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Interview   

Trust : au nom du plaisir


Avant juillet 2016, on ne donnait pas cher de l’avenir de Trust. A vrai dire, on ne s’attendait plus à les voir revenir après les rendez-vous manqués du Hellfest 2011 et du Sonisphere 2013. Voilà pourquoi on a pu être surpris de constater à quel point tout s’est passé à merveille, sans le moindre accroc, lors de la tournée des quarante ans l’an passé. Une tournée qui, d’un mois et demi à l’origine, a fini par s’étaler sur pas moins d’une année. Un succès certainement dû à la rareté d’un des plus mythiques de nos groupes de rock en France, mais aussi à leur volonté d’aller chercher le public dans chaque recoin de l’hexagone et à cette alchimie retrouvée entre Bernie Bonvoisin et Norbert Krief ; un « vieux couple », pour reprendre l’expression du guitariste, qui quarante ans après a su raviver la flamme dans leur relation.

C’est naturellement dans cette dynamique live que le combo s’est enfermé trois semaines dans la salle des fêtes de Saint-Ciers-Sur-Gironde, afin de s’atteler à son dixième disque (en comptant l’EP de 88) intitulé Dans Le Même Sang. Un album, mixé par le grand Mike Fraser, qui renoue avec la spontanéité brut du rock n’ roll, avec le sens de l’indignation et de l’engagement de Bernie, évidemment, et les riffs tantôt bluesy tantôt hard de Nono. C’est justement avec ce dernier que nous avons échangé afin d’en savoir plus sur cette reformation, la tournée et l’album. Difficile également de ne pas brièvement aborder le sujet de la disparition de notre Johnny national avec celui qui fut pendant longtemps son guitariste.

« Nous sommes un vieux couple, Bernie et moi. Nous avons eu des hauts et des bas, mais ça a toujours été dans le respect. […] Aujourd’hui, je dirais que notre relation est sereine et sage, comme un vieux couple. Des fois, il faut laisser le temps au temps pour que les gens apprennent. »

Radio Metal : Trust a annoncé son retour en juillet 2016 et s’est engagé dans une longue tournée d’un an en 2017, baptisée Au Nom De La Rage Tour, à l’occasion des quarante ans du groupe…

Norbert Krief (guitare) : Au départ – excuse-moi de te couper – nous étions partis pour tourner un mois et demi. Il se trouve que sur ce mois et demi ça a été complet deux mois à l’avance, partout, et du coup, nous avons dû rajouter des dates. Et on nous a tellement rajouté de dates que nous avons tourné pendant un an. Mais au départ, nous devions tourner pendant un mois et demi seulement.

On se souvient du rendez-vous manqué du Hellfest 2011, puis celui du Sonisphere 2013 à cause de gros soucis internes. Qu’est-ce qui a fait que ça a marché cette fois ?

Toutes les histoires anciennes sont des histoires anciennes. Donc si tu veux, moi, ça ne m’intéresse pas, ça n’intéresse pas Bernie. Il faut vivre au présent, et penser au présent, c’est ça qui est l’essentiel. Ce qui est fait est fait. Nous sommes un vieux couple, Bernie et moi. Nous avons eu des hauts et des bas, mais ça a toujours été dans le respect. Il s’est passé ce qui s’est passé, ce sont nos affaires, nos histoires, mais l’essentiel, c’est que nous ayons eu l’envie. Nous nous sommes retrouvés au mois de juin, ou début juillet 2016 sur une terrasse de café et en discutant, en buvant un café, nous nous sommes dit : « Tiens, l’année prochaine ça fera quarante ans, quand même, que nous avons monté le groupe. » Et nous nous sommes dit : « Faisons-nous plaisir, voyons si on peut trouver un tourneur, un manager et remontons le groupe pour se faire plaisir et fêter ces quarante ans ! » Au départ, c’était parti de là. Ça s’est fait en cinq minutes.

Il s’avère que nous avons refondé toute la structure autour de nous, un nouveau tourneur, un nouveau management, une nouvelle équipe, de nouveaux techniciens, etc. histoire de partir sur de nouvelles bases. Ensuite, nous avons booké un mois et demi de tournée, et il s’avère que c’était complet deux mois à l’avance partout. Nous avons tourné un an, c’était complet pendant un an. Et pendant cette année, évidemment, logiquement, nous nous amusons toujours à jouer pendant les balances, et je pense que le but de tout le monde, de tout artiste, c’est de ne pas vivre sur ses lauriers et sur son passé. Donc nous avons eu envie de faire des nouveaux titres. J’anticipe peut-être tes questions, mais grosso modo, nous avons commencé à composer pendant les balances en tournée, et puis nous avons décidé de faire un nouvel album. Tout se passe merveilleusement bien depuis décembre 2016. Nous sommes super contents. Apparemment, la tournée a été un succès puisque nous avons rempli pendant un an toutes ces salles. L’album qui vient de sortir le 30 mars, depuis un peu plus d’une semaine, ne reçoit que de bons éloges et de bons accueils, donc tout va bien.

Tu as parlé de Bernie et toi comme d’un vieux couple. Vous avez toujours eu une alchimie indéniable mais aussi des relations compliquées au fil des années. Aujourd’hui, comment tu décrirais votre relation ?

