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Interview   

Ugly Kid Joe vole vers sa destinée


Il y en a qui donnent l’impression de ne jamais grandir. En 1992, Ugly Kid Joe jetait un pavé dans la mare avec un America’s Least Wanted. A un moment où l’industrie vivait un tournant, lorsque le hair metal commençait à se faire enterrer par la déferlante grunge, Ugly Kid Joe est arrivé comme un cheveu sur la soupe. Il n’entrait dans aucune case, aucune mode, en allant picorer autant dans le hard rock et le heavy metal traditionnel que dans le rap et le funk, et pourtant ce premier album fut un succès retentissant, adoubé par Rob Halford venu pousser la chansonnette pour l’occasion, mais aussi Ozzy Osbourne, Motörhead et tant d’autres. Et pour cause : rarement un album aura été un tel recueil d’hymnes.

Trente ans et quelques remous plus tard, même si l’expérience et la maturité acquises ne font pas de doute, Ugly Kid Joe a gardé une âme de trublion et sa passion pour ses héros d’antan. Pour preuve, le nouvel album Rad Wings Of Destiny qui multiplie les clins d’œil à Judas Priest, AC/DC, Van Halen et consorts, sans parler d’une reprise des Kinks mais aussi une escapade dans la country. Oui, Ugly Kid Joe ne réfléchit pas et fait ce qu’il a envie, comme en 1992. Un album qui marque les retrouvailles du groupe avec le producteur Mark Dodson, comme pour appuyer un peu plus le parallèle. Nous discutons de tout ça avec Whitfield Crade. Un chanteur-compositeur qui, avec le temps, comme il nous l’avoue, a fini par vaincre sa peur du studio et veut désormais travailler, vivre sa passion à fond et célébrer la vie.

« Il ne s’agit pas juste de faire un album. Il s’agit de célébrer la vie au travers de la musique. »

Radio Metal : Rad Wings Of Destiny sort sept ans après Uglier Than They Used Ta Be : comment se fait-il que ça vous ait pris autant de temps ? Ne vouliez-vous pas entretenir l’élan ?

Whitfield Crane (chant) : Il n’y pas de raison pour ça. Donc je n’ai pas de réponse précise à cette question. Mais je suis d’accord, il était temps que nous sortions un album, c’est certain. Nous composons tout le temps des chansons. La façon dont Ugly Kid Joe fonctionne n’est pas très différente de la façon dont Motörhead fonctionnait. Motörhead allait en studio avec les chansons qu’ils avaient, peu importe ce que c’était. Ils sortaient dix chansons et ça faisait un album de Motörhead. Nous faisons un peu la même chose. Quand nous pouvons réunir tout le monde dans une pièce, ce qui est difficile, car tout le monde vit aux quatre coins du pays et du monde… Nous avons probablement réuni tout le monde vers 2018. Nous avons eu diverses versions du groupe, par exemple j’allais travailler avec Klaus [Eichstadt] à Santa Barbara, ou Dave Fortman venait de, j’imagine, Louisiane me voir, et nous faisions des démos de chansons. Ce que nous avons fait cette fois, que j’ai trouvé vraiment cool et dont je suis très content, c’est que nous avons refait appel à Mark Dodson, qui avait produit America’s Least Wanted. Nous sommes rentrés en studio en 2019 à El Paso, au Texas, un studio qui s’appelle le Sonic Ranch. Nous avons travaillé dur et nous nous sommes amusés, et nous voilà !

Comme tu l’as précisé, vous avez refait appel à Mark Dodson, producteur responsable de l’album America’s Least Wanted qui a trente ans cette année. C’était voulu ? Était-ce votre façon de célébrer cet anniversaire ?

Oui, je pense. Ce que j’ai compris par rapport à moi-même est que j’aime beaucoup le processus en soi, y compris cette interview. J’adore ce que la musique apporte à ma vie. J’adore les gens que ça apporte. Donc, en l’occurrence, le fait de reformer le groupe en 2012 et de pouvoir jouer avec tous ces gars a été vraiment génial et cathartique, en un sens. Mais le fait de refaire appel à Mark Dodson était particulièrement super. Le truc au sujet de Mark Dodson, c’est que nous l’avons rencontré quand nous étions des gamins, à vingt-trois ou vingt-quatre ans, et nous sommes tous restés amis avec lui. Ça fait environ trente ans que nous sommes amis, j’ai vu ses enfants grandir. Donc le fait de retravailler avec lui était vraiment cool de bien des façons. Il nous connaît depuis que nous sommes gamins et maintenant nous sommes plus vieux et certains d’entre nous ont même des enfants. Il y a eu tellement d’expériences collectivement et individuellement. Donc retrouver Mark derrière la table de mixage était génial. Une autre chose au sujet de Mark, c’est la façon dont il produit et aborde la production, il le fait comme aucun contemporain – personne que je connais en tout cas – ne le fait. La façon dont il obtient des sons, dont il veut que le batteur joue sans piste de clic… Quand Mark Dodson avait quinze ans, c’était le préposé au thé, il donnait du thé aux différents musiciens qui venaient dans son studio en Angleterre, qui s’appelait le Rampart. Il a côtoyé les Who et toutes sortes de groupes comme ça, donc il connaît des méthodologies pour enregistrer que plus personne ne connaît. Donc, non seulement c’était amusant que Mark soit à nouveau notre producteur et de célébrer ça, mais il sait ce qu’il fait quand il enregistre et il a permis à l’album de sonner vivant et original.

Aviez-vous cet anniversaire en tête quand vous composiez les chansons ? Est-ce que ça faisait partie de l’inspiration ?

Non, nous n’avions pas ça en tête. Nous ne pensons pas comme ça. Nous nous sommes juste pointés et nous sommes tous des compositeurs, donc chacun apporte ce qu’il a, nous mettons tout au milieu et nous voyons ce que nous avons. Mais par notre nature même, nous ne pouvons pas nous empêcher d’aller dans cette fréquence quand nous sommes tous ensemble. Tu mets moi, Klaus, Fortman, [Cordell] Crockett et Mark Dodson dans un espace donné et ça résonnera forcément d’une façon particulière. Donc ça n’a pas été réfléchi, mais je suis d’accord pour dire que l’âme est la même.

