L’EP Voodoo Moonshine, depuis rebaptisée Damballa’s Voodoo Doll, a eu l’effet d’une bombe en 2014. Un EP qui a eu valeur d’album tant il a marqué les esprits avec son boogie-metal, mélange assumé de jazz-swing et de guitares heavy. Forcément, on attendait la suite avec gourmandise. Une suite qui a tardé et qui a bien failli être compromise par le départ du chanteur Cédric Punda, alias KK, en 2017. Mais il ne fallait pas enterrer Trepalium trop vite : l’arrivée de Renato Di Folco, si elle a pu générer des interrogations, notamment par rapport à l’identité vocale foncièrement nouvelle pour le groupe, s’est aussi imposée comme une évidence au vu des influences communes et d’un sens du groove inné partagé par les deux parties. Plus encore, elle ouvre des perspectives pour Trepalium.
Après avoir pu constater cette nouvelle alchimie sur scène, en particulier lors du Hellfest 2019, il est temps maintenant de voir ce que ça donne sur disque. From The Ground, plein de symboliques pour le groupe, dans les paroles comme dans la pochette et le titre, atteste de cette renaissance. Conservant les atouts qui font tout le charme et la force de Trepalium, From The Ground n’est pour autant pas une redite de Voodoo Mooshine : au contraire, la fibre de Trepalium s’étoffe, notamment du côté du blues, couleur qui sied comme un gant à Renato.
Nous avons longuement échangé avec le guitariste Harun Demiraslan (seulement quelques mois après notre précédente entrevue pour Step In Fluid) et son nouveau compère brailleur Renato Di Folco pour revenir en détail sur cette gestion du changement, sur ce nouveau disque et, de manière générale, sur ce « laboratoire » musical singulier qu’est Trepalium.
« La première fois que je suis monté avec eux sur scène, je suis redescendu de scène, je suis allé voir tous mes copains, et je leur ai fait : ‘Putain, les gars, vous avez vu, j’ai joué avec Pantera quoi !' »
Radio Metal : En octobre 2017, le groupe annonçait que KK n’avait « plus le temps de s’investir pleinement dans le projet ». Du coup, Harun, peux-tu revenir sur ce départ ? Est-ce que c’était l’initiative du groupe ou celle de KK ?
Harun Demiraslan (guitare) : Je vais essayer de te répondre dans l’ordre. Oui, effectivement, il a quitté le groupe en 2017, après une année d’hésitations, de questionnements, de trucs typiques à un départ. Les relations n’étaient plus trop au beau fixe entre lui et nous, je ne vais pas entrer plus que ça dans les détails. Il n’y avait plus trop de communication, nous avons préféré couper court après une année d’hésitations, parce que moi, j’avançais sur les compositions, ou en tout cas sur l’envie de faire un autre album. Lui était sur des questionnements du genre : « Oui, mais… » Nous, nous nous demandions s’il était motivé. Donc je lui ai posé sérieusement la question : « Veux-tu faire un autre album de Trepalium ? » Nous l’avons mis devant le mur. Et voilà. Je pense qu’il y avait un manque de motivation à un moment donné, c’est sûr. Après, c’est peut-être plus pour des raisons humaines, différents trucs, mais nous n’allons pas entrer plus que ça dans les détails.
Vous avez apparemment eu beaucoup de candidats au poste, puisque pour la première audition, vous annonciez pas moins de vingt candidats. Est-ce que tu peux nous parler de ce processus d’audition ? Ce n’était pas éreintant de voir passer toutes ces voix ?
En fait, des fois, tu te fends la gueule, des fois tu commences à désespérer, et de temps en temps tu as de bonnes surprises. Évidemment, sur les vingt, vingt-cinq candidats, tu avais du beau monde. Tu avais des mecs qui faisaient partie de groupes qui tournaient, sans évoquer de noms… En tout cas, il y en a quelques-uns qui ont proposé des trucs vraiment bien, mais il y en a plein qui ont proposé des trucs très amateurs aussi. Du coup, nous avons eu des moments de flip. Nous nous disions : « Bon, de toute façon, on sait que Renat’ ça va le faire », mais nous n’étions pas encore sûrs nous-mêmes de quelle forme Trepalium devait prendre. C’était sujet à discussion entre nous pour des histoires de… J’ai envie de te dire de goûts, mais même pas, parce que nous kiffons tout ce qu’il fait, et nous ne regrettons pas du tout notre choix, je pense que nous avons fait un super album. Le truc, c’est surtout que quand tu t’es tapé cinq albums avec une voix typée death, tu te dis : « Est-ce qu’on s’appelle encore Trepalium ? Est-ce que c’est du Trepalium ? » Tu vois, les questionnements typiques de quand tu changes de chanteur. Ce n’est pas changer un batteur ou un guitariste. C’est quand même la vitrine d’un groupe, c’est une voix, c’est plus personnel.
Du coup, sur les vingt, vingt-cinq, au début, nous nous sommes dit : « Putain, y a plein de candidats, c’est cool, on va avoir le choix ! » Et c’est en mode entonnoir, donc finalement, tu te dis : « Est-ce qu’on va avoir tant le choix que ça ? » Finalement, on a deux, trois mecs qui étaient un peu dans la veine de KK, qui avaient vraiment des grosses voix et qui se plaçaient vraiment pas mal, mais il fallait un peu travailler le truc. Mais Renato les a surplombés parce qu’il avait le placement, le groove, les idées, les harmonies, il était force de proposition… Dès que je lui disais : « Tu ne veux pas essayer de faire ça ? », c’était Bam ! Au taquet, presque dans les dix minutes ! [Rires] C’était vraiment propre, comme si nous bossions depuis vingt ans ensemble. D’un côté, il y avait lui avec son professionnalisme et tout l’espoir qu’il apportait pour un truc original, parce que finalement, tu te dis que c’est quand même un choix radical que de partir sur une voix plus medium comme lui, plus chantante aussi… Il faut avoir les couilles de le faire, il faut s’y coller. Je crois que nous avons fait le bon choix.
Mais c’est vrai que c’était un peu fatigant, à la longue. Tu écoutes les morceaux, tu compares, tu n’es pas sûr de toi… C’est le boulot, quoi. La méthode était simple : j’ai envoyé un titre studio de l’EP d’avant, qui était celui qui nous correspondait le plus à l’époque. Donc c’était la version instrumentale, et il fallait que chez eux, ils se démerdent pour enregistrer. Déjà, tous ceux qui n’arrivaient pas à se produire correctement, ça écrémait un peu… Renato se produisait tout seul dans sa piaule, il m’envoyait ça au taquet, les voix compressées, réglées et tout… Déjà, le mec sait se vendre, tu vois ! [Rires]
Trepalium est connu pour ce sens du groove hérité de Pantera. Renato, ce n’est un secret pour personne que Phil Anselmo est une de tes grandes influences et le groove a toujours été une grosse composante de tes groupes. Finalement, vous étiez faits pour vous rencontrer, non ?
Renato Di Folco (chant) : C’est un peu ce que je me suis dit ! Parce qu’effectivement, la première fois que j’ai vu Trepalium en concert, et qu’en plus, ils m’ont invité à venir jouer avec eux, c’était sur un morceau de Pantera, donc ça a pris tout son sens instantanément. La première fois que je suis monté avec eux sur scène, je suis redescendu de scène, je suis allé voir tous mes copains, et je leur ai fait : « Putain, les gars, vous avez vu, j’ai joué avec Pantera quoi ! » Je n’avais jamais vu personne reprendre des morceaux de ce groupe-là aussi bien. C’était vraiment incroyable. De toute manière, tous mes potes étaient sur le fion aussi. Donc effectivement, la première fois que nous avons fait ça, que je les ai vus, je me suis dit : « C’est clair que j’adorerais jouer avec ces types-là, avec ces riffs-là. » Et c’est la chance que j’ai aujourd’hui.
Harun : C’est vrai qu’il y a un côté… Il n’y a pas de hasard ! Nous avons croisé sa route en tournée Klonosphere, puis européenne avec Gojira. C’était à une date sur Lyon, il me semble. Et notre tourneur The Link Prod nous avait dit : « Tiens, j’ai un pote qui habite dans le coin, il va venir au concert, il a une bonne voix, il pourrait faire le feat avec vous, et c’est parti ! » C’est vrai que pendant que nous jouions, nous le regardions, avec l’attitude scénique, la voix, la prestance… Ça nous a vachement impressionnés. Et finalement, nous l’avons recroisé sur une autre date plus tard, et c’est vrai que quand avec KK ça n’allait plus, et que nous nous disions : « Bon, on continue, on ne continue pas… Déjà, faut qu’on trouve un chanteur qui soit capable de chanter l’ancien répertoire. » C’était la condition qu’on ne pouvait pas outrepasser. Si tu ne peux pas chanter l’ancien répertoire, ça ne va pas le faire. Et en plus, il fallait qu’il apporte quelque chose. Et c’est vrai que lui, nous nous disions : « Putain, faudrait qu’on lui fasse tester un titre ou deux, parce que s’il se défend là-dessus, j’ai envie de bosser avec ce mec ! »
« A un moment donné, quand tu sors un disque, ou que tu joues sur scène, tu te dépossèdes de ce que tu fais, et ça appartient aussi au public. C’est presque le public qui choisit si tu as le droit d’exister ou pas. Et ça, quand t’es artiste, ça te pète les couilles ! Tu te dis : ‘Mais allez-vous faire foutre !' »
Autant le choix de Renato pour remplacer KK a pu surprendre, car vous changez assez radicalement de registre vocal. Autant la voix de Renato sent bon le bayou, et La Nouvelle-Orléans a toujours été une grosse influence pour Trepalium. Est-ce que, finalement, Renato ne vous permet pas de vous rapprocher un peu plus du concept de Trepalium, ou peut-être de l’idéal que vous en aviez ?
Personnellement, je pense que oui ! Renato, je ne sais pas ?
