N’y allons pas par quatre chemins : Vader a réalisé une prouesse qui réconciliera aisément ceux qui se sont lassés du death metal et provoquera la jubilation des autres. Les Polonais avaient fait étalage de toute leur culture musicale au sein d’un The Empire (2016) éclectique, empruntant des références à tous les genres : du death au heavy en passant par le thrash. En réalité, cela fait plusieurs années que Vader a nuancé sa brutalité pour introduire un riffing plus lourd et des variations de tempo. Une évolution naturelle qui coïncide avec le besoin de renouvellement. Leur douzième album, Solitude In Madness, tranche en particulier avec son prédécesseur. Il est un retour volontaire aux fondamentaux. Vader recentre les débats autour de la notion de vitesse et d’intensité, l’expression d’une colère toujours présente. Solitude In Madness est un véritable décrassage.
Ce « retour aux origines » s’incarne dans le choix d’enregistrer en Angleterre à l’instar du premier album et de changer de producteur, la première fois depuis Impressions In Blood (2006). Vader a sollicité Scott Atkins (Sylosis, Cradle Of Filth) pour forger un nouveau son. Le résultat est imparable malgré la vitesse extrême des compositions. Les instruments se respectent les uns les autres et le traitement de la voix de Piotr Wiwczarek montre ses progrès, fruit d’un travail de studio minutieux dans la variété des timbres et la recherche de la prononciation et des accentuations. Les compositions n’excèdent jamais quatre minutes pour une moyenne d’à peine trois minutes. Solitude In Madness est un condensé d’agressivité qui démarre sans préambule via « Shock & Awe ». Le furieux riffing de Piotr et de son acolyte Marek « Spider » Pająk présente clairement les intentions de Vader, supporté par un James Stewart colossal. Vader conserve toutefois une certaine science du songwriting en privilégiant plusieurs accents mélodiques, à l’instar d’« Into Oblivion » et des leads de guitare détachés qui contrastent avec le riffing increvable en arrière-plan. Ce qui peut faire office d’« accalmie » sur Solitude In Madness est en réalité un riff plus orienté sur le groove ici (« Incineration Of The Gods », « Final Declaration ») ou plus martial là (« Into Oblivion »), une sorte de « break » qui annonce un redoublement de violence. La conclusion d’« Incineration Of The Gods » introduit le déferlement de guitare qui amorce « Sanctification Denied ». Vader s’échine à ne jamais rendre sa musique confuse malgré l’opulence des compositions. On décèle quantité de détails de production ; « Sanctification Denied » laisse deviner des arpèges dissonants qui viennent ponctuer sa structure et le son de la cymbale ride sur le foudroyant « Stigma Of Divinity » est un exemple de propreté.
L’omniprésence de cet « impératif de vitesse » qui motive Solitude In Madness ne doit pas occulter une certaine générosité dans les riffs et diversité dans les arrangements des chansons, évitant à l’album de sombrer dans la monotonie. Si les très courts « Into Oblivion » et « Stigma Of Divinity » n’ont rien d’ambigu, Vader dissémine succinctement sa palette d’influences, que ce soit le tempo plus « modéré » de « Sanctification Denied » qui laisse apprécier le jeu de batterie évolutif, le tricotage des guitares et les effets d’ambiances pré-solo, les accents de heavy old-school d’« Emptiness » (composé lors des sessions d’enregistrement de The Empire et déjà présent sur l’EP Thy Messenger) ou le thrash extrême de « Dancing In The Slaughterhouse », reprise des Polonais d’Acid Drinkers. Le groove de « Bones » lorgne presque du côté du hard rock le temps de quelques secondes, juste ce qu’il faut pour mettre le solo du titre en valeur. La course effrénée de Vader ne l’empêche aucunement de conserver sa qualité musicale. On peut aisément s’accorder avec les dires de son frontman : « Vader fait ce qu’il sait faire de mieux. » C’est peut-être ce qui frappe le plus l’auditeur dans un deuxième temps, une fois remis de la secousse : l’intelligence de Solitude In Madness.
Vader puise dans ses jeunes années en y ajoutant son expérience. Rien d’inédit dans sa démarche. Reste que Solitude In Madness est une décharge sonique extrêmement bien conçue, à la science du riff aiguisée et à la production digne de ce nom. L’opus peut même introduire un auditeur étranger aux rudiments du death technique et brutal tout en ravissant les initiés. Réaliser une œuvre d’une telle intensité sans épuiser celui qui la découvre est un tour de force. Oui, Vader est un orfèvre du genre.
Clip vidéo de la chanson « Into Oblivion » :
Lyric vidéo de la chanson « Shock And Awe » :
Album Solitude In Madness, sortie le 1er mai 2020 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici
Première écoute grosse claque ! et quel pied ! La chronique retranscrit parfaitement cette sensation. Reste à ingurgiter et digérer maintenant mais c’est trop bon.
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Quelle belle conclusion qui résume bien ce groupe.
Encore une chro’ signée Thibaud B. sur l’art du riffing!
Vader, c’est la réponse de la Pologne à l’envahisseur teutoniquo- Panzeresque!
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