Aujourd’hui, je dirais que notre relation est sereine et sage, comme un vieux couple. Des fois, il faut laisser le temps au temps pour que les gens apprennent. Dans un couple, que ce soit un mari et une femme, ou peu importe, il y a des concessions à faire. Là, je vais philosopher un peu, mais tout, dans la vie, est une histoire d’équilibre. Pour en revenir à ta question, je pense qu’aujourd’hui, nous avons trouvé l’équilibre parfait, Bernie et moi. Ça fait quand même quarante ans que nous sommes ensemble et que nous nous supportons l’un et l’autre. Enfin, « supporter » n’est pas le mot, je dis juste ça sur le ton de la plaisanterie. Ça fait quand même quarante ans que nous nous connaissons, nous avons fait le tour de l’un et de l’autre, nous avons soixante-et-un ans tous les deux, nous sommes passés par moult phases, des hauts et des bas, mais aujourd’hui, je définis notre relation comme celle d’un couple serein et sage, sage dans notre relation. [Réfléchit] Plutôt serein ! Nous nous connaissons tellement bien, je le connais tellement bien et il me connaît tellement bien, que des fois nous n’avons même pas besoin de nous parler pour nous comprendre. Mais en même temps, je pense que c’est valable pour tous les humains. Avec l’âge, c’est bien connu, je ne connais pas l’adage exact, mais avec l’âge, on devient sage. Je veux dire sage, dans sa propre tête.

Je sais que pour cette reformation tu aurais adoré avoir le line-up des débuts, avec Vivi (Yves Brusco) et Jeannot (Jean-Emile Hanela). Est-ce que tu as essayé de les contacter dans cette optique ?

Oui, c’est vrai, mais ce n’était pas possible. Jeannot, ça fait un moment que j’essaie de le contacter. Mais lui est resté sur une rancœur terrible. Il n’a pas supporté que nous nous séparions de lui. Mais comme je t’ai dit, je n’ai pas envie de revenir sur le passé, sur nos histoires. Moi, quand j’essaie de revenir vers lui, que je lui envoie des messages, et qu’il ne me répond jamais, et que j’entends des bruits – je ne m’arrête pas aux bruits de couloirs parce que je m’en fous des ragots -, et que je sais pertinemment qu’il est resté sur une amertume et une rancune, je trouve que c’est tout à son désavantage. Si tu veux, je n’ai jamais réussi à rentrer en contact avec lui. Après, il faut savoir que Jeannot n’a pas loin de dix ans de plus que nous. Maintenant je ne sais pas, mais c’est vrai que dans l’absolu, j’aurais aimé, pour les quarante ans, j’en avais parlé à Bernie au départ, que nous retrouvions la formation, pas du premier album, parce que Raymond Manna a arrêté la basse depuis des années, et qu’il ne joue plus, mais la formation de Répression, j’aurais bien aimé. Mais Jeannot, ce n’est pas possible, et Vivi, ce n’était pas possible… Je n’ai pas à me justifier de quoi que ce soit, mais j’ai juste une chose à dire, c’est que c’est lui qui a décidé. C’est de son fait s’il n’est pas là aujourd’hui. Ce n’est pas de notre fait à nous. Donc c’est à lui qu’il faut poser la question. Mais en même temps, nous allons rentrer dans des histoires très perso du groupe et je trouve que ce n’est pas nécessaire.

« Il n’y a aucun problème d’ego, nous sommes bien chacun à notre place, chacun prend du plaisir à jouer avec l’autre. C’est une sensation que nous avons connue il y a très longtemps mais que nous redécouvrons aujourd’hui, où nous sommes vraiment en harmonie tous ensemble. »

Dans un texte qu’il a écrit dans le livret, Bernie dit que « jamais le line-up du groupe n’a été aussi juste. Chaque personne est à sa place. » Quels sont les points forts du line-up actuel selon toi ? Qu’est-ce qu’il a de plus ?

Des line-ups, nous en avons eu plein. Notre petit batteur – « petit » parce qu’il est jeune, il a 21 ans -, Christian Dupuy, c’est le treizième batteur du groupe. Donc ce n’est pas par choix délibéré ou par plaisir que nous en sommes à notre treizième batteur. C’est parce que malheureusement, dans la carrière du groupe, nous avons toujours eu des soucis avec les batteurs. Des guitaristes, nous en avons dû en avoir quatre, cinq ou six, et des bassistes, nous en avons dû en avoir quatre ou cinq. Donc quand Bernie dit ça, c’est simplement qu’aujourd’hui, nous nous sentons en totale harmonie. Quand il dit que chacun est à sa place, c’est qu’il n’y a aucun problème d’ego, nous sommes bien chacun à notre place, chacun prend du plaisir à jouer avec l’autre. C’est une sensation que nous avons connue il y a très longtemps mais que nous redécouvrons aujourd’hui, où nous sommes vraiment en harmonie tous ensemble. Il y a une atmosphère, une ambiance super, et musicalement, chacun fait son taf et le fait parfaitement bien. Que demander de plus ?

Comme tu le disais, la tournée a duré un an et vous avez fait énormément de dates, y compris dans de petites villes et plutôt dans des clubs, des petites salles. C’était un choix de votre part ? Vous cherchiez le contact et la proximité avec le public ?

Absolument. C’est un choix délibéré de notre part. Dès le début, nous nous sommes dit que pour la tournée d’un mois et demi que nous avons faite, nous tenions absolument à aller dans des petites salles, dans des villes où personne ne va jouer, dans des villes où il y a pas de Zénith. Nous avons été un des groupes les plus programmés de cette année 2017. Hormis les festivals, où ce n’est pas notre choix délibéré, notre choix était de faire de petites salles, et nous allons continuer, nous allons reprendre la route au mois de mai jusqu’à décembre 2018, et nous allons continuer sur cette lancée de ne faire que des petites et moyennes salles. C’est parce que nous aimons beaucoup ce genre de configuration. Faire des festivals comme le Hellfest devant cinquante-cinq mille personnes, faire la fête de l’Huma devant quatre-vingt-mille personnes, c’est méga top, ça flatte l’ego parce que tu as des dizaines de milliers de gens devant toi, c’est très flatteur, c’est super, mais ce n’est pas du tout le même rapport et le même échange qu’il y a avec le public. Il y a un temps de latence. Déjà le premier rang est à dix mètres, et puis il y a beaucoup de monde. Et puis la réaction n’est pas instantanée. Pour les cinq concerts parisiens que nous avons donnés, notamment à la Maroquinerie où les gens sont au bord de la scène et te touchent les chaussures pendant que tu joues, le contact est direct. Et ça, nous aimons. Et pour répondre aux détracteurs qui disent que nous nous sommes reformés pour le pognon, si nous avions voulu faire du pognon, nous ferions des Zénith, des Bercy à Paris, mais nous n’avons pas envie, en fait. Franchement, nous préférons faire plus de dates, plus de concerts, mais dans de petites salles. C’est tellement bien, les petites salles. Franchement, dans tous mes amis musiciens, et tu t’imagines bien que j’en connais beaucoup, moi qui ai fait les Bercy avec Johnny, qui ai fait d’immenses concerts avec Trust, franchement, les plaisirs les plus intenses, c’est dans des clubs, des petites salles. C’est un autre rapport avec le public. C’est un rapport direct, instantané. Nous aimons ça, j’aime ça, Bernie aime ça, donc ça a été notre choix.

