ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Interview   

Toto : c’est reparti comme en 14 !


Lorsqu’en 2008 le guitariste Steve Lukather a posté un communiqué pour confirmer son départ de Toto et, par conséquent, la fin du groupe, il était catégorique et il ne semblait y avoir aucun espoir de revoir un jour le groupe monter sur les planches. En vérité, comme il nous l’explique longuement dans l’entretien qui suit, le guitariste était à bout et ne voyait plus de raison de poursuivre dans un groupe qui n’était plus vraiment lui-même. En un sens, sa réaction était rassurante et révélait l’intégrité du musicien.

Depuis, ce qui pendant un temps paraissait improbable s’est finalement produit : Toto, le groupe de potes de lycée, est remonté sur les planches, d’abord pour aider un autre pote de lycée dans le besoin, puis pour fêter 35 ans de musique, et s’apprête maintenant a publier un nouvel album intitulé XIV. Et il le fait pour de bonnes raisons, même si on apprendra qu’il y a eu, tout de même, un petit coup de pouce d’une procédure judiciaire…

Car voilà ce qui soude avant tout Toto et le fait avancer : les vieilles et sincères amitiés. A ce titre, on ne peut pas dire que le guitariste au franc-parler soit tendre – même si la plupart du temps il prend soin d’éviter de le citer – avec son ancien chanteur Bobby Kimball qu’il ne tient visiblement pas dans son cœur. Et d’un autre côté, on le sent particulièrement dévasté lorsqu’il nous avoue sans détour qu’il n’y a plus aucun espoir pour le bassiste Mike Porcaro, atteint d’une maladie grave, et « qu’il n’y en a plus pour très longtemps. »

Nous revenons donc avec Steve Lukather sur tout ceci, le retour, l’album, l’avenir de ce groupe de musiciens de talents et même bien plus encore, avec convivialité et sans langue de bois.

« Chaque trou du cul qui a un ordinateur croit pouvoir faire un album ! Tu ne peux pas faire The Wall sur un putain d’ordinateur portable, frangin ! Désolé ! »

Radio Metal : En 2008 lorsque tu as affirmé avoir quitté Toto, conduisant au split du groupe, tu avais dit que « ceci n’est pas une pause. C’est terminé. Je ne peux vraiment plus y aller et jouer « Hold The Line » la tête haute. » Qu’est-ce qui t’a fait te sentir ainsi à l’époque ?

Steve Lukather (guitare) : J’étais dans un groupe de reprises avec un chanteur qui ne savait pas chanter ! J’étais en train de me détruire et c’est pourquoi j’étais si malheureux. Maintenant, il y avait de super musiciens dans le groupe et qui sont toujours mes amis : Leland Sklar, Greg Phillingans, Simon Phillips, etc. – de supers amis à moi ! C’est juste que ça n’avait plus l’air d’être Toto. Un soir, j’étais sur scène, je ne jouais pas très bien, et je buvais comme un pochetron et j’étais là : « Il faut que je dégage de là ! Ceci n’est pas mon groupe de lycée, ceci n’est pas Toto ! » J’étais en train de me perdre là-dedans et c’était très destructif. C’était une très mauvaise période de ma vie : ma mère était en train de mourir, mon mariage était en train de mourir, j’allais avoir un enfant alors que j’étais sur le point de divorcer… C’était une très mauvaise période de ma vie ! Et je n’étais plus avec mes frères de lycée ! Ils étaient tous partis ! J’ai donc eu l’impression de faire ça pour l’argent et ça ne m’inspirait plus, ce n’était plus le véritable Toto. Je suis donc parti. Je n’ai jamais pensé que nous rejouerions un jour. Et ensuite, lorsque j’ai arrêté, David Paich m’a appelé et m’a dit : « T’en as mis du temps ! » Et nous avons commencé à rire et je lui disais : « Ecoute, j’essayais de garder le groupe en vie, de maintenir tout le monde au travail et les faire tourner… » Mais ça n’était plus amusant, ce n’était plus une situation joyeuse, vraiment… Il fallait donc que je parte ! Et puis après j’ai retrouvé une super santé, trois ans ont passés et la SLA (ndlr : Sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot) de Mike Porcaro a vraiment empirée et il avait besoin d’aide financière. David a donc dit qu’il fallait que nous fassions quelque chose et j’ai dit : « Je suis partant mais je veux que Steve Porcaro revienne et je veux que Joseph [Williams] revienne. » Et donc nous avons fait une tournée 2010. Elle a eu un très beau succès et nous nous sommes éclatés. Nous avons pu aider Mike et ensuite nous nous sommes dit : « Continuons avec ça jusqu’à 2011 ! Ce serait fun ! »

