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Live Report   

Une nouvelle dose de Shaka Ponk


Connaissez-vous la fable de la Cigale et du grand Singe ?

La Cigale, désappointée d’avoir été si durement éconduite, reprit sa route, résolue à changer de conduite. Mais un Gorille survint en chemin. Et, attendri par son chagrin, l’invita à se livrer librement au chant et à la danse. Lui qui n’avait que faire des règles et des convenances, l’entreprise était bien folle mais le pari fut relevé. Et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. D’assez de pièces, la hardiesse fut récompensée. Pour que les maux de l’hiver ne soient plus que souvenirs.

C’est en des termes quelque peu différents qu’une fable à la moralité semblable, cependant, nous fut contée un soir de novembre, chez dame la Cigale. Trêve de verbiage alambiqué. Les vidéos teasers annonçant l’installation de Goz et Cie à la Cigale, livrées aux hordes de fans dès le mois de mars, avaient produit leur petit effet, alors que la tournée triomphale des Zénith touchait à sa fin. Après les festivals d’été, les prémices de l’hiver se veulent alors tout à fait favorables à Shaka Ponk puisque les neuf dates prévues à la Cigale, du 5 au 24 novembre, sont sold-out ! Revenons donc sur l’avant-dernière date parisienne du groupe, le but étant, après avoir vu Shaka Ponk à son Zénith, d’éviter les redites.

Artistes : Shaka Ponk – KillASon
Date : 23 novembre 2018
Salle : La Cigale
Ville : Paris [75]

Sans surprise, le boulevard Rochechouart s’emplit très vite de fans au déclin du jour, et l’une des questions cruciales qui se posent en entrant dans la salle est de déterminer le point stratégique où se poster. On anticipe les déplacements de Frah : où va-t-il grimper ? d’où va-t-il se jeter ? Bref, la réputation du groupe le précède et les attentes sont nombreuses. La setlist est d’ores et déjà connue, la scénographie également, pour une grande majorité en tout cas. Mais si la salle est pleine à craquer, c’est bien pour l’expérience live – plus que jamais – addictive et si essentielle au groupe. On vient et on revient voir Shaka Ponk, pour prendre notre dose, une bouffée de génie et de liberté, avant de replonger dans l’aquarium du quotidien.

Filons la métaphore animale pour revenir sur la première partie de ce 23 novembre. Un drôle d’oiseau entre en scène quand les lumières baissent et l’obscurité tombe sur la foule amassée, trépignante et chuchotante. KillASon, vêtu d’un éblouissant manteau de plumes roses et vertes fluorescentes, vient électriser la salle de son style bien affirmé. C’est un rap retentissant qui nous est proposé et, adepte ou non, force est de reconnaître le talent de l’artiste français à l’ambition écrasante. Même pour les oreilles non averties, le flow original, aux variations parfois déstabilisantes, comme sur « Wrong », et l’instrumentale maîtrisée forment un tout de qualité.

Mais la force de KillASon réside clairement dans sa singularité, musicale et vestimentaire certes, mais pas seulement. L’artiste est en effet réputé pour ses talents de danseur et ses performances scéniques sont là pour le démontrer. Une gestuelle très chorégraphiée vient souligner le rythme des morceaux et leur apporter un supplément d’âme. L’énergie de KillASon est également communicative. L’artiste habite littéralement la scène mais fait aussi en sorte de transmettre son enthousiasme au public qui n’est peut-être pas musicalement acquis à sa cause. Et le charme opère. La fosse s’échauffe, semble réceptive et va jusqu’à reproduire une chorégraphie, où il est question d’échanges d’énergie entre ciel et terre, pour accompagner KillASon sur l’une de ses chansons.

C’est donc un bon moment passé en la compagnie de cet artiste décalé, son humour et son énergie y étant pour beaucoup. KillASon est parvenu à nous faire entrer dans son univers extravagant, pour prendre une bonne bouffée de folie apéritive, avant la tempête automnale orchestrée par Shaka Ponk.