Avez-vous vite retrouvé vos marques, ensemble sur scène ?

Oui, ça a été rapide. Il y a un temps de rodage, c’est normal, comme pour tous les groupes et parce nous n’avons pas beaucoup répété. Il faut roder les morceaux, faire tourner, prendre ses marques. Mais Bernie et moi avons retrouvé nos marques tout de suite. Musicalement, pour bien faire tourner les morceaux, trouver les bons arrangements, les trucs qui sont efficaces, ça demande quand même quelques concerts. C’est valable pour tout le monde. Surtout que nous avons dû répéter qu’une semaine, dix jours, et nous sommes partis sur la route. Donc il y avait le temps de rodage, mais après, ça a été rapide, oui. Il y a aussi eu un déclenchement après le Hellfest. À notre grande surprise et pour notre grand bonheur, nous avons retrouvé un public, parce que tu t’imagines bien qu’après quarante ans de groupe, il y avait les gens de notre génération, leurs gosses ou les jeunes de la génération suivante, et il y a aussi l’autre génération. Il y a quasiment trois générations. Et après le Hellfest, dans certaines salles, il y avait beaucoup de très jeunes, du genre dix-sept ans ou la vingtaine, beaucoup de filles aussi, bizarrement, alors que lorsqu’on fait du rock, du metal, un groupe engagé comme Trust attire plus les garçons. À notre grande surprise, après le Hellfest, nous avons remarqué qu’il y avait beaucoup de jeunes qui venaient nous voir. C’était une bonne surprise.

Est-ce qu’il y avait une appréhension en remontant sur scène après autant de temps ?

Toujours. Il y a toujours l’appréhension. Et heureusement qu’elle y est, d’ailleurs, parce que sinon, ça voudrait dire qu’on est blasé. Alors que nous ne sommes pas blasés. Mais l’appréhension, tous les artistes te le diront, tous les musiciens te le diront, le quart d’heure ou la demi-heure avant le concert, déjà, on sent que la tension monte. Il faut savoir que nous passons toute la journée ensemble, dans un minibus, dans un bus ou dans le train, et dans un seul but, c’est d’aller jouer le soir. Donc plus la journée avance, plus la tension monte. Mais elle est à son extrême, disons une demi-heure avant le concert. Là, on sent que ça va être bientôt à nous et c’est une bonne tension, une excitation. Nous sommes tout excités, en train de déconner, de s’amuser parce que c’est chouette, nous sommes contents d’y aller. Après, il y a la petite angoisse, ou plutôt appréhension, juste avant de monter sur scène, mais ça ne dure pas longtemps. Une fois que nous avons démarré, nous avons démarré.

« Moi qui ai fait les Bercy avec Johnny, qui ai fait d’immenses concerts avec Trust, franchement, les plaisirs les plus intenses, c’est dans des clubs, des petites salles. C’est un autre rapport avec le public. C’est un rapport direct, instantané. Nous aimons ça, j’aime ça, Bernie aime ça, donc ça a été notre choix. »

C’est seulement quelques mois après la fin de la tournée que vous avez sorti votre nouvel album, alors qu’en général c’est plutôt l’inverse qui se passe. Mais du coup, est-ce que le fait d’avoir fait cette tournée avant l’album vous a permis de tâter le terrain auprès des gens, pour voir si Trust signifiait encore quelque chose pour eux ?

Je t’avouerais franchement que quand nous avons remis le couvert en décembre 2016, déjà, nous ne savions pas que nous allions remplir. Nous voulions juste nous faire plaisir, fêter nos quarante ans, et nous n’avions aucune idée de si les gens allaient répondre présent. Mais après, ça a été déterminé tout de suite, dans le sens où deux mois après les premiers concerts, nous savions que c’était plein partout. Mais nous ne nous sommes pas posés la question, du fait que comme je t’ai dit, nous avions fait la première tournée qui était pleine à craquer partout, donc nous nous sommes dit que c’était chouette. Après, avec le tourneur, qui nous a rajouté des dates toutes les semaines, et qui nous en a tellement rajoutées que ça a duré un an, nous ne nous sommes pas posés la question. Le public a répondu présent, tout simplement, tous les soirs. Je pense aussi que c’est le bouche-à-oreille qui a fait que nous avons eu ce succès-là.

Il faut savoir qu’il y a quarante ans, nous avons réussi grâce au bouche-à-oreille. Lorsque nous avons commencé en 1977, le rock existait ailleurs, mais en France, c’était la mode disco, donc il y avait Téléphone qui avait commencé depuis à peine un an à cartonner, mais lorsque nous sommes arrivés, on nous a pris pour des Martiens. Nous n’étions pas du tout médiatisés, et personne ne parlait de nous. Donc nous sommes partis sur la route et le bouche-à-oreille a fait que chaque soir il y avait de plus en plus de monde. Ensuite, nous avons sorti l’album, qui n’a pas été médiatisé du tout, et après, le bouche-à-oreille a fait que nous en avons vendu presque un million. Et là, sur cette tournée, j’ai l’impression que c’était pareil. Il faut savoir que nous nous reformons environ tous les dix ans ; nous faisons un album tous les dix ans. Il y avait peut-être une attente, je ne sais pas, je ne l’explique pas. Nous constatons que c’était plein deux mois à l’avance, et qu’on nous a fait tourner pendant un an, qu’il y avait de plus en plus de monde et je pense que c’est aussi le bouche-à-oreille qui a fait ça. Parce que notre tournée de décembre n’était pas médiatisée, c’était de la promo locale. Parce que nous allions jouer, par exemple, à Clamecy, personne ne sait où est Clamecy en France. Le Val-d’Ajol aussi, il y a des villes comme ça qui sont inconnues ou que peu de monde connaît. Je pense que le bouche-à-oreille a fait que.