Nous l’avons donc fait avec les gars et nous allions faire un DVD pour l’anniversaire des 35 ans, et nous avons découvert qu’un ex-manageur nous avait signé un accord qui disait que si on espérait le sortir, alors nous allions devoir un album studio à quelqu’un. C’est devenu étrange, il a commencé à y avoir des actions en justice, et notre avocat nous a dit : « Ecoutez, pourquoi simplement ne faites-vous pas un album ? » Et nous avons répondu : « Tu sais quoi ? Ok ! » Tu sais, je m’éclatais avec les gars, j’étais de retour avec mes potes de lycée, nous aidions Mike, nous nous aidions nous-mêmes – nous avons tous besoin d’argent pour vivre aussi -, donc tout le monde est gagnant ! Et je m’amusais à nouveau ! Il y avait un tout nouvel élan dans le groupe ! Si tu m’avais demandé en 2007, j’aurais dit que c’était hors de question ! Mais ce sont des choses qui arrivent ! J’étais loin des gens avec lesquels je voulais me tenir éloigné et j’étais de retour avec ceux que j’aimais, en le faisant pour de bonnes raisons ! Et nous nous sommes sentis inspirés à nouveau pour faire un nouvel album. Et nous avons fait un super album ! Je veux dire que nous avons travaillé dur dessus ! Dix mois de nos vies ! Et le DVD des 35 ans était numéro un dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis. C’était une grande surprise pour nous ! Et il semble y avoir un nouvel intérêt pour le groupe qui n’existait pas dans la configuration que j’ai quitté.

Le groupe a retrouvé le chanteur Joseph Williams. Comment était-ce de l’avoir dans le groupe à nouveau après toutes ces années ?

Eh bien, Joseph et moi sommes tout le temps restés amis. Nous sommes amis depuis le lycée. Même lorsqu’il n’était pas dans le groupe, il composait pour des BO de films, il n’était pas sur les routes à essayer d’être Mr. Toto, tu sais. Et il a conservé sa voix. Il n’a jamais cramé sa voix parce qu’il n’essayait pas de la pousser à bout. En conséquence, il a une meilleure voix aujourd’hui que lorsqu’il était dans le groupe dans les années 80 ! En plus, c’est un super compositeur et un producteur… Il contribue beaucoup à la fête. Ce n’est pas juste un mec avec qui tu dois être là : « Chante le encore… Nan. Chante le encore… Nan. Chante le encore… » C’est un véritable artiste et c’est un véritable ami ! Et je crois que parce qu’il était si bon, il a poussé tout le groupe à sonner encore mieux ! Il était très inspirant pour nous ! Le fait d’avoir un super chanteur lead comme lui, ça change vraiment la donne. Et puis, c’est ici sa place, mec, c’est un frère ! Et nous avons eu beaucoup de succès avec lui, ça tombait donc sous le sens ! Ce n’est pas comme si j’étais allé chercher un nouveau chanteur sur internet ou quoi, tu sais. Il fait partie de notre famille. Il est comme nous. C’est un vrai musicien de carrière : il est studieux, il a fait ses preuves, c’est un compositeur, producteur, chanteur et l’un des gars les plus sympas au monde, l’un de mes plus proches amis, je l’adore. Je suis donc de nouveau entouré par mes amis et ça fonctionne. Je ne vais pas me disputer avec le succès. Je veux dire que je serais stupide de me défiler. C’est juste que je n’étais pas heureux avec la version 2007 de Toto. C’est tout. Et je vais bien aujourd’hui ! Je n’ai jamais été en meilleure santé ! Six ans sont passés depuis que j’ai arrêté de boire et de fumer… Je suis un nouvel homme ! Les gens changent ! Ça arrive !

Steve Porcaro a aussi réintégré le groupe. Qu’est-ce que ça a changé d’avoir deux claviers dans le groupe comme dans le bon vieux temps ?

C’est ça la bonne nouvelle : le groupe retrouve ses racines. Lorsque j’entends ces sons que Steve Porcaro joue, comme seul lui peut les jouer, avec David, et moi à leurs côtés…. Tu mets cette combinaison de musiciens dans une pièce et ça sonne comme du Toto classique, même si c’est 2015. C’est super d’avoir à nouveau mes frères avec moi sur scène !

En revanche, l’année dernière le batteur Simon Philips a quitté le groupe. Il était dans Toto depuis que Jeff Porcaro est décédé en 1992…

C’était son choix ! Simplement il ne voulait plus le faire. Nous sommes toujours des amis proches et j’adore Simon. Il a apporté vingt ans de grandeur au groupe et il était un grand ami à moi. Comme je l’ai dit : il y avait des gens dans le groupe dont j’étais encore très proche mais il y avait aussi des gens pour lesquels je ne l’étais pas. Tu vois ce que je veux dire ?