Tu as mentionné le studio Sonic Ranch, à El Paso, au Texas. J’ai vu quelques photos : ça a l’air d’être un sacré studio. Comment décrirais-tu l’environnement et l’atmosphère là-bas ?

C’était extraordinaire. C’est donc situé à El Paso, au Texas. C’est juste à côté de Juárez, au Mexique, qui est un lieu au lourd passé. C’est une ferme de noix de pécan. C’est un studio gigantesque, donc il y a une multitude de groupes là-bas. On y réside, on vit là-bas, on a sa propre chambre. Il y a ces super nanas qui cuisinent, donc on a droit à trois repas par jour. Ils fabriquent leur propre sauce, c’est génial. Il y a des Picasso et des Salvador Dali sur les murs. Il y a plein de pièces différentes un tas de tables de mixage Neve différentes et le meilleur matériel qu’on ait jamais vu. Après, l’un des trucs les plus intéressants à propos de ce studio, c’est que les portes sont toujours ouvertes et qu’il y a toujours de l’électricité. C’était un environnement vraiment excellent pour travailler car nous étions toujours là-bas et si on avait une idée ou si on avait envie d’enregistrer à quatre heures du matin, on pouvait le faire. C’était une expérience vraiment magique.

« Je suis devenu plus compétent à la composition, mais je ne joue d’aucun instrument. Donc mes guitaristes sont très patients avec moi et m’aident à sortir les chansons de ma tête. »

Vous aviez deux batteurs là-bas, Zac Morris et Shannon Larkin. Comment ça s’est passé ?

C’était génial. Zach est notre batteur depuis dix ans, donc évidemment il est venu jouer sur l’album, le disque, la cassette ou le CD [petits rires]. Shannon a fait partie d’Ugly Kid Joe dans le temps, à l’époque de Menace To Sobriety. Le truc concernant Ugly Kid Joe, ce pour quoi nous nous sommes battus, c’est que nous nous aimons tous et que nous restons tous amis. Même si vous partez dans un autre groupe ou passez à un autre chapitre de votre vie, vous êtes toujours respecté et aimé par le groupe. Donc, quand nous étions en train d’enregistrer l’album, évidemment nous travaillions dessus, et j’ai parlé à Shannon au téléphone – il vit à Fort Myers, en Floride – et il a dit : « Je vais venir ! » J’étais là : « Ouah, d’accord. » Shannon a pris l’avion pour venir à El Paso. Je lui ai demandé : « Eh mec, combien a coûté ton vol ? » Il a dit : « Non, c’est moi qui paye. » J’ai dit : « Vraiment ? Tu vas payer pour ton vol ? » Il a dit : « Oui, je vous adore les gars. » Voilà le genre d’énergie avec laquelle il est venu. Shannon a donc joué sur « That Ain’t Livin’ », « Lola », « Dead Friends Play » et « Up In The City ». Tout le monde travaille ensemble et se respecte. C’est comme ça que fonctionne Ugly Kid Joe. De même, le guitariste Jeff Curran – je joue avec lui dans un groupe qui s’appelle Yellowcake – est venu de Merbourne, en Australie – il est de là-bas –, pour jouer sur « That Ain’t Livin’ » et « Drinkin’ And Drivin’ ». Nous sommes tout le temps en train de construire une communauté avec le groupe. Des batteurs et des guitaristes, des chanteurs, des producteurs, des ingénieurs, des cuisiniers, tous les autres groupes autour de nous, il y avait une bonne ambiance !

Avez-vous songé à avoir deux batteurs sur une chanson ?

Oui, nous y avons pensé, mais nous ne l’avons pas encore fait. C’est une super idée. Je suis à Brighton actuellement et il y a un groupe ici qui s’appelle les Super Dupes, et c’est ce qu’ils ont. C’est une ville vraiment sympa, on peut se faire plaisir avec toutes sortes de musiques. D’ailleurs, Mark Dodson vit dans cette ville. C’est la raison pour laquelle je suis ici. Donc, Mark et moi voyons tout le temps des groupes et quand nous avons vu celui-ci faire ça l’autre soir, nous étions là : « Ouah, c’est tellement intéressant. » Donc oui, nous y avons pensé, mais nous ne l’avons pas encore fait.

Pour revenir à la production de Rad Wings Of Destiny par Mark Dodson. Quelle différence est-ce que ça fait d’avoir un producteur externe plutôt qu’un producteur interne au groupe, comme l’était Dave Fortman sur Uglier Than They Used Ta Be ?

Peu importe qui tu intègres à ton environnement, il changera l’atmosphère. Donc c’est sûr que Mark Dodson était un composant qui a changé l’orientation de l’énergie et, bien sûr, la production avec la façon dont il va recueillir les sons, placer les micros pour la batterie et les guitares, faire en sorte que le groupe soit parfait, s’assurer qu’il n’y a pas de… Moins on utilise Pro Tools mieux c’est. Mark Dodson nous a ramenés en 1992, alors que Dave Fortman nous aurait probablement emmenés dans l’époque actuelle. Dave est un producteur de premier ordre, il a fait Evanescence, Slipknot et tous ces groupes, donc c’est un producteur actuel et c’est un génie en la matière. Mark Dodson est plus de la vieille école, c’est la vieille garde, donc j’imagine que ça sonne comme du rock n’ roll old school.

Je demandais ça aussi parce que la dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous avais dit que, pour toi, c’était « très important d’être présent dans tout ce qui se passe, à tous les niveaux de la chose. Car [vous aviez] vécu de sacrées merdes dans [v]os jeunes années. » Du coup, comment était votre relation de travail avec Mark par rapport à il y a trente ans ? As-tu l’impression que vous étiez davantage impliqués dans la production qu’à l’époque ?