D’ailleurs, quand a été fait l’album par rapport à cette longue tournée ?

Il a été fait au mois d’avril. Nous avons joué, il me semble, au mois de mars, à Saint-Ciers-Sur-Gironde, dans une salle des fêtes, et c’est un bled que personne ne connaît aussi. La salle était pleine, il y avait un super son, c’était un super concert, nous étions très contents du concert et, surtout, nous avions remarqué qu’il y avait un super son sur scène. Il y avait une super acoustique dans la salle et sur le plateau. Et c’était ce que nous recherchions, parce que lorsque nous avons décidé de faire l’album, nous avons volontairement décidé de faire un album enregistré rapidement, et enregistré dans des conditions de live. Il nous fallait donc une salle de concert avec une bonne acoustique, et notamment une bonne acoustique sur le plateau. Et là, à Saint-Ciers-Sur-Gironde, en deux secondes, nous nous sommes dit : « On va s’installer là, on va faire un album. »

Nous nous sommes donc enfermés là-bas pendant environ trois semaines, dans la salle des fêtes, de Saint-Ciers-Sur-Gironde. Nous avons passé une bonne douzaine de jours à composer et écrire, le nouveau répertoire, de dix-huit titres. Ensuite, nous avons fait venir le matériel d’enregistrement et nous avons enregistré dix-huit titres en trois jours, dans des conditions live. C’est-à-dire le même set-up, le même positionnement qu’en concert, avec des retours de scène, nous n’avions pas de casque. Nous avons tout enregistré live, avec le volume avec lequel nous jouons sur scène. S’il y en a un qui se plantait, tout le monde recommençait, jusqu’à ce que la prise soit bonne. Il y a eu zéro retouche, zéro overdub, zéro peaufinage, c’est du brut de pomme. Ce choix-là, c’était pour vraiment avoir l’énergie que nous avons en concert. C’est-à-dire d’être sur la même scène, avec le son que nous avons sur scène, et pour préserver cette énergie. Parce qu’en studio, nous connaissons bien, ça fait des années maintenant, nous n’avions pas envie d’être chacun dans son coin, refaire des prises, jusqu’à ce que ça soit parfait. Nous voulions faire du live. Et nous avons fait du live.

« S’il y en a un qui se plantait, tout le monde recommençait, jusqu’à ce que la prise soit bonne. Il y a eu zéro retouche, zéro overdub, zéro peaufinage, c’est du brut de pomme. Ce choix-là, c’était pour vraiment avoir l’énergie que nous avons en concert. »

Est-ce que vous avez retrouvé un sens du danger, de l’urgence, propre au rock dans la manière dont vous avez fait cet album ?

Absolument. Nous nous mettions en danger, dans le sens où ce n’est pas évident, il faut y aller, il faut envoyer la purée. Nous ne voulions absolument pas faire de retouches, nous voulions que ce soit vraiment live. Donc les prises devaient être bonnes. Alors nous faisions à chaque fois quatre ou cinq prises maximum de chaque morceau, et nous gardions la meilleure version. Nous avons fait un petit peu de montage, mais très peu, dans le sens où le refrain de telle version était mieux joué que le refrain de l’autre version, mais ça reste complètement live. À part ça, nous nous mettions en danger dans le sens où nous devions faire une bonne performance live, sur une scène, sans public et avoir l’énergie et la patate que nous avons en concert, et la reproduire. Je pense que nous avons réussi notre coup, franchement.

Nous avons enregistré très vite, comme je te l’ai dit, dix-huit titres en trois jours. Nous étions très contents des mises à plat que nous avions faites, parce que c’étaient des mises à plat, ce n’était pas encore mixé. Donc il nous fallait une pointure, un maestro du mix pour mixer cet album. J’anticipe peut-être une de tes questions mais de suite, avec Bernie, nous en avons discuté, et nous avons pensé à Mike Fraser. Nous nous sommes dit que si nous pouvions avoir Mike Fraser, ça serait royal. Donc nous avons dû repousser un peu la sortie, l’album devait sortir en début d’année ou à Noël, mais Mike n’était pas dispo. Donc nous avons attendu qu’il soit dispo, et il nous a fait le boulot que nous attendions de lui. C’est-à-dire que lorsque nous avons écouté le premier mix qu’il nous a envoyé, nous étions en tournée, dans le TGV, j’étais assis à côté de Bernie, nous avons reçu le premier mix de Mike, nous avons mis le casque, nous avons écouté, et nous nous sommes dit : « Ouais, cool, waouh ! », nous étions aux anges. Et là, nous nous sommes dit que nous étions peinards, tranquilles, nous avions le son que nous voulions.

C’est un grand Monsieur, c’est un magicien, ce mec. Je ne sais pas comment il fait, parce que ce n’est pas évident, mais il arrive à tout mettre à fond la caisse, à burne, avec une dynamique incroyable, mais en même temps, tu entends tout. Tu ne perds rien, et tout est présent, précis, avec une énorme dynamique. Moi qui ai quand même assez « d’expérience », j’ai plus de cent-cinquante albums sur lesquels j’ai collaboré, mais trouver un mec qui ait cette maîtrise du mix… Ce n’est pas par hasard s’il a mixé tous les derniers AC/DC, Aerosmith, Metallica. C’est vraiment un caïd.