« Il n’y a plus d’argent dans le business de la musique mais ça ne veut pas dire que nous allons arrêter d’essayer, parce que nous ne faisons pas ça juste pour l’argent […] ! Un peintre ne peint pas avec de la peinture bas de gamme parce que la peinture ça coûte cher, n’est-ce pas ? »

L’année dernière, tu as qualifié votre nouvel album Toto XIV comme étant un album « très hi-fi » avec « une production odieuse que les gens qui aiment notre musique aimeront vraiment : grosses harmonies, gros synthés, grosses guitares, gros grooves, super virtuosité musicale, et des mélodies de Toto classique. » Penses-tu que ce type de générosité et cet esprit hors du commun manquent à la musique rock aujourd’hui ?

Ouais, parce que chaque trou du cul qui a un ordinateur croit pouvoir faire un album ! Tu ne peux pas faire The Wall sur un putain d’ordinateur portable, frangin ! Désolé ! Nous faisons de gros albums ! De gros albums très couteux parce que c’est ce que nous écoutions lorsque nous étions gosses. Écoute les albums de Peter Gabriel ! Ecoute… Les gros albums de notre enfance ! Tout à partir de Sergeant Pepper et au-delà ! Goodbye Yellow Brick Road ! Yes, Close To The Edge ! Ce sont des productions énormes avec des compositions vraiment bien pensées et intelligentes ! Sans les clichés, tu sais. C’est ça que nous étions inspirés de faire lorsque nous étions jeunes. C’est de ça dont il était question avec Toto IV, c’est de ça dont il était question avec The Seventh One, c’est de ça dont il était question avec tous nos albums… J’ai donc dit ça de manière un peu sarcastique, genre : « Ah ah ah ! » Mais j’étais en partie sérieux : nous avons passé dix mois et dépensé beaucoup d’argent pour faire cet album ! Nous n’avons pas juste balancé des trucs à assembler pour recevoir notre chèque, tu sais… Nous avons dit que si nous faisions ça, alors il faudra que ce soit un super album ! Parce que, vraiment, ça nous a pris dix ans pour faire un album et si j’attendais encore dix ans pour faire un album, je serais un vieil homme ! Donc si nous devions faire un dernier album, il faut qu’il soit super… Selon nos standards. Je veux dire que si tu détestes notre groupe, je ne peux rien faire pour ça mais si tu aimes notre musique, je pense que nous avons accouché d’un super album avec beaucoup de douleur, d’âme, de sang, de sueur, de larmes, peu importe. Ca a pris du temps et c’était un processus laborieux.

Ce n’était pas toujours facile parce que tu as cinq très fortes personnalités, tous des artistes solos, des compositeurs et des producteurs à part entière, et tu nous balances tous dans la même pièce, c’était long et nous sommes tous des personnes différentes, nous nous éclatons et nous nous marrons mais parfois nous nous gueulons dessus. Et [créer sous] cette tension rend la musique meilleure ! Tous les grands groupes dont on entend toujours parler ont toujours des différents créatifs en studio, mais ça pousse chacun à travailler plus dur encore. Lorsque quelqu’un que tu respectes et connais te dis que ce n’est pas assez bon et que ça te rend furieux, parfois tu joues mieux ou tu composes mieux. Nous nous motivons donc un peu les uns les autres. Il y a ce mythe comme quoi ceux qui sont plus vieux ne peuvent pas écrire de la musique neuve et fraîche ou des gens qui disent que le groupe est mort et toutes ces conneries… Nous voulions dire : « Putain, c’est faux ! » Si les gens travaillent dur et dépensent assez d’argent et de temps, tu peux faire de supers albums ! Mais il y a tout ce truc : « Oh, tu n’as plus à faire ça maintenant… » Eh bien, tu sais, c’est vrai, il n’y a plus d’argent dans le business de la musique mais ça ne veut pas dire que nous allons arrêter d’essayer, parce que nous ne faisons pas ça juste pour l’argent, mec, nous sommes des artistes ! Un peintre ne peint pas avec de la peinture bas de gamme parce que la peinture ça coûte cher, n’est-ce pas ? Nous avons une certaine fierté là-dedans. Ce n’est pas qu’une question d’argent ! Ca nous tient à cœur ! Nous voulons laisser tomber personne. Il y aura toujours quelqu’un qui dira : « Oh, je préfère ce gars… » Il y aura toujours une critique et ce n’est pas un souci. Tu ne peux pas contenter tout le monde mais ce qu’il faut retenir, c’est que nous devons juger par nous-mêmes et je trouve que nous avons accouché d’un bon album. Nous en sommes fiers !

