Si son prédécesseur Shogun (2008) était une réussite par sa qualité d’accroche (est-il humainement possible de se lasser d’un tube comme « Throes Of Perdition » ?), le nouvel album de Trivium qui est sorti ce mardi chez Roadrunner, In Waves, n’est pas un disque à singles. S’il contient ses quelques morceaux à refrains, dont ce « Built To Fall » qui en rendra sans doute certains complètement fous, il est un disque moins abordable mais non moins réussi.
Matt Heafy insiste là dessus : il s’agit d’ailleurs, plus que de musique, d’une œuvre visuelle à part entière comprenant l’artwork, une série de clips, mais aussi le look qui sera arboré sur scène par les membres du groupe. L’ensemble est plus sombre que ce que Trivium a pu faire par le passé, en revanche, hors de question de révéler pourquoi. En grand fan de David Lynch, Matt voit la perception de l’art comme très personnelle et n’imposera aucune interprétation, pas même la sienne. Des interprétations, il y en aura donc autant qu’il y a d’auditeurs.
Matt est par ailleurs très fier et très sûr de lui concernant la démarche alternative que constitue ce In Waves par rapport à une scène metal qui, selon lui, tourne en rond.
Des opinions développées en détails dans la présente interview. Parmi d’autres sujets abordés, le départ de l’ancien batteur Travis Smith et l’apport du petit nouveau Nick Augusto, le rapport du groupe à sa communication et bien entendu, le sujet préféré du moment sur la scène metal : Lady Gaga.
Radio Metal : Musicalement, cet album est plus sombre que le précédent. Il en va de même pour les paroles qui abordent souvent le thème de la fin du monde avec des titres comme « Built To Fall », « Leaving This World Behind », « Watch The World Burn », « Inception Of The End ». La pochette, intégralement grise, n’est pas plus enjouée. D’où vient ce désespoir ?
Matt Heafy (guitare/chant) : On a eu l’idée pour cet album à peu près trois ans avant de commencer l’enregistrement, et on savait qu’on voulait quelque chose de complètement cohérent, un album où tous les visuels collent avec la musique et où tout se mêle pour créer un univers. Pour ce disque, on a travaillé avec en tout cinq artistes sur des thématiques visuelles différentes (pochette, design, documentaire, live, costumes de scène et clips…). Avec tous ces gens travaillant sur tout, ça a pris un bout de temps pour que les accessoires soient prêts et on voulait vraiment refaire notre image. On voulait faire quelque chose de complètement différent de tout ce qu’on a vu dans le metal. Clairement, on n’est pas seulement un groupe de metal, ou un groupe qui s’inspire uniquement du metal, on s’inspire de tout. Donc, lorsqu’il s’agit de l’artwork, les titres des chansons, les paroles, tout ce qui est dans cet album, on veut tout laisser ouvert à l’interprétation de l’auditeur ou du spectateur, donc il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse à ce que tout cela signifie, et on ne vient pas dire à qui que ce soit ce qu’ils sont censés penser que cela signifie.
Dans la plupart des interviews qui sont parues pour la promotion de ces albums, le groupe est toujours resté très évasif en ce qui concerne la signification du titre et des paroles. Est-ce parce qu’il n’y a pas de signification précise ou bien est-ce simplement parce que tu veux garder le sens véritable pour toi ?
Je me souviens quand j’étais un gosse, et que j’aimais une chanson, elle avait un sens pour moi. Et plus tard lorsque je tombais sur une interview de l’artiste, je découvrais que la chanson avait un autre sens, complètement différent, et ça tuait la chanson pour moi. Et je pense que toute grande œuvre d’art doit être appréciée sans qu’il n’y ait quelqu’un pour nous dire ce qu’on est censés en penser ou ressentir, il faut laisser les gens créer leurs propres émotions. Il y a des gens qui m’ont dit qu’ils trouvaient la musique très sombre et pessimiste, d’autres qui la trouvaient au contraire très positive. C’est ça que je veux préserver, je veux que les gens puissent avoir leur propre idée. Et une de mes grosses inspirations pour cet album, artistiquement et même au niveau de ma motivation, c’est David Lynch, le réalisateur. Son truc, c’est de ne jamais expliquer ce que veulent dire ses films, ou ce qu’on est censé en tirer. Il permet aux gens de laisser libre court à leur imagination et créer leur propre image de ce qu’ils pensent que c’est. Donc je voulais faire quelque chose dans le même esprit.
« Il s’agit du projet le plus complet que nous ayons réalisé » : c’est ainsi que vous décrivez In Waves. Et effectivement, l’assemblage entre les chansons, la pochette, les paroles et le clip est cohérent. Doit-on s’attendre à un travail spécial sur le jeu de scène également ?