Il est justement connu pour sa collaboration avec AC/DC, or AC/DC est sans doute l’influence la plus flagrante dans tes riffs sur cet album. Est-ce que c’est un peu le feeling de tes riffs, cette influence, qui vous a dirigé vers lui ?

[Réfléchit] C’est du fait de la formule. Nous aussi c’est basse, batterie, deux guitares. La seule chose que nous avons rajoutée après sur l’album, ce sont les chœurs, et pour ça, nous nous sommes faits plaisir, car nous avions envie de nous faire plaisir, et puis ça rajoute un peu de miel à la musique. Nous avions enregistré, puis écouté les mises à plat, c’est du rock basique, avec deux guitares, basse, batterie, et il fallait un mec comme Mike Fraser. D’ailleurs, nous n’avons même pas réfléchi à d’autres personnes, ça a été direct et nous nous sommes de suite dit : « Il nous faut Mike Fraser pour mixer cet album. Il n’y a que lui qu’il faut, et pas un autre. » Nous n’avons sollicité personne d’autre. Nous avons directement sollicité Mike, qui a accepté, et pour nous c’était une évidence. Je ne vais pas te dire que ce n’est pas par rapport à AC/DC, c’est par rapport à son travail en général, car quand tu écoutes les albums d’AC/DC, Aerosmith, Metallica… Et tu as beau avoir une bonne prise sur une musique, un enregistrement, le mixage est vital, c’est comme le mastering, ce sont les phases vitales d’un album. Mais avant le mastering, il y a le mixage, et tu peux ruiner une chanson avec un mixage pourri.

Et pour parler de Trust, l’album 13 À Table, je vais assumer mes propos, c’est une catastrophe au niveau du mixage, cet album. Je trouve qu’il y a de bonnes chansons dans cet album, mais je pense simplement qu’elles ne sont pas retranscrites avec le son que nous devions avoir. C’est du grand n’importe quoi, ce mixage. Comme quoi, cet album – c’est mon avis – a été ruiné à cause du mixage. Parce qu’il n’y a aucune dynamique, tout est écrasé, et en plus nous avons rajouté un DJ ; ça, c’est parce que sur tous nos albums, c’est plus fort que nous, nous aimons bien rajouter des trucs. Je te ferais remarquer qu’il n’y a aucun album de Trust qui se ressemble. Tu peux prendre le premier album de Trust, il y a du synthé, du piano, du moog, du saxophone, de l’acoustique, de la douze cordes, des choristes…Sur l’album Répression, il y a du piano, du saxophone… Sur le quatrième album, il y a l’Orchestre Symphonique de Paris et les Chœurs de Paris… Nous nous faisons plaisir à chaque fois. Après, ça passe ou ça passe pas, quelque part, on s’en fout. Comme l’a écrit Bernie dans le texte du livret : « Si ça vous plaît, tant mieux, si ça vous plaît pas, tant pis. » Mais nous nous faisons plaisir, c’est important. C’est un « message » que je veux faire passer, car n’importe quel artiste au monde doit, d’abord, se faire plaisir, pour faire plaisir aux autres. S’il ne se fait pas plaisir, ça ne veut rien dire. Il faut d’abord se faire plaisir.

« Ça passe ou ça passe pas, quelque part, on s’en fout. Comme l’a écrit Bernie dans le texte du livret : ‘Si ça vous plaît, tant mieux, si ça vous plaît pas, tant pis.’ Mais nous nous faisons plaisir, c’est important. »

En 2011 quand on s’était parlé, en parlant des débuts de Trust, tu nous disais que « quand on débute une affaire, on ne se pose pas trop de questions. » Est-ce que c’est cette magie des débuts que vous avez essayé de retrouver en procédant avec cette spontanéité ?

[Réfléchit] Oui et non. Dans le sens où pour le premier album, Bernie et moi avons 21 ans, nous sommes jeunes, c’est notre premier album, nous ne réfléchissons pas, nous sommes insouciants, nous sommes pied au plancher au studio. Nous l’avons fait en une semaine, mixage compris. Nous l’avons enregistré très vite, mais nous avions bien répété avant et nous l’avons fait quasiment live en studio. Et un point sur lequel j’avais insisté, c’était que nous ne perdions pas de temps pour faire cet album. Aujourd’hui, la musique, c’est de la consommation. Nous sommes dans un monde de zapping total, ça va très vite. Je trouve que c’est débile de passer des semaines, voire des mois à peaufiner un album. Je trouve que c’est du temps de perdu, vu la vitesse à laquelle ça va. Donc c’est pour ça que nous avons décidé Bernie et moi de faire le plus rapidement et spontanément possible. Déjà, pour l’énergie, grâce au live, et rapidement pour ne pas perdre du temps à s’user sur les morceaux, à les faire, les refaire, et revenir dessus le lendemain. Donc c’était vital pour nous de faire effectivement un peu comme pour les deux premiers albums.

N’était-ce pas aussi une manière de gérer la pression, en y allant tête baissée, sans trop réfléchir ?

Oui. Même si c’était quand même de la pression de le faire en live, parce que ce n’est pas évident. Mais oui, c’était aussi le fait de ne pas perdre de temps, et de faire ça, je me répète, à l’énergie, tous en même temps, sur le même plateau, sur la même scène, et ne pas perdre de temps. Nous avons torché ça et avons enregistré dix-huit titres en trois jours, c’était à la chaîne. Nous faisions la pause déjeuner, et nous y retournions. Nous avons enregistré six titres par jour.

Qu’allez-vous faire des titres restants ?

Ils sont dans un tiroir, on verra. C’est toujours bien d’avoir de la réserve pour la suite. Mais nous ne pouvions pas en mettre plus, c’est pour une histoire de capacité sur un CD. Et puis je pense que treize titres, c’est bien. Nous ne savons pas encore ce que nous en ferons, nous verrons.