Dans la phrase que je t’ai cité, tu as en fait choisi le mot « odieux », est-ce que ça veut dire que des gens sont parfois un peu irrités par votre musique ?

Eh bien, je faisais référence aux vieux journalistes de punk rock des années 70 qui se sont montrés très sarcastiques. C’était censé être drôle. Ce n’était pas censé être sérieux [petits rires]. Tu sais, s’il y a un gars qui est là avec un T-Shirt des Sex Pistols et qui écrit une critique sur notre album, il ne va pas l’aimer. Mais il a sans doute 75 ans aujourd’hui ou bien il est mort, donc ça n’a vraiment aucune importance. Encore une fois, je faisais une blague.

Le nom de l’album et l’illustration semblent clairement être une référence à l’album IV et dans une certaine mesure au premier album éponyme et à The Seventh One…

Ouais !

Et ces trois albums sont vos trois plus grands succès et contiennent à eux seuls presque tous vos classiques. Est-ce qu’avec cet album vous avez explicitement fait référence à ce qui pourrait être considéré comme les pics de votre carrière ?

Eh bien, je pense que c’était un clin d’œil à ça. Je veux dire que nous en sommes venus à l’appeler XIV parce qu’il y a quatorze albums de chansons studios, et j’inclus l’album de reprises [Through The Looking Glass] parce que nous avons réarrangé toutes les chansons et les avons enregistrées avec un son tout neuf… Lorsque nous nous sommes retrouvés avec les gars, nous nous sommes dit que le motif avec l’épée avait toujours été un peu comme notre logo, nous l’avons souvent utilisé. Ca semblait coller. Et ensuite, pour le XIV, nous aimions simplement le chiffre romain et avons dit : « Eh bien, c’est un signe : c’est un multiple de sept et il contient aussi le chiffre quatre. » Quelqu’un d’autre a pensé à ça et j’ai dit : « C’est une super idée ! N’allons pas à l’encontre de ça. » Et c’était sympa visuellement, donc nous avons dit : « Partons sur ça ! » C’est un multiple de sept et puis il y a le IV de Toto IV en chiffre romain… La fille de Steve Porcaro et son équipe ont fait l’illustration, toutes les photos et tout. C’est donc une grande histoire de famille !

« Il se peut que je dise des conneries aujourd’hui qui n’auront aucun sens dans cinq ans mais c’est mon droit en tant qu’être humain. »

Dans l’album, il y a une chanson intitulée « Unknown Soldier (For Jeffrey) ». C’est à priori un hommage à Jeff Porcaro, n’est-ce pas ?

Ouais. Jeff était un mordu de guerre civile ; il lisait des livres sur le sujet et s’y intéressait. Et aussi Dave et moi avons profité de ça pour… Le fait que nous nous entretuons encore dans ces guerres dans le monde en 2015… Je veux dire que, tout au long de l’histoire, si tu regardes bien, personne ne gagne jamais ! Jamais ! Et je ne sais pas pourquoi nous sommes encore assez stupides pour faire ça, si ce n’est que c’est juste une question de fric. Et les gens qui se font de l’argent ne se préoccupent pas vraiment des vies humaines parce qu’ils se disent qu’ils peuvent les envoyer mourir pour leurs propres profits. Il y a tellement de division avec les religions et le racisme… Regarde ce qui s’est passé dans ton pays, mon ami. Bon sang… C’était horrible. Horrible ! C’est comme si nous redevenions des barbares ! On est en 2015, mec ! On devrait avoir depuis longtemps dépassé cette merde ! Nous écrivons donc notre point de vue. Jeffrey aurait été impliqué dans l’écriture de cette chanson. Son esprit était avec nous dans la pièce, tu sais. Nous voulions la lui dédier. C’est une chanson importante, particulièrement pour David. Il avait le début de l’idée de la chanson et je l’ai aidé à la terminer. Et nous l’avons écrite à l’ancienne méthode : une guitare acoustique, un piano acoustique et un petit enregistreur cassette. Et ensuite nous avons durement travaillé sur les paroles. Donc, celle-ci était spéciale, alors nous l’avons dédiée à Jeff. Jeff et Mike étaient vraiment avec nous dans la pièce. Toujours.

Mike ne va pas bien, mec… Je veux dire qu’il n’y en a plus pour très longtemps maintenant. C’est la chose la plus triste dans ma vie que de perdre ainsi un autre frère. La SLA est une horrible maladie. Une horrible manière de mourir, mec. C’est un processus de huit ans à dépérir. Ca va sans dire que là tout de suite, la famille est bouleversée. C’est une mauvaise période. Nous essayons de faire ce que nous pouvons pour aider. C’est tout ce que nous pouvons faire. Et prier pour qu’il soit en paix parce qu’à ce stade il n’y a aucun espoir.