L’entrée en scène du groupe est toujours aussi spectaculaire. L’Intro de « The White Pixel Ape Show » fait partie des moments attendus. Rien de tel que cette ouverture pour plonger la tête la première dans l’univers de Shaka Ponk et faire monter l’exaltation crescendo. Parmi les ruines, dans une jungle à la fois belle et inquiétante, l’écran géant nous mène virtuellement dans un monde à part, et l’immersion commence. Nous croisons en chemin les singes de la sagesse qui, non sans humour, renoncent à leurs principes, nous invitent à faire de même et donnent ainsi le ton : il est temps, ici et maintenant, de se débarrasser des contraintes et d’ouvrir ses sens pour en prendre plein la vue, les oreilles et gueuler plus que permis. Et les cris ne tardent pas à venir lorsque surgit des profondeurs le membre virtuel du groupe, Goz, un gorille monumental, qui, avec fracas, semble prendre possession de la scène, tandis que l’effervescence est à son comble dans la fosse qui bouillonne. Pas de frontières, pas de limites dans cette expérience artistique aux facettes multiples, le virtuel coexiste avec le réel. Ainsi, Goz accompagne les autres membres du groupe, entrés en scène à leur tour, sur la puissante « Killing Hallelujah ». Après la déflagration des premières notes, la foule s’anime instantanément au rythme effréné de la musique, tandis que les musiciens sont les épicentres de vagues d’énergie déferlantes. Si par jeux d’ombres et de superposition, Sam apparaît comme une déesse hindoue futuriste, parée de ses huit bras robotiques, Frah exhibe quant à lui des chaînes à ses poignets. Ce choix scénique vient alors souligner un thème majeur que semble aborder l’ensemble du show.

Tout au long de ce concert, règles, convenances et contraintes liberticides seront dénoncées et mises à bas, alors que liberté et originalité seront encensées. La forme d’art créée par Shaka Ponk est une revendication en soi et un message de tolérance que Frah ne tardera pas à rappeler au public, notamment à l’occasion des chansons « Wanna Get Free » et « Twisted Mind ». La première scande un besoin de liberté, de délivrance du monde matériel ; la seconde dénonce le manque de tolérance qui pousse à considérer comme « twisted » ceux qui sortent du rang et revendique à son tour la liberté, à grands cris et dans plusieurs langues. Libéré alors de ses chaînes, Frah s’offre son premier bain de foule. Il se fraye un chemin dans la fosse et se hisse en son centre pour entraîner les plus fous dans un joyeux et chaotique circle pit. Qu’importent les règles, prime ici la communion avec le public qui n’attend que ce genre d’interactions. Avec Frah toujours dans la foule, vient le temps pour le groupe d’interpréter « Smells Like Teen Spirit », incontournable du show. Cette reprise – émancipée –, originale par sa sensibilité et sa force, sonne comme un hommage vibrant, un mélancolique et fervent recueillement. Dans un premier temps, toute la Cigale est calmement à l’écoute des voix feutrées presque fragiles des chanteurs. Mais l’accalmie ne dure qu’un temps, et l’interprétation monte rapidement en puissance, le rythme s’accélère, batterie et guitares grondent de nouveau, et c’est ce contraste, cette rythmique, cet esprit propre au groupe qui fait toute la grandeur de ce cover. Alors, une explosion d’émotions ravage la salle, tandis qu’aux voix de Frah et Sam se mêlent celles des fans et qu’en filigrane le chant éraillé de Kurt Cobain hante les esprits, comme une précieuse remembrance.

La puissance ne retombe pas avec « Fear Ya », même si Frah, avec sa minerve anarchiste au cou, ne semble pas pousser ses cris, sur le refrain, à leur paroxysme habituel. Ce n’est pas pour autant que les sauts dans la fosse effraient ce casse-cou cabossé, porté par les fans aux anges, lors de ses échappées hors scène. Les effets visuels sont toujours sidérants de beauté sur « Fear Ya », probablement parmi les morceaux les plus obscurs, mêlant les styles comme souvent avec les compositions hybrides de Shaka Ponk : ici un son très rock agrémenté de notes électro. La dryade hurlante aux trois corps sylvestres trône sur la scène, furieuse, aussi inquiétante que fascinante. A ce stade du show, le jeu des montagnes russes émotionnelles est encore loin d’être terminé. C’est pourquoi, parmi les titres incontournables, nous retrouvons la belle ballade « Summer Camp », douce et apaisée. Emprunte d’une lumineuse mélancolie, elle invite à savourer les instants de bonheur fugaces, semble-t-il, ici-bas, comme celui d’une tiède nuit d’été illuminée d’étoiles, de lucioles et de braises virevoltantes.

En maître d’orchestre digne de ce nom, Frah impose le silence à l’assemblée ou, selon sa volonté, soulève les foules. A cette calme parenthèse succède donc la très rythmée « Gung Ho » suivie de la « War Dance » et sa montée d’adrénaline. Les interactions entre virtualité et réalité, scène et public sont particulièrement exacerbées sur cette chanson où membres du groupe et singes robotiques dansent côte à côte, où public et armée numérique s’affrontent en un joyeux chaos. La précision de la scénographie, moderne et inventive, est elle-même extravagante et force l’admiration. Et là encore, le show est total : il s’agit de voir les artistes donner vie à leur musique, d’admirer les effets visuels, d’écouter chaque note, de vibrer au rythme des chansons, de chanter et de crier à son tour, de danser, de sauter, de bousculer et renverser le monde jusqu’à en perdre le souffle.