Quand j’étais gamin, j’avais peur du studio, parce que je ne comprenais pas ce que c’était et il a dû être très patient pour obtenir de moi ma performance vocale. Ma capacité de concentration est très limitée, d’autant plus quand j’avais vingt-deux ou vingt-trois ans. Je suis encore un peu comme ça, mais le fait est que maintenant, à cinquante-quatre ans, avec tous les albums que j’ai faits et toutes les expériences que j’ai eues, je ne suis plus intimidé par le studio. Je sais quoi faire, quoi ne pas faire, sur quoi me concentrer, quoi célébrer, quoi rejeter. J’ai plus d’assurance dans le domaine du studio, alors que quand j’étais gamin, j’en avais peur. Mark a toujours été ouvert à n’importe quelle idée. Le truc à ce sujet, encore une fois, pour en revenir au processus, c’est que j’adore Mark Dodson en tant qu’être humain, donc c’est vraiment cool d’avoir un ami avec qui on va non seulement au pub, prendre un café ou dîner, mais aussi au studio pour créer un album que, j’espère, les gens apprécieront partout dans le monde. Il ne s’agit pas juste de faire un album. Il s’agit de célébrer la vie au travers de la musique.

« Je suis tellement dégoûté que Motörhead ne soit plus là, car s’il arrivait un moment où on se disait que le rock n’ roll était en train de mourir, on pouvait toujours aller à un concert de Motörhead et se rassurer de voir que cette musique était toujours bel et bien vivante. »

America’s Least Wanted était la dernière et la seule fois où vous aviez travaillé avec Mark. Vu l’énorme succès de cet album, comment se fait-il que vous n’ayez pas poursuivi cette collaboration jusqu’à maintenant ?

Je n’ai pas vraiment de réponse à cette question. Après America’s Least Wanted, nous voulions faire un album différent. Honnêtement, je dois dire qu’après America’s Least Wanted, c’était une époque très étrange parce que notre batteur Mark Davis a quitté le groupe. Nous avions beaucoup de succès et le grunge arrivait. Je me souviens avoir été submergé par tout le processus, car juste deux ans auparavant, je n’avais jamais quitté la Californie. Je me souviens qu’à l’époque, la préoccupation était de trouver un batteur. Donc je ne sais même pas si je pensais vraiment aux producteurs. J’étais juste là à me dire : « C’est bizarre. » Il y avait plein de batteurs qui voulaient être dans le groupe pour de mauvaises raisons. Je me souviens m’être dit : « Ouah, je ne sais même pas si j’ai envie d’être dans ce groupe », alors ne parlons pas des producteurs. C’était une époque étrange de façon générale. Nous avons fait des changements, nous avons accueilli Shannon Larkin, nous avons fait appel à Garth Richardson, nous avons fait mixer l’album par Bill Kennedy. Nous avons fait Menace To Sobriety qui est un super album. Mais oui, c’est une excellente question. Je suis tellement content que, malgré tout, nous ayons pu retravailler avec Mark Dodson tant que nous le pouvions. C’était génial.

Après America’s Least Wanted, Menace To Sobriety et Motel California étaient assez différents. Penses-tu que ça a été nécessaire de vous éloigner de vos racines et de faire ces albums pour plus tard comprendre ce qu’était vraiment Ugly Kid Joe ?

Non. Nous ne sommes pas aussi réfléchis. En tant qu’artiste collectif, donc Ugly Kid Joe, peu importe la forme que nous avons prise, j’imagine qu’elle reflétait simplement le stade où nous étions à ce moment-là. Chaque album a été une expérience différente. Quand nous étions gamins, nous avions quitté la Californie et telles sont les chansons que nous avons faites et les idées que nous avons eues. Encore une fois, je ne savais pas ce qu’était le studio et ça me faisait peur. Quand nous avons fait Menace To Sobriety, nous avons un peu voyagé et nous voulions faire nos preuves avec une musique plus heavy, et c’est ce que nous avons fait. Avec Motel California, nous avons fait cet album nous-mêmes dans le garage de Klaus à Santa Barbara. Les gars étaient vraiment sûrs d’eux. Je me suis posé avec l’enregistreur à bandes Ampex 456 dans le garage de Klaus, et j’ai enregistré tout mon chant seul, et je pense que j’ai fait du très bon boulot. Ensuite, bien sûr, le groupe s’est arrêté. Quand nous sommes revenus en 2012, nous avons fait Stairway To Hell et nous voulions tous le faire, alors qu’à la fin de Motel California, on pouvait sentir que personne ne voulait vraiment être dans le groupe, c’est pour cette raison que nous nous sommes séparés. Quand le groupe a été reformé pour créer de la musique et, avec un peu de chance, tourner – ce que nous avons fait –, nous avons réalisé Stairway To Hell, Shannon Larkin a joué dessus, Dave Fortman l’a produit, et c’est une putain de bonne collection de morceaux. Ensuite, en 2015, nous avons fait Uglier Than They Used Ta Be qui, encore une fois, a été produit par Dave Fortman. Nous l’avons fait via une production participative et c’était super que les fans nous aient aidé à payer pour le faire, car il est clair qu’il n’y a plus aucun label qui aide les artistes. Puis, sept ans plus tard, nous sommes tous les deux en train de parler – je suis à Brighton et toi en France – de Rad Wings Of Destiny. Selon moi, même si ce n’est pas fait exprès, Rad Wings Of Destiny a l’âme de ce qu’était et est toujours America’s Least Wanted. Mais ce n’est que mon opinion.

Le titre et l’artwork de votre précédent album étaient une référence évidente à votre premier EP et maintenant, vous avez le producteur d’America’s Least Wanted, et même l’artwork du single « That Ain’t Livin’ » est, en soi, une référence à cet album. Y a-t-il quand même une quelconque importance à maintenir un lien avec le passé ou, au moins, à cet âge d’or ?