Trust est connu pour les textes très acerbes de Bernie sur la société et la politique, et Dans Le Même Sang contient des formules très fortes de sa part. Est-ce que tu penses que le climat politique de ces derniers temps l’a particulièrement stimulé ?

Il y a de quoi être stimulé, effectivement. Il n’y a pas que le climat politique, il y a aussi tout ce qui se passe au niveau national et international. Les sujets de révolte ne manquent pas. Je ne vais pas parler à la place de Bernie, mais je le sais pertinemment car je partage aussi beaucoup de ses propos. Il est traversé et bouleversé par certaines choses qui se passent, que ce soit ici ou à l’internationale, et il a envie d’en parler. Mitterrand l’avait dit d’ailleurs : « Après moi il n’y aura que des comptables. » Donc aujourd’hui, il y a des politiques courageux, la majorité ne l’est pas du tout. Le truc qui est extrêmement dommage, c’est que l’humain est mis au second plan. Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui va très vite, où c’est d’abord la finance et le profit qui sont importants, alors qu’il faudrait que l’humain soit au centre de tout. Et ce n’est pas le cas. Après, comme dit Bernie, on a les politiques qu’on mérite, et le gouvernement qu’on mérite. C’est comme ça.

Vous avez repris une chanson d’Edith Piaf : « J’m’en Fous Pas Mal ». C’est un choix qui peut surprendre pour un groupe de hard rock. Est-ce qu’on doit y voir un message par rapport au groupe derrière le texte de cette chanson ?

Non. Le texte est super. C’est Bernie qui m’a parlé et qui m’a dit : « J’aimerais bien faire cette reprise-là de Piaf. » Je la connaissais un petit peu mais je ne m’en souvenais plus trop. Je l’ai réécoutée, et effectivement le texte magnifique. Effectivement, ça rejoint peut-être ce qu’a envie de dire Bernie, que quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’on puisse raconter ou faire, il s’en fout pas mal. Enfin, il faut bien capter le sens du texte. C’est un texte très simple, très puissant, et aujourd’hui, il y a très peu d’auteurs qui écrivent dans ce style-là. Il y a d’excellents auteurs en France, mais dans ce style-là, ça se fait de plus en plus rare. Ce genre de texte très simple, très basique, et qui est très puissant et très fort. Nous l’avons fait parce que le texte est puissant et fort. Il faudra poser la question à Bernie, s’il y a un message par rapport au reste de l’album.

« Aujourd’hui, la musique, c’est de la consommation. Nous sommes dans un monde de zapping total, ça va très vite. Je trouve que c’est débile de passer des semaines, voire des mois à peaufiner un album. »

Il y a une chanson en espagnol, « Caliente ». D’où est venue cette idée ?

Franco-espagnole ! C’est un mélange de français et d’espagnol. C’est pareil, c’est le même principe que pour « J’m’en Fous Pas Mal ». Nous étions dans le minibus, nous voyagions en tournée, et nous nous faisions écouter des trucs mutuellement. Un coup c’était Christian, un coup c’était David, un coup c’était Iso, un coup c’était Bernie, un coup c’était moi. Et à un moment, Bernie nous a fait passer deux, trois morceaux sud-américains, et j’avais trouvé ça super bien. Je lui ai dit que ça serait cool de faire un morceau avec une petite touche sud-américaine. Il a dit banco, et voilà nous nous y sommes attelés, et c’est rigolo ! Nous avons pris du plaisir à le faire. Je vais sortir la phrase à chaque fois, mais si ça plaît tant mieux, et si ça plaît pas tant pis. Nous, ça nous plaît, et nous nous sommes faits plaisir à faire ça.

L’album ouvre sur la chanson « Ni Dieu Ni Maître », or c’est ainsi que s’appelait l’album de 2000. Est-ce qu’il y a un lien entre les deux ?

Non. Il n’y a absolument aucun lien. C’est une vieille formule qui date des années 1800 et quelques. Après, c’est par rapport à son texte mais, je ne vais pas m’exposer sur son texte. Il n’y a aucun rapport avec l’album qui est sorti en 2000, non.

Tu as été guitariste de Johnny Hallyday pendant près de dix ans, j’imagine donc que tu as été très touché par son décès. Comment as-tu vécu sa disparition, l’hommage national, etc. ?

C’était extraordinaire, c’était touchant, j’étais à la Madeleine, j’ai joué avec Yarol [Poupaud] et toute l’équipe. De voir autant de monde, toute cette union entre tous les gens, cette unité, cet amour, c’était impressionnant. Il y a peu de gens qui peuvent avoir ce genre d’hommage lors de leur départ. Ce que je veux dire par-là, c’est que ça prouve bien l’amour qu’il avait, l’amour que les gens avaient pour lui et ça prouve bien que c’était quelqu’un de proche de son public, parce qu’il l’était vraiment. Il le disait toujours : « Sans vous, je ne serais rien ». Et moi qui ai vécu des années avec lui, je l’ai vu avoir des gestes de générosité incroyable, d’embaucher des fans. Par exemple, le mec qui est au prompteur avec lui, c’est un fan de base, au départ, qu’il a embauché, parce que le mec a tenté sa chance, il y a été au culot, il a été embauché et il a passé sa vie avec Johnny à faire le prompteur. Au merchandising c’est pareil, ce sont des anciens fans. Et puis dans la rue, si on le croisait, il s’arrêtait. Il ne refusait jamais un autographe, une photo… Il était très proche des gens. Ça s’est bien vu et c’est pour ça qu’il y avait autant de monde. La carrière qu’il a eue, extraordinaire, fait qu’il méritait cet hommage.

Qu’est-ce que tu retiens aujourd’hui de ton expérience à ses côtés ?

