En un peu plus de vingt ans, le groupe qui s’est à l’origine fait un nom en tant que Rhapsody aura connu à peu près autant de ruptures, réconciliations et renaissances que tous les personnages d’une telenovela réunis. Petit résumé des épisodes précédents…
Il y a d’abord eu Rhapsody, donc. Pour d’obscures raisons légales, le groupe est ensuite devenu Rhapsody Of Fire. Puis Luca Turilli, fondateur, compositeur, parolier et guitariste, a quitté le navire pour fonder Luca Turilli’s Rhapsody. Le chanteur Fabio Lione, resté fidèle au groupe d’origine, a lui aussi fini par jeter l’éponge, laissant Rhapsody Of Fire poursuivre l’aventure avec un nouveau frontman. Entre-temps, Luca Turilli’s Rhapsody a fermé boutique. Puis il y a eu la tournée anniversaire/d’adieu du Rhapsody d’origine, amputé du claviériste Alex Staropoli – tournée qui a finalement vu Turilli et Lione remettre le couvert et fonder… Turilli / Lione Rhapsody. Vous suivez toujours ?
Logo rénové, orchestrations modernisées, tarentelle et tourdion mis au placard au profit d’effets sonores numériques très actuels… Pour cette énième itération de Rhapsody, Turilli et Lione ont mis leur son caractéristique au goût du jour, et c’est avec l’enthousiasme et la complicité d’un vieux couple que le guitariste/compositeur et le chanteur nous parlent de leur nouveau bébé, baptisé Zero Gravity – Rebirth And Evolution.
« On dirait que j’ai quitté Rhapsody, mais Rhapsody ne m’a jamais quitté ! [Rires] »
Fabio, tu as quitté Rhapsody Of Fire en 2016 pour « écrire un nouveau chapitre dans [ta] vie ». Ça a donc été très surprenant de te voir t’unir à nouveau avec Luca pour encore un autre projet estampillé Rhapsody après la tournée d’adieu. Peux-tu nous raconter l’histoire de ton départ de Rhapsody Of Fire en 2016 et ensuite ton retour dans une nouvelle incarnation de Rhapsody avec Luca ?
Fabio Lione (chant) : J’avais une vision différente des autres membres du groupe. Ça faisait vingt ans que je chantais pour Rhapsody. Puis Luca est parti et a créé Luca Turilli’s Rhapsody, et on m’a demandé d’écrire les textes de Dark Wings Of Steel et Into The Legend. Avant, Luca s’occupait de tout en lien avec les sagas et les textes, donc les gars m’ont demandé d’écrire les paroles et ils ont aimé ce que j’ai fait, même s’ils m’ont dit : « Oh, tu n’as pas créé une nouvelle saga ! » Je veux dire, vous voulez une nouvelle saga, après quinze ans de sagas ?! [Rires] Donc nos visions divergeaient. J’ai toujours voulu être créatif et offrir aux gens des couleurs différentes. Rhapsody Of Fire était probablement un peu trop attaché au style power metal classique. C’est comme un peintre : on ne peut pas utiliser beaucoup de couleurs si on doit toujours chanter dans le même style et les mêmes tonalités. Je commençais à sentir que je pourrais faire quelque chose de différent. C’était naturel pour moi. Je n’ai rien contre eux ; je leur souhaite le meilleur. Je ne sais pas si ce qu’ils ont fait dernièrement est super ou pas, je n’ai écouté qu’une chanson et demie de leur nouvel album. Quand on atteint un point dans sa vie où on ressent que les choses ne sont plus pareilles et qu’on a envie de faire autre chose, il faut essayer de le communiquer aux gens. Mais parfois ils ne saisissent pas, car on est sur un autre niveau. Je pense avoir choisi le bon moment. C’est marrant, parce que tu as dit que j’ai quitté Rhapsody Of Fire. Sans même parler de fire ou pas fire : on dirait que j’ai quitté Rhapsody, mais Rhapsody ne m’a jamais quitté ! [Rires] Avec Luca, nous voulions célébrer les vingt ans, car ça ne se produit qu’une seule fois dans l’histoire d’un groupe. Nous avons reçu des offres, et nous nous sommes dit : « Pourquoi pas ? » Patrice [Guers, basse] était content de le faire, Dominique [Leurquin, guitare] était content, Holzy [Alex Holzwarth, batterie] était content. Nous avons également demandé à notre ancien claviériste [Alex Staropoli] à de nombreuses reprises, mais il ne voulait pas nous rejoindre. Nous avons donc célébré cet événement, et le résultat était bien meilleur que ce à quoi nous nous attendions. Nous nous attendions à dire au revoir à ce style de musique en tournant pendant six mois, mais nous avons fini par tourner un an et demi. Et pendant cette tournée, nous nous sommes éclatés sur scène, et au final, nous avons dit : « Pourquoi on n’essaierait pas quelque chose de nouveau ensemble ? » Voilà la version courte de l’histoire !