Oui, en concert on va apporter le visuel de l’album sur scène. Notre but est – le but de tout groupe devrait être – de pouvoir jouer dans plus d’endroits et des endroits plus grands, afin de pouvoir mettre plus d’argent dans la prestation scénique et faire de plus gros spectacles pour recréer l’univers d’In Waves sur scène. Si tu regardes les photos et les vidéos du Mayhem Tour, tu peux voir que sur scène on porte les habits des clips, on a les visuels des albums et on fait tout ce qu’on peut pour apporter l’univers d’In Waves sur scène.
Puisque vous semblez particulièrement fiers de ce disque, comptez-vous le jouer dans son intégralité ?
J’adorerais faire ça. Mais il s’agit surtout de voir si c’est ce que veulent les fans. J’aimerais le faire, je suis chaud à 100%, donc je suppose qu’on verra bientôt, en fonction du succès de l’album.
Puisque In Waves n’est pas seulement un album de musique, mais une œuvre artistique à part entière, comprenant également le lyrique et le visuel, comptez-vous aller plus loin à l’avenir et explorer d’autres formes d’art ?
Tout à fait. La prochaine vidéo qu’on va tourner sera pour « Built To Fall » et ce sera le prochain épisode des vidéos d’In Waves. Si tu imagines la série comme ayant dix épisodes, « In Waves » était l’épisode 4, et « Built To Fall » sera l’épisode 5, donc clairement, on va bouger un peu dans tous les sens. J’ai observé le metal et j’ai remarqué qu’il est resté coincé avec le même style, la même forme et la même sensation depuis trente ans, et on veut prendre ça dans une nouvelle direction, au moins pour notre groupe, et faire quelque chose de complètement différent. Je suis très influencé par l’art visuel, même plus que par l’art sonore maintenant, c’est vraiment ça qui m’inspire. Donc j’espère qu’un jour on pourra monter ça encore d’un cran.
Peut-être pour le prochain album prévois-tu d’aller plus loin et peut-être faire un film comme le fait Nightwish, écrire un livre ou faire un jeu vidéo ?
Ouais, on verra ce qu’on peut en sortir. J’aimerais vraiment repousser encore les limites et faire des choses nouvelles. Donc il y a des tas de choses qu’on pourrait faire, on va toujours tenter.
Tu as déclaré que le départ de Travis Smith (batterie) avait sauvé le groupe, que c’était un mal nécessaire. Aviez-vous conscience de cela avant que Travis ne parte ou bien avez-vous réalisé cela alors qu’il était encore dans le groupe ?
Évidemment, on n’aurait pas décidé de faire ce changement si les choses n’allaient pas mal, et ce n’est pas juste de sa faute, l’alchimie entre nous quatre n’était plus là, et sans elle, on ne peut pas être créatifs. Donc quand t’es dans un groupe où tu ne peux pas être créatif et où tu ne peux pas faire quelque chose de chouette, il n’y a aucun intérêt. On était potentiellement partis pour se séparer et arrêter le groupe, donc il fallait faire un changement pour pouvoir amener ce combo à un niveau supérieur
Quel a été l’apport de votre nouveau batteur Nick Augusto dans le processus de composition de ce disque ?
Nick vient du death metal technique et du grindcore, donc on savait qu’avec son niveau, il pouvait jouer n’importe quoi. On savait qu’on n’avait pas de limites dans notre créativité. On savait que ça serait facile pour lui de le faire. Donc quand il était question de pouvoir écrire la musique, c’était quelque chose de très libérateur.
La double grosse caisse est très présente sur cet album. Est-ce parce que c’est le style de jeu de Nick ou bien a-t-il joué comme ça pour s’adapter aux compos ?
Il a clairement dû s’adapter. Tu sais, on s’est tous adaptés. On a tous un style un peu différent en dehors de Trivium, donc lorsqu’il est l’heure de faire du Trivium, on trouve tous notre son, et je pense qu’avec cet album on a vraiment trouvé qui on était en tant que musiciens dans Trivium. Je sens qu’on a vraiment défini le son de Trivium avec cet album.
Vous avez déclaré que votre producteur Colin Richardson ne commence à enregistrer que si le groupe joue parfaitement ses parties et sonne déjà très bien avant l’étape de production. Corey (guitare) a déclaré « Il ne prend pas un groupe de merde pour le faire sonner comme un super groupe. » Trouves-tu que trop de groupes se reposent sur le travail du producteur ?