J’ai adoré toute la période que j’ai passée avec lui. Au départ, j’ai signé pour un an et demi, et je suis resté presque huit ans. Ensuite, je suis resté presque jusqu’en 2003 épisodiquement, en studio ou sur des plateaux télé ou sur du live. Donc j’ai bossé pas loin de vingt ans avec lui, mais surtout huit ans d’astreinte, où tu es vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec lui. C’est moi qui ai décidé de partir après ses cinquante ans, parce que j’avais connu la gloire avec Trust et j’avais réalisé un rêve d’accompagner Johnny, que j’aimais beaucoup, j’ai passé huit ans de bonheur avec lui, mais après j’avais envie de passer à autre chose, de connaître d’autres aventures. Je n’en retiens que du bonheur, ça a été huit années de bonheur intense, où j’ai beaucoup appris, où il m’a beaucoup appris parce que j’étais encore jeune, j’avais la trentaine, et c’est quelqu’un d’extrêmement fort, puissant, généreux, extrêmement pro, proche des gens, pas que de son public mais proche des gens en général. Il est parti, malheureusement, on y passera tous, c’est le commun des mortels. Mais ce que je veux dire par-là, c’est que je pense que lui, par contre, restera vivant tout le temps. Je pense qu’il ne sera pas oublié de sitôt. Il a marqué profondément.

Qu’est-ce que tu penses aujourd’hui de ce battage médiatique non-stop autour des questions d’héritage, qui sont finalement privées et occultent tout le reste ?

Ça, c’est les médias. En même temps, je n’ai pas trop envie de me prononcer là-dessus, dans le sens où il aurait mieux valu que ça ne sorte jamais dans les médias, cette histoire-là. Donc après, responsabilité à qui ? Je n’incrimine personne, je ne sais pas, je ne suis pas dans l’histoire, donc je ne me prononce pas là-dessus. Mais c’est juste dommage que ça soit étalé au niveau public. C’est juste dommage. Il aurait fallu que ça reste en catimini, dans le privé. Ils auraient pu régler ça, j’imagine, discrètement. Ce n’est pas le cas. Je n’incrimine personne, je ne prends le parti de personne, je ne sais pas. Je ne suis pas dans l’histoire. J’espère juste… En même temps, c’est mal barré, ça va durer un moment, mais bon… Ça ternit un peu l’image, mais ça n’enlève rien à l’artiste que c’était.

« [J’ai vu Johnny] avoir des gestes de générosité incroyable, d’embaucher des fans […]. Et puis dans la rue, si on le croisait, il s’arrêtait. Il ne refusait jamais un autographe, une photo… Il était très proche des gens. Ça s’est bien vu et c’est pour ça qu’il y avait autant de monde. La carrière qu’il a eue, extraordinaire, fait qu’il méritait cet hommage. »

On peut dire que la France a réellement connu trois grands groupes de rock : Trust, Téléphone et Noir Désir. Est-ce que le succès de la tournée des Insus a pu jouer, d’une façon ou d’une autre, sur votre propre envie de revenir ?

Absolument pas. Et je suis catégorique ! Nous ne sommes pas revenus parce que Téléphone s’est reformé. Nous ne sommes pas si bêtes et si cons que ça. Pas du tout. Nous sommes revenus parce qu’en 2017, le groupe avait quarante ans et que je pense que c’était bien de fêter les quarante ans. De toute façon, nous n’avons pas du tout choisi le même parcours, eux ont choisi de faire des stades et autre, et nous, ce n’est pas du tout le même cheminement, le même parcours, et puis ça n’a aucun rapport. Il n’y a aucun lien entre leur reformation et la nôtre. Absolument aucun. C’est un hasard. C’est vrai que nous sommes arrivés après, mais dans tous les cas, ça n’a aucun rapport.

Entre le succès de leur tournée et de la vôtre, est-ce que ça ne prouve pas que le rock est toujours vivant en France ?

Je pense que le rock a toujours été vivant, quoi qu’il arrive. Je pense que le rock ne mourra jamais. Après, ça montre peut-être qu’il y a un manque. Je vais juste parler de Trust parce que je n’ai pas à parler des autres, mais je pense que nous, dans notre catégorie, il n’y a pas grand monde. Un groupe avec notre couleur, notre son, un chanteur qui est engagé avec ce genre de texte, je pense que nous ne sommes pas nombreux. Je pense qu’il y a peut-être un manque. Peut-être, je n’en sais rien. Dans tous les cas, pour nous, ça fonctionne. Donc je ne sais pas comment l’expliquer, mais ce que je souhaite, c’est que sur scène, nous prenions du plaisir, nous soyons généreux, nous ayons l’énergie, nous partagions, mais je pense que c’est ça qui est important. Moi ce qui m’importe le plus, en numéro un, c’est que les gens qui ont payé leur place pour venir nous voir, il est impératif qu’ils repartent avec la banane. Et qu’ils puissent se dire : « Putain, quel concert, on s’est éclaté, c’était super, on a passé une super soirée, c’était un super concert ! » C’est ça qui est important. Après, dans le paysage musical français, il y en a pour tous les goûts. Maintenant, je sais que dans notre catégorie, nous ne sommes pas nombreux [petits rires].

Ce qui peut paraître curieux de prime abord est que la tournée a été un énorme succès mais d’un autre côté, sur Internet, on voit beaucoup de « Trust bashing ». Comment tu le prends et l’expliques ?

