ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Chronique   

Tomahawk – Tonic Immobility


Il faut une année vraiment étrange pour que Tomahawk se manifeste de nouveau. Comme s’il était attiré par l’extraordinaire. Depuis Oddfellows (2013), le groupe emmené par le guitariste Duane Denison (The Jesus Lizard), le bassiste Trevor Dunn (Mr. Bungle, Fantômas), le batteur John Stanier (Helmet) et l’irremplaçable Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle, Fantômas) n’avait plus réellement donné signe de vie. 2021 marque les vingt ans de la formation depuis son premier méfait. L’occasion rêvée de reprendre du service et de s’insérer dans le quotidien singulier qui nous a capturés depuis l’irruption de la pandémie. Tonic Immobility fait justement référence à notre impuissance, naturelle et forcée, face à la pandémie, au jeu des mesures sanitaires et aux conséquences de nos actes sans cesse évaluées. Tomahawk se plaît dans le bizarre, Tonic Immobility est une piqûre de rappel : le quatuor ne ressurgit pas pour rentrer dans le rang.

Si l’on suit les dires de Duane Denison, Tonic Immobility est un résumé de tout ce que Tomhawk a produit. Un album de hard rock expressionniste dans ses contours et profitant de la polyvalence d’un chanteur-acteur. Les premières notes de guitare espiègles qui ouvrent « SHHH! » nous invitent immédiatement à rentrer dans le jeu de Tomahawk : une musique schizophrène qui transite d’un contraste à l’autre, d’un riffing rock appuyé à un phrasé aussi timide que malsain. Tomahawk s’emploie parfois à mettre la dissonance au premier plan, à l’instar du groove de « Valentine Shine » qui voit ses aspirations mélodiques réduites à néant par les facéties de Duane Denison. « Predators And Scavengers » inverse les rôles, c’est Mike Patton qui vient scander ses paroles en jouant avec la justesse, avant de crier, de chanter à nouveau, de faire des bruitages vocaux et vocalises fantomatiques… Pourtant Tomahawk entraîne et groove. Comme s’il avait parfaitement dompté son étrangeté, maîtrisant l’alchimie entre moments de tension suants et frasques presque punk. « Doomsday Fatigue » s’illustre par son ambiance aussi aguicheuse que poisseuse directement inspirée des westerns-spaghettis, inspiration récurrente chez Tomahawk. Mike Patton se mue en faux crooner, toujours à la limite de l’explosion.

Ce qui interpelle – ou choque – l’oreille chez Tomahawk participe de son cachet sans jamais créer une distorsion entre l’écoute et l’immersion. Tonic Immobility conserve ce qui captive. La ligne de basse de « Business Casual » conjuguée aux accroches vocales en écho hypnotise. Le faux reggae de « Dog Eat Dog » se voit complètement déconstruit, laissant Mike Patton faire l’olibrius en aboyant, s’égosillant et hululant tout en accompagnant Duane Denison, bien décidé à illustrer les aspects les plus corrosifs de son jeu. « Tattoo Zero » incarne ce goût pour des atmosphères délicates et le malin plaisir de les saccager immédiatement. Tomahawk commet sans cesse des sacrilèges au sein de ses compositions, élevant le bris et la déconstruction au rang d’art. On passe d’une atmosphère brumeuse à l’humidité presque tangible au riffing le plus franc en un instant, à l’image d’« Howlie » pris au mot par Mike Patton, trop heureux de pousser sa voix dans ses retranchements. L’interlude cryptique « Eureka » souligne le caractère cinématographique du rock de Tomhawk et met en valeur sa capacité à placer les mélodies les moins sournoises sur un piédestal, telles ces notes de piano qui inaugurent « Sidewinder » en délicatesse avant de laisser place à une interprétation plus torturée.

Tonic Immobility reprend en effet les méthodes de ses prédécesseurs sans avoir besoin de les dépoussiérer. Tomahawk pourrait s’absenter aussi longtemps qu’il le souhaite, il provoquerait toujours le même malaise mêlé à de la satisfaction lors de son retour. Tonic Immobility vient notamment rappeler que la malice de Tomahawk n’est jamais gratuite : elle est garante de la consistance de sa musique, gage de relief pour ses moments les plus vibrants. Si le contemporain décontenance, il a trouvé son héraut.

Clip vidéo de la chanson « Dog Eat Dog » :

Chanson « Business Casual » :

Album Tonic Immobility, sortie le 26 mars 2021 via Ipecac Recordings. Disponible à l’achat ici



Laisser un commentaire

  • Arrow
    Arrow
    The Cure @ Paris
    Slider
  • 1/3