Dans la description du projet sur Indiegogo, il est mentionné qu’avant de vous réunir avec cette nouvelle entité, Luca, tu avais mis un terme à « l’aventure Luca Turilli’s Rhapsody [et] voulais abandonner le metal de façon définitive ». En étais-tu arrivé à un stade où tu avais perdu ta passion pour le metal ?
Luca Turilli (guitare) : Non, c’était juste qu’après tant d’albums, et la collaboration entre Luca Turilli’s Rhapsody et Dolby Atmos – qui était une première pour un groupe de musique –, j’en suis arrivé à un point où j’ai pensé que c’était suffisant. J’ai aussi trois albums solo en plus de Rhapsody, Rhapsody Of Fire et Luca Turilli’s Rhapsody, donc à un moment donné j’ai dit : « D’accord, peut-être que ce serait mieux que je fasse une pause et aille vers d’autres choses ! » J’aime des artistes en dehors du metal, comme Muse ou Adele, et je voulais faire quelque chose de différent. Je voulais aussi me consacrer au piano, qui est mon instrument préféré. Donc je songeais à faire des chansons émotionnelles basées sur le piano, comme Ludovico Einaudi, avec du violon, des guitares acoustiques – un projet très particulier. Lorsque nous avons fait la tournée d’adieu, nous pensions que j’allais faire ceci quand nous aurions fini, et Fabio ferait ses propres trucs, et ce serait tout. Nous avons célébré et nous en étions contents. C’est là que nous avons commencé à recevoir un tas de demandes. Tu sais, dans ce business, quand quelque chose marche bien, tu reçois une pléthore de demandes de partout pour continuer. Donc nous avons pensé que Fabio et moi pouvions faire un projet rock dans la veine de Queen, car nous adorons ça, mis on nous a dit que nous devrions faire du metal, car les gens adorent l’accord entre la voix de Fabio et mes compositions. Donc nous avons pensé que nous pourrions faire un groupe influencé par nos goûts actuels, mais avec des orchestrations et des guitares heavy. Notre première idée était d’appeler le groupe Zero Gravity. Notre manageur était d’accord avec ça, et nous avons essayé de contacter des tourneurs, mais nous avons compris que ça n’allait pas marcher. On nous disait que la seule solution pour que nous obtenions les fonds nécessaires afin de lancer comme il faut cette nouvelle aventure serait de conserver le nom Rhapsody. N’importe quel autre nom n’aurait pas convenu. Nous en avons discuté et avons décidé de faire un compromis : nous gardons le nom Rhapsody, changeons le logo et ajoutons nos propres noms par-dessus. Nous avons bien fait comprendre que nous garderions la même marque de fabrique, le côté symphonique et cinématographique, mais nous l’emmènerions dans une autre direction. Voilà pourquoi nous avons adopté la devise qui est également devenue le sous-titre de l’album, Rebirth And Evolution (renaissance et évolution, NdT). Mais nous aimions tellement le nom Zero Gravity que c’est devenu le titre officiel de notre premier album. Et voilà pour la version longue de l’histoire ! [Rires]
« Notre première idée était d’appeler le groupe Zero Gravity. […] On nous disait que la seule solution pour que nous obtenions les fonds nécessaires afin de lancer comme il faut cette nouvelle aventure serait de conserver le nom Rhapsody. N’importe quel autre nom n’aurait pas convenu. »
Vous avez donc lancé une campagne Indiegogo pour fiancer Zero Gravity. Etait-ce parce qu’aucun label n’était intéressé pour investir l’argent nécessaire à la réalisation de cet album, malgré votre réputation ?