Renato : Moi je pense que non, parce que Trepalium avait quand même bien sa touche avant. OK, il y a un peu de Pantera dans les riffs, mais il n’y a vraiment pas que ça. Il y a ce côté groovy, jazzy, que tu ne trouves dans aucun autre groupe de metal. Donc réduire tout ça à Pantera et dire que je débarque ici avec une voix typée Phil Anselmo, qui s’est quand même modifiée maintenant, parce que c’était il y a dix ans, cette histoire… Ça serait quand même super réducteur de dire que ça colle parce que ça fait un peu Pantera et que c’est cool ! En fait non, sur cet album, je trouve qu’il y a des passages qui le font, évidemment, mais la majeure partie du truc, c’est pile du Trepalium, parce que le groove est là de A à Z.
Harun : Ce qu’il y a, c’est que Renato a une voix rock’n’roll, comme tu en trouves dans le stoner, et dans les groupes à la Pantera, Down, etc., évidemment, mais c’est un côté rock’n’roll que KK avait aussi dans sa voix death. Il y avait quand même une mélodie, c’étaient des chants axés sur deux, trois notes, des fois. Il y avait ce côté presque rockabilly dans sa voix, dans sa manière de se placer par rapport à une musique groovy. Finalement, ce sont des points communs, tout ça. Ce que Renato apporte, c’est le côté bluesy du style jazzy que nous avions déjà à notre metal prog, groovy, appelle ça comme tu veux. Evidemment, il y a des influences qui ressortent, mais finalement, ça reste du Trepalium comme tu as pu l’entendre sur l’EP d’avant. Donc effectivement, nous ne nous sommes pas forcément rapprochés encore plus de l’idéal, mais en tout cas, ça se complète à merveille. C’est une des facettes de Trepalium.
Renato, vu que tu as une voix assez différente de KK, comment as-tu adapté les anciens morceaux à ta voix ? Quelle était ton approche ?
Renato : Pour tout te dire, ça m’a quand même bien fait flipper, cette histoire de devoir reprendre du KK et d’aller taper dans un registre death metal, parce qu’en fait, je ne maîtrise vraiment pas ce sujet-là. Il a fallu que j’aborde les morceaux en essayant vraiment de coller à ce qu’il faisait, et en l’adaptant avec mon grain. Harun m’a beaucoup aidé à ce niveau-là, parce que sur tous les trucs où je forçais beaucoup trop, il me disait : « Chope la note de KK, fais-la avec ton grain à toi, mais n’essaye pas d’aller taper dans les graves si tu ne sais pas le faire. » Donc finalement, c’était très compliqué, ça m’a bien fait peur, comme je te l’ai dit. Mais les adaptations se sont plutôt bien faites. Nous avions fait des pré-prod là-dessus, j’avais enregistré par-dessus leurs pistes instrumentales sur des anciens morceaux, pour voir si ça fonctionnait bien, et j’avoue qu’aujourd’hui, même quand je réécoute les morceaux, je me dis : « Ah oui, en fait, c’est une interprétation de ce que faisait KK, mais ça marche très bien. » Après, effectivement, le côté death metal, on n’est plus dedans…
Harun : Il s’estompe un peu. Mais après, le death metal, ce n’est pas qu’une histoire de voix. À tort, on se focalise sur le grain de voix. Si on t’avait fait faire des pré-prod sur des morceaux d’H.N.P. ou même des albums d’avant, où ça blastait, avec des crust, des mosh parts, ça sonnerait quand même plus death metal. L’emballage est dans la voix, mais pas que. C’est un tout. Ça répond un peu à la question d’avant, la voix est un instrument à part entière. On va vachement coller d’affect et d’analyse psychologique à quelque chose qui ne le devrait pas, parce qu’il y a un visage sur cet instrument. Et c’est un vulgaire instrument, la voix. Sauf qu’il y a des mots, des textes… Et partant de là, c’est vrai que quand toi, Renat’, tu es arrivé avec ton style riche, teinté de blues, de mélodie, d’harmonies, pour moi, le défi était déjà relevé. Je me disais : « Ce mec-là a les capacités de faire un truc beaucoup plus monolithique. » Il fallait juste trouver l’état d’esprit du truc. Et ça, je te l’accorde, ça fout un coup de stress, mais au fond, je me disais : « Ça va le faire, il n’y a pas de question à se poser. Même si ça prend un mois de plus parce qu’il faut reparler d’un passage… » C’est de la communication. Il faut communiquer. Faut bien que la personne qui intègre une équipe déjà en place comprenne les codes d’un style. Techniquement, il n’y avait pas de souci à se faire. Je crois même que ça a vraiment pris son sens quand nous avons fait le premier concert. Parce que là, nous nous sommes dit : « Voilà, ça marche, comme en 45, il n’y a pas de question à se poser ! »
Renato : Exactement !
Comme tu dis, on a tendance à beaucoup se focaliser sur la voix, et là, il y a eu un changement d’identité vocale. Et tout à l’heure, tu disais que vous vous étiez demandé au tout début si ça s’appelait encore Trepalium. Est-ce ça veut dire que l’idée d’un changement de nom du groupe vous a traversé l’esprit ?
Harun : Nous ne voulions pas changer de nom, mais c’est vrai que quand tu commences à avoir les premières matières, tu te dis : « Putain, ça pourrait être un autre groupe ! » En même temps, tu commences à en parler avec des potes… Je me rappelle d’une discussion que j’avais eue avec Guillaume Bernard, de la Klonosphère, Klone, etc. en buvant le café avec lui. Il me disait que pour lui, c’était trop con de changer de nom sous prétexte que la voix était différente, parce que tout le monde se dirait, à la sortie de l’album : « Musicalement c’est du Trepal ! » Ça m’a de suite renvoyé à Audioslave, où c’est le même orchestre, le même groupe, et tu te dis : « Ouais, c’est du Rage ! », en moins inspiré ou en plus inspiré, peu importe, ce n’est pas un jugement de valeur. La musique est la même, donc nous nous sommes dit que ça faisait partie du délire d’évolution d’album en album, d’EP en EP, de proposer une recette, « tiens, on va introduire des claviers ; tiens, on va foutre des cuivres ; tiens, on change de voix » ! [Rires] Finalement, c’est plus l’interprétation des éventuels jugements qu’il va y avoir qui te fout les boules, et finalement, tu te dis : « On emmerde tout le monde ! Si t’as envie de faire un disque, tu as des choses à dire, tu veux remettre le couvert, on y va ! » C’est vrai que ces questions deviennent vraiment secondaires, d’un coup. Parce que tu as envie de jouer, tu as envie de répètes, tu as envie de refaire des concerts. Tu as des morceaux, tu te dis : « Ouais, c’est des riffs de Trepal, c’est un thème de Trepal, c’est un solo comme je sais faire, c’est la même équipe, le même producteur… » Finalement, c’est vraiment une question secondaire.
« Avoir le trac avant de monter sur scène, ce n’est pas trop mon truc. Ça arrive de temps en temps, mais pas trop. Et là, au Hellfest, mon petit, sur les deux semaines d’avant, j’avais les miquettes comme ce n’était pas possible, avant de monter sur scène je vomissais… Enfin bref, il s’est vraiment tout passé ! J’avais l’impression d’avoir quinze ans. »
Renato : Mais quand même, nous n’avons pas été sereins tout de suite, faut pas déconner. Au premier concert, comme disait Harun, nous avons débarqué, nous avions fait une répète, nous ne savions pas comment tout réagissait sur scène, nous ne savions pas si la cohésion allait être là, nous ne savions pas si ça allait marcher pour le public… En plus, nous n’étions pas loin de chez eux, donc il y avait pas mal de monde qui les connaissait très bien. Moi, j’étais directement parti dans le jugement, en mode : « Est-ce que ça va marcher ou est-ce que je vais me faire défoncer ? » Et ça a été la même chose pour les deux, trois concerts qui ont suivi. Quand nous sommes arrivés au Hellfest, par exemple, j’avais les miquettes comme jamais je les avais eues, parce que si je me plantais là, je plantais le groupe ! Et ça, c’était impossible, il ne fallait pas faire ça ! Mais en fait nous avons eu de la chance, ça a matché, nous avons trouvé de la cohésion assez rapidement, et du coup, c’était très cool ! Et j’avoue qu’aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression de faire partie de ce groupe, et je peux dire que je joue dans Trepalium sans avoir à m’en planquer ! [Rires]
Le parallèle avec Audioslave est pertinent. Vous pensez que c’était une erreur de leur part d’avoir changé de nom à ce moment-là ?
Harun : Le problème, c’est qu’un groupe, à un moment donné, quand tu sors un disque, ou que tu joues sur scène, tu te dépossèdes de ce que tu fais, et ça appartient aussi au public. C’est presque le public qui choisit si tu as le droit d’exister ou pas. Et ça, quand t’es artiste, ça te pète les couilles ! Tu te dis : « Mais allez-vous faire foutre ! » Au fond de moi, je me dis, ils n’auraient pas dû faire… Mais non, ils ont eu raison de changer de nom, parce que la démarche était sensiblement différente, car pour le coup, ce n’était plus du « rap metal », c’était Chris Cornell, ça sonnait très différent. C’est pour ça qu’Audioslave a changé de nom, et ils n’ont pas eu tort. Ce n’est pas tout à fait le même débat, je pense. Musicalement, c’est vrai que le parallèle est pertinent, mais il ne l’est pas, en même temps. Tu pourrais plus faire le parallèle avec Cannibal Corpse, AC/DC ou Morbid Angel, avec leurs changements de chanteurs. C’est vrai que Cannibal, quand ils ont changé de chanteur, ça restait Cannibal, AC/DC est resté AC/DC… Mais les voix étaient des caractères, des personnages différents. Et nous, je nous vois plus dans cette démarche-là et ça, je trouve que c’est légitime.
