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Éditorial   

Van Halen : des éruptions au paradis


… et l’annonce impensable tombe en pleine nuit, comme un couperet : Eddie Van Halen est mort. Ça fait mal, très mal comme pour la perte d’un ami proche. Quand on a connu les premiers albums du groupe et donc d’Eddie jusqu’à l’apothéose en 1984, on ne peut que ressentir une profonde tristesse. Quelque chose nous a été arraché, définitivement. Van Halen a accompagné tant d’entre nous dans une période aussi cruciale que notre adolescence insouciante ; la bande-son d’une génération.

Van Halen, une famille venue de Hollande au début des années 60 pour tenter sa chance à Pasadena, la côte ouest américaine qui fait rêver le monde entier. Eddie et son frère Alex baignent dans la musique dès leur plus jeune âge par l’intermédiaire de leur père. Après qu’ils aient tous les deux été initié au piano à un jeune âge, Eddie débute à la batterie tandis qu’Alex joue de la guitare. Les choses vont vite s’inverser pour se trouver à la bonne place. On connaît la suite : les débuts de Mammoth, l’arrivée du bassiste-chanteur Michael Anthony, suivie de celle du flamboyant David Lee Roth, un incroyable frontman à la voix chaude qui proposera au groupe le patronyme de Van Halen, tout simplement.

L’association du chanteur avec Eddie fera des étincelles, accompagnée par une section rythmique des plus solides formée par Alex, ce frère discret à la frappe si lourde, si inspirée par le grand John Bonham, et Michael Anthony doté d’un jeu de basse groovy et d’une voix haut perchée, une des marques de fabrique du groupe et une des armes secrètes de son succès. Un sacré coup de pouce de la part d’un certain Gene Simmons et c’est parti. Six albums devenus des classiques seront produits avant la séparation avec Diamond Dave, une période bénie qui finira avec « Jump », un tube gigantesque introduit par un riff de synthé – une nouveauté surprenante à l’époque – qui fera sauter toute la planète. S’est ensuivie la période plus « radio-friendly » (mais qui n’en possède pas moins son lot de pépites) avec l’ex-Montrose Sammy Hagar, puis quelques remous (la courte période Gary Sherone qui aura peu emballé les fans) somme toute insignifiants au regard de l’héritage laissé par le groupe et son guitariste. La carrière de Van Halen se termine sur le retour en fanfare de Roth et un dernier album studio inspiré des premières démos.

Van Halen, c’est d’abord un son, le « big rock » – pas du hard rock ou du metal –, et une manière de jouer comme on ne l’avait jamais vu et entendu auparavant. Ceux qui ont écouté au moment de sa sortie le célèbre « Eruption » (un solo de près de deux minutes en seconde piste du premier album, il fallait oser) se souviennent encore, lors de sa découverte, du grand frisson provoqué par ce moment d’anthologie, exercice de tapping figurant dans les annales de la guitare, sans pour autant bien comprendre… Eddie Van Halen, c’était certes des solos éblouissants, toujours musicaux, souvent chantants, mais aussi et surtout un sens rythmique quasi acrobatique et des riffs parmi les plus créatifs du genre (sans même parler de la perceuse utilisée sur la fameuse intro de « Poundcake »). Il passait du solo à l’harmonie et à la rythmique avec une fluidité déconcertante, sans jamais créer de déséquilibre dans la structure musicale. Et pas besoin de deuxième guitare, avec ce fameux effet de phaseur qui lui donnait ce son monumental.

Edward était non seulement un musicien hors norme et novateur, mais aussi un bricoleur incroyable qui construisait