L’album se termine sur une chanson intitulée « Great Expectations » (NDT : « grandes espérances » en français). A quelles espérances faites-vous référence ?

Tout d’abord, celle-ci est l’une de mes chansons préférées parmi toutes celles que j’ai enregistrées dans toute ma carrière. Ca c’est le groupe que je pensais que nous serions. Ce morceau de musique est très… David, moi-même et Joseph avons écrit ce morceau. Nous avions juste de petites idées et Dave les as toutes assemblées en un morceau qui sonne comme un gros clin d’œil à nos amis dans le groupe Yes. Tu sais, il y a un petit côté à la Close To The Edge : le thème récurrent, les grandes harmonies… Je joue la basse sur cette chanson en me prenant pour Chris Squire [petits rires]. J’adore ce morceau de musique. Ce sont de « grandes espérances » parce que dix ans sont passés depuis la dernière fois où nous avons fait un album. C’est un genre de sous-entendu, tu vois ce que je veux dire ? Mais c’est aussi une chanson d’amour, le début. Tu sais, le vieux livre de Dickens, Les Grandes Espérances… Je ne sais pas. A toi de me dire. Nous voulons aussi laisser les gens utiliser leur imagination avec ces choses.

Et quelles sont vos grandes espérances désormais pour le groupe ?

Eh bien, mec, crois-le ou non, nous avons une grosse tournée mondiale qui commence fin avril et nous allons poursuivre ça jusqu’en septembre, avec deux mois en Europe et ensuite nous avons un mois aux Etats-Unis. Nous sommes surexcités. Nous avons des trucs vraiment fun qui sont en train de se faire et qui vont bientôt être annoncés. Et ensuite nous irons aussi en 2016 dans le reste du monde. Nous serons donc sur la route pendant les deux prochaines années, à promouvoir l’album. Et les places se vendent comme des petits pains ! Bon Dieu, je viens juste d’apprendre aujourd’hui que des arènes de dix-milles places sont déjà complètes en Hollande. Nous en sommes à mi-chemin pour Paris. Les dates au Royaume-Uni sont en train de s’épuiser et on en est à peine à deux ou trois mois des dates, sans même que le nouvel album soit encore sorti ! Je pense donc qu’avec le succès du DVD, les gens voient que : « C’est ça le groupe ? Wow ! » Lenny Castro revient sur la route avec nous pour jouer les percussions. Il ne nous a pas accompagnés ainsi depuis les années 80. Il a joué sur chacun de nos albums à succès depuis le début ! David Hungate, notre bassiste originel, est de retour. Nous venons donc avec un super show. Nous sommes en train de mettre en place la setlist en ce moment. Ce sera super excitant ! Nous allons jouer quelques uns des grands tubes, nous allons creuser loin dans notre discographie et jouer quelques nouveaux morceaux aussi. Ce sera donc un show de plus de deux heures. Je pense que ça va déchirer. Les gens vont voir un nouveau et vieux Toto en même temps.

Lorsque le groupe s’est reformé en 2010 tu avais clairement fait savoir qu’il n’y aurait pas de nouvel album. Maintenant, un nouvel album est sur le point de sortir mais récemment tu as dit que vous n’étiez « pas sûrs que Toto fasse un autre album » après celui-ci. Penses-tu que ce pourrait être le dernier album de Toto ?

Eh bien, on nous a collé un procès mec ! [Petits rires] C’était soit on faisait un album, soit on finissait par payer des centaines de milliers de dollars en frais de justice. Alors nous avons dit : « Bon, si on est forcé de le faire, faisons-en un bon ! » Mon pote, celui-ci a pris dix mois et ça fait dix ans depuis le dernier… Si tu regardes l’industrie du disque, ça ne va pas vraiment si bien que ça. Demande-moi dans dix ans ! Je ne crois pas que nous nous précipiterons en studio de sitôt. Nous allons fêter nos quarante ans, ce qui pour moi sera incroyable. Si tu m’avais dit quand j’étais gamin qu’un jour je célèbrerais les quarante ans de ce groupe, je t’aurais rigolé au visage ! Mais ce n’est plus que dans quelques années maintenant. D’ici à ce qu’on termine la tournée, nous en serons sacrément près ! Donc, je ne sais pas pour ce qui est d’un autre album mais je crois que si c’est notre dernier, j’en serais très fier. Je ne sais pas. Je dis beaucoup de merde, dont ce que tu cites et qui date de huit ans… Ouais, à l’époque j’étais un peu en colère et j’ai dit beaucoup de choses mais ça arrive ! Je pourrais être mort demain. Là tout de suite, je passe un bon moment, il faut donc vivre au jour le jour, comme je l’ai écrit une fois lorsque j’étais gamin… Je ne peux pas prédire le futur mon ami ! Tout ce que je peux dire, c’est comment je me sens aujourd’hui et il se peut que je dise des conneries aujourd’hui qui n’auront aucun sens dans cinq ans mais c’est mon droit en tant qu’être humain je suppose, tu sais, nous le faisons tous.

