Tyler Bryant & The Shakedown fait partie de ces groupes ascendants qui tracent leur chemin à toute vitesse. Le groupe originaire de Nashville fondé en 2009 a tout juste dix ans et a déjà figuré en première partie de mastodontes tels qu’AC/DC ou Guns N’ Roses, sans compter leur future tournée avec Black Stone Cherry. Les Américains doivent cette fulgurance à un hard rock ultra-léché, presque académique dans son exécution. Truth And Lies, troisième opus de la formation, est en parfaite adéquation avec sa notoriété croissante. Treize titres sans ambiguïté : Truth And Lies honore un genre universel à travers la transparence de ses influences blues.
Le groupe se veut prolifique : ce n’est pas moins de 55 démos qui ont été enregistrées avant de faire le tri et de donner vie à Truth And Lies. Le quatuor a passé deux semaines stakhanovistes en studio avec le producteur Joel Hamilton (The Black Keys, Tom Waits) afin de s’accorder sur la marche à suivre. Sans surprise, Truth And Lies privilégie l’identité de groupe live de Tyler Bryant & The Shakedown. C’en devient presque un poncif du rock contemporain : le studio doit émuler l’expérience live dans la mesure du possible. Ceci se veut particulièrement réussi lorsqu’on entend le crunch presque nu du groove blues de « Ride » (de vieux albums poussiéreux de ZZ Top sont passés par là…) ou la voix presque sans artifices de Tyler sur la ballade « Out There ». Lorsque Tyler Bryant & The Shakedown durcit le ton, il n’en oublie pas ses fondamentaux : le riffing se veut incisif et direct, tout comme les interventions lead dans la plus pure tradition de leurs illustres aînés (« Shock And Awe », « Eye To Eye »). Sans oublier les refrains entêtants et soignés d’« On To The Next », « Panic Button » ou « Without You ». Tout est prévu pour la prestation scénique, à l’instar de la conclusion épique de « Couldn’t See The Fire » et sa longue et émouvante complainte de guitare associée à des accords grandiloquents.
Ce qui empêche Tyler Bryant & The Shakedown de sombrer dans la caricature du groupe de rock léché mais convenu et rébarbatif, outre une maîtrise évidente de leur musicalité, c’est justement l’étendue de la palette des musiciens. Certes les titres rock classiques tels que « Shock And Awe », l’endiablé « Drive Me Mad » ou « Out There » proposent des ingrédients désormais devenus intemporels, ils cohabitent toutefois avec des arrangements plus variés. « On To The Next » utilise un traitement vocal similaire aux premiers Kasabian par endroits, le timbre éraillé sur « Ride » et « Panic Button » renvoie au rock anglais que prônaient les Arctic Monkeys. Le groove sombre et mélancolique de « Shape I’m In » flirte avec le grunge d’Alice In Chains, ainsi que le chant à plusieurs voix d’« Eye To Eye ». « Judgement Day » est une petite prouesse, une revitalisation du blues authentique en y incorporant une tonalité pop. Surtout, le point fort de Truth And Lies sera sans doute ses ballades. La délicatesse de « Shape I’m In » et sa progression mélodique singulière tranchent avec la monotonie de nombreuses ballades rock ; la folk d’« Out There » marche quant à elle sur les plates-bandes de The Tallest Man On Earth. Tyler Bryant & The Shakedown prend l’exercice de la ballade au sérieux, pas seulement comme un outil de contraste avec la débauche d’énergie inhérente à un opus rock.
Truth And Lies s’étale sur tout le spectre de la musique rock, des lieux communs du riffing hard rock aux accords mielleux de la ballade, en passant par les démanchés enflammés au bottle neck (« Trouble »). Il le fait néanmoins avec aisance et une forme de raffinement. Tyler Bryant & The Shakedown ne révolutionne pas le genre, loin de là. Il en respecte scrupuleusement les codes en y adjoignant suffisamment de finesse et un feeling digne des plus grands pour en faire une entité rock avec un véritable cachet.
Clip vidéo de la chanson « Shock And Awe » :
Lyric vidéo de la chanson « On To The Next » :
Album Truth & Lies, sortie le 28 juin 2019 via Spinefarm Records. Disponible à l’achat ici