Après la traditionnelle battle, le show se termine avec la survoltée « Rusty Fonky », funk et colorée, bombe d’énergie à elle seule. Enfin, l’ultime offrande de cette soirée, la reprise de « Tostaky », rend hommage au groupe Noir Désir et son rock engagé qui, bien que différent, fait écho d’une certaine manière aux créations musicales et à l’esprit de Shaka Ponk, comme le montre également la participation de Bertrand Cantat au titre « Palabra Mi Amor ». Ainsi s’achèvent ces libations sur l’autel du rock, au son du chant éraillé et grave de Frah, de la voix suave et presque surnaturelle de Sam, au son des riffs percutants de CC et Mandris, de la batterie et des claviers furieux de Ion et Steve. Mais, comme le déplore Frah lui-même, la setlist est écourtée, couvre-feu parisien oblige, immersion et exaltation prennent donc fin. Si tout un chacun en redemande, éprouve déjà le besoin d’une nouvelle dose, on est en droit d’espérer que l’effet cathartique d’un tel concert durera quelque temps, suffisamment en tout cas pour encaisser le retour au monde. Allez ! une grande inspiration, et c’est le grand plongeon dans les rues humides et enténébrées de Paris.

« Have you ever questioned the nature of your reality? »

Setlist :

The White Pixel Ape Show Intro
Killing Hallelujah
On Fire
Wanna Get Free
Twisted Mind
I’m Picky
Palabra Mi Amor – Circle Pit
Smells Like Teen Spirit – reprise de Nirvana
Bunker
Fear Ya
Summer Camp
Gung Ho – War Dance
Share A Line
Battle
Rusty Fonky
Tostaky (le continent) – reprise de Noir Désir

Report : Elena Delahaye
Photos : Loïc « Lost » Stephan



Laisser un commentaire

  • Un vrai groupe de scène qui mérite leur succès et se moque des bashing french des metalleux pur et dur ..
    Show de niveau international avec des trouvailles de sons lumières et mise en scène que renieraient pas des groupes anglo saxons ou ricains.
    Bien que le groupe n ait pas l étiquette métal vu leur variété musicale du genre,les albums sont corrects sans plus mais par contre leur charisme su scène est plutôt rare pour un groupe d ‘origine française

    [Reply]

    Mehsi

    Ouais ils se disent ouvert et unis dans leur grande famille mais dès qu’il y a quelque chose de trop alternative et pas assez « metal » ça chiale sec…

    Mehsi

    (les métalleux « pur et dur » of course)

    Pok

    En fait, l n’y aurait peut être pas de « bashing » sur ce groupe si on ne les voyait pas dans les news metal alors qu’ils n’en font pas ?
    Y’a pas besoin d’être une « purée dure » pour ne pas apprécier voir son fil d’actu se remplir d’info incongrues. Cela ne remets pas en cause la qualité du groupe mais uniquement sa présence dans les news metal.
    Et, malgré la verve, c’est souvent le fond sous jacent des critiques émises par les metalleux sur Shaka Ponk : ça n’a rien à foutre ici même si c’est bon dans leur genre (un peu comme on dirait « Qui a mis des légumes dans mon bac à bières).
    Plus que la qualité du groupe c’est sa présence sur des sites labellisé « metal » qui intrigue. Mais bon, comme dit par Fikmonskov : Suffit de pas lire et de passer à autre chose.

    émon

    En effet Pok mais qu’est-ce que le metal ? Le metal d’hier n’est pas le metal de demain. La diversité est grande, on le sait. En quoi les grosses rythmiques et les gros riffs de Shaka Ponk n’en font pas un groupe de metal classable dans « alternatif » par exemple ? (il y a 20 ans on les aurait mis dans neo metal)

  • Découvert avec le premier album que j’ai beaucoup aimé, et je me suis arrêté là…

    [Reply]

    Mehsi

    Je t’encourage à écouter le second si tu as apprécié le premier.
    Les suivants sont plus grand public mais restent cool.

  • je vois pas qu’est ce qu ils viennent foutent là!

    [Reply]

    Fikmonskov

    Suffit de pas lire et de passer à autre chose.

    Lol point us

    nieunieunieu c pa du blak métale

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