Ecouter un nouvel album d’Ugly Kid Joe en 2015, c’est replonger tout droit dans les années 90, pantalons baggys, cheveux longs et casquettes, looks de surfeurs à tous les coins de rue, avec Wayne’s World dans la lucarne. Certains groupes incarnent à merveille le son d’une époque, Ugly Kid Joe semblait être le porte-étendard parfait d’un son relax et décomplexé d’une fin de siècle, en sens inverse sur le plan émotionnel d’un grunge dépressif, sûrement dû à la position plus septentrionale du lieu d’habitation de ses membres, plutôt fascinés par les shows des Red Hot, de Suicidal Tendencies et du hard rock californien. Cinq ans après un retour aux affaires suite à un break d’une douzaine d’années, la renaissance du groupe semble maintenant actée avec ce Uglier Than They Used Ta Be, sorte de miroir de maturité de l’héroïque époque As Ugly As They Wanna Be, où au lieu de chanter l’insouciance, les Américains s’intéressent à des sujets plus sérieux, très sûrement davantage en rapport avec leur âge.
Dès que Whitfield Crane nous chante « I’m a one man rollercoaster ride » (que l’on pourrait traduire par « Je suis un homme au parcours en montagnes russes ») sur l’introducteur “Hell Ain’t Hard To Find”, on comprend que le bonhomme va vouloir nous balancer un certain nombre d’éléments autobiographiques. Cela ne se démentira pas avec un « Bad Seed » sur la destinée ou un « My Old Man » en hommage à un père absent toute sa vie et maintenant décédé qui lui a inspiré l’écriture de ce titre, ainsi que la reprise de « Papa Was A Rolling Stone » avec la chanteuse Dallas Frasca. Ugly Kid Joe n’est pas le groupe d’un seul homme, mais il est vrai que Whitfield marque fortement cet album de son empreinte, par la tenue personnelle des paroles, mais également par une voix rocailleuse à souhait, joliment polie par les années, qui lui donne cet aspect grunge mature proche des icônes du genre tels Eddie Vedder (Pearl Jam) ou Chris Connell (Soundgarden), et qui s’oriente même parfois vers des tonalités dignes d’un crooner (« Bad Seed »).
Côté musique, la famille Ugly Kid Joe s’est agrandie, puisque ce sont pas moins de sept personnes qui ont participé à l’élaboration de l’opus. On ressent cette diversité des jeux et des influences au travers des titres, brassant un large spectre dans le paysage rock américain, de Motörhead (UKJ reprend « Ace Of Spades » avec Phil Campbell à la guitare, qui a aussi participé aux titres « My Old Man » et « Under The Bottom ») à Aerosmith, avec quelques touches de Foo Fighters (« Hell Ain’t Hard To Find ») ou de riffs à la Black Sabbath (« Under The Bottom » qui, par ailleurs, semble faire un rappel de l’arpège de « Hell Ain’t Hard To Find » en plus lugubre). Le groupe offre même une sucrerie acoustique avec un soupçon de Layne Staley dans la voix de crooner de Crane pour le très doux « Mirror The Man ».
A l’image d’un Faith No More qui réapparaît sur les écrans radars, Ugly Kid Joe semble revenir sur le devant de la scène au bon moment, alors que l’on n’a jamais été aussi proche d’une vague de revival des années 90. Composé d’un nombre certain de titres solides, variés, et interprétés avec une intéressante maturité, Uglier Than They Used Ta Be est un album qui, au-delà de fournir une grande originalité dans les compositions, s’écoute avec plaisir, et ne se cantonne pas aux nostalgiques du son des 90’s ; s’il est moins fou et plus mélancolique dans ses tonalités que l’EP auquel il fait référence – se montrant ainsi quelque peu trompeur -, c’est, avant tout, un très bon condensé de rock’n roll.
Ecouter « She’s Already Gone » et « Hell Ain’t Hard To Find » :
Album Uglier Than They Used To Be, sorti le 16 octobre 2015 via Metalville.
un excellent album d’un groupe d’une forte sympathie indeniablement un grand retour