin. Je suis plus que content avec la façon dont nous fonctionnons. Je trouve que Richard fait du aussi bon boulot que Jon. J’aime aussi beaucoup sa façon d’écrire ses textes. Parfois, ils peuvent être interprétés de deux façons bien distinctes et certaines personnes peuvent avoir une interprétation différente de celles d’autres gens, donc je ne pense pas que ce soit trop explicite. On peut comprendre l’histoire et si on lit bien attentivement, on peut probablement saisir le sens des paroles, mais ce n’est pas immédiat. J’aime bien cette façon d’écrire. Ecrire des paroles ne me manque pas. Je suis à l’aise en composant la musique, j’aime ça. J’aime travailler en ayant Richard qui écrit les textes. C’est ainsi depuis longtemps, c’est ce qui me plaît et ça fonctionne très bien comme ça.

Le rock et le metal progressifs existent maintenant depuis plus de cinquante ans. Nous avons parlé de l’équilibre entre les côtés heavy et prog, mais où vous placez-vous, selon toi, dans l’équilibre entre tradition et modernité ?

Je crois que nous n’avons jamais vraiment réfléchi à ça. Nous nous efforcions avant tout de trouver notre propre son. A l’époque où nous avons commencé, il n’y avait pas vraiment d’autres groupes qui jouaient le type de musique que nous voulions entendre. A bien des égards, c’est la raison pour laquelle nous avons créé notre mélange entre le progressif et le metal, car nous aimons ces musiques. Nous avions les deux aspects dans le groupe, avec différentes personnes qui aimaient différents styles et nous voulions les mélanger. Le seul autre groupe qui me vient en tête et qui faisait ça à l’époque, c’était Queensrÿche, donc il n’y en avait pas des masses. J’aime croire que nous avons gardé ça à l’esprit comme une manière de construire la musique. Nous n’avons pas rejoint le genre metal progressif. Nous aimons la musique progressive et nous aimons le metal, et nous mélangeons les deux. Avec un peu de chance, ça fait que Threshold continue de sonner un petit peu original et ça le sépare de la mêlée générale des groupes de metal progressifs ; pas que je ne les apprécie pas, j’aime beaucoup certains de ces groupes, mais je pense que nous sommes bons dans notre propre domaine et nous avons notre propre son. Je ne sais pas si nous sommes à la page. Les gens comme toi sont probablement mieux placés pour juger que nous. C’est très dur quand on a écrit sa propre musique, qu’on l’a produite et qu’on l’a jouée de savoir ce qui est mieux. C’est mieux que d’autres gens apportent un jugement là-dessus.

On a l’impression que le metal prog est devenu de plus en plus heavy, surtout aujourd’hui avec le mouvement djent…

Comme je l’ai dit, j’aime beaucoup certains de ces groupes. J’adore Periphery en particulier et je suppose que c’est assez djent, n’est-ce pas ? On y retrouve de super éléments progressifs. La production et la qualité de jeu sont brillants. L’un de mes albums de progressifs préférés parmi ceux qui sont sortis récemment, c’est le dernier album de Kansas, The Absence Of Presence. Il est très traditionnel, mais je ne crois pas qu’il faille se soucier de savoir si c’est traditionnel ou moderne. Il suffit juste de savoir si c’est un bon album, et cet album de Kansas, pour moi, est leur meilleur.

Quels sont les groupes ou les artistes dont on s’attendrait le moins à avoir eu une influence sur toi, que ce soit en termes de composition ou de jeu de guitare ?

Quand j’ai commencé, j’aimais surtout Testament et j’aimais Dann Huff en tant que guitariste, il faisait partie du groupe Giant mais plus en tant que membre de session. Il avait vraiment une super technique, mais aussi une approche très mélodique, donc je ne sais pas si c’est particulièrement surprenant. Parmi les choses que j’aime beaucoup et qui sont assez éloignées de notre genre musical, il y a My Dying Bride, qui est plus un groupe de doom metal gothique. J’adore cette musique en raison des atmosphères qu’ils créent. Pareil avec la période électronique de Mike Oldfield, c’est-à-dire des albums comme The Songs Of Distant Earth, The Millennium Bell et Light + Shade – ce sont des albums très électroniques. J’adore les mélodies et atmosphères qu’il crée dans ceux-ci. Voilà ce que seraient mes influences insolites, les musiques auxquelles on ne s’attendrait pas forcément et que pourtant j’aime toujours écouter.

