Sans se mentir, le temps a paru long depuis le dernier EP de Trepalium, Voodoo Moonshine, ensuite renommé Damballa’s Voodoo Doll en raison d’un litige juridique. Depuis, le groupe s’est fait plus discret, jusqu’à la parution du deuxième opus de Step In Fluid justement intitulé Back In Business l’an dernier. Voodoo Moonshine avait brillé par son originalité, conjuguant l’essence death de Trepalium avec un trip vaudou et une pléthore de références au jazz swing et au boogie-woogie des années 1930. Trepalium réussissait à forger une identité sonore unique qui faisait tout simplement saliver. Six ans plus tard, From The Ground voit le jour et Trepalium n’est plus tout à fait le même. Le départ du chanteur Cédric « KK » Punda en 2017 a évidemment poussé le groupe à s’interroger sur son identité et son avenir. Est alors arrivé Renato Di Folco de Flayed. Juste ce qu’il faut pour que la magie reprenne et que le culte du groove perdure.
Les toutes premières secondes de « From The Ground » permettent d’identifier immédiatement les intentions de Trepalium. Voodoo Moonshine a évidemment marqué de son empreinte l’orientation sonore du groupe, toujours adepte d’un jeu de guitare extrêmement articulé. Le riffing de Trepalium se veut peut-être plus incisif et moins soucieux d’installer une atmosphère très typée à l’inverse du précédent EP. From The Ground choisit d’ailleurs d’omettre les cuivres mais conserve toujours l’utilisation du piano (avec cette ambiance « saloon » qui transparaît parfois sur « From The Groud » justement), des claviers et de l’orgue Hammond ; les nappes de « Twins Brawl » se conjuguent parfaitement avec la tension rythmique instaurée. Trepalium parvient à éviter la redite et les ingrédients singuliers de sa formule ne doivent pas induire en erreur : From The Ground n’est pas un Voodoo Moonshine 2.0. Trepalium a pris soin d’apporter nombre de modifications subtiles, la principale étant l’infusion d’éléments blues dans son discours. À ce jeu, « Feelin’ Cold » remporte la palme, sorte de groove blues aux sabots très lourds, une rythmique archi-plombée aérée par quelques envolées guitaristiques en guise de mouvements. En somme, Trepalium s’est amusé à dessiner les contours d’un blues de body-builder, ou « power-blues » si l’on veut jongler avec les registres. « To The Sun » est quant à lui moins explicite quant à ses influences. Le titre vaut à lui seul le détour, ne serait-ce que par son solo au bottleneck et la rythmique parfaitement ciselée qui le soutient. Définitivement, Trepalium brille lorsqu’il conjugue des univers a priori opposés, du moins en théorie. Le piano de « Aimless Path (Part 1) » côtoie sans pâlir les élancées à la Pantera que Trepalium dissémine tout au long de l’opus sans jamais les rendre trop grossières. L’art du dosage.
L’atout principal de From The Ground reste la prestation de Renato. Ce dernier s’est évertué à convaincre que Trepalium lui sied parfaitement. Les premières lignes de chant de « From The Ground » ne peuvent pas lui donner tort. Certes, Renato ne possède pas le timbre death de son prédécesseur. Il joue davantage sur l’articulation et un placement aux petits oignons : le bagage rock du chanteur se calque parfaitement sur l’orientation actuelle de Trepalium. Il sait placer ses accents, profitant de tous les interstices laissés par le travail chirurgical, à l’instar du pseudo-refrain de « Twins Brawl ». Il parvient en outre à donner l’impression de s’extraire des contraintes rythmiques sur un titre comme « To The Sun » en variant ses intentions, de la phrase presque déclamée à la ligne scandée, jusqu’à partir dans des envolées viscérales lorsqu’il monte dans les aigus sur « Secretly Depressed ». Lorsque Trepalium emprunte des sentiers plus mélodiques, à l’image d’« Everything Is Supposed To Be Ok », Renato apporte tout son feeling auquel Flayed nous a familiarisés. From The Ground laisse inévitablement l’impression d’une alchimie naturelle qui sublime toutes les facettes de Trepalium.
From The Ground est un argument supplémentaire à mettre au crédit de Trepalium. Le groupe ne sonne comme personne d’autre et ses influences sont pourtant transparentes. L’expérience Voodoo Moonshine a certes définitivement débridé le groupe. Trepalium se veut peut-être moins frontal et violent, pas moins puissant et groovy. Le groupe est toujours l’un des défenseurs les plus éloquents de l’intérêt d’étendre sa culture musicale et le fait sans perdre ce cachet de « musique live », complètement organique. From The Ground, ou de l’intérêt de rire des catégories.
Chanson « From The Ground » :
Album From The Ground, sortie le 6 mars 2020 via Klonosphere. Disponible à l’achat ici