« Est-ce que je vais me poser chez moi tout seul et jouer « Hold The Line » ? Jamais ! Mais cette chanson a été très bonne pour moi ! Elle m’a donné une carrière ! Tu ne peux donc pas combattre le succès. »

Pour la majorité du grand public, les gens semblent souvent réduire Toto à ses classiques internationaux « Rosanna », « Africa » ou « Hold The Line », tout du moins, celles-ci sont les chansons de Toto que tout le monde connaît. Mais c’est très injuste de résumer Toto à ces chansons. Ne trouves-tu pas parfois le succès populaire de ces chansons un peu limitant ?

Non mec, si nous avons des albums à succès c’est que nous touchons les gens. J’avais dix-neuf ans lorsque nous avons fait « Hold The Line », d’accord ? J’ai cinquante-sept ans désormais. Je veux dire, qui aurait pu prédire que ces conneries allaient durer aussi longtemps ? Il est évident que cette chanson a touché la corde sensible. Nous n’avions aucune idée que ça allait tenir autant de temps! Ça fait partie de la culture pop ! Tu pries pour avoir une chanson comme celle-ci, pour avoir un album à succès. C’est très difficile de toucher tout le monde à un niveau mondial avec une chanson en particulier. En l’occurrence, nous en avons sept ou huit comme ça. C’est rare. Et les gens veulent entendre leurs chansons préférées. Est-ce que je vais me poser chez moi tout seul et jouer « Hold The Line » ? Jamais ! Mais cette chanson a été très bonne pour moi ! Elle m’a donné une carrière ! Tu ne peux donc pas combattre le succès. Est-ce que j’aimerais avoir un autre album à succès un jour ? Ouais, bien sûr ! Mais je ne sais pas… Les radios populaires ne jouent pas la musique des gens de notre âge… Ceci-dit, crois-le ou non, nous avons pas mal de passages radio avec notre single « Orphan ». Nous sommes euphoriques : « Hey, c’est super ! Putain, génial ! » Mais tu sais, il y a aussi une grande part de ça qui est un peu plus commerciale, disons-le comme ceci. Mais ces chansons ont perduré sur près de quarante ans ! Comment je pourrais renier ça ? Je veux dire que tous ceux qui sont dans un groupe rêvent d’avoir des tubes ! Crois-moi !

Tout le monde dans le groupe chante et d’ailleurs chante très bien…

Soit dit en passant, nous avons tous travaillé très dur pour ça ! Joseph est le chanteur naturel mais j’ai passé de nombreuses années à bûcher, à étudier le chant pour devenir un meilleur chanteur. Surtout en concert. C’est important pour moi. Je me développe encore. Je m’entraîne à la guitare chaque jour. Nous sommes tous des musiciens qui tiennent à leur… Nous ne sommes pas juste quelques vieux types qui essaient de se faire de l’argent jusqu’à leur mort. Je me réveille en me sentant concerné. J’ai toujours le souci de devenir meilleur, de repousser nos limites. Nous voulons donner le meilleur que nous pouvons donner pour nos performances live… Et aussi pour moi ! Je veux dire que ça m’importe toujours de… Je ne vais pas juste rester planté là dans mon canapé, devenir vieux et m’en foutre totalement. Je pense réellement qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. Ces parties vocales sont très difficiles ! Et je crois que nous nous améliorons à ça et non l’inverse. Comme tu l’as dit, et je suis content que tu l’aies remarqué ! Merci !

Est-ce que vous n’avez pas parfois le sentiment de vous marcher sur les pieds en travaillant sur les lignes vocales ? Et d’ailleurs, pourquoi le groupe aurait-il besoin d’un chanteur lead dans ses rangs ?