Fabio : Nuclear Blast nous a donné un budget, et nous les adorons, et ils nous adorent. Mais nous voulions une qualité sonore optimale pour cet album, nous devions payer les invités, et nous voulions que les clips, les photos, la production, le studio, que tout soit d’un haut niveau de qualité, une qualité faisant honneur au nom Rhapsody. C’est pourquoi nous avons demandé à nos fans d’aider le groupe. Ce n’est pas que nous n’avons reçu aucun budget de Nuclear Blast ; nous avons bien reçu un budget de leur part. Nous avons utilisé l’argent que nous avons reçu de leur part, plus l’argent que nous avons reçu des fans, plus une partie de notre propre argent, et au final, nous avons pu obtenir le résultat que nous voulions. C’était une question de choix. Nous aurions pu rester en studio la moitié du temps et économiser de l’argent, mais alors, nous n’aurions pas eu ce que nous voulions.
Luca : Quand on lance un groupe, il faut offrir la meilleure qualité possible.
Luca, tu as déjà utilisé de l’électronique et des duos chant masculin-féminin dans tes albums solo, ce qui crée un lien avec Zero Gravity. Ce nouveau chapitre est-il celui où tout converge : tes albums solo, Rhapsody, Rhapsody Of Fire et Luca Turilli’s Rhapsody ?
Non, je pense que ceci est quelque chose de différent. Je pense que sur cet album, on a une convergence de nos goûts musicaux actuels – il y a beaucoup de Queen, d’éléments progressifs à la Dream Theater, de sons et de voix ethniques, etc. Fabio et moi avons décidé de commencer ce groupe de zéro et de ne pas envisager ça comme un résumé de nos carrières. C’est une autre direction. Mais je comprends ce que tu veux dire, et je vais te dire pourquoi tu penses peut-être ceci : car cette musique que nous proposons maintenant est universelle. Il n’y a pas de limite. Avec ce nouveau groupe, nous pouvons réunir toutes les couleurs musicales existantes. Imagine ce que ça peut bien vouloir dire, et pour un chanteur comme Fabio, qui est capable de chanter d’un million de manières différentes ! Nous sommes nos propres limites ! C’est extraordinaire, d’un point de vue artistique.
Il se passe beaucoup de choses dans cet album : il y a de l’électronique, des orchestrations, des chœurs, des instruments ethniques, de nombreux invités, et le groupe évidemment. Comment êtes-vous parvenus à équilibrer tous ces éléments sans que ça devienne un grand foutoir ?
Il y a toujours une cohérence. Il y a de multiples couleurs, mais il y a une marque de fabrique qui les relie toutes : le message, le son de base, l’impact que nous voulons créer, et Fabio, qui sert de trait d’union avec sa voix. Parfois on dirait même qu’on entend un autre chanteur dans le même album !
C’est vrai, on peut parfois se demander si c’est bien Fabio qui chante, ça peut être déroutant…
[Rires]
Fabio : C’était le but ! Et c’est super, car si même le chanteur peut changer les couleurs dans sa voix, ça signifie que tu ne t’ennuieras pas avec les chansons. Comme Luca l’a dit, même si on fait des chansons très différentes, c’est bien quand il y a quelque chose qui relie le tout. On ressent toujours la touche Rhapsody, et c’est la chose la plus difficile à obtenir. Qu’on ait une chanson très mélancolique et lente, une chanson d’opéra, une chanson progressive à la Dream Theater, une partie à la Queen, un riff à la Rammstein ou une chanson de power metal, on ressent toujours la touche Rhapsody. Je trouve ça super.
Vous avez passé plus de trois mois en studio et, justement, vous vous êtes beaucoup concentrés sur la voix de Fabio. Fabio, penses-tu que le fait que tu aies chanté dans Angra mais aussi que tu aies pris part à de nombreux autres projets ces quelques dernières années t’a aidé à développer ta voix dans différentes directions dont Zero Gravity a bénéficié ?