Oh oui, tout à fait. Colin Richardson est le genre de producteur qu’il faut vraiment venir voir une fois que tu es suffisamment préparé. Tu ne peux pas être un groupe qui ne sait pas vraiment ce qu’il fait, il faut que tout soit réglé au poil. Je pense que ce qu’il fait de mieux, c’est sublimer le son déjà préétabli d’un groupe. Il n’est pas là pour t’aider à trouver un son.
L’exigence de Colin Richardson a-t-elle été difficile à satisfaire ? Aviez-vous des lacunes en termes d’interprétation et de son qu’il vous a fallu pallier ?
Lorsque Colin est venu à nous, notre musique était vraiment prête. Je veux dire, trois ans avant l’enregistrement, on a eu l’idée pour cet album, deux ans avant l’enregistrement, on avait commencé la composition, et le moment venu, on avait déjà fait huit mois de démos, et huit mois à se préparer nous-mêmes avant même de rencontrer Colin. Tout était en place. Donc il a suffit juste qu’il apporte sa petite touche ici et là et qu’il nous guide pour qu’on donne la meilleure prestation possible pour la musique qu’on avait créé.
Du coup, souhaitez vous entreprendre une démarche similaire pour travailler le jeu de scène, à savoir jouer sans artifices ni lumières pour améliorer le jeu de scène pur et dur ?
Eh bien, lorsqu’il était question de l’album, il y a eu tellement de préparation, et on a tellement joué ensemble qu’on était déjà préparés pour le jouer en live. Aujourd’hui on est le genre de groupe auquel tu peux demander n’importe laquelle de nos chansons. Même si cela fait deux mois qu’on ne l’a plus jouée, on sera en place. Avec tout ce boulot fait sur In Waves en amont, on est une machine bien huilée.
Tu as exprimé ton admiration envers les shows de Rammstein et Lady Gaga. Souhaiterais-tu, si Trivium en avait les moyens, réaliser ce type de concerts très visuels ?
Tu sais, ce que j’aime à propos de ces deux-là, c’est qu’ils ne font jamais ce que les gens leur disent de faire. Ils ne font pas ce que les gens pensent qu’ils devraient faire. Ils font juste exactement ce qu’ils ont envie de faire, et de la façon qu’ils veulent le faire. Et ils ont tous les deux été capables d’arriver là où ils en sont, à devenir de gros groupes, et à mettre leur argent dans les concerts. C’est le même genre de choses que j’aimerais faire. Je ne ferais pas forcément la même chose qu’eux mais j’aime leur manière de le faire, leur manière d’être créatif. Et j’ai vraiment l’impression que Rammstein, Gaga et nous-mêmes partageons les mêmes influences. Je peux sentir des petites touches David Lynch-esques dans une partie de leur travail et le même genre de touches d’art moderne dont je suis fan dans certaines de leurs vidéos et de leurs concerts.
Beaucoup d’artistes metal vantent les mérites de Lady Gaga dans la presse. A ton avis, pourquoi Lady Gaga touche-t-elle à ce point les artistes metal ?
Je ne suis pas sûr. J’ai lu qu’elle aimait vraiment le metal, donc peut être qu’on le ressent. Je pense que c’est une vraie icône visuelle, quelqu’un qui dégage quelque chose de particulier. Quelqu’un qui ne fait jamais ce qu’on demande d’elle, elle fait tout à sa façon, et on est aussi comme ça. Le metal est un genre sévère : si tu sors un peu du cadre de ce à quoi tu es censé ressembler en tant que groupe de metal, et de comment tu es censé sonner, tu peux avoir de gros ennuis. Et nous aimons nous rebeller contre ça. Je pense qu’elle a cette même philosophie et qu’au fond, les gens le voient également bien qu’ils ne s’en inspirent pas comme nous le faisons.
Quand vous étiez en studio, vous n’avez rien révélé, pas un seul nom de chanson, ni une seule vidéo du groupe en studio. Trouves tu que les groupes font un peu trop de communication et ruinent le mystère et la surprise ?
Tout à fait. Pour cet album je voulais vraiment que tout soit une surprise. On voulait retourner à la démarche old-school où il vous faut attendre la sortie de l’album. Je viens d’apprendre aujourd’hui que notre album a été « leaké », mais ça n’est pas si grave parce qu’on sait que ceux qui aiment le groupe vont tout de même l’acheter. Mais il n’empêche que nous n’étions pas ravis du fait qu’il soit sorti par petits bouts. On veut garder le mystère et ce qui fait de l’album un événement.