Nous nous passons la balle comme le fait une équipe de basketball, tu sais. Certaines de ces chansons ont trois chanteurs. C’est comme raconter une histoire, mais de manière différente. Nous ne sommes pas qu’un groupe de hard rock où le chanteur est là [il hurle] : « Ahhhhhh ! » Il y a des millions de groupes comme ça. Nous trouvions que c’était une manière plus intelligente de le faire. Ça apporte des sons différents, des couleurs différentes. Parfois ça a du sens d’un point de vue des paroles. C’est juste qu’on s’amuse avec ça ! Nous n’avons pas de règle. Parfois nous essayons, genre : « Laisse-moi essayer celle-là ! » Ou je dis : « Nah, Joseph, essaie celle-là. » Ou : « Dave, c’est ta chanson ! Tu devrais la faire ! » C’est donc en gros une question de qui a écrit la chanson, voilà comment on approche ça. Si nous l’écrivons en groupe, alors parfois nous la chantons en groupe. Si tu regardes notre plus gros album, « Rosanna », deux chants principaux : moi et [Bobby] Kimball. « Africa » : Paich et Kimball. Il y a plusieurs chants sur la plupart de nos plus gros hits. Ca fait donc partie de notre truc.

Lorsque nous avons parlé à David Paich il y a deux ans, il nous a dit : « C’est drôle parce que quand j’écris des chansons pour Toto, il y a pas mal de passages un peu « hard » et donc les gens s’imaginent que c’est Steve qui les a écrites, alors qu’en fait, Steve écrit la plupart des ballades et que je préfère les parties plus hard rock. » Tu crois que c’est une spécificité chez Toto ?

Nan, je pense que nous aimons tous ça. David a été une grande influence pour moi lorsque j’étais jeune. Paich écrivait les riffs, il était… Tu sais, lorsque j’ai entendu pour la première fois sa musique quand j’étais gamin, ça m’a tout de suite marqué ! Ça m’a touché au cœur ! Dans mon esprit, David Paich est un génie. Je ne parle pas d’un génie à la Albert Einstein, je trouve juste que c’est un compositeur vraiment brillant parce que ce qu’il fait est accessible et mélodique mais, à la fois, si tu prends une chanson comme « Chinatown » sur le nouvel album – qui est une vieille chanson de 1977 que j’ai découverte et qui n’avait jamais été finie et pour une raison ou une autre elle s’est retrouvée sur mon bureau lorsque je cherchais de la musique, lorsque nous commencions tout juste à composer pour ce nouvel album, et j’ai dit : « Paich, tu te souviens de cette putain de chanson ? Il faut que tu la termines ! » – elle possède ces changements d’accord avec de très étranges modulations, et pourtant n’importe qui peut l’écouter, tu vois ce que je veux dire ? C’est très mélodique mais d’un point de vue de la structure et de l’harmonie, c’est très intelligent et très étrange. Un musicien sans formation n’écrirait jamais cette musique, tu vois ? Le plus grand don de David, c’est d’être très intelligent mais aussi très accessible. Et donc j’ai appris de ça. Ouais, lorsque nous composons ensemble, j’aime les trucs plus hard mais il est ironique que je sois le guitariste alors que certaines des ballades que nous avons eues et qui sont devenus des tubes, je les aie écrites au piano… Donc… [Rires] Nous n’avons pas de règle ! Lorsque nous avons remonté l’équipe avec Joseph et Steve Porcaro, tout le monde était un compositeur ; tout le monde était un artiste solo à part entière. Du coup nous nous poussons les uns les autres à composer nos meilleurs morceaux et nous composons aussi ensemble.

« Parfois, lorsque je fais un solo de guitare, j’ai envie de lui envoyer mon poing au visage parce qu’il est toujours là à me dire quoi jouer ! Donc je dis : ‘Ferme ta putain de gueule Dave !’ Mais parfois ça me pousse à mieux jouer ! »

David nous a aussi dit un truc marrant, il a avoué que : « au fond de moi je suis un guitariste de heavy refoulé… »

[Il éclate de rire] Oh oui, c’est un grand refoulé !

Et il a poursuivi en affirmant : « Dans une seconde vie, je voudrais être guitariste dans un groupe de heavy. » Est-ce que parfois il prend l’une de tes guitares en secret et joue des riffs heavy metal ?

Non, il ne le fait pas. Je pense juste qu’il déconnait avec toi [petits rires]. Je veux dire qu’il connaît la guitare ! Parfois, lorsque je fais un solo de guitare, j’ai envie de lui envoyer mon poing au visage parce qu’il est toujours là à me dire quoi jouer ! Donc je dis : « Ferme ta putain de gueule Dave ! » Mais parfois ça me pousse à mieux jouer ! Je veux dire que si je peux impressionner un gars qui a entendu tout ce que j’ai joué durant quarante-trois ans, depuis que j’étais un gosse au lycée… Tu sais, je dois travailler sacrément dur pour l’impressionner. Mais il n’est pas impressionné par les conneries rapides. Il veut que je joue des trucs plus bizarres. Donc parfois, de cette façon, il obtient le meilleur de moi-même ! C’est ce que je disais lorsque je parlais de tension créative… Si je suis simplement là tout seul, alors je n’ai que moi à satisfaire. Lorsque je suis dans une pièce pleine de gars avec lesquels j’ai grandi, il en faut bien plus pour les impressionner. Et ça ne se fait pas en étant tape-à l’œil mais en étant intelligent. C’est une grande différence.