Bien sûr. On grandit avec chaque nouvelle expérience, que ce soit avec les tournées, en faisant un nouvel album ou simplement en collaborant. Même si ce n’est qu’une chanson d’un autre compositeur, avec d’autres gens, un autre guitariste, tu peux apprendre et te l’approprier. Donc, d’un côté, bien sûr, oui. D’un autre côté, c’est aussi une question de temps : si tu commences à chanter à dix-huit ans, tu te connaîtras mieux dix ans plus tard, et encore mieux vingt ou vingt-cinq ans plus tard. Je n’ai pas tellement étudié dans ma vie. Je n’ai pris que onze cours d’opéra, en 1993. Je conduisais ma petite moto pour monter la colline et aller voir un vieux chanteur baryton. Il m’a fait chanter quatre ou cinq chansons d’opéra, plus une chanson de Queen. Il m’a dit que ma voix était plus épaisse que celle de Freddie [Mercury], mais de tous les chanteurs qu’il connaissait, j’étais celui qui s’en rapprochait le plus. Freddie était un peu plus agile – probablement parce qu’il a beaucoup étudié. Le professeur m’a aussi dit : « Même si tu aimes le rock, ta voix est faite pour l’opéra. J’ai enseigné à certains étudiants pendant dix-huit ans et tu as le même niveau qu’eux, bien que tu n’aies eu que dix cours. » J’essaye toujours d’intégrer cette influence dans le metal, et je crois que c’est l’un des secrets de ce groupe. La façon dont Luca compose est unique ; la façon dont je chante n’est peut-être pas unique mais ce n’est pas un style traditionnel de power metal. Cette combinaison rend probablement ce que nous faisons unique.
« Cette musique que nous proposons maintenant est universelle. Il n’y a pas de limite. Avec ce nouveau groupe, nous pouvons réunir toutes les couleurs musicales existantes. »
Vous avez pas mal mentionné Queen et il se trouve que la chanson « I Am » contient un passage à la « Bohemian Rhapsody ». Etait-ce un clin d’œil volontaire ?
Luca : Comme je l’ai dit plus tôt, nous étions censés faire un projet dans le style de Queen, avec ces voix qui se croisent et que nous adorons dans des chansons comme « Innuendo », typiques de Freddie. Donc oui, c’était parfaitement conscient !
D’ailleurs la ligne de chant de « I Am » est assez dingue !
Et pourtant il l’a chanté très rapidement !
Fabio : En studio, Simone [Mularoni, producteur] écoutait la chanson, et quand nous sommes arrivés à cette partie, il a dit : « Luca, c’est ça la partie à la Queen ? » Et Luca a répondu : « Oui, mais il n’y a pas que ça, il faut que tu entendes tout ! » Il a entendu toutes ces notes, il se disait que j’allais devoir chanter tout ça, et l’ingénieur du son a commencé secouer la tête et il a dit : « Il va nous falloir trois jours pour enregistrer cette partie ! » Je lui ai dit de simplement presser le bouton d’enregistrement, et vingt minutes plus tard, c’était fait. Ce qu’il pensait allait être le plus difficile pour nous à enregistrer en termes de chant était en fait la partie la plus facile. Nous avons perdu bien plus de temps à enregistrer « Oceano », qui est une ballade, une reprise dans le style de Bocelli. C’est bien plus classique, pas très rapide ou difficile, mais nous avons perdu plus de temps sur celle-ci. Simone pensait que nous pourrions la faire en trente minutes, alors que c’est « I Am » que nous avons fait en trente minutes ! Simone n’arrivait pas à comprendre ! C’est parce que Luca et moi, nous nous connaissons très bien, et même si c’est difficile, il sait ce que je peux faire et comment je peux le faire. Cette chanson est spéciale, surtout du fait que c’est une longue chanson de metal progressif à la Dream Theater. Il y a cette section centrale qui fait très Queen mais elle colle à la chanson, ce n’est pas décalé. Je pense que la plupart des fans auront la même réaction que toi : « C’est quoi ça ?! » [Rires] Mais je pense qu’on peut réaliser que c’est la même couleur vocale ; on se rend quand même compte que c’est moi et non pas une chanteuse ou un autre homme. « I Am » est l’une de mes chansons préférées.
Comptez-vous la jouer en live ?
Luca : Techniquement, elle est très facile pour Fabio.