L’édition limitée de l’album contient cinq titres bonus. Ces pistes bonus ne sont pas à la fin de l’album comme des bonus normaux. Est-ce que cela signifie que ces morceaux n’étaient pas censés n’être que des bonus ?
Oui, c’était censé être vu comme un tout, et lorsqu’on a appris qu’on ne pourrait avoir qu’un certain nombre de pistes sur l’album, on en a viré quelques unes. Donc, à part « Shattering The Skies Above » et « Slave New World » qui sont de traditionnelles faces B, « Ensnare The Sun », « A Grey So Dark » et « Drowning In Slow Motion » faisaient à l’origine partie de l’album.
Dream Theater et Trivium vont tourner ensemble aux États-Unis à partir de fin septembre. Les deux groupes ont été séparés de leur batteur, est-ce une coïncidence ou bien ces événements vous ont-ils rapproché ?
Je pense que c’est une coïncidence, mais c’est marrant parce que les deux nouveaux batteurs (NDLR : Mike Mangini chez Dream Theater et Nick Augusto chez Trivium) sont italiens. J’ai l’impression que beaucoup de groupes changent soudainement de batteur en ce moment. C’est une coïncidence, mais peut-être que ça nous permettra de créer des liens. Qui sait ?
Interview réalisée le 2 août 2011 par phoner
Traduction : Stan
Site Internet Trivium : www.trivium.org
Excellent interview, étant un grand fan de Trivium, cet album était pour moi une nouvelle bouteille d’oxygène. C’est un très bon album on peux y retrouver un cover fort sympathique de Sepultura. Cependant je suis frustré ou j’ai des regrets de ne plus pouvoir entendre des Titres comme Pull Harder ou A Gunshot. Cet album (Ascendy) fut le meilleur jamais réalisé je pense.
Cependant In Waves du haut de ses 18 titres ce qui est relativement exceptionnel, nous délivre un une vision plus noir et plus personnel du groupe.
Matt en autre est véritablement un compositeur de talent (dede génie ?)
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Pour moi le meilleur album de trivium. On est loin de la formule de reprise du style de début comme l’on fait de nombreux groupe (metallica, korn, …) pour satisfaire les « fans ». Trivium ne cherche pas à plaire au grand nombre ils font ce qu’ils aiment et ça se ressent. Evidemment moi qui aime le changement ça me plait énormément des groupes comme ça. Hâte de les voir en concert !
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Tout ce blabla pour finalement proposer un album aussi ennuyeux et prévisible. Dommage
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Il est bien sympa Heafy et intelligent ce mec, un super compositeur, rien de que d’écouter Shogun ou même The crusade … y’a rien à dire ! Mais In Waves n’a rien de nouveau u_u. Pour ma part j’avais jamais écouter de quelque chose de semblable à Shogun ! Lui avait un univers et surtout une ambiance bien à lui, une âme !
Mais le dernier franchement, c’est sans âme O_o ça se laisse écouter OK mais c’est le genre d’album que t’écoute une ou 2fois et puis basta ranger sur le range disque, je le qualifierai pour ma part de plus accessible, le genre de music pour commencer le metal quoi !
Dommage car ils sont doués !
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moi je l’ai trouvé plat et chiant cet album… l’impression d’écouter 15 fois la même piste. Shogun était bien plus varié et accrocheur
pour quelqu’un qui dit que « la scène métal actuelle ne se renouvelle pas », il faudrait qu’ils évitent de faire du Bullet for my Valentine!
décevant…
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Je suis plutot fan de trivium pour leur musique mais apres cette interview je m appercois que tout ca vient de mecs comme Heafy qui est vraiment un exemple dans le monde de la musique!!
Trivium est pour moi un des meilleurs groupes sur la scene metal actuellement!!
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interview très intéressante, j’ai vraiment l’impression que Matt est vraiment quelqu’un qui veut faire son truc même si personne n’est pour, et perso j’aime beaucoup ça^^
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En plus perso j’ai était très satisfait de l’album, bien que très surprenant, il est vraiment très bien^^
J’étais même pas au courant que leur nouvel album était sorti o_O Vivement que je sois à Lyon pour aller l’acheter! 😛 L’interview donne vraiment envie, il a l’air d’être très soigné, donc énorme!
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Je ne savais pas que Ben l’Oncle Soul c’était mis aux écarteurs !
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Ca fait un peu jeune popeux-gominé-sur-le-retour.
Sans être fan et ne connaissant que très très peu le groupe, je pense que Trivium fait dorénavant partie de ces groupes qui n’ont maintenant plus grand chose à prouver, d’où cet album plus personnel au final.
La pochette est magnifique
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