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Chronique   

Ulver – ATGCLVLSSCAP


Ulver - ATGCLVLSSCAPPerdre pied dans des textures aux allures irréelles est devenu une habitude pour quiconque se lance dans un disque d’Ulver, depuis le bouleversement charnière du groupe à la toute fin des années 90. Loin des territoires black metal des débuts, les Norvégiens ont trimbalé leurs auditeurs dans des contrées électroniques toujours avant-gardistes, ne se contentant pas de changer le style de leurs productions, mais plutôt de suivre une voie « nocturne » unique, sans repères. Comme ils le décrivent eux-mêmes, peu importe la forme que prend leur musique, qu’elle soit rock ou électronique, il y a des motifs qui subsistent à travers le temps et les époques, une manière de nous dire qu’Ulver est toujours Ulver, même s’il est un vaisseau incroyablement protéiforme.

De continuité, sur ce ATGCLVLSSCAP (qui rassemble les premières lettres de chaque signe astrologique en latin), il en est évidemment question, pour de multiples raisons : parce que d’entrée les cloches d’églises d’« England’s Hidden » nous ramènent aux arrangements messiaques de Messe I.X-VI.X, parce qu’on y retrouve les sons fous et les ambiances éthérées de War Of Roses, voir trip-hop de Perdition City, mais surtout parce que cet album est en fait un travail réalisé sur une tournée de février 2014, où ils ont improvisé sur des thèmes de leurs albums précédents, tout enregistré et retravaillé l’ensemble en studio pour créer cet album.

Il subsiste quelques traces de ce rendu live, notamment dans le jeu de batterie improvisé que l’on identifie parfois (« Glammer Hammer »), pourtant, l’immense travail de production occulte presque cette dimension live. L’improvisation est tellement bien cadrée, mixée, rapiécée, épaissie par des couches diverses et variées, que les thèmes ont une vraie cohérence, des fils conducteurs, qui se prêtent très bien à la division en titres distincts aux ambiances toutes différentes. L’essence live a l’immense avantage d’avoir saisi certains moments de montées hypnotiques fiévreuses, des envolées spontanées qui auraient certainement été restreintes ou arrêtées lors d’un enregistrement studio et que l’on retrouve avec plaisir tout au long des quatre-vingt minutes de cet album édité sous forme de double-vinyle.

L’esprit purement musical de ce quatorzième album d’Ulver navigue sans bornes, néanmoins, on peut retrouver ici ou là des réminiscences évidentes tirées des œuvres de Kraftwerk, Pink Floyd, John Carpenter, ou même des batteries world-music à la Peter Gabriel pour les références les plus anciennes. Quant aux évocations plus récentes, Ulver s’approche de velléités presque electronica à la Death In Vegas, de sons ambiants sombres d’un DJ Shadow voire pour les plus imaginatifs, de certaines atmosphères des Chemical Brothers. Néanmoins, l’ensemble reste définitivement inclassable, aux frontières d’un post-rock électronique, et ce en grande partie due au processus de travail si spécifique pour cet album.

ATGCLVLSSCAP fait rêver, voyager, invite au repos ou à l’excitation de l’esprit dans les strates mal connues de l’inconscient, fait errer parmi des contrées souvent étranges et parfois étrangement familières. S’intéresser au monde complexe d’Ulver présuppose une ouverture d’esprit musicale absolue, et presque une mise en situation spécifique pour profiter au maximum des vertus enveloppantes et aériennes des titres (« Ome Hanumate Namah », « Desert Dawn »).

Ecouter cette nouvelle offrande d’Ulver en musique de fond, sans se pencher réellement sur le contenu immense des titres est le meilleur moyen de passer complètement à côté de la richesse de l’opus. Même si les caractéristiques de leur univers musical actuel peuvent être considérées comme « ambiantes », la multiplicité des couches électroniques, organiques et même vocales (« Ecclesiastes » et « Nowhere – Sweet Sixteen », réinterprétation du « Nowhere » de Perdition City) mérite toute l’attention nécessaire. Et il y a tant à tirer des mélodies subtiles, des nappes délicates, des percussions toutes différentes, et de la verve rock conservée, qui font de ce gigantesque patchwork une réussite totale, fortement chargée en émotions.

Album ATGCLVLSSCAP, sorti le 22 janvier 2016 via House Of Mythology.



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