« Nous n’avions pas prévu d’être signés ou de faire un album. Comme beaucoup de choses avec Threshold, c’est arrivé par accident sans que ç’ait été planifié. »

Quand nous avons parlé avec Richard en 2017, il ne savait pas exactement la raison du départ de Damian de son point de vue. Avec le recul, comprends-tu mieux maintenant pourquoi il a quitté le groupe, vu qu’il officie désormais au sein d’Arena et de Lalu qui ne sont pas très éloignés de ce que fait Threshold ?

Je le savais déjà à l’époque, car j’avais parlé avec Damian en le déposant chez lui après que nous soyons allés jouer à un festival, je crois que c’était le ProgPower en Europe en 2016. A un moment donné, nous nous étions posés avec Damian, Richard et Steve, nous étions en train d’essayer de voir quand nous allions enregistrer et Damian ne répondait pas vraiment. Nous avons demandé : « Quand es-tu libre pour ton chant ? » mais il n’a rien dit, donc j’ai reposé la question et il n’a toujours pas vraiment répondu. Je me suis dit : « Oh, je ne sais pas, peut-être qu’il est mal luné aujourd’hui ou quelque chose comme ça », mais nous n’avons pas eu de réponse. Puis, quand je lui ai parlé en le ramenant chez lui, il a dit : « Je crois que mon temps au sein de Threshold est révolu. J’ai envie de passer à autre chose et de quitter le groupe. » Il m’a même donné des noms de chanteurs qu’il connaissait et qu’il pensait pouvoir prendre sa place. Nous avons quand même essayé de planifier l’enregistrement de l’album et il n’arrivait pas à se décider, il disait qu’en fait, peut-être il voulait rester dans le groupe. Je n’étais pas convaincu, donc j’ai dit : « Tu m’as dit que tu voulais partir. » Dans tous les cas, il n’était dévoué, donc au final, j’ai dit : « On veut continuer sans toi parce que nous sommes très contents de ce qui est en train de se passer avec Legends Of The Shires, je suis à fond derrière cet album, je pense qu’il va être super. Je veux le faire avec quelqu’un qui est vraiment dévoué au groupe. » Je pense qu’il avait l’impression d’être arrivé au bout avec Threshold. Il voulait faire autre chose et je ne voulais pas faire un album qui, selon moi, allait être génial avec quelqu’un qui n’y était pas dévoué.

Ensuite, c’est devenu difficile parce qu’il ne voulait pas quitter le groupe, mais je voulais avancer avec quelqu’un qui avait terriblement envie de faire cet album. C’est là que Glynn a dit vouloir revenir dans le groupe, donc c’est ce qui s’est passé. Heureusement, au bout d’un certain temps, nous sommes redevenus amis et nous nous reparlons, mais c’était difficile pendant un moment. Mais à la seconde où il m’a dit qu’il ne voulait pas être dans Threshold, j’ai pensé qu’on ne pouvait pas faire machine arrière en se disant que la personne se consacrera entièrement au groupe. Nous avons fait un autre concert. Je crois que nous avons joué en Suisse au Ice Rock Festival, en janvier 2017, et nous nous sommes séparés après ça. Au même moment, l’autre guitariste, Pete Morton, est aussi parti, donc une nouvelle ère s’ouvrait et nous avons décidé de ne pas chercher un autre guitariste, car lorsque Glynn est arrivé, j’ai pensé que je pourrais le persuader de jouer de la guitare, car c’est un guitariste très correct. Nous avons tout changé et nous avons voulu atteindre un stade où tous les gens présents dans le groupe voudraient désespérément en faire partie. Nous nous sentions comme une entité très soudée, comme une famille. Voilà comment ça s’est passé. Je n’en ai pas voulu à Damian, nous nous entendons super bien de nouveau maintenant. Je le vois occasionnellement, quand il vient au studio. Je suis ami aussi avec Clive [Nolan] d’Arena, donc nous sommes encore en contact et je trouve qu’il fait du très bon boulot avec eux. C’était juste le moment pour lui de passer à autre chose, je pense.