Sur la légitimité, le plus grand défi pour nous était d’être crédible sur un retour. C’est la seule question. OK, t’as envie de faire un album ou tu n’as pas envie, mais est-ce que t’as le droit de revenir sous le nom de Trepalium ? Est-ce que tu peux remettre le couvert comme ça ? Sachant que comme je te disais, quand tu oses t’enregistrer ou te produire, tu choisis volontairement de te déposséder un peu de ce que tu fais. Même si tu as envie de dire fuck à tout le monde, il y a le jugement d’autrui, aussi. Tu joues un peu pour partager quelque chose. Et est-ce que ça, c’est légitime ? D’autant plus que t’as des potes qui ne sont pas d’accord avec ta démarche. Alors tu te demandes comment être crédible. Et du coup, nous nous rassurions, et je disais aux troupes : « Faut rester droit dans ses baskets, je vais composer du Trepalium, on va bosser comme on a l’habitude de faire, et on va tout faire pour que Renato se sente bien quand il va arriver et qu’il va bosser. » Nous avons vraiment bossé dur – pour pas beaucoup de titres, d’ailleurs, c’est un tout petit album – et nous avons remis le pied à l’étrier. Et ça se sent. Tout a pris sens.
Après, un chanteur, ce n’est pas qu’une voix, c’est aussi une personnalité, or Renato est vraiment quelqu’un de très détendu, qui a un fort capital sympathie et très social. Est-ce que c’est ça aussi qui vous a séduits chez lui ? Et vice versa ?
Ah bah ça nous a fait un bien fou ! C’est vrai que ce ne sont pas du tout les mêmes personnages. KK est très cool, ce n’est pas le problème. Mais c’est un mec plus introverti, qui ne va pas se livrer comme ça, qui vit sa vie, tu peux te retrouver sans nouvelle pendant tout un moment… C’était ça, du temps où nous étions avec lui. C’est vrai que Renat’ a un côté vachement amical, il y a un courant… En fait, tu ne te poses pas de question. Dès le début, je me suis dit : « J’ai l’impression de le connaître depuis longtemps, ce mec. » En fait, que dalle ! Nous nous étions vus deux ou trois fois !
Renato : C’est la même chose de mon côté. Quand j’ai débarqué dans Trepal, j’avais l’impression que c’était God Damn avec dix levels de plus ! Avec des mecs encore plus créatifs, qui jouent encore mieux… Mais en fait, l’esprit de base est exactement le même : la fête, les copains, l’alcool, et on va mettre des branlées sur scène ! C’est ça le délire ! Quand j’ai débarqué chez eux la toute première fois pour la première répète, nous nous sommes mis une caisse monumentale jusqu’à six heures du mat, avant d’aller répéter le lendemain à neuf heures ! Et c’était la première fois que nous nous voyions ! Là, je me suis dit : « Bon, là, c’est gagné ! Normalement, ça devrait très bien se passer ! Même si je chante comme une buse, ça devrait quand même bien se passer ! »
Harun : Pour l’anecdote, c’est un grand défaut chez Trepalium. La première fois que nous avons fait un plateau télé, sur L’Enôrme TV, à l’époque du quatrième album, nous revenions juste de tourner avec Gojira. Nous n’avions pas pu nous empêcher de nous en coller une jusqu’au départ de Poitiers à Paris, donc nous nous demandions qui allait conduire ! [Rires] Donc tu vois l’état d’esprit du truc ! Du coup, à chaque fois c’est le même délire… Et encore, nous nous sommes calmés…
Renato : Maintenant, nous sommes vieux, donc maintenant, quand nous devons conduire, nous sommes calmes !
« C’est une petite mort. Tu te demandes s’il faut remonter un autre groupe, tu as toutes ces questions qui te viennent dans la gueule, d’un coup… »
Géographiquement, vous n’êtes pas du tout basés dans les mêmes régions avec Renato. Comment ça se passe, niveau logistique ?
Harun : Il répète la veille des concerts, donc pas beaucoup en ce moment. Nous avons dû faire, à tout casser, quatre ou cinq répètes, depuis qu’il a intégré le groupe. Et comme nous ne tournons pas beaucoup pour l’instant, parce que l’album n’est pas encore sorti et que nous sortons quand même d’une longue période d’inactivité… Je te l’accorde, pas autant que Step In Fluid, mais c’est quand même presque trois ans d’inactivité. Nous reprenons tranquille, il y a une date par-ci, une date par-là… Pour l’instant, nous jouons sur nos acquis, sur le professionnalisme de chacun. Quand nous allons répéter la veille du concert, tout le monde révise un peu ses gammes. C’est pareil avec Step In Fluid, nous avons fait un concert en huit ans. Nous avons répété deux fois avant le concert, c’était un concert qui nous avait foutu une pression assez particulière, nous étions très focus, parce que nous avions fait un live multi-cam, etc., donc il faut faire ça bien. Et nous n’avons pas répété depuis. Et dans quinze jours, nous remettons le couvert, en plus avec un autre gratteux. Donc nous faisons une répète ce soir, et une autre la veille du concert. Nous sommes tous proprios, nous habitons à une certaine distance les uns des autres, plusieurs d’entre nous sont parents, tu as un boulot à côté… Tu fais comme tu peux. Dans l’absolu, nous voudrions tous répéter tout le temps, tourner pour maintenir ça à flot, mais tu fonctionnes autrement. Ça t’oblige à être plus précis, tu dois mentaliser vachement ce que tu dois faire, tu prévois, tu fais des mails, tu t’assures bien de l’ordre des morceaux, des enchaînements… « Attention à ce passage-là, la dernière fois, on s’était dit que ça ne fonctionnait pas, du coup, là on va faire ça comme ça. » Nous nous briefons.
Vous avez déjà un petit peu abordé le sujet, mais niveau concerts, comme tu le disais, ça a été le silence radio pendant trois ans. Votre show au Hellfest l’année dernière était un peu perçu comme le grand retour sur scène de Trepalium – même si vous aviez fait une date en mars avant. Comment c’était ? Pas trop rouillé ?
[Réfléchit] Moi, même par rapport à Renat’ et aux autres membres du groupe, je n’avais vraiment pas fait de scène depuis trois ans. Alors que j’ai un autre groupe, je travaille en conservatoire, j’étais parti sur un autre projet entre-temps… Et là, pour le coup, j’étais un peu rouillé. Mais bon, je me suis éclaté. Je suis plutôt détendu sur scène, en général, donc je n’avais pas de stress. Je n’avais vraiment pas d’appréhension, c’était plus de l’excitation. C’était un manque. Je me souviens que quelques mois avant, j’en parlais à Nico [Amossé], l’autre guitariste, je lui disais : « Putain, j’en peux plus, faut que je monte sur scène, faut que je m’éclate, faut que je retrouve la scène ! » C’est vrai que c’étaient des dates que j’attendais depuis longtemps. C’était un long processus déjà de se séparer de KK, puis de se remettre au travail, de se connecter avec Renato, d’avancer, de construire le truc, d’enregistrer, avec les échéances qui sont repoussées sans cesse… Trois ans, c’est long ! Quand tu as quasiment cinq cents concerts au cul, tu aimes bien la scène et là, tu te dis que pendant trois ans, c’est le désert. Moi, personnellement, j’étais rouillé, mais en même temps, quand je vois quelques vidéos qui traînent, et la façon dont je l’ai vécu, je me dis que nous nous sommes bien débrouillés pour des mecs rouillés depuis trois ans. En même temps, il faut dire que nous sommes de vieux singes. Ça fait vingt ans que la boutique tourne, donc ça revient vite. C’est comme le vélo.
Renato : En même temps, sur une date comme le Hellfest, nous avons tous envoyé absolument tout ce que nous avions dans le sachet. Nous avons vraiment épuisé nos batteries jusqu’au bout du bulbe. Nous y sommes vraiment allés. Autant, Harun n’avait pas joué depuis trois ans, autant, moi, j’étais en plein tour, je n’arrêtais pas de jouer. Donc le stress, c’est un truc que je ne connais pas trop. Avoir le trac avant de monter sur scène, ce n’est pas trop mon truc. Ça arrive de temps en temps, mais pas trop. Et là, au Hellfest, mon petit, sur les deux semaines d’avant, j’avais les miquettes comme ce n’était pas possible, avant de monter sur scène je vomissais… Enfin bref, il s’est vraiment tout passé ! J’avais l’impression d’avoir quinze ans. Mais dès que les premières notes sont parties, j’ai eu l’impression que nous étions vraiment tous dans la même optique : aller détruire cette putain de fosse, et c’est exactement ce qu’il s’est passé.
Harun : Je me souviens que de temps en temps Renat’ me disait : « Putain, c’est pas rien ! » Et je lui disais : « Oh, on a déjà fait quatre Hellfest ! Je m’en fous ! » [Rires]. En fait, aussi loin que je m’en souvienne, mon dernier coup de stress sur scène doit remonter à 2006 ou 2007. Depuis, même sur la tournée avec Gojira, où nous nous sommes retrouvés dans des salles monstrueuses, à Londres et tout, la plupart des potes stressaient. Ils étaient en mode : « Faut assurer ! » Moi, je restais juste focus sur mon truc, et à chaque fois, j’étais excité de monter sur scène. Je crois que c’est un truc qui m’est passé. Au Helffest, Renat’ me faisait part de ses appréhensions, comme quoi il était excité mais qu’il fallait gérer le stress. Et c’est vrai qu’intérieurement, moi, j’avais juste le sourire. Je me disais : « Putain, je vais remonter sur scène ! » Je me disais ça égoïstement ! Je lui disais : « Mais oui, t’inquiète, ça va être cool ! »
En janvier 2018, vous annonciez avoir déjà commencé à travailler sur l’album, et finalement il sort plus de deux ans plus tard. Et même la dernière fois qu’on s’est parlé, Harun, tu imaginais une sortie pour novembre, et finalement il sort cinq mois plus tard. Vous aviez besoin de prendre ce temps pour roder le groupe et peaufiner l’album ?