Fabio : Pas pour ces quatre festivals qui sont prévus, c’est sûr, car nous n’avons pas beaucoup de temps. Aussi, nous ne pouvons pas jouer beaucoup de choses de cet album, car nous devons jouer d’anciens hits. Donc si on a une heure de jeu et que l’album fait lui-même déjà une heure… Mais quand nous ferons une tournée…
Luca : Tôt ou tard, nous la jouerons, c’est certain. Elle n’est pas aussi difficile que « Bohemian Rhapsody ». Je sais qu’eux ont eu des problèmes avec cette chanson. J’ai vu des vidéos où ils quittaient la scène et ne laissaient que le playback jouer parce que c’était trop compliqué. Mais notre partie, Fabio peut la faire.
Comme vous l’avez mentionné, vous avez travaillé sur la production avec Simone Mularoni. Pensez-vous que le fait que ce soit un talentueux guitariste, mais également qu’il soit habitué aux musiques complexes avec son propre groupe DGM, fait de lui le collaborateur idéal pour vous ?
Fabio : C’est sûr. C’est le mec parfait pour nous ; c’est un super ingénieur du son et un super guitariste. Il joue dans un super groupe de metal progressif, donc il sait comment faire de la musique compliquée et il peut nous suivre ! Et c’est aussi un mec très sympa. J’avais déjà travaillé avec lui par le passé, donc je l’ai présenté à Luca. Nous avons passé un super moment avec lui, et c’est pourquoi nous voulons continuer à travailler avec lui dans le futur. Il a fait du super boulot : les guitares sont incroyablement bien, le mix est bon… Et il vit en Italie, donc nous pouvons même parler italien et manger de la bonne nourriture !
On peut entendre des influences indiennes, tibétaines et perses, et Luca, tu as mentionné avoir recherché et utilisé des instruments rares provenant de différents pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette partie du processus ?
Luca : Nous voulions quelque chose de spécial, un élément supplémentaire pour enrichir notre son. Avec Rhaspody Of Fire, nous avions ces instruments médiévaux et de la Renaissance, ces danses d’un autre temps. Mais après quinze albums, sans compter mes albums solo, ça devenait répétitif. On peut changer les accords, mais après tous ces albums, c’est dur d’évoluer. Désormais, avec ce nouveau groupe, nous avons la possibilité d’utiliser ces instruments typiques provenant de diverses régions du monde, et ils contribuent à ajouter de vraies émotions à notre musique. Par exemple, nous utilisons des cloches tibétaines, du bansuri – une flûte indienne –, du sitar, tous ces instruments que nous n’aurions jamais pu utiliser avant pour des raisons évidentes. Ça, c’est pour la partie ethnique, mais nous utilisons également des instruments qu’on n’entend pas souvent dans cette musique, comme le saxophone. Fabio et moi adorons « Another Day » de Dream Theater, donc nous voulions nous aussi essayer ! Le résultat est super. Nous avons fait une interview avec un gars qui était saxophoniste, et il nous a dit que c’était merveilleux à entendre, donc c’est génial ! Par rapport aux instruments ethniques, nous sommes attirés par toutes ces cultures différentes, et ils nous ont vraiment aidés à enrichir notre son. Ça peut provenir de partout, d’Asie, d’Afrique… Si nous avons une chanson qui parle de quelque chose et que nous ressentons que ce serait une bonne option d’ajouter un son typique de cette zone géographique, nous le ferons.
« Notre intention était de montrer le nouveau visage du metal symphonique. »
« Arcanum (Da Vinci’s Enigma) célèbre Leonardo Da Vinci mais fait également un clin d’œil à Giuseppe Verdi. Qu’est-ce que ces deux génies italiens représentent pour vous ?
Fabio : L’anniversaire des cinq cents ans de la mort de Da Vinci approche. C’est spécial pour moi, car je vis en Toscane, et la ville de Vinci est à environ soixante kilomètres d’où je vis. J’y ai été trois fois en visite et c’est extraordinaire. Je me suis rendu dans le musée qui lui est consacré. C’était un génie ; c’est quelque chose qu’on ne peut expliquer. Comment un homme normal a-t-il été capable de faire tout ça, à l’époque, sans ordinateur ? Même s’il ne dormait pas ! [Rires] C’est plus qu’un fantastique cerveau.