Encore une fois, je pense que nous ne sommes pas aussi réfléchis. Je veux dire qu’évidemment, ces albums ont été des tremplins pour arriver où nous sommes aujourd’hui. Le précédent album d’Ugly Kid Joe, Uglier Than They Used Ta Be, était plus sombre, plus méchant. Ce nouvel album est plus fun. Je ne sais pas si nous réfléchissons tant que ça, en tout cas pas au point de faire une réunion pour savoir comment nous devons être. Nous ne faisons pas ça. Quand nous étions sur l’album précédent, nous avons fait des chansons comme « Under The Bottom » et c’était génial. Pour cet album, pour je ne sais quelle raison, nous nous sommes mis à écrire des morceaux rock n’ roll à la vieille école. Se pourrait-il que ce soit parce que nous avons fait revenir Mark Dodson ? Peut-être, en partie. Mais je n’ai pas de réponse précise à cette question. Voilà ce que je dirais : de toutes les chansons sur Rad Wings Of Destiny, « Failure » est la plus orientée Ugly Kid Joe old school et c’est parce que Klaus l’a composée, et c’est aussi parce que Mark Dodson était là. Si vous aimez America’s Least Wanted, vous adorerez cette chanson. Avec cet album, nous célébrons les ondes positives, à la Motörhead et AC/DC, mais je ne sais pas si c’est important de célébrer quoi que ce soit d’autre. Pour ce qui est des artworks, notamment celui du single, nous avons un artiste qui s’appelle Daniel Mercer, c’est vraiment un chouette type. Il a fait nos illustrations sur les deux derniers cycles d’album. Il est très occupé, donc nous l’avons appelé et nous avons dit : « Eh mec, as-tu du temps pour nous faire un artwork ? » Il a dit : « Je vais essayer. » Ensuite, nous avons eu toutes ces idées – nous avons toujours plein d’idées. Il a dit : « Laissez-moi faire ce que je veux. » Nous avons dit : « D’accord, fais ce que tu veux et tiens-nous au courant. » Il nous a renvoyé ça, et nous avons dit : « Bordel de merde, c’est super ! » Comme n’importe qui devrait le faire, nous nous entourons de gens qui nous inspirent et élèvent l’énergie. Il est clair que Daniel Mercer fait ça. Donc c’est l’idée de Daniel Mercer, c’est ce qu’il pensait devoir être fait et nous étions d’accord.

« Il est important d’écarter le puéril, tout en gardant son âme d’enfant. C’est la meilleure partie de l’être humain. »

Le titre de l’album est un jeu de mots par rapport au Sad Wings Of Destiny de Judas Priest et le premier single « That Ain’t Livin’ » sonne clairement comme du AC/DC. On dirait que vous êtes toujours aussi amoureux des mêmes groupes que quand vous étiez gosses. Peu importe le nombre d’années ou le succès, est-ce important pour des artistes comme vous de ne pas oublier les fans que vous étiez quand vous avez commencé, et de toujours être ces fans ?

Oui, c’est totalement important pour moi. J’ai grandi dans le nord de la Californie. Je n’ai jamais eu de penchant pour l’école et la seule chose qui m’excitait vraiment, c’était le sport et Black Sabbath, AC/DC, Judas Priest, Van Halen, Pink Floyd, Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Motörhead, Iron Maiden, et ainsi de suite. Nous adorions ces groupes, au point que nous étions possédés. Nous avions des posters sur nos murs, nous jouions de l’air guitar sur des raquettes de tennis pendant des heures durant, jusqu’à suer à grosses gouttes. Si nous avons créé le groupe, c’était parce que nous aimions tellement ces groupes que nous voulions être comme eux. Non seulement Ugly Kid Joe a eu du succès quand nous étions gamins – à vingt-trois, vingt-quatre ou vingt-cinq ans – mais Rob Halford a aussi chanté sur America’s Least Wanted et nous avons pu tourner avec Ozzy Osbourne et Motörhead. Nous nous sommes liés d’amitié avec tous ces gars et c’était tellement cool, car vraiment, comme tu viens de le dire, nous sommes juste des fans – je n’ai plus ma raquette de tennis, mais je continue à faire de l’air guitar ! Non seulement nous sommes encore des fans et le serons toujours, mais nous avons pu aussi partir en tournée avec ces gars et partager la scène avec eux. Ça a été un émerveillement pour nous tous. Donc oui, je pense que c’est vraiment important, en tout cas pour moi, de célébrer ces groupes. Il est clair qu’Ozzy est mon héros. Rob Halford, Glenn Tipton, KK Downing, Ian Hill… Tous des héros.

« That Ain’t Livin’ » était-il voulu comme un hommage à AC/DC ?

Oui. Je suis devenu plus compétent à la composition, mais je ne joue d’aucun instrument. Je ne joue pas de piano, ni de guitare, mais j’ai les chansons dans ma tête. Donc mes guitaristes sont très patients avec moi et m’aident à sortir les chansons de ma tête. Il y a deux ans, j’étais en Grèce, sur une île qui s’appelle Patmos, et j’ai écrit le riff de « That Ain’t Livin’ ». Je conduisais une petite moto après un dîner, et sur cette moto, m’est venu [chante le riff principal de la chanson]. J’étais là : « Bordel de merde, c’est super ! » J’avais une nana australienne à l’arrière de la moto et j’ai dit : « Vite, mets l’enregistreur de l’iPhone devant mon visage pour que je puisse enregistrer ce riff avec ma voix. » Puis j’ai vu les gars. Nous nous sommes tous retrouvés sur une île qui s’appelle Majorque, en Espagne. Nous avons travaillé sur cette chanson là-bas. Puis nous avons enregistré la musique du morceau à El Paso, au Texas, dans le studio Sonic Ranch, et j’ai fait le chant à Londres. Cette chanson était donc une sacrée aventure. Mais oui, c’est sûr… Je veux dire que nous adorons tous AC/DC, tout comme Black Sabbath, Motörhead, Judas Priest, Iron Maiden. Personnellement, mon album d’AC/DC préféré est Powerage et, bien sûr, avec tout le respect que j’ai pour Brian Johnson, mon chanteur d’AC/DC préféré est Bon Scott. Donc quand j’ai écrit cette chanson, c’était à cent pour cent en rendant hommage à AC/DC.