Il se trouve que Damian avait déjà fait quelques allées et venues dans le groupe par le passé. Ne craignais-tu pas justement qu’il ne reste pas longtemps à nouveau ?

En effet, je ne pensais pas qu’il resterait longtemps. Je le connaissais avant que nous fassions Wounded Land et nous avions besoin d’un chanteur. Je l’ai convaincu de faire cet album et ensuite il a reçu une offre d’un groupe qui était bien financé, qui avait l’air d’aller quelque part, si bien que ça allait être génial. Il est donc parti après le premier concert que nous avons fait en soutien de Wounded Land. Ensuite, quand nous avons eu besoin d’un chanteur en 97, il est revenu. Il a fait cet album et une tournée, puis il a reçu une offre pour une comédie musicale au Royaume-Uni. Il avait une jeune famille et c’était bien payé, donc je comprends qu’il ait voulu faire ça. Quand Mac [Andrew McDermott] est parti en 2007, il était de nouveau disponible et il est revenu. J’ai vraiment pensé à ce moment-là qu’il ne resterait qu’un ou deux ans, à cause du passé, mais finalement, il est resté presque dix ans. Il s’est vraiment longtemps investi et nous avons fait de super tournées et plein de choses mémorables. Il est toujours passé de groupe en groupe tout au long de sa carrière et je pense que Threshold est celui avec lequel il est resté le plus longtemps, donc ce n’est pas vraiment une surprise. C’est un super chanteur, donc il sera toujours demandé. Il a fait plein de choses et il a toujours été super en live, donc je suis sûr qu’il fera du bon boulot avec l’autre groupe dont il fait partie.

« Si nous en venions à devenir un de ces groupes qui passent leur temps à jouer de vieux albums, ce serait la fin de Threshold. Je ne suis pas sûr que nous puissions le supporter [rires]. »

Wounded Land aura trente ans l’année prochaine : comment vois-tu cet album avec le recul ?

C’est là que tout a commencé, je suppose. Nous n’avions pas prévu d’être signés ou de faire un album. Comme beaucoup de choses avec Threshold, c’est arrivé par accident sans que ç’ait été planifié. Je garde de tendres souvenirs de cette époque, en particulier avec Nick, Jon et Richard quand nous débutions, et je n’arrive pas à croire que Richard et moi sommes toujours ensemble dans le groupe et ami avec Jon et Nick. Nous sommes toujours en lien et ils aiment toujours la musique du groupe ; ils ont joué un rôle très important dans sa construction. Nous avons cherché à voir avec Nuclear Blast comment nous pourrions célébrer ça et nous aurons bientôt des idées de ce que nous allons faire avec certains de ces vieux albums. Je suis toujours fier de la façon dont nous avons commencé. La transition, passant d’un groupe qui voulait jouer des reprises dans des bars à un groupe qui compose sa propre musique et sort des albums, était étrange. Nous ne nous attendions à rien. D’ailleurs, le label n’avait aucune confiance en nous. Ils ont dit : « On va vous donner juste un petit peu d’argent pour un album, car vous n’allez en vendre que quelques centaines d’exemplaires » [rires]. Nous n’en pensions rien. Plus que tout, nous avons eu de la chance de commencer quand nous avons commencé parce que c’était le tout début d’un genre musical. Nous étions clairement visibles parce que, encore une fois, il n’y avait pas beaucoup de groupes dans ce créneau et les choses ont décollé à partir de là. Evidemment, nous sommes passés par deux autres labels différents depuis.

Vous avez commencé à peu près à la même période que Dream Theater. Comment expliquer que vous ne soyez pas devenus aussi gros qu’eux ?

Je ne sais pas. Nous faisions ce que nous faisions et nous étions sur un plus petit label à l’époque. Ce sont des musiciens très talentueux et ils sont arrivés sur un plus gros label. C’est plus populaire, c’est tout. Ça n’a tout simplement pas marché pareil pour nous. Les choses se sont graduellement améliorées au fil des années, donc nous sommes très fiers de pouvoir encore tourner et faire des albums. Nous continuerons tant que nous aurons quelque chose à dire en musique. Il y aura toujours de plus gros et de plus petits groupes, et quand on est dans un groupe, il y en a toujours un plus gros et un plus petit dans son genre musical. C’est comme ça et nous sommes plus que contents.