D’ailleurs votre précédent album Falling In Between avait ce côté plus hard, presque metal sur certaines chansons. Qu’en penses-tu avec le recul ?

Je trouve que nous avons fait un bon album ! C’était un album difficile. Le chant a pris une éternité pour des raisons évidentes. C’était le dernier album que nous avons fait avec Mike en tant que membre principal, compositeur et producteur. Donc il aura toujours une place spéciale dans mon cœur. J’ai trouvé que c’était un bon album mais c’était nous à l’époque, il y a dix ans. Nous avons simplement fait l’album que nous voulions faire à l’époque, avec tout le monde qui contribuait à l’écriture, posé dans une pièce, composant chaque chanson ensemble, en gros. Pour être très honnête avec toi, je ne l’ai pas entendu d’un bout à l’autre depuis un bon moment. Habituellement, lorsque je termine un projet, j’en ai fini avec lui jusqu’à ce que je doive apprendre les chansons pour les jouer en concert. Et ce nouvel album est complètement différent de ça. Nous l’avons abordé sous une perspective différente et l’avons fait différemment avec des personnes différentes. Il fait partie intégrante de notre histoire, je ne peux pas le nier. Il a été très bien reçu et il a bien marché pour nous. Malheureusement le groupe est parti en déconfiture pendant cette tournée mais c’est la vie, tu sais.

En 2008 tu as dit qu’ « à 50 ans [tu] voulais recommencer et faire un dernier essai en solo. » En fait tu as fait trois albums solo depuis, donc qu’est-ce que ces albums solo t’ont apporté que Toto n’a pas pu t’apporter ?

Eh bien, il n’y avait plus de Toto et je suis un compositeur, un producteur, un artiste et j’aime tourner… J’ai eu du succès, je veux dire, à une échelle moindre mais je peux y aller et bien vivre en jouant mes chansons. J’ai dix albums solos. Je reviens tout juste du Japon et de l’Asie, j’ai fait un autre DVD live avec mon ami Larry Carlton, avec un groupe de stars : Keith Carlock et Jeff Babko… C’est vraiment palpitant. Je fais donc toujours des trucs, mec. Je pars en tournée avec Ringo Starr, je suis dans son groupe depuis trois ans et nous allons continuer. J’ai travaillé sur son nouvel album [Postcards From Paradise, qui sort le 31 mars]. Je ferai plus tard un nouvel album solo. Ça me plais vraiment de faire ça ! Je suis un artiste, mec ! J’ai énormément de musique en moi ! Je ne vais pas aller sur les routes et jouer « Hold The Line », « Africa » et « Rosanna » tout seul… Il y a une personne (ndlr : il fait référence à l’ancien chanteur Bobby Kimball) qui fait ça et ne le fait pas très bien… Qu’est-ce que je peux faire contre ça ? Je ne peux rien y faire. N’importe qui peut jouer ces chansons. Mais, tu sais, j’aime faire de la nouvelle musique. Je suis un artiste et je travaille dur pour cultiver ça, et j’aime vraiment le faire. Tu peux faire la différence entre mes albums et ceux de Toto.

Et est-ce que tu prévois un nouvel album solo dans un futur proche ?

Oh, mec, je n’aurais vraiment pas le temps ces quelques années qui arrivent mais je suis certain que je vais le faire, et je pense que ce sera quelque chose de différent. Les trois albums que j’ai faits à la suite sont presque comme une trilogie et maintenant, il est temps de passer un cap et faire quelque chose d’un peu différent. Mais là tout de suite, je suis dans le monde de Toto et je ne peux même pas réfléchir à mes trucs solos. Mais je vais finir par le faire. Je sais que je vais le faire.

Interview réalisée par téléphone le 15 février 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Toto : totoofficial.com.



Laisser un commentaire

  • C’est un fait : Kimball est très souvent en tournée, ou dans des émissions tv de seconde zone, avec des musiciens bidons, reprenant les tubes du groupe juste pour se faire du fric.

    Dommage, une telle voix mais un tel connard…

  • toujours interessant de lire lukather , meme si il dit tout et son contraire au dela des annees , par exemple sur joseph williams , il dit aujourdhui que c est un  » frere  » , apres l avoir traité de tous les noms il y a de ca quelques annees…et pareil aujourdhui pour kimball…

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
    Thundermother @ Lyon
    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
    previous arrow
    next arrow
     
  • 1/3