Non seulement le titre de l’album fait référence à Judas Priest, mais Mark Dodson a travaillé en tant qu’ingénieur pour eux et, comme tu l’as mentionné, Rob Halford a chanté sur « Goddamn Devil » en 92. On dirait que l’ombre de Judas Priest a toujours plané sur Ugly Kid Joe… En dehors, de ces clins d’œil, qu’avez-vous pris chez eux ?

De l’inspiration. Il y a une chanson sur Hero, Hero de Judas Priest où Halford fait [chante] : « As into the battle we are all led » [tient la note] mais il la tient plus longtemps que ça. Il le fait très longtemps, et quand j’étais gosse, j’étais dans ma chambre, je posais ma guitare-raquette de tennis, et j’essayais de chanter avec Rob Halford et de tenir cette note pendant des heures. Il la chantait et il restait genre quarante-cinq secondes sur cette seule note.

Dans les paroles de « Dead Friends Play », tu fais référence à des chansons de Black Sabbath, Van Halen, Motörhead, Judas Priest, etc. Ce sont tous des groupes légendaires qui ont durablement marqué les scènes rock et metal. Malheureusement, ceux-ci sont en train de petit à petit disparaître. Te demandes-tu parfois à quoi ressemblera la scène de demain sans eux ?

C’est une excellente question. J’essaye de ne pas y penser. Je m’efforce de célébrer tous ces groupes tant qu’ils sont là. Je suis tellement dégoûté que Motörhead ne soit plus là, car s’il arrivait un moment où on se disait que le rock n’ roll était en train de mourir, on pouvait toujours aller à un concert de Motörhead et se rassurer de voir que cette musique était toujours bel et bien vivante. En fait, voilà comment je vois ça : je suis reconnaissant d’avoir été là pour tout voir et d’en faire partie. J’imagine qu’une bonne décision ou une réaction positive serait, si vous en avez l’occasion, de célébrer ces artistes tant que vous le pouvez.

Dans cette chanson, tu chantes qu’on pourrait « trouver les réponses dans les chansons qu’ils chantent ». As-tu toi-même trouvé des réponses dans tes chansons préférées ?

Oui, j’ai trouvé toutes les réponses ! Il faut tout écouter. J’adore les paroles. Bon Scott est un poète de rue, il m’a beaucoup appris. Halford m’a beaucoup appris. Ozzy Osbourne m’a beaucoup appris sur la survie. Lemmy m’a appris à déchirer. J’ai vraiment pris à cœur toutes ces paroles de toutes ces chansons. Ce sont un peu des figures paternelles – je n’ai pas de meilleure formule. J’ai vraiment fait ce qu’ils m’ont dit de faire, et en résumé, c’était de célébrer la vie et de déchirer.

« J’ai regardé Mark Dodson droit dans les yeux et j’ai demandé : ‘Tu as vraiment travaillé avec le Priest ?’ Et il a répondu : ‘Oui. Sin After Sin et Defenders’. Je lui ai dit : ‘Ouah, alors t’es notre homme !’ Avoir un producteur qui avait travaillé avec Judas Priest était le critère principal. »

On retrouve dans l’album une reprise de « Lola » des Kinks – qui a un peu un côté à la « Cats In The Cradle », je ne sais pas si c’est fait exprès. Par le passé, vous avez fait des reprises de Motörhead, d’Harry Chaplin, de Black Sabbath. Les reprises, c’est ce que les groupes font quand ils débutent, mais vous n’avez jamais perdu cette tradition. Vous sentez-vous encore comme un groupe de garage qui joue des reprises de ses chansons préférées ?

Nous aimons plein d’artistes et nous aimons jouer les chansons que nous avons adorées et avec lesquelles nous avons grandi. Nous avons toujours aimé les Kinks, Ray Davis déchire. Je ne sais pas si c’est un côté groupe de garage, mais c’est naturel. Nous faisons ce qui nous vient naturellement. Comme je l’ai dit avant, nous ne réfléchissons pas beaucoup. Nous faisons ce que nous faisons. Nous étions à El Paso, au Texas, dans ce studio, nous cherchions une reprise et nous avons eu l’idée de « Lola » des Kinks. Tout le monde était d’accord, Shannon était là, nous l’avons enregistrée en une prise, sans piste de clic. Mark Dodson l’a produit. C’était une reprise dangereuse à faire, car on ne devrait pas déconner avec un chef-d’œuvre, mais à mon avis, nous avons assuré.

Nous avons fait des parallèles entre le passé et le présent, mais d’un autre côté, on sent bien que vous n’avez plus vingt ans et que vous avez eu toute une vie d’expérience. C’est d’ailleurs presque en contradiction avec l’image de votre mascotte, mais comment l’expérience affecte-t-elle ton approche des paroles et de la musique ?

J’ai plus à dire parce que j’ai plus de vécu, comme tu l’as dépeint, et au travers de l’expérience, en étant passé par différents groupes, en ayant été en studio et en réalisant que je n’avais pas besoin d’être intimidé par le processus, je me sens maintenant très bien dans cette bulle créative. Je n’en ai plus peur. Je suis donc confiant avec la créativité et, encore une fois, j’adore le processus. S’il y a bien une chose que nous voulons tous faire, c’est travailler. Quand on est musicien, le mot par excellence qu’on a envie de mettre à côté de ça c’est « travail », donc nous sommes des musiciens au travail. Ça me réconforte et ça me fait du bien intérieurement, et ça me donne quelque chose à attendre avec impatience. Une partie de ce processus, c’est la création musicale. Donc, bien sûr, nous avons beaucoup à dire aujourd’hui. Nous nous entourons de personnes géniales, comme Mark Dodson, et nous partons jouer. Il faut être sur le terrain pour marquer un but, comme ils disent. Mais nous adorons notre mascotte ! Il n’y a pas de contradiction, c’est juste une mascotte qui est cool. Il est génial, nous l’adorons, c’est notre petit pote. Ugly Kid Joe c’est un mélange de nous d’alors et d’aujourd’hui. Si je pense à la vie, je me dis qu’il est important d’écarter le puéril, tout en gardant son âme d’enfant. C’est la meilleure partie de l’être humain, ne trouves-tu pas ? En tout cas, pour moi, c’est important de réussir à voir l’art dans les choses. Le monde n’est certainement pas parfait, mais le seul contrôle qu’on peut avoir dans la vie, c’est sa propre réaction face à l’instant présent. J’ai choisi la positivité et la créativité, et ensuite, la musique m’emmène là où mon cœur a envie d’aller.