Nous, non, pas en termes de créa. Mais c’est vrai que nous avons pris du retard sur la validation de la pochette, la validation du master… Ce n’était pas dû aux techniciens, aux artistes avec qui nous bossions en parallèle. C’était uniquement dû à notre réactivité à nous, au sein du groupe, à valider un truc… [Rires] Donc t’arrives, tu ne réalises pas trop, tu en parles avec la Klonosphère, et ils te disent : « Non mais les mecs, on a un moins de retard là. » « Ah ouais, putain ! » « Bon, là je sors déjà des disques, donc je vous propose mars ou avril, est-ce que vous serez prêts ? » « Ouais, on sera prêts ! » Et finalement, ça a été repoussé. Ce sont des trucs qui arrivent souvent. C’est comme Step In Fluid, ça a été composé en 2015, c’est sorti en 2019… Et j’ai horreur de ça, parce que quand je travaille, Renato pourra en témoigner, je suis très rapide. Je peux te chier un album en quinze, vingt jours si l’envie m’en prend, si l’inspiration est là. Et les étapes qui suivent la sortie d’un disque, tout le travail que ça représente, parce qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, il faut faire ça bien, ça dépend de toi, pas que de toi, et tu n’as plus forcément la même énergie que tu as mise pendant que tu écrivais le disque. Ce n’est pas évident. C’est plein de paramètres. Ça n’a pas été calculé, ce n’était pas un plan où nous nous étions dit que nous le sortirions à telle date… Nous avons foiré lamentablement [rires].
« J’avais Renato sous la main, c’était mon nouveau partenaire, il commençait à bosser, moi j’adore sa voix, ses groupes et tout… Je me suis dit : ‘C’est con de pas en profiter ! On va faire the heaviest blues of the universe !' »
Renato : Il y a aussi le fait que cet album ait été écrit en janvier 2018, donc nous avons quand même mis une année à l’écrire. Nous sommes vraiment entrés dans les détails pour sortir des morceaux que nous aimions bien en tout point. Après, ça a pris du temps pour l’enregistrer, donc les prises ont été terminées en juin 2019. Donc nous pensions pouvoir le sortir en novembre, mais comme d’habitude, quand tu veux sortir un CD, il y a plein de paramètres qu’il faut faire soit très vite, soit en prenant le temps de les faire bien. Si tu les fais très vite, tu es dans les délais. Nous aurions pu le sortir en novembre si nous avions fait un clip à l’arrache, si nous avions fait une pochette à l’arrache… Si nous avions fait tout ça à l’arrache, nous aurions pu le sortir en novembre. Sauf que nous nous sommes aussi dit que nous avions envie de mettre un peu les petits plats dans les grands. Donc nous avons un peu léché le clip, la pochette, nous avons pris le temps de le faire. Et après, le hasard du calendrier avec Klonosphère a fait que la sortie n’était possible qu’en mars. Nous, à ce moment-là, nous nous sommes dit que nous avions voulu prendre le temps, donc nous sommes obligés de suivre aussi le calendrier des sorties, et donc ça nous amène en mars, et c’est dans pas longtemps maintenant !
Harun : Et d’ailleurs, ce n’est pas que ça a pris du temps pour réaliser toutes ces choses, parce que la pochette, finalement, quand l’idée était là, ça a été fait en deux-deux ; les compos, à un titre près, tous les morceaux ont été composés en deux, trois heures ; les textes, Renato en avait une partie, dès qu’il recevait les morceaux, il renvoyait des premières versions, voire des versions définitives dans la journée ou le lendemain… Mais c’est : est-ce que le choix est le bon ? Ça, ça peut prendre une semaine, deux semaines… Des fois, tu penses à un truc, puis tu ne t’y mets pas. On te dit : « Alors, tu as un nouveau morceau ? » « Euh, non ! ». Puis à un moment donné, tu t’y mets, tu sors ta gratte, et paf, c’est dans la boîte, direct ! Nous allons très vite à travailler, mais celui-là a été fait très vite à chaque étape, mais les étapes étaient très espacées. L’EP d’avant, je l’avais composé en quinze jours à tout casser. Celui-là, chaque titre a été composé très vite, quasiment en deux, trois heures, des fois en une nuit entière. Mais entre un titre et un autre, des fois, il y avait deux mois. La pochette, tu y réfléchis, il y a un mois qui passe, deux mois, tu te dis : « Putain ! » Il faut minimum trois mois au label pour tout mettre en place. Donc si tu dis : « On le sort en janvier », mais que tu es au mois de décembre, c’est mort. Donc tu repousses.
L’album s’intitule From The Ground, il y a donc cette idée d’avoir été à terre et de se relever. Est-ce que ça veut dire que le départ de KK vous a mis à terre, qu’il a même failli enterrer le groupe ?
Bien sûr ! Parce que là, ce n’est pas rien. Ce n’est pas : « Tiens, il a manqué la répète ! » [Rires]. Là, tu te dis : « Merde, ça fait dix-sept, dix-huit ans qu’on est sur la route ensemble, comme une famille. » Et d’un coup, tu te dis : « Ah ! On fait quoi ? » C’est une petite mort. Tu te demandes s’il faut remonter un autre groupe, tu as toutes ces questions qui te viennent dans la gueule, d’un coup… Du coup, c’est vrai que quand j’ai demandé à Renat’ les titres de ses textes, je lui ai demandé de proposer un titre, il y en avait plusieurs, et je lui ai dit : « Putain, celui-là, il prend sens, c’est magique ! Il est tellement simple, tu n’as pas besoin de broder une histoire autour ! Ça veut tout dire ! » C’était aussi simple que ça. Le groupe était mort, en quelque sorte, sans être mort. Il était juste en stand-by, mais du coup, il faut trouver un concept, il faut broder une connerie. Il ne suffit pas de chercher midi à quatorze heures, regarder l’horizon… Tu regardes ce qui t’arrive et effectivement, il y a de quoi raconter un album.
Tu veux dire qu’au niveau de la thématique, ça a beaucoup joué sur ce que vous abordez dans l’album ?
Faudrait plus demander ça à Renato, dans la façon dont il l’a abordé. Nous n’avons pas cherché à faire un album-concept, mais c’est vrai que quand tu travailles des morceaux, musicalement parlant, tu essayes de donner une cohérence entre les morceaux, un fil conducteur rythmique, mélodique, des ambiances, tu veux sentir un départ, une fin, un développement… Il y a toujours un concept musical, si tu veux aller par-là. Je ne laisse rien au hasard, jamais. Il y a même des albums qui sont en connexion, sur certains points. C’est une vue globale sur ce que tu vis musicalement, artistiquement, depuis le début. Après, Renat’, je ne sais pas comment tu l’as vécu, mais il connaissait l’histoire du groupe…
Renato : Quand j’ai écrit les textes, je suis parti sur l’histoire du groupe. J’avais aussi un gros sentiment d’illégitimité quand j’ai débarqué dans Trepalium, en sachant tout le background qu’ils avaient, en sachant qu’en plus, nous allions jouer au Hellfest et tout ça… Il y avait vraiment un truc : « Qu’est-ce que je fous là ? » Les textes, et globalement la thématique de l’album, c’est vraiment ça. Nous essayons de faire remonter à flots un groupe plus ou moins mort, avec un type qui est aussi bien illégitime. Donc j’ai brodé toutes mes histoires et tous mes textes autour de cette histoire-là, celle du groupe. Ce coup-ci, il n’y a pas de thématique vaudou, Nouvelle-Orléans, ou quoi que ce soit. C’est vraiment l’histoire du groupe et comment sont les gens à l’intérieur.
« En fait, je suis le pire imposteur qui existe ! Je pique tous les trucs que j’adore à mes idoles, et je tente d’en faire une petite mixture. »
Tu faisais le parallèle avec Voodoo Mooshine, le précédent EP, pour dire que ça restait du Trepalium. Voodoo Mooshine est l’EP où Trepalium s’est pleinement assumé et a atteint sa pleine maturité. Sur ce nouvel album, il y a nettement moins de cuivres, mais beaucoup plus de claviers, notamment de l’orgue Hammond et du piano. D’où est venu ce re-paramétrage, si je puis dire ?
Harun : Il y a plusieurs idées. Déjà, je n’aime pas forcément la redite. Donc refaire exactement la même recette, pourquoi pas, peut-être que ça reviendra. Mais en tout cas, je me disais : « Qu’est-ce qui va activer ma libido, qu’est-ce qui va m’émoustiller sur un prochain disque ? » Donc je n’avais pas envie de refaire exactement la même chose, et vu la situation du groupe à ce moment-là, quand j’ai recommencé à composer, avec Renato qui n’était pas encore dans le groupe, j’avais cette joie de reprendre l’écriture, mais en même temps une certaine de tristesse, une certaine mélancolie. Tu ne sais pas comment l’album va sortir, si ça va bien sortir, est-ce que ça va se faire… Mais en même temps, je me disais que ça allait se faire, donc je travaillais dessus.
Je me suis dit qu’il y aurait un côté plus rock, plus bluesy que jazzy, sans pousser le bouchon. Mais quelque part, ça s’est calibré pile au moment où nous nous sommes branchés avec Renato. Le hasard fait bien les choses, parce que c’est vrai qu’il a une voix plus rock, et qu’il excelle sur la gamme pentatonique et tous ces trucs-là. Mais en même temps, il ne fallait pas trop pousser le bouchon. Il y a un ou deux morceaux qui ont des aspects très américains, très bluesy, mais le reste, j’ai vraiment voulu que ça soit calibré sur une sorte de continuité de l’EP de Trepal, avec des accords dissonants, des renversements, des harmonies, des arpèges glauques, et tu le sens dès le premier morceau. Mais je voulais un côté plus épique et solennel. Donc tu sens dès les premiers riffs qu’il y a un côté presque néo-classique dans la manière de riffer, comme je pouvais le faire sur les premiers riffs mélodieux des premiers albums. Du coup, je me suis dit que nous ne mettrions pas de cuivres.