Luca : Tout le monde se demande ça, n’est-ce pas ? Rien ne peut expliquer un cerveau aussi incroyable. Et évidemment, Verdi était lui aussi incroyable. C’était le metalleux de son temps, dans le sens où sa musique était épique et avait beaucoup d’impact. C’était super pour nous d’utiliser une partie de son opéra Otello et de combiner notre musique avec celle d’un génie.
Fabio : Une partie du refrain d’« Arcanum » vient d’Otello. [Il chante :] « Dio, fulgor della bufera ! » C’est génial. Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes italiens, mais pouvoir combiner ces grands esprits à quelque chose qu’on a créé… Wow !
Luca : On se sent honoré et, à la fois, c’est un hommage.
Fabio : Et le fait de partager ceci sur scène avec les fans…
Luca : C’est comme ce que nous avons fait avec La Symphonie Du Nouveau Monde de Dvořák [sur « The Wizard’s Last Rhyme »].
Comme on en a parlé avant, cet album est une version très modernisée de l’univers Rhapsody. Plus généralement, le metal symphonique est en train de devenir un vieux style maintenant. Pensez-vous qu’on avait besoin d’un groupe comme Turilli / Lione Rhapsody pour rénover et réinventer ce style de metal ?
[Hoche de la tête avec enthousiasme] Oui, oui, oui, absolument. « Metal symphonique moderne » serait la définition parfaite – même si « moderne » veut dire d’autres choses aujourd’hui. Si on parle de « metal moderne », on parle d’un autre type de groupe, donc on reste sur « metal symphonique ». Quelqu’un a parlé de « metal symphonique progressif ». Notre intention était bien entendu de montrer le nouveau visage du metal symphonique.
On ne peut s’empêcher de constater l’écart entre Legendary Tales, votre premier album en tant que Rhapsody, et Zero Gravity. Que ressentez-vous en comparant les deux ? Voyez-vous quand même un lien ?
Non, je n’en vois pas. C’est un autre moment, une autre époque, un autre lieu. Comme nous l’avons dit, la marque de fabrique est la même, mais c’est vraiment la seule chose qui les relie – la touche Rhapsody, comme l’a dit Fabio. Mais les inventions musicales maintenant sont complètement différentes. Elles reflètent ce que nous aimons aujourd’hui.
Dans une déclaration datant de juillet 2018, Luca, tu as parlé de réaliser « certains de [tes] rêves artistiques, explorant de nouveaux territoires émotionnels et travaillant sur de nouveaux projets musicaux auxquels [tu as] toujours voulu te consacrer », et tu as mentionné, comme tu l’as fait plus tôt, l’inspiration d’artistes comme Adele. Est-ce toujours dans les tuyaux ?
Turilli / Lione Rhapsody était inattendu, donc à l’époque où j’ai dit ceci, il ne se passait rien et je me concentrais là-dessus. Maintenant, j’espère que Turilli / Lione Rhapsody deviendra un très gros truc, car il y a énormément de potentiel dans cette musique et nous touchons de plus vastes publics. Le style de musique que nous jouions avant, qu’on appelait « power metal » ou « speed metal » en Italie, était un peu underground ces dernières années. Ce que nous faisons maintenant, et qui heureusement correspond à ce que nous aimons, a le potentiel de grandir énormément. Donc ça va beaucoup dépendre de la croissance de ce groupe. Si notre croissance s’avère incroyable, j’aurai moins de temps pour faire d’autres projets. Mais bien sûr, Fabio a Angra, et je vais avoir un autre projet pour compenser. Artistiquement parlant, c’est toujours super d’avoir deux projets ; plus, c’est de la folie de nos jours, car c’est bien de travailler à fond sur un projet pour l’amener au niveau où on veut l’amener. Donc nous concentrerons notre énergie sur un maximum de deux projets. Nuclear Blast me demande tout le temps des choses, donc mon autre projet pourrait être ça. Quoi que je fasse, j’inclurai ces éléments dedans. Ces influences que tu as nommées feront évidemment partie du son, car je les adore. C’est quelque chose qu’on ne peut éviter quand on aime un artiste.
Interview réalisée en face à face le 8 mai 2018 par Tiphaine Lombardelli.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Retranscription : Tiphaine Lombardelli.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Tim Tronckoe.
Facebook officiel de Turilli / Lione Rhapsody : www.facebook.com/tlrhapsody.
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