La chanson « Drinkin’ And Drivin’ » sonne comme une vieille chanson de folk ou d’americana, quelque chose que les Black Crowes auraient pu faire, par exemple. Considères-tu ceci comme faisant autant partie de votre lignée que Judas Priest, AC/DC, Motörhead, etc. ?

Oui, ça fait partie de notre lignée, mais c’est le heavy metal que j’aime le plus. Il se trouve que j’écris des chansons de plein de manières différentes. Je ne suis même pas sûr de savoir pourquoi j’ai écrit celle-ci comme ça, mais elle m’est venue et je l’ai chantée aux gars. Je l’ai écrite dans ma tête ; j’écris plein de chansons dans ma tête. Je fais tout le temps la musique et les paroles dans ma tête. Encore une fois, je ne sais pas nécessairement comment noter une chanson sur papier, mais mes guitaristes sont très patients avec moi et m’aident à la sortir de ma tête. Il est clair que c’est une chanson de country old school. Nous avons fait venir Jeff Curran d’Australie. C’est un guitariste gaucher génial. Son père est un joueur de banjo dans le Queensland, en Australie. Donc Jeff sait jouer du vrai banjo, exactement comme on est censé en jouer, et il est venu en mettre sur ce morceau en lui donnant un côté vraiment authentique. Le thème de la chanson, c’est : si vous vivez une existence toxique, vous feriez mieux de faire attention.

Te verrais-tu faire ce genre de musique, plus acoustique, dans tes vieux jours ?

Pourquoi pas. Enfin, tout ce que je veux, c’est travailler. Je veux être un musicien qui bosse, c’est à peu près tout. Ça pourrait venir sous n’importe quelle forme. J’adore les amplis Marshall et j’adore les guitares acoustiques. Tant que je travaille, je pense pouvoir trouver du réconfort dans cette possibilité et, avec un peu de chance, être dans l’action.

Pour revenir aux trente ans d’America’s Least Wanted : où en était le groupe quand vous avez commencé à faire cet album ? Et quels sont tes souvenirs de sa réalisation ?

Ce qui s’est passé, c’est qu’Ugly Kid Joe a eu un contrat de maison de disques, je crois, en 1991, et nous avons fait un EP de cinq chansons et demie – ou cinq chansons et trois quarts – intitulé As Ugly As They Wanna Be et qui s’est très bien vendu. La maison de disques ne s’y attendait pas, mais nous avons vendu des millions d’exemplaires et le label a voulu que nous retournions immédiatement en studio pour faire un album, naturellement. Nous étions là : « Ouah, d’accord, on doit faire un album complet. » Le label nous a demandé : « Êtes-vous prêts à faire ça ? Avez-vous les chansons ? » Evidemment, nous avons menti en disant : « Oui, on les a », mais nous n’avions pas les chansons. A l’époque, je ne comprenais rien de tout ça. Donc on nous a proposé un tas de possibilités pour des producteurs. L’un se nommait Mark Dodson. Je n’arrêtais pas de dire : « Est-ce qu’un de ces producteurs a un jour travaillé avec Judas Priest ? » C’était le critère principal. Bien sûr, Mark Dodson avait travaillé sur Sin After Sin et Defenders Of The Faith. Donc je suis allé au studio Devonshire, où nous avons plus tard enregistré America’s Least Wanted, et il y avait Mark Dodson en train de fumer une Marlboro Red derrière une table de mixage Neve. Je le regardais, genre : « Ouah ! » Et puis n’importe quel Anglais, avec son accent, sonne cool. J’étais là : « Merde, il y a ce gars qui est une légende. » Encore une fois, je ne savais rien sur les sons de guitare, les frappes de batterie ou quoi que ce soit de ce genre. J’étais juste excité de rencontrer quelqu’un qui connaissait Judas Priest. Mark a dit : « A quoi vous pensez, les gars ? » Je l’ai regardé droit dans les yeux et j’ai demandé : « Tu as vraiment travaillé avec le Priest ? » Et il a répondu : « Oui. Sin After Sin et Defenders ». Je lui ai dit : « Ouah, alors t’es notre homme ! » Voilà comment nous nous sommes retrouvés avec Mark.

« America’s Least Wanted, c’était un rêve fou ou une tempête musicale qui nous dévorait. C’était comme une vague qui a déferlé à travers nous et nous a emmenés partout dans le monde, nous a défiés, nous a terrifiés, nous a électrifiés, nous a donné une leçon d’humilité et nous a excités. C’était vraiment une expérience étrange. »

Quand nous sommes entrés en studio, c’était intimidant pour moi, car ce n’était pas mon habitat naturel. Je ne comprenais pas l’énorme table de mixage Neve ou le fait d’être isolé dans une petite cabine de chant. Ça m’intimidait et j’étais mal à l’aise. Mark Dodson a été très patient avec moi. Mais c’était très amusant, nous avons bu beaucoup de bière, nous avons travaillé très dur, nous avions de super personnes autour de nous. Bien sûr, l’EP marchait toujours bien, notre vidéo passait sur MTV, et on pouvait sentir que quelque chose était en train de se passer, que ça grandissait, comme un crescendo de vie. Tout d’un coup, nous avons obtenu la tournée avec Ozzy Osbourne et Motörhead. Nous sommes partis et nous avons commencé cette tournée, tout en revenant sans cesse en studio, en prenant l’avion, pour finir des parties vocales et de guitare. Nous avons adoré la tournée et ce n’était pas si difficile, car tout était… Se passait ce qu’il se passait. Il y avait toujours tellement d’énergie autour de ce groupe en 1992 et 1993. Nous étions suffisamment jeunes pour encaisser, donc c’était très amusant. Ensuite, l’album a explosé partout dans le monde et nous avons continué à tourner pendant deux ans de plus. America’s Least Wanted était une expérience extraordinaire pour nous, et c’était le bon timing en termes de conditions humaines : vu que nous avions vingt-quatre ans, c’était le moment parfait pour le rock n’ roll. Nous avons pu vivre toutes ces expériences qu’on devrait vivre à vingt-quatre ans. Quelle superbe expérience !