Je pense que ce n’est pas particulièrement visé sur nous. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui passent leur temps à casser les autres, parce qu’ils sont aigris ou jaloux, je n’en sais rien. Je ne parle même pas de Trust, mais il y a des gens qui passent leur temps à casser les autres, à critiquer, c’est dans leurs gènes. Peut-être, je n’en sais rien. Bref, ce que je veux dire par-là, c’est que nous nous en foutons royalement. Ils peuvent raconter ce qu’ils veulent sur nous, ça nous passe à dix-milles kilomètres au-dessus de la tête. Nous sommes sur scène, la salle est pleine, nous prenons beaucoup de plaisir partagé. L’album est numéro quatre des ventes, il n’y a que de bonnes critiques, nous ne retenons que ça. Et puis de toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde, personne ne peut plaire à tout le monde. On ne pourra jamais faire l’unanimité quoi qu’il arrive, mais on s’en fout, on n’est pas là pour ça. Nous sommes là juste pour faire plaisir et partager ce plaisir. Donc les mauvaises critiques, nous ne nous y arrêtons même pas, et nous ne les lisons même pas. Et même si on tombe dessus, et ça m’arrive de temps en temps de tomber sur un truc où nous nous faisons massacrer, franchement je zappe direct, parce que ça ne m’intéresse pas. C’est de la critique gratuite. Il y en a même qui viennent critiquer sur nos sites, qui viennent se faire chier. Je ne vois pas l’intérêt de venir sur le site d’un artiste pour aller le casser. Reste chez toi, fais autre chose ! Mais tu as des gens qui aiment ça.

Est-ce que tu penses que le groupe est de retour pour de bon cette fois-ci ?

Pour l’instant, nous sommes partis pour repartir sur les routes au mois de mai jusqu’à la fin de l’année 2018. Après, nous avons des prévisions de tournée à l’étranger en 2019, au niveau mondial, donc Amérique du Sud, Canada, Allemagne, un peu partout. C’est 2019, mais nous n’y sommes pas encore. Nous vivons au présent. Dans tous les cas, en ce qui me concerne, mais je peux aussi parler au nom du groupe, ce qui est important, c’est le présent, profiter de chaque moment présent, et de penser à l’avenir, pas à long terme non plus, mais à court terme ça suffit, c’est déjà bien. Mais il faut surtout profiter du présent. Ce qui nous importe c’est de nous préparer. Nous sommes en pleine promo de l’album, on est d’ailleurs en train de se parler pour ça. Ça, c’est le présent. Après, nous allons nous préparer, commencer à répéter pour les concerts, et puis on verra. On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir. Pour l’instant, il y a eu zéro friction, tout se passe merveilleusement bien, à tous les niveaux, donc il n’y a pas de raison que ça ne dure pas. Comme je te l’ai dit, nous sommes dans une attitude très sereine avec Bernie, et nous sommes dans une phase où nous prenons beaucoup de plaisir, donc il n’y a pas de raisons que ça s’arrête. Après, comme je te l’ai dit, personne n’est devin, personne ne sait ce que nous réserve l’avenir, donc pour l’instant, nous profitons du présent. Nous allons boucler cette tournée et nous verrons après.

Interview réalisée par téléphone le 11 avril 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Robin Collias.

Page Facebook officielle de Trust : www.facebook.com/trustofficiel.

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  • Une sacrée bonne dose de mauvaise foi le Nono et des oeilleres comme on en fait plus.
    C’est pas grave de toutes façons, trente ans de soupe a vivre sur la légende des premières années, à ressasser toujours les mêmes clichés, à prendre des vessies pour des lanternes.
    Continuez à faire des concerts et des albums live comme celui du Hellfest … Ridicule

    [Reply]

    Patate "Fromage" Charcuterie

    On est d’accord, et ça sent surtout le besoin de pognon.

  • Un détail sur son parcours avec Jojo : hors mis le respect du à l’homme, suis-je le seul a n’avoir pas du tout été touché par les obsèques d’ Halliday et le cirque médiatique ronflant en direct de la Madeleine ?
    toutes ces poses , ces attitudes de la caste médiatico-politico-artistique parisienne Line Renaud en tête , ce défilé de lunettes de soleil, les guitares autour du cercueil … sans commentaire. et maintenant les oripeaux de l’idole de jeunes des années 60 livrés aux bonnes oeuvres d’avocats des barreaux de Paris ou de Los Angeles , on ne ne sait plus . Pognon , quand tu nous tiens.
    Rien d’étonnant au vu du parcours de la star nationale.
    En fait , tout ce que dénonçait Trust.

    [Reply]

    Quand on l’a connu personnellement, je pense qu’on peut tout-à-fait faire abstraction de tout ça et être heureux de voir un homme qu’on a aimé honoré ainsi.

    De plus, le cirque que tu dénonces – à raison, je pense – n’est qu’une petite partie de tout ça. Le plus important, c’est l’émotion qui a traversé le pays à sa mort, parmi les « vrais gens », ceux qui n’avaient aucun intérêt à se montrer à la télé mais qui étaient quand même touchés.

    Je suis d’un des nombreux milieux où Johnny est regardé généralement avec un peu de mépris, et pourtant à sa mort un certain nombre de mes proches ont réécouté quelques chansons, ont suivi l’hommage national et ont été touchés parce que c’était quand même un des personnages qui unissait les Français, même si beaucoup refusaient de se l’avouer, et parce que la France sans Johnny ça fait quand même un petit vide.

    C’est ça qui a dû être hyper touchant pour Nono et pour tous les proches de Johnny : de voir qu’il a touché quand même presque tous les Français d’une façon ou d’une autre.

    Pat

    je comprends ton point de vue Fikmonskov. On ne peux nier la popularité de Johnny , Qu’on aime ou pas et bien qu’il soit essentiellement apprécié dans la génération d’avant , celle de nos parents. Il faisait partie des meubles.Il avait une putain de voix , c’est vrai. En revanche , je ne sais pas s’il unissait les français autant qu’on pourrait le croire .
    Je me place dans la catégorie des « vrais gens » et je regarde donc le phénomène de ma fenêtre. Il faut faire le distinguo entre l’ image publique construite par la médias et effectivement la personne plus privée. La seconde ne m’intéresse pas du tout,ces abus,ces femmes, ses baraques, ses cuites …
    Toutes ces personnes voulant s’afficher, être sur la photo en surjouant une émotion en carton pâte était indigne. Showbiz de merde. On les revoient ensuite au bal des faux-culs connu sous le nom des Césars voire bientôt sur le tapis rouge à Cannes.Il parait que c’est la norme.

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