Inutile de rappeler les conséquences du Covid-19 sur l’industrie de la musique et sur le mode de vie des groupes. Il est cependant essentiel de mentionner que, parfois, la quarantaine nécessaire a motivé certaines formations à se dépasser, avides de surmonter ces nouvelles règles du jeu complètement biaisées. C’est le cas pour Tyler Bryant & The Shakedown, déterminé à trouver de nouvelles manières de travailler malgré les précautions sanitaires nécessaires. On comprend aisément la volonté de Tyler Bryant de ne pas se laisser abattre, un an après le succès de Truth & Lies (2019). Tyler Bryant & The Shakedown était en pleine ascension, figure du rock émergente à la réputation scénique bien établie corroborée par des tournées avec AC/DC ou Guns N’ Roses. Le single « Crazy Days » n’indiquait aucunement une volonté de réaliser un nouvel album et si Pressure, leur quatrième opus, était déjà écrit en partie avant la crise, Tyler a décidé de l’enregistrer en home studio. Enjeu de taille car il s’agissait de faire avec des moyens minimalistes sans sombrer dans la facilité technologique et respecter l’esprit « véritable » de son rock n’roll. Pressure porte ainsi très bien son nom : transformer la pression en quelque chose de positif.
« Ce serait trop facile d’enregistrer un son de batterie pourri et d’y ajouter de super samples » : voilà l’écueil que veut éviter Tyler Bryant. Pressure a été enregistré en contexte de home studio avec l’aide du producteur et ami de longue date Roger Alan Nichols. Seul le bassiste Noah Denney n’est pas de la partie, ayant quitté le groupe résolu à retrouver son premier amour qu’est la batterie au sein d’une autre formation. Sur le plan sonore, Pressure a beau jouer la carte de l’authentique, il n’a rien à envier à certaines productions plus ambitieuses. Il faut néanmoins souligner que Pressure brille davantage par ses guitares aux multiples saturations que par une section rythmique parfois trop timide aux sonorités édulcorées. Si on ajoute le chant de Tyler Bryant qui emporte presque tout sur son passage en termes de spectre, Pressure n’atteint pas la perfection et souffre de très légers problèmes d’équilibre à haut volume. Rien de dramatique, loin de là, surtout lorsqu’on constate l’énergie qui se dégage du heavy-rock de « Pressure ». Tyler Bryant et ses compères conjuguent riffing groovy lourd et articulations mélodiques sans transpirer et introduisent l’album en démontrant tout leur talent d’écriture. « Hitchhiker » amène l’auditeur sur un autre territoire fétiche du frontman : le blues. « Hitchhiker » réutilise tous les gimmicks du genre sacré avec des rythmiques testostéronées. Cette culture de l’histoire du rock était déjà aisément perceptible sur l’opus précédent et sur le single « Crazy Days » réenregistré pour l’opus accueillant la participation de Rebecca Lovell de Larkin Poe, femme de Tyler Bryant (à noter également la participation de Charlie Starr de Blackberry Smoke sur « Holdin’ My Breath »). À nouveau le guitariste jongle entre l’inspiration blues et country. Il s’exprime aussi à travers la folk avec la ballade « Like The Old Me » qui sied parfaitement à son timbre éraillé. Pressure a le même cachet que Truth & Lies : une vitrine contemporaine sur un genre à l’héritage immense.
Pressure est plus surprenant lorsqu’il arpente des territoires davantage inspirés du rock anglais des années 2000, Arctic Monkeys ou les premiers Kasabian en tête (tout comme Truch & Lies le faisait avant lui). C’est ce que le groove pop infectieux de la basse et les effets de dynamique de « Backbone » révèlent. Tyler Bryant & The Shakedown ne cherche pas à se conférer une identité vintage forcée : il suit ses inspirations sans dogmatisme. Le blues old-school et hypnotique de « Misery » n’hésite pas à recourir à un traitement légèrement trafiqué des sons de batterie et de la voix de Tyler. Ce goût pour les grosses ficelles actuelles transparaît sur le refrain rock US taillé pour les ondes de « Wildside » et surtout lors de la pop-rock enlevée de « Fuel » et les phrasés hachés du chanteur qui délivre par ailleurs un de ses refrains les plus entêtants. Tyler Bryant & The Shakedown n’accuse aucun faux pas, si ce n’est sur le mielleux « Loner » qui, malgré son solo expressif, n’atteint pas la charge émotionnelle de « Like The Old Me » ou l’élégance du blues feutré de « Coastin’ ».
Tyler Bryant & The Shakedown réussit le pari de surmonter des impératifs pratiques. Il montre qu’ils ne sont pas un frein pour le rock n ‘roll, rappelant l’essence originelle du genre : faire beaucoup avec peu. Dans sa philosophie, Pressure est un calque de Truth & Lies avec ses coups d’éclat et ses aspects plus convenus. Il faut le considérer comme un prolongement de son prédécesseur qui ne démérite aucunement sur l’écriture et l’interprétation. C’est peut-être tout le dessein de Tyler Bryant : prôner une continuité dans une période dévastatrice.
Lyric vidéo de la chanson « Holdin’ My Breath » (avec Charlie Starr de BLACKBERRY SMOKE)
Lyric vidéo de la chanson « Crazy Days » avec Rebecca Lovell de LARKIN POE :
Album Pressure, sortie le 16 octobre 2020 via Snakefarm Records. Disponible à l’achat ici