Comment vous êtes-vous retrouvés à avoir Rob Halford sur « Goddamn Devil » ?

Mark avait donc produit quelques albums du Priest et puis à l’époque, je sortais avec l’un des grands amours de ma vie, elle s’appelait Karen Duffy. A l’époque, c’était une des filles en vogue aux Etats-Unis, c’est-à-dire qu’elle était très populaire et c’était le VJ de MTV. Elle était donc en train d’interviewer Rob Halford sur MTV – c’était avant les téléphones portables et les ordinateurs – et elle dit : « Ecoute, mon petit copain vit pour toi et t’adore. » Puis Mark Dodson lui a dit quelque chose du même acabit en lui demandant si ça lui disait de venir. A l’époque, Judas Priest n’était plus Judas Priest. Pour je ne sais quelle raison, un mélange des influences de ma petite amie et de Mark Dodson, il est venu au Devonshire, au studio, et nous avons dit : « Attends, putain, c’est Rob Halford ! » Il était tellement cool, tellement intelligent, terre à terre et humble. Il est entré, nous avons lancé une bande Ampex 456 et c’était la chanson « Goddamn Devil ». Nous la lui avons fait écouter au studio. Il l’a écoutée très attentivement. Il a levé les yeux et il a dit [parlant lentement] : « J’aime les paroles. » Nous avons tous rigolé en disant : « Putain, ouais ! » Et nous avons demandé : « Tu veux chanter dessus ? » Il a dit : « Oui ! » Il a donc chanté dans le microphone dans la salle de chant. Nous avons regardé un vrai maître chanter et c’était très inspirant. Voilà comment nous nous sommes retrouvés avec Rob. Et il nous a ensuite emmenés manger indien ce soir-là.

Était-ce le moment fort de l’album pour toi ?

C’était l’un d’entre eux, avec la tournée en compagnie d’Ozzy et de Motörhead, et simplement le fait de jouer partout dans le monde. Je n’étais jamais allé en Angleterre, en Australie, en Allemagne, etc. Nous n’étions jamais sortis des Etats-Unis. Nous allions dans ces pays et nous vendions entre deux mille cinq cents à huit mille places alors que nous n’y étions jamais allés avant. Ceux-ci sont des moments de dingue et certainement des moments forts.

Pendant le processus, le guitariste Roger Lahr a quitté le groupe à cause de différends musicaux et a fini par être remplacé par le guitariste de Sugartooth, Dave Fortman en avril 1992…

Dave Fortman est un guitariste de génie et un extraordinaire compositeur, et il est très drôle en plus. Nous avons compris que, pour que ce groupe fonctionne vraiment et réussisse, avec tout le respect que l’on doit à tout le monde, il fallait que nous consolidions le talent de ce groupe. Nous devions donc trouver un meilleur guitariste.

America’s Least Wanted a été un énorme succès, à juste titre car il est bourré de tubes. Comment expliquer le déclic qu’il y a eu à l’époque, à la fois sur le plan créatif et entre le groupe et le public ?

Je ne peux pas l’expliquer. Ça s’est fait tout seul. Comme je le disais, rien n’est réfléchi au sein d’Ugly Kid Joe. C’est d’ailleurs une magnifique devise pour nous. Donc les choses qui fonctionnent pour ce groupe, ou en tout cas ont fonctionné par le passé, n’ont jamais été réfléchies. Tu entres dans un studio, tu fais des chansons. Le principal est que nous avons vraiment travaillé très dur et parfois ça marche. La plupart du temps, ça ne marche pas forcément à un très haut niveau, mais tant que nous travaillons tous collectivement, tout va bien. Mais concernant America’s Least Wanted, c’était un rêve fou ou une tempête musicale qui nous dévorait. C’était comme une vague qui a déferlé à travers nous et nous a emmenés partout dans le monde, nous a défiés, nous a terrifiés, nous a électrifiés, nous a donné une leçon d’humilité et nous a excités. C’était vraiment une expérience étrange.

« D’un côté, nous n’avions pas de famille musicale, ce qui nous faisait nous sentir seuls, d’un autre côté, je pense que l’histoire nous jugera positivement, car nous sommes originaux par nature, mais ce n’est pas fait exprès. »

Vous n’étiez conformes à aucune scène, que ce soit la scène glam qui était en train de disparaître ou la scène grunge qui était en train de monter en puissance. Comment était-ce d’être un groupe qui émergeait et était aussi inclassable ? Était-ce un avantage ou un inconvénient ?

C’était les deux. Nous avons toujours été qui nous sommes. Je veux dire que nous étions influencés par des groupes allant de Black Sabbath aux Red Hot Chili Peppers. Klaus adore le rap. J’adore Judas Priest et AC/DC. Dave Fortman adore Lynyrd Skynyrd. Evidemment, Cordell est funky. Le truc concernant ce groupe et notre synergie en tant que personnes créatives, selon moi, c’est que si tu as quelque chose en toi à faire sortir, il faut le célébrer. Ça pourrait être n’importe quoi, y compris Rad Wings Of Destiny. Quand tu écoutes toute la discographie d’Ugly Kid Joe, tu vois qu’il y a toujours de partout différentes influences. Ça passe d’un côté country à des riffs à la Black Sabbath et AC/DC. Donc, même si ce n’était pas exprès, Ugly Kid Joe a toujours été un outsider. Nous n’avons jamais été adoptés… La seule scène à nous avoir jamais adoptés est celle des groupes de heavy metal. Tous les groupes de la vieille école nous ont adoptés, de Ozzy à Motörhead, à Bon Jovi, Van Halen ou Def Leppard, nous avons eu l’occasion de tourner avec tous ces groupes. Motörhead surtout, nous nous entendions super bien avec eux. Mais nous n’avons jamais vraiment eu de groupes pairs ; c’était très intéressant de survivre à ça. D’un côté, nous n’avions pas de famille musicale, ce qui nous faisait nous sentir seuls, d’un autre côté, je pense que l’histoire nous jugera positivement, car nous sommes originaux par nature, mais encore une fois, ce n’est pas fait exprès. J’ai compris qu’Ugly Kid Joe sera un groupe ayant un certain respect au regard de l’histoire, et ça commence maintenant, mais je ne sais toujours pas quelle est notre place. Je pense que nous sommes une entité à part, mais curieusement, ce sont les metalleux qui nous acceptent le plus.