Par contre, sur le deuxième album, j’avais déjà utilisé de l’orgue Hammond. Donc je me suis dit que nous allions réintroduire et accentuer ce gimmick d’arrangement, qui fait partie du son du groupe. Je trouvais que ça donnait un côté plus psyché, plus bluesy en même temps… En fait, pour moi, c’était une évidence. J’ai essayé de chercher d’autres trucs, mais je me suis dit : « Non, on va mettre une putain de nappe d’orgue Hammond ici, ça fonctionne trop bien. » Et finalement, c’est venu une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, tout le long du disque. J’en mettais partout. Il y avait Charly Oleg avec nous ! [Rires] Et le piano, ça a toujours fait partie du son du groupe. Je me suis dit que c’était un outil… Tu vois le côté un peu stride, boogie, honky-tonk, qu’il y avait sur un titre comme « Blowjob On The Rocks », ça faisait partie de l’identité de Trepalium et il n’y avait pas de raison d’estomper le rôle du piano dans la recette. Par contre, je me suis dit que ça serait marrant de remplacer un peu plus les cuivres par du clavier.
Cet album a un côté foncièrement plus blues comme avec ce solo au bottle neck dans « To The Sun » ou toute la chanson « Feelin’ Cold ». C’est intéressant que tu dises que tu avais déjà commencé à composer dans cette veine-là, car quand on écoute l’album, on se dit que Renato a beaucoup influencé ton travail de compositeur…
Il l’a clairement influencé, mais ce n’était pas une demande de sa part ou quoi que ce soit. Renat’ est arrivé en se disant : « Putain, je vais jouer dans Trepal ! » Moi, j’étais un peu parti dans cette direction, mais je ne pensais pas que j’allais faire un truc aussi bluesy. Nous avions déjà quatre titres, un cinquième en cours, des bribes d’idées… Et j’avais Renato sous la main, c’était mon nouveau partenaire, il commençait à bosser, moi j’adore sa voix, ses groupes et tout… Je me suis dit : « C’est con de pas en profiter ! On va faire the heaviest blues of the universe ! On va faire un putain de blues. » Et c’est vrai que nous avons fait un gros blues. Lorsque je lui ai envoyé la maquette de « Feelin’ Cold », je me rappelle qu’il m’avait dit : « Putain, je suis pété, j’ai passé une grosse soirée, je verrai ça demain ! » Finalement, il me l’a envoyé dans la journée et m’a dit : « Putain, c’est trop bon ! Je ne pouvais pas attendre ! »
Renato : Évidemment, je ne m’y attendais tellement pas ! Parce qu’en fait, pour resituer, quand je suis arrivé dans Trepalium, il avait déjà écrit quatre titres de cet album, donc ça, on ne pouvait pas en changer, c’était comme ça, c’était selon son inspiration du moment, mais une fois qu’il a vu ce que je pouvais faire, je pense qu’il s’est dit : « Tiens, on va quand même essayer d’utiliser cette arme-là. » Et là, il a balancé ce blues, et je me suis dit : « Déjà, c’est ouf de faire ça dans Trepalium et là, je vais me gaver comme jamais ! C’est le plus lourd de l’univers, c’est clair et net ! » Dès le premier riff, j’ai été scotché instantanément. J’avais envie de chanter dessus tout de suite ! Donc je l’ai fait tout de suite, et je l’ai écrit instantanément.
Harun : Et pour l’anecdote, je me souviens que je t’avais dit : « Tu vois, le solo, là, ça serait bien de faire un unisson ! » Je m’attendais que tu fasses un scat, à l’unisson, le doubler comme le font les guitaristes bluesmen. Et ce con m’a renvoyé la maquette, mais en doublant avec son texte ! « Ah, c’est pas ce que tu voulais ? » « Non, mais ça marche bien, laisse-le ! »
Renato : C’est ça. Le solo du milieu du morceau, une fois que tu le sais, tu peux t’en rendre compte, mais finalement, je chante toutes ses notes avec des paroles par-dessus. Et quand il a reçu ça, il n’a pas compris tout de suite, il m’a dit : « Mais qu’est-ce que tu fais ?! » Je lui ai expliqué et il m’a dit : « Putain, mais oui en fait ! Je ne le voyais pas du tout comme ça ! » Résultat, ça fait un truc un peu inédit. Nous adorons faire cette partie et vu qu’il faut que nous soyons au poil de cul ensemble, nous sommes obligés de se regarder impeccablement et d’être exactement sur la même longueur d’onde, sinon il n’y a pas le rendu voulu.
Harun : La seule fois que nous l’avons joué, c’était en mars, à l’Amarok Metal Fest, et après, nous ne l’avons pas rejoué parce que nous voulions garder un set plus dynamique en termes de tempo. Et quand nous l’avons joué, nous l’avons vachement bien joué. C’est un des nouveaux titres que nous avons le mieux interprétés. Pourtant, il te fout la pétoche, tu te dis que tu vas faire un solo où il faut le même feeling que la voix, faut être ensemble…
« J’ai toujours dit, y compris à mes élèves au conservatoire : ‘Si vous ne pouvez pas innover, si vous ne pouvez pas être virtuoses, faites votre truc au moins, faites les trucs que vous aimez.’ C’est ça le plus important, c’est d’exister. […] Tu peux être original sans innover. »
Tu disais que ce serait « the heaviest blues of the universe », et c’est vraiment ça, ce morceau !
Ouais ! J’avais sorti ça à Renat’ : « Putain, il est lourd ce morceau ! » Pour un bluesman, tu lui présentes ça, il va te dire : « Ouais, c’est du blues, mais alors putain, les mecs… Vous avez mangé trop de raclette ! » [Rires] Et je lui avais dit : « Putain, on aurait pu l’appeler The Heaviest Blues Of The Universe ! »
Renato : On aurait pu, mais ça aurait été trop facile ! Il fallait trouver autre chose…
Harun : Nous ne sommes pas Ultra Vomit, nous n’avons pas l’aura de l’humour qu’ils ont ! Ça serait mal passé.
D’ailleurs, Renato, ce côté blues que tu exploites sur cet album et qu’on retrouve aussi chez Flayed, il vient d’où chez toi ?
Renato : Franchement, je ne peux pas te dire. Je pense que c’est simplement ce qui me touche le plus. Le blues, c’est peut-être les grilles d’accord qui me touchent le plus et qui me sont le plus évidentes à sortir. C’est presque naturel, j’ai l’impression. Mais ça vient de comment j’ai bossé le chant et de comment j’ai bossé les gars qui m’ont donné envie de chanter. Ça a commencé par Brian Johnson, s’est ensuivi James Hetfield… Tous les classiques ! J’ai eu droit à tous les classiques ! Après, c’était Phil Anselmo, je suis resté scotché. J’ai eu une belle période Jonathan Davis… Même si lui n’est pas blues, il est dans la dépression, et toutes ses gammes mineures, je les ai piquées… En fait, je suis le pire imposteur qui existe ! Je pique tous les trucs que j’adore à mes idoles, et je tente d’en faire une petite mixture. C’est juste que tout ce qui m’a le plus parlé, c’était tout ce qui tirait vers le bas, jusque-là. Et donc, le blues.
L’album est donc plus bluesy et moins jazzy, mais Trepalium continue quand même par ce biais à puiser son inspiration dans une source presque « primitive », c’est-à-dire ces vieux styles de musiques qui ont formé la musique moderne d’aujourd’hui. Et on pourrait presque dire que vous refaites un peu l’évolution de ces styles avec votre musique. N’y a-t-il pas un côté « laboratoire historique » dans la démarche artistique de Trepalium ?
Harun : Quelque part oui, et quelque part non. Personnellement, comme je compose, j’ai toujours été fan de la musique black en général, aux États-Unis. Ça commence avec James Brown, et même bien avant… Tout le blues, les Muddy Waters, tout ce que tu veux. Le blues, le jazz, la funk, Herbie Hancock, Miles Davis, et puis des trucs plus free comme du Coltrane, etc. Mais tout ce qui était musique black, ça m’a toujours touché, du bayou à des trucs plus disco. Et je ne te parle pas de Trepalium, je te parle vraiment de ce que j’écoute, des trucs que je kiffe, de la soul, etc. Que ça soit les côtés plus jazz dans Step In Fluid, ou funk, ou afro-beat, ou même la musique africaine, c’est toujours ça. C’est de la musique black. C’est le terreau rythmique, l’importance de la rythmique dans les musiques actuelles. Tout vient du blues dans les musiques actuelles. Ça a donné le rock, ça a nourri la pop dans un premier temps, et ainsi de suite. Et les fils, les petits-fils de ces mêmes acteurs qui ont créé la musique moderne ont donné d’autres tendances musicales qui n’ont rien à voir, finalement. C’est un arbre, c’est une arborescence, tout ça. Moi, je suis né en 1980, je suis touché par ces musiques-là, moins que les petits frères qui ont plus été touchés par la musique des années 2000. Nous, c’est plus les années 1970, 1980, 1990… Je pense que c’est intrinsèquement lié à notre façon de jouer.
J’ai toujours dit, y compris à mes élèves au conservatoire : « Si vous ne pouvez pas innover, si vous ne pouvez pas être virtuoses, faites votre truc au moins, faites les trucs que vous aimez. » C’est ça le plus important, c’est d’exister. Et c’est vrai que si tu vas vraiment chercher ce que tu écoutes, tu peux au moins être original. Tu peux être original sans innover, car c’est plus dur d’innover. Mais au moins, trouve ce qui te correspond. Il y a autant d’individus et de musiciens que de possibilités de créer un truc un peu à part, un peu original. Je pense que Trepal, nous avons quand même une identité, plus ou moins marquée selon les albums, mais je pense que c’est ça qui ressort un peu aussi. Souvent, à tort, les premières chroniques, lorsque nous avons commencé à faire des petites bizarreries un peu moins metal dans Trepalium, ils parlaient du « côté funky ». Mais ça n’a rien de funky, en fait, Trepalium. Step In Fluid, je veux bien. Mais Trepalium n’a rien de funky. C’est plus basé, grossièrement, sur du shuffle. Comme le chabada dans le jazz, ou les trucs comme ça. Sauf que c’est vraiment ce que Pantera a induit et là, effectivement, nous rejoignons Pantera dans les choix esthétiques.