Evidemment, votre son a évolué, vos compétences ont évolué et le line-up a changé, mais vous êtes plus ou moins restés dans les mêmes eaux musicalement depuis le début. Dirais-tu que vous avez fixé votre cap avec Wounded Land ?

Wounded Land est arrivé de nulle part. Nous jouions des reprises de Van Halen, Bon Jovi et peu importe qui était populaire à l’époque. Nous avons appris ainsi à jouer de nos instruments et ensuite, nous avons commencé à composer des chansons assez épouvantables, ce qui explique pourquoi nous n’avons jamais sorti nos premières cassettes. Ensuite, nous avons fait une chanson pour une compilation, et ça a un peu donné le ton pour nous. Nous avons décidé de combiner nos influences et de faire de ça notre son, et c’est devenu Threshold. Nous avons eu deux offres pour signer chez des maisons de disques et faire notre premier album. Je pense que nous avons soudainement réalisé que nous devions être un petit peu plus sérieux et écrire quelque chose de sensé, donc nous avons consacré du temps et des efforts à cet album. Wounded Land est sorti et c’est devenu le modèle de ce qu’était Threshold. Si je le réécoute aujourd’hui, je peux dire que les choses ont évolué et que nous avons peaufiné notre son, nous sommes devenus de meilleurs arrangeurs, de meilleurs compositeurs, de meilleurs musiciens, mais ça reste essentiellement le son de Threshold et ça me plaît, parce que je pense que nous avons un son bien reconnaissable, qui est nous, et on peut deviner que c’est Threshold. Nous ne rentrons pas dans le moule général du metal progressif. Nous sommes un petit peu à part, je suppose, et je pense que c’est une bonne chose pour évoluer petit à petit. Je compose sans utiliser de chansons abandonnées d’anciens albums, je compose juste avant d’aller enregistrer un nouvel album, et je pense que le fait de garder cette règle nous permet de toujours aller de l’avant, de séparer les albums les uns des autres et d’évoluer progressivement. Nous avons notre patte qu’on retrouve depuis le début.

« Quand on regarde le documentaire sur Anvil, c’est sympa de voir que d’autres gens vivent les mêmes situations épouvantables que soi, et on se dit que seuls la musique, l’excitation et les moments forts quand on fait vraiment un super concert nous font tenir bon. »

Dans deux ans, ce sera le trentième anniversaire de Psychedelicatesses, votre premier album avec Glynn. Vous avez le temps de le voir venir, mais pensez-vous célébrer ça ?

Peut-être bien. Il y a tellement d’anniversaires pour nos albums que nous serions obligés d’arrêter d’en écrire de nouveaux si nous devions constamment partir célébrer les anciens. Je pense que tant que le groupe aura quelque chose à dire, nous resterons pertinents et actifs. Si nous en venions à devenir un de ces groupes qui passent leur temps à jouer de vieux albums, ce serait la fin de Threshold. Nous ne sommes pas ce genre de groupe. Quand nous disons que nous célébrons un album, ça veut dire que nous prenons peut-être trois chansons de ce dernier pour les jouer sur une tournée, ou peut-être que nous chercherons un autre moyen avec la maison de disques, mais je n’ai pas envie de refaire la tournée Wounded Land, puis Psychedelicatessen suivi d’Extinct Instinct, en répétant tout le cycle. Je ne suis pas sûr que nous puissions le supporter [rires]. Nous voulons être éperdument fiers de ces albums et partir jouer quelques chansons de ces derniers – et nous l’avons fait par le passé – mais nous les célébrerons différemment.

J’imagine que vous ne voulez pas devenir ce qu’on appelle un « groupe héritage »…

C’est le qualificatif pour ça, n’est-ce pas ? Je suppose que ce qu’on appelle des « groupes héritages » ont de toute façon connu un niveau extrême de succès, donc ils peuvent faire ce qu’ils veulent.

Pour notre rubrique sur les recommandations, tu nous as dit que tu adorais les documentaires et biographies sur les groupes de musique. Reconnais-tu parfois ce que vous avez vécu avec Threshold dans ces derniers ?