Vous sentiez-vous à l’époque comme des trublions, un peu comme votre mascotte ?

Oui. Quand nous étions jeunes, ma petite amie de l’époque – Karen Duffy, qui était plus âgée que moi et était une magnifique fille de New York – m’a souri et m’a dit que mon destin était de renverser la table. J’ai dit : « Ah, j’aime bien ça. » Donc oui, quand nous étions gamins, c’est ce que nous faisions. Nous n’étions jamais cruels, mais nous étions des trublions, certainement.

Il y a eu une version censurée de l’arwork d’America’s Least Wanted pour certains commerçants. Comment vois-tu l’état de la censure et de la liberté d’expression aujourd’hui par rapport à l’époque ?

Quand nous avons sorti America’s Least Wanted, l’album a eu énormément de succès, et en disant ça, je veux dire qu’il se vendait très bien. Il y avait une grande enseigne à l’époque – je crois que ça existe toujours aux Etats-Unis – qui s’appelait Walmart. Walmart faisait partie de Bible Belt – c’est le nom qu’on donne à une région aux Etats-Unis où les gens sont armés d’un idéal puritain. Ils n’aiment pas ce genre de chose, et ils n’ont jamais aimé. Ils n’aiment pas quand Elvis agitait son bassin. Donc la Bible Belt n’aimait pas l’artwork d’America’s Least Wanted. Ils n’ont pas aimé surtout le doigt d’honneur, mais je parie qu’ils n’aimaient pas l’ensemble du visuel. Nous étions là : « Vraiment ? On ne peut pas avoir ça sur la pochette ? » Nous n’aimions pas trop l’idée de faire un zoom, donc nous avons préféré faire de l’humour avec ça. C’est tout ce que nous avons fait. Nous avons juste essayé de refléter ce que nous pouvions faire et faire avec. Mais pour revenir à la question, je ne sais pas, j’ai l’impression qu’avec les ordinateurs, la censure, c’est un peu du passé, non ?

Pour finir, en dehors d’Ugly Kid Joe et de divers autres groupes, tu fais aussi partie d’un projet intéressant qui s’appelle Orchestra Of Doom où tu joues notamment des morceaux d’Ozzy et de Black Sabbath avec un orchestre. Comment cette idée t’est venue ?

Je me suis retrouvé en tournée en Italie dans un petit van blanc, que nous avons baptisé la Popemobile. C’était une tournée acoustique avec ce gars incroyablement talentueux dénommé Tim McMillan, ainsi que sa petite amie et son frère. Il m’avait invité à faire une trentaine de dates dans un van – un camion, en fait. Nous avons parcouru l’Italie et j’ai progressivement commencé à perdre la boule parce que ça devenait un boulot répétitif. C’était vraiment beau de voir tous ces endroits différents en Italie, mais arrivé à Vérone, je lui ai dit : « Eh mec, je vais sortir de là. Je ne peux plus le faire. » J’ai donc commencé à vivre à Vérone. Quand on vit là-bas, on se retrouve entouré de musiciens d’orchestres. On ne peut s’empêcher de se faire des amis parmi eux et je me suis lié d’amitié avec un gars qui s’appelle Ukash, qui était le premier violon d’un des principaux orchestres de Vérone. Il est polonais, il est amusant, et nous avons traîné ensemble, à boire de la bière et à parler de Black Sabbath et du Priest. Il y a un paquet d’opéras à Vérone avec une acoustique impeccable. J’allais voir les orchestres dans ces salles et j’étais là : « Ouah, ce serait génial de chanter ici. »

Un jour, j’ai demandé à Ukash : « Eh mec, y a-t-il la moindre chance que je puisse avoir les clés d’une de ces salles ? Et pourrait-on y aller avec ton violon et enregistrer du Sabbath, rien que toi et moi ? » Il m’a regardé, c’était un long regard stoïque, et il a dit : « Tu ne voudrais pas tout l’orchestre ? » [Rires] J’ai dit : « Quoi ? » A partir de là, nous avons rencontré Andrea Battistoni, qui est le chef d’orchestre le plus jeune et le plus badass au monde aujourd’hui. Je me suis posé avec lui, nous avons bu un coup et j’ai dit : « Que dis-tu de ça ? » Je suis venu mi-avril 2016 et le 29 juillet 2016, nous étions complets pour un concert au théâtre Astoria – c’est le plus ancien opéra de Vérone. Il avait transposé des chansons de Black Sabbath et d’Ozzy en solo, quelques morceaux d’Ugly Kid Joe, quelques morceaux de Richard/Crane. C’était extraordinaire, mais c’était aussi terrifiant ! Le truc avec Orchestra Of Doom, c’est qu’il n’y a pas de guitare électrique. Il y a juste un orchestre de trente-cinq musiciens. J’étais clairement dépassé. Ça m’a fait me sentir vivant et c’était terrifiant, mais c’était aussi vraiment libérateur et magique. Je vais t’envoyer un lien pour te montrer ! Je parle encore à tout le monde, donc avec un peu de chance, nous pourrons peut-être faire quelque chose avec ça. On verra.

Interview réalisée par téléphone le 14 octobre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Ugly Kid Joe : www.uglykidjoe.net

Acheter l’album Rad Wings Of Destiny.



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