C’est vrai que le shuffle a été une base rythmique. Je me suis dit : « Putain, mais tout le monde fait du putain de binaire de merde ! » Alors que putain, tu peux faire des albums et des albums de ça, sans tomber dans la redite, en cultivant vraiment ton discours, en faisant des harmonies différentes, des concepts-albums… Et c’est vrai que petit à petit, d’album en album, tu te dis : « Putain, on peut faire un truc très cliché vaudou, swing. » Sur celui-là, je me suis dit que nous allions réintroduire un peu plus de blues, mais du coup, avec un côté plus psyché, puis à la guitare faire un truc plus épique, presque à la Coroner dans les arpèges… Je suis déjà en train de penser à un autre truc pour un futur album et putain, je me dis que c’est peut-être une niche, dans les faits, mais ça ne devrait pas être une niche. Je pense qu’il y a plein de trucs à faire là-dedans.
« Le shuffle a été une base rythmique. Je me suis dit : ‘Putain, mais tout le monde fait du putain de binaire de merde !’ Alors que putain, tu peux faire des albums et des albums de ça, sans tomber dans la redite, en cultivant vraiment ton discours, en faisant des harmonies différentes, des concepts-albums… »
Le jazz et le blues sont des styles qui ont été largement éprouvés. Est-ce qu’ils jouent un rôle de socle pour vous, pour pouvoir construire quelque chose de solide par-dessus ?
J’imagine que Renat’ pour son chant, tout comme moi pour la musique, oui, mais en même temps, si nous ne nous basions pas sur ça, nous bosserions comme nous avons l’habitude de bosser, nous ferions un truc plus king-crimsonien comme sur l’album H.N.P., le quatrième album, avec des arpèges très glauques et tout… Tu as un point de vue. Que tu fasses un truc moderne, plus djent, ou un truc plus progressif, à la King Crimson ou à la Yes, ou un truc comme nous le faisons, ou un truc à la Klone, tu as tout le temps des références solides et éprouvées, ou des trucs qui t’inspirent. Parce qu’un truc pas très défini, ce n’est pas très inspirant, en général. Ça peut te donner des idées, de riffs ou de morceaux. Mais c’est vrai que ces styles sont larges et éprouvés, comme tu dis, donc c’est du terreau.
Renato : Je suis d’accord avec ça. Je m’appuie complètement sur ces styles-là qui me parlent, et qui, je le sais, parlent à Trepalium. Je sais que pour Trepalium, Harun écrit aussi dans ce sens-là. Ce sont en effet des bases fondamentales que nous avons beaucoup travaillées, que nous avons beaucoup étoffées, mais en tout cas, moi, ce sont clairement mes bases fondamentales, le blues notamment. Le jazz un peu moins car je ne suis pas chibré de toutes les nouveautés de jazz, mais tous les bons classiques, je suis client.
Harun : « Chibré » ? Je ne connaissais pas ce terme… C’est cool ! [Rires]
Renato : C’est Lyon, ça, mon pote, qu’est-ce que tu veux que je te dise ! « Chibré : avec un gros chibre », tout simplement [rires].
Plus qu’un socle, on peut aussi voir ces styles de musique comme un point d’ancrage, un repère, une balise, car quand on expérimente, c’est facile de se perdre. Est-ce que le fait de vous reposer sur du blues ou du jazz ne permet pas de ne pas vous perdre dans vos expérimentations ?
Harun : Je suppose que oui. Mais en même temps, j’ai envie de te répondre que… Tu sais, je me suis intéressé à la musique depuis mes dix, onze ans, et dès que j’ai commencé la musique, j’ai composé tout de suite. Ça a commencé par la flûte, le piano, la basse… La musique des autres ne me faisait pas chier en soi, mais la faire me faisait chier. Donc l’attrait à la composition, c’est un truc que j’ai travaillé pendant des années. Donc s’il n’y avait pas ces bases-là pour nourrir l’actuel Trepalium, je tâcherais toujours de faire un truc cohérent, et je ne pense pas que je me perdrais. Si on partait sur un concept-album qui tranche, un truc vraiment différent, je tâcherais de faire un truc cohérent, entre les morceaux et dans la recette, par rapport à ce qui a été fait avant. Et s’il fallait que j’estompe ce côté jazzy ou quoi, je le travaillerais en deux ou trois albums. Je ne me perds pas. En fait, tu mentalises vachement ce que tu écris. En tout cas, moi, je le mentalise vachement. Donc s’il n’y avait pas cette base jazzy, bluesy, ou que sais-je, je ne pense pas que je me perdrais non plus. Mais c’est clair que c’est un point d’ancrage. Mais c’est voulu, parce que, comme je te disais, quand je sors un disque, je cherche à communiquer avec un public. Tu partages quelque chose, et tu joues sur les codes. J’aime bien, quand je fais écouter un morceau, un truc : « Tiens, regarde, ça c’est un truc africain, mais regarde, j’ai mis du clavier comme ça, puis j’ai rajouté une grosse gratte là ! » « Ah ouais, carrément ! » Tu vois, quand je vois les yeux s’ouvrir, le mec s’intéresser… J’aime bien partager des codes, des trucs que tu as écoutés, que tu as retravaillés ou que tu as recréés par rapport à d’autres idées que tu avais. Mais c’est calculé.
Derrière ma question, il y avait aussi l’idée de savoir si c’était important de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va…
Oui, cette phrase est très connue, mais ce n’est pas une vérité absolue. Je me dis que des fois, j’ai des idées en tête de projets de groupe, qui n’ont rien à voir avec ce que je peux faire avec Trepalium, ou Step In Fluid, ou mon truc afro, Mali Kanu. Je ne m’y mets pas parce que c’est trop d’énergie, on ne va pas faire cinquante groupes. Mais ça demande de l’énergie, et je me dis que si je m’y mettais vraiment, peut-être que je partirais sur un truc qui n’a rien à voir, et on ne reconnaîtrait pas que c’est du Harun. J’avais déjà fait un délire un peu rock avec Flo Marcadet, avant Step In Fluid, en 2009. Nous avions fait de petites maquettes toutes pourries, et je me rappelle que quand je les avais fait écouter à Yann [Ligner] et Guillaume de Klone, ils me regardaient un peu bizarrement et m’avaient dit : « Putain, on dirait que ce n’est pas toi qui joues ! » Je trouvais ça tellement naïf et primaire. C’est ce qu’ils ressentaient et c’était vrai, je n’avais effectivement pas voulu me baser sur ce que j’aimais. J’ai voulu partir sur un truc rock, avec des accords presque à la The Police… J’adore the Police, ce n’est pas le problème !
Là, avec Trepalium, quand nous sortons un disque, je cherche à nourrir une identité, qui est la mienne et qui n’est pas la mienne. C’est un délire, tu construis un truc. C’est comme un réalisateur qui fait des films d’horreur, puis à un moment donné, il va faire truc carrément plus psychologique, pourquoi pas ! Un truc qui n’a rien à voir ! Le mec t’a fait peut-être cinquante interviews en faisant référence à Romero, les zombies, etc., et d’un seul coup, il te fait un mélodrame qui n’a rien à voir, et pourquoi pas ! Et là, tu ne peux pas dire à un mec qui découvre ce réalisateur qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Pas forcément. Après, il y a le savoir-faire qui peut suffire. Tu as des envies, des fois… Si demain tu as envie de chanter alors que tu es écrivain, et que tu n’as aucune base… C’est juste une putain d’envie ! En revanche, je ne vois aucun intérêt de saboter Trepalium en partant sur un album reggae ! [Rires] Ça n’aurait aucun sens ! À un moment donné, tu construis un discours. C’est comme si la meuf qui a écrit les Harry Potter, au troisième tome, elle partait dans autre chose… Faut pas être débile, quoi ! Donc en gros, t’es un peu prisonnier d’un délire, mais du coup, tu te renfermes volontairement dans un cadre, mais si demain je ne m’amuse plus dans ce cadre, si je n’arrive pas à trouver les outils qui vont alimenter ma libido pour faire du Trepalium, je m’arrêterai. Mais en tout cas, pour l’instant, j’y arrive. Mais c’est cadré, c’est volontaire. Du coup, tu te nourris de choses et tu cultives un truc.
« Là, enfin, au bout d’un an, je pense que nous pouvons faire sonner tous les titres sur scène ! J’avais quand même des doutes sur trois morceaux sur sept ! [Rires] Tu les joues en répète, tu te dis : ‘Putain, c’est injouable, ce truc !’ […] C’est peut-être le premier album à m’avoir fait ça. »
Renato, Trepalium est peut-être le groupe le plus technique dans lequel tu aies chanté. Du coup, est-ce que ça t’a poussé à aller plus loin techniquement avec ta voix ? Je pense notamment à un morceau comme « Secretly Depressed » sur lequel tu te donnes pas mal. Je n’ai pas souvenir de t’avoir entendu chanter aussi aigu…
Renato : Sur celui-ci en particulier, vu que c’est le tout premier que j’ai écrit pour Trepal, je pense que j’ai voulu tenter plein de nouveaux trucs pour leur montrer ce qu’il était possible de faire avec ma voix. C’est le premier titre que Harun m’a envoyé en mode composition, en me disant : « Vas-y, essaye d’écrire un peu ce que tu veux, tu as carte blanche. » Là, je pense que j’ai eu envie de tester dix mille trucs pour voir ce qui fonctionnait ou pas avec Trepalium. Donc oui, celui-ci particulièrement, c’est un morceau un peu laboratoire. Donc c’est bien joué de ta part, tu l’as bien relevé ! Et une fois que j’ai fait ça, ça m’a ouvert tout le reste, car après, je me suis dit : « OK, je peux faire un morceau comme ça, un morceau comme ça… Si je le souhaite, en tout cas, ça marchera avec Trepalium. » Dans « Secretly Depressed », il y a presque tout ce que j’utilise sur l’album. Tout est dans ce morceau, quasiment. Mais sinon, ça n’a pas poussé vraiment à aller chercher des trucs techniques. C’était plutôt le truc d’aller chercher des trucs originaux. Flayed, ça ne le paraît pas, mais c’est extrêmement technique, et ça me pousse au quotidien à expérimenter de nouveaux trucs pour ne pas faire de redite, d’autant que c’est du rock, alors faut y aller ! Et j’adore les défis, donc quand Trepal a débarqué, et quand Harun m’a dit « vas-y, fais ce que tu veux, juste pour voir », je me suis dit : « Bon, bah, je vais vraiment faire ce que je veux, juste pour voir, et à partir de là, ça sera une belle base de travail ! » Et il s’est avéré que ça s’est passé exactement comme prévu.