Quand tu regardes et lis des biographies, celles qui sont intéressantes sont celles où ils racontent vraiment les histoires, où ils admettent que quelqu’un est faillible, qu’ils ont eu des disputes, qu’ils se sont fâchés, que quelqu’un a fait quelque chose de complètement déraisonnable en tournée, etc. Les biographies sans intérêt sont celles où ils racontent de jolies histoires sur tout le monde et où ça ne paraît pas très réaliste. On rencontre ce genre de situations dans tous les groupes. Nous avons par exemple connu une situation avec Threshold en 1997 où Damian a envoyé un retour dans le public. Aujourd’hui, ça a l’air d’une histoire intéressante, mais à l’époque, c’était affreux. Nous devions payer les dégâts, les fans étaient furieux et la salle a dit : « Vous ne jouerez plus jamais en Espagne. » Mais bien sûr, on se remet de ces choses, personne n’a été blessé et ça allait. Maintenant, c’est une super histoire à raconter, mais si on ne les racontait pas, le groupe serait irréaliste et ennuyeux. Ces choses arrivent vraiment et on ne devrait jamais en vouloir à qui que ce soit pour ça, ça fait partie de la vie.

Quand on regarde le documentaire sur Anvil, c’est sympa de voir que d’autres gens vivent les mêmes situations épouvantables que soi, et on se dit que seuls la musique, l’excitation et les moments forts quand on fait vraiment un super concert nous font tenir bon. Tout le monde souffre de ces situations. Le fait de voir tout ce qui peut se passer sur une tournée fait que j’accorde de l’importance à ma vie de famille et au fait d’avoir une vie stable à la maison. Même si vous vous entendez parfaitement en tant que groupe, toutes sortes de choses peuvent partir de travers [rires]. Vous pouvez être dans un bus de tournée qui soudainement tombe en panne et il y a de la fumée à l’intérieur. Alors il faut attendre d’avoir un nouveau bus. Les plus petits trucs peuvent se transformer en désastre en tournée, mais il y a aussi cette excitation de partir quand on ne sait pas ce qui va se passer. Quand on part en tournée, c’est cette excitation et le côté imprévisible qui attirent, et je pense qu’il faut vraiment avoir une vie stable à la maison pour ça.

Quand on voit ce documentaire sur Anvil, on voit l’enfer de détresse. Ils ont tourné avec Bon Jovi et quelques autres groupes, et ça commence en disant que quatre groupes ont eu énormément de succès et qu’un n’en a pas eu, voici l’histoire d’Anvil [rires]. Ils en étaient encore à chercher une maison de disques quand ils avaient la cinquantaine. Ils ont été incroyablement résilients et ils continuent à avancer. Nous avons joué dans un festival en 2015, je crois, le 70 000 Tons Of Metal, qui est une croisière dans les Caraïbes pour les groupes de metal. Ils y étaient aussi, donc j’ai pu les voir jouer toutes ces années après et ils parviennent toujours à assurer. Ces groupes qui poursuivent leur route même face à toutes ces difficultés font preuve d’une incroyable résistance et résilience. Je pense que le fait de continuer malgré les revers, c’est la marque des vrais musiciens.

Interview réalisée par téléphone le 17 octobre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Robert Burress.

Site officiel de Threshold : www.thresh.net

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  • Bravo, encore une fois, pour cette superbe interview (au passage, quand je vois la qualité de vos questions, j’ai parfois l’impression que vous êtes les derniers « vrais » journalistes d’internet).

    Ça fait plaisir de lire les réponses de Karl ; Threshold est un groupe injustement méconnu, même si j’ai l’impression que ça va mieux depuis « Legends Of The Shire ».
    Je les ai découvert avec Mac au chant, j’ai été très déçu lorsqu’il a quitté le groupe, et j’ai vraiment été très triste à l’annonce de sa mort. Il restera pour moi LE chanteur de Threshold.

    Je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter « Dividing Lines », j’avais bien aimé « Legends » après les 2 albums précédents (avec Damian au chant) qui m’avaient un peu ennuyé (opinion personnelle bien sûr).

    Bref, bravo encore, et merci.

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