Harun : Après, « To The Sun », c’était quand même une épreuve difficile, ce morceau…
Renato : Horrible !
Harun : Parce que ce morceau est technique en termes de placement rythmique au niveau de la voix. Je me suis dit que j’allais refaire un morceau, mais pas du tout comme « Fire On Skin » dans le riffing, mais avec cette base rythmique, le côté shuffle décalé, avec une caisse claire tout le temps en l’air, avec une cymbale qui répond. J’arrive avec un riff de guitare qui tricote et je lui disais : « Vas-y, chante ! » Et là, c’était : « Arghhh, putain, le con ! »
Renato : En fait, celui-ci, j’ai dû mettre au moins six mois à l’écrire. Il y a eu à peu près douze versions différentes. À chaque fois, il y avait des bons trucs, mais il n’y avait pas le truc qui pétait. Et en fait, au bout de quand même six mois, en piquant à droite à gauche dans toutes les idées que j’avais proposées, nous avons quand même réussi à fabriquer à peu près un bon titre, mais la révélation a eu lieu en studio, en fait ! Parce que oui, il y avait tout une base de shuffle que je n’avais même pas percutée en écoutant le titre, et même en le réécoutant et en l’écrivant dix mille fois. Mais c’est Thibault Chaumont [le producteur] qui me l’a expliquée, qui me l’a montrée physiquement, en reprenant mes parties en les re-fabriquant, et en me disant : « En fait, ce que tu vas faire, c’est que tu vas tracer tout droit, comme toi tu le sens. Je vais recaler absolument tous tes trucs pour que ça fasse comme nous on l’entend, comme Trepalium l’entend, comme ça doit sonner pour Trepalium, et après, tu le rechanteras comme ça si tu as compris comment ça devait tourner. » Et ça s’est encore une fois passé comme ça. Il m’a montré comment il fallait chanter sur du Trepalium, et sur ce morceau en particulier, le numéro cinq, « To The Sun ». Et derrière ça, ça a débloqué… Tout l’enregistrement derrière en a découlé hyper-facilement, et ça s’est fait très vite, grâce à ce travail-là. Donc oui, quand même, il y a vraiment eu du gros boulot sur ce skeud, putain !
Harun : C’est vrai que ça n’était pas toujours simple. Mais tu vois, un morceau comme « Feelin’ Cold », c’était un one-shot. T’as tout rentré… Il me demandait : « Tu vois des modifs ? » Parce que souvent, il m’envoyait un truc, je lui faisais faire des modifs, il me renvoyait un autre truc… Et là, c’était : « Ben non, mais c’est nickel là Renat ! »
Renato : Voilà. En fait, « Feelin’ Cold », « Secretly Depressed », et le dernier, « Everything Is Supposed To Be Ok », ce sont des one-shots. Tous les autres, nous avons beaucoup, beaucoup travaillé dessus.
Harun, tu as déclaré avoir poussé le travail des guitares sur cet album, et que ça t’avait même apporté des difficultés. Est-ce que tu peux nous en parler plus en détail ?
Harun : La vision personnelle que j’ai d’album en album, c’est que j’ai toujours poussé le travail de la guitare. C’est comme : « Tiens, c’est l’album de la maturité », ça veut tout dire et rien dire. L’EP d’avant, j’estime que c’est un peu notre black album, mais ça, c’est un autre black album, pour moi. L’idée, c’était : « J’ai envie de faire un truc aussi qualitatif, mais un peu différent. » Mais si tu entres dans les riffs de guitare, si t’es à côté de moi et que je vais te montrer les riffs, tu vas me dire : « Putain, t’as des renversements d’accords ! » Je me retrouve parfois avec les doigts vachement écartés, des arpèges, des renversements et des mélodies qui sont construits un peu différemment. Du coup, j’ai poussé là-dedans, et je me suis retrouvé à avoir des mélodies qui se construisent quasiment sur les six cordes, dans le riff, et c’est hyper-dur à faire sonner. Là, enfin, au bout d’un an, je pense que nous pouvons faire sonner tous les titres sur scène ! J’avais quand même des doutes sur trois morceaux sur sept ! [Rires] Tu les joues en répète, tu te dis : « Putain, c’est injouable, ce truc ! » Alors, pas injouable techniquement, mais à faire sonner en groupe, il y a un truc qui ne marche pas ! Tu te dis qu’en studio ça marche, et quand tu le fais, t’es en train d’interroger le bassiste, le batteur : « Attends, ton appui, tu le fais comment ? Et la basse, attends, tu l’as enregistré comme ça ce truc ? Putain, mais ça ne sonne pas ! » Et tu te poses mille questions !
« Les gens s’en foutent que ce soit un EP ou un album. Tant que c’est qualitatif, tant qu’ils se retrouvent et qu’ils se disent : ‘Putain, cet album/cet EP me parle !’ Ce n’est pas la longueur qui compte ! [Rires] Et ça, c’est une vérité absolue. »
C’est peut-être le premier album à m’avoir fait ça. C’est dans ce sens que je pense que j’ai poussé un travail de guitare différent. L’EP d’avant, c’était tout mon savoir-faire dans du Trepalium, et je pensais beaucoup à la scène [il chante un riff très rythmique et percutant]. Je cherchais vraiment le côté « patate dans la gueule » ! Je pense que ça se sent sur la majorité de cet EP. Et là, déjà, t’es debout. Tu enregistres souvent assis, donc tu n’es pas debout comme un con dans ton salon. Tu répètes, t’as le poignet qui est tordu, et tu plaques ton accord, t’es là : « Waouh, putain, con ! » Ce n’est pas très agréable à jouer, tu vois ! Le morceau, t’en es content, mais à l’interpréter, ça devient… Tu te dis : « Putain, je ne referai plus ce type d’accord ! » [Rires] Du coup, je pense qu’il y a eu un travail au niveau de la recherche harmonique. Il y a une difficulté qui s’est rajoutée dans Trepalium. Dans le jeu, ce n’est pas évident.
L’album est vraiment très court : vingt minutes. Qu’est-ce qui vous fait dire que ce n’est pas un EP finalement ?
Moi, je partais sur un album dix titres. Je me disais : « Neuf, au pire. » Je me disais aussi : « Bon, il y a bien des albums de huit titres… » Mais je ne me le disais pas en mode flemme. Je me disais qu’un album, ça pouvait être huit titres, et encore, si tu fais des morceaux vachement longs, tu peux te retrouver avec un titre ou deux ! Là, je voyais bien que l’inspiration du moment, quand j’ai travaillé là-dessus, c’était : un couplet, un refrain, parfois une variation, un couplet, un refrain, un pont, une conclusion, voire une partie solo… C’était du ABC ou du ABAB. C’était une approche très rock, structurellement parlant, et ça faisait des formats FM, vraiment calibrés sur deux minutes trente, trois minutes trente, malgré moi. C’était l’inspiration de cet album. Je suis vraiment pour la qualité du discours. Je n’ai pas envie de rallonger des plans pour rallonger. Si je le sentais comme ça au départ, et que ça devait finir comme ça, je le faisais comme ça. Ça m’arrive des fois de remettre en question un truc, parce qu’on en parle, « tiens, on va rallonger ce thème », et je commence à bricoler avec ce que j’ai pensé en amont.
Je me suis finalement retrouvé avec sept titres et là, plus rien. Je me suis dit : « Je n’ai rien d’autre à dire sur cet album. » J’avais sept titres. Je me disais : « Bon, c’est un petit album. » Ce n’était pas un EP, sept titres. Sauf que quand l’écriture du skeud était finie, j’ai mis les morceaux bout à bout, j’ai regardé le temps et je me suis dit : « Putain, il est même un peu plus court que l’EP ! » L’autre fait vingt-trois minutes, lui vingt et une minutes, donc techniquement, en termes de durée, c’est un EP, mais il y a quand même sept titres. Ça fait un peu mini-album. Ça aurait pu être un album divisé en deux. D’ailleurs, il y a un titre qui s’appelle « Aimless Path (Part I) », le quatrième titre. C’était une suggestion de ma part pour Renato, parce que c’est un titre qui finit très court, sur une partie piano, et je lui disais : « C’est la fin du morceau, mais ce n’est pas conclusif. » Nous nous disions : « Ça finit, mais il devrait être plus long, là c’est trop court. » Et je leur ai dit : « C’est un morceau qu’on ne jouera pas sur scène, et va l’appeler ‘Part I’ » – « Et le ‘Part II’ ? » Le truc il est là : le « Part II » sera sur un autre disque. Tu as des concepts qui naissent pendant la fabrication du truc. Tu n’y as pas pensé, et tu y penses après coup. Tu te dis : « Tiens, on va le faire comme ça. »
Eh oui, c’est court, mais je n’avais pas envie de dire autre chose. Et comme disait un ami qui travaille dans un mag et qui m’interviewait l’autre jour : « Putain, j’adore ce disque, mais qu’est-ce qu’il est frustrant ! T’arrives au septième, tu te dis : ‘Putain, y’en a pas d’autres ?!’ » [rires]. Et je lui disais : « Ouais, mais t’as la sensation qu’il nous manque des morceaux ? » « Non, c’est pas ça, c’est juste que, c’est très bien, ça commence, et ça finit, et tu te dis : ‘Putain, ça dure vingt et une minutes !’ » Pour une reprise, psychologiquement parlant, en changeant de chanteur, avec tous les efforts que ça a demandés pour essayer de se renouveler en termes d’écriture musicale, et aussi parce que ce n’est pas le même chant, il y avait beaucoup de paramètres à gérer, beaucoup de fatigue qui s’accumulait… C’était très différent des autres albums, finalement, en termes d’énergie. Je pense que je n’avais rien d’autre à dire en termes d’écriture.
En tout cas, ce terme existe : c’est un mini-album, j’appelle ça comme ça ! Mais techniquement, tu appelles ça un EP… Et notre EP, nous avons tourné avec, donc six nouveaux titres et nous ne jouions pas le dernier, qui n’était pas calibré pour la scène. Donc avec cinq nouveaux titres, en remaniant, sélectionnant les titres et en faisant un concept boogie-metal machin, en appuyant le truc sur scène, nous avons tourné comme un album, et c’est un EP. Comme quoi, les gens s’en foutent que ce soit un EP ou un album. Tant que c’est qualitatif, tant qu’ils se retrouvent et qu’ils se disent : « Putain, cet album/cet EP me parle ! » Ce n’est pas la longueur qui compte ! [Rires] Et ça, c’est une vérité absolue. Après, que tu sois frustré, je l’entends, et tant pis pour toi ! C’est que l’effet voulu fonctionne ! Et puis c’est tellement old school de faire dix, douze, treize, quatorze titres, d’être généreux comme ça… Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, nous avons déjà fait du treize titres ou des trucs de quasiment cinquante-cinq minutes. Mais ce n’est pas une fin en soi, on s’en fout, c’est un faux débat. Je te l’accorde, tu peux te dire, au bout de trois ans : « Ah, ils auraient pu faire un peu plus ! » Mais la soirée est finie, je n’ai rien d’autre à dire !
« Il fallait un premier pas, nous l’avons fait, donc le deuxième pas, c’est ce que je disais à Renato avant-hier : ‘Le prochain, faut qu’il soit vraiment fou, vraiment bien dark et violent !' »
Sur la pochette, on dirait qu’on retrouve le masque que tu as utilisé avec Mali Kanu et sur la pochette de l’album de Step In Fluid…
[Coupe] Ce n’est pas le même masque ! Évidemment, les gens qui me connaissent et qui s’intéressent aux divers projets voient qu’il y a un lien. Mais c’est un lien vraiment superficiel. En tout cas, il y avait un lien entre l’EP de Mali Kanu et Step In Fluid, car c’est le même masque, pour le coup. D’ailleurs, j’ai fait une vidéo d’une reprise d’Andy McKee à la sèche et ce masque-là, tu le retrouves sur le poster du dernier Step In Fluid, et nous l’avons mis exprès en fond de vidéo. Ce sont des petits trucs, des petits gimmicks qui se retrouvent. Croiser les idées, c’est la preuve que tu te nourris de ce que tu fais.
A la base, nous cherchions une pochette, donc nous regardions ce que des artistes faisaient sur Instagram, nous étions dans le camion. Moi, je n’ai pas Instagram, mais du coup, j’ai taxé le portable de Renato et en scrollant avec mon pouce, je suis tombé sur un mec qui avait fait un visage à la craie par terre, vraiment stylisé comme un enfant, et qui avait fait des « cinq » barrés, partout, un peu comme un schizophrène, comme dans Le Nombre 23, à le mettre partout sur le bitume. Il avait fait une photo et je m’étais dit : « Putain, c’est flippant, ce truc ! Ça fait vaudou en même temps ! » Mais le dessin n’était pas très beau. Du coup, je l’ai montré aux gars, et je leur ai dit : « Putain, ça ferait une belle pochette, ça ! » Et c’est là que j’ai dit à Renat’ : « Tu veux pas envoyer un message à cet artiste ? On lui rachète la photo et ça nous fait notre pochette ! » Parce que tout le monde a trouvé l’idée cool, mais esthétiquement ce n’était pas fou. Au bout de deux jours, Renato a dit : « Bon, je n’arrive pas à le joindre. Du coup, j’ai fait la pochette avec mon portable ! » « Ah bon ?! » « Ouais, je suis allé acheter un masque et j’ai gardé le délire du cinq. » Je leur avais dit qu’avec le « cinq », j’avais vu le concept dans l’image : le groupe était mort à cinq disques, après l’EP, et je me disais que c’était le revenant après la mort, c’est le masque qui ressort du sol, ça rejoint un peu le délire vaudou. Je me disais : « Putain, tout est là, c’est plein de suggestions, il y a plusieurs niveaux de lecture. »
En même temps, je m’étais dit que c’était encore un visage, ça faisait un lien avec Step In Fluid et Mali Kanu, mais ça, je ne l’avais pas évoqué avec les copains. C’était une idée où je me suis dit : « Pourquoi pas. » Mais ce qui m’importait, c’était le délire vaudou, écrit de façon un peu nerveuse au sol avec la craie. Et Renato a pris les devants, il a carrément fait une photo avec son portable, avec son masque, dans son jardin. Ça a coûté treize balles le masque ! Il nous a dit : « Vous en pensez quoi ? » Et nous lui avons dit : « Putain, mais c’est très beau ! » Du coup, il a envoyé la photo, que j’ai transférée à Gilles Estines, un pote qui travaille pour Kerozen, qui est graphiste, en lui demandant de faire le layout et travailler un peu le grain de la photo de Renato. Il a travaillé sur les blancs, les filtres, et ça donne une belle pochette. C’est marrant que tu aies fait la référence à Mali Kanu, parce qu’il n’y a que ma femme qui a fait la référence ! Chez moi, il y a un truc avec les masques…
Ça crée un lien entre les trois projets d’album qui symbolisent finalement une certaine période de ta vie…
Ça a été composé en même temps. En fait, j’ai composé le Step In Fluid, Mali Kanu et le Trepalium en même temps, enfin sur la même année. C’est vrai que pour le coup du masque, je ne m’attendais pas à faire une pochette avec un masque. C’est Renato qui a acheté un masque et qui a fait ça. Donc finalement, ce n’est pas un lien volontaire, c’est un accident dans l’art. C’est pour ça qu’il peut y avoir plusieurs niveaux de lecture. Quelqu’un comme toi qui va le regarder peut voir un lien avec Mali Kanu. Mais ça, j’y avais pensé sur le coup. Je m’étais dit que c’était marrant. Mais je n’en avais pas parlé aux gars plus que ça. Tu fais quelque chose, puis finalement c’est interprété autrement.
La dernière fois qu’on s’est parlé, tu disais que tu vendais le masque que tu as utilisé sur la pochette du Step In Fluid. Tu l’as vendu, finalement ?
Non, toujours pas ! Mais je le vends toujours, à cinq mille dollars ! Et il va prendre de la valeur, tu vas voir, dans dix albums ! [Rires] Si ça se trouve, quand je serai décédé, il se vendra bien… Je rigole, mais je ne l’ai pas vendu. Puis tu sais quoi ? Je vais le garder en déco, parce que je l’aime bien. Ma fille tripe dessus. Elle m’a demandé de le mettre l’autre jour et de danser, comme dans le clip. Elle a trois ans. Je lui ai dit : « Non, on n’a pas le temps, on va à la crèche ! » [Rires] Elle a un peu peur, mais elle l’aime bien, parce que c’est son papa !
Maintenant que vous avez Renato dans le groupe, penses-tu que sa plus grande polyvalence, notamment au niveau mélodique, ouvrira d’autres perspectives pour Trepalium à l’avenir ?
Bien sûr. Je pense que ta question n’est pas anodine, c’est que tu l’imagines ! J’ai plein de potes qui me l’ont dit ! « Vous allez peut-être pouvoir faire plein de trucs, non ? » Bien sûr ! [Rires] Maintenant, il fallait un premier pas, nous l’avons fait, donc le deuxième pas, c’est ce que je disais à Renato avant-hier : « Le prochain, faut qu’il soit vraiment fou, vraiment bien dark et violent ! » J’ai envie d’un truc… je n’en dis pas plus. Mais avec ses capacités vocales, il y a moyen de faire des trucs sympas. J’ai horreur de parler du futur comme ça, non pas par superstition, pour la poisse ou quoi, mais parce que si ça se trouve, il n’y aura pas d’autre album, si ça se trouve ceci ou cela… On peut en parler, mais c’est toujours à prendre avec des pincettes. Le pire, c’est moi-même, si je change d’avis, que je pars dans un autre délire… Tu vas peut-être te dire : « Tiens, le disque suivant, finalement, ils ne sont pas partis dans le délire d’exploiter sa voix à fond… » [rires]. Mais nous kiffons le prog, nous kiffons les défis, donc il n’y a pas de raison pour que nous n’allions pas dans ce sens.
Interview réalisée par téléphone le 13 février 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Robin Collas.
Facebook officiel de Trepalium : www.facebook.com/TREPALIUMBAND.
Acheter l’album From The Ground.
Bon, bah Le Renat’ il a trouvé une bonne gâche!
Premiere fois que j’ai vu le loustic’, c’était au Ninkasi Kao, période « Old Days ». Les Godamn ouvrent avec « Landing For My Pride ». Le groupe était d’une puissance absolue, l’envie de tout bouffer. Et Renat’ il a pris le public par les couilles et a tout broyé.
Trepal’ c’était au Lyon Metal Fest, et booouuumMM. « Daddy’s Happy ». Depuis, ce riff me rend dingue!
Et puis re-vu Renat’ au Batmaz en Lorraine avec Addicited, première party de Crowbar avec Flayed, au Sylak…
Bref, suis pas là pour faire la liste, mais reste très enthousiaste sur ce rapprochement de très bons artistes locaux.
En regardant plus loin, je leur souhaite de percer et grimper vers un nouveau level.
One step « far » beyond…
« Putain, on aurait pu l’appeler The Heaviest Blues Of The Universe !
Nous ne sommes pas Ultra Vomit, nous n’avons pas l’aura de l’humour qu’ils ont ! Ça serait mal passé. »
J’aurais trouvé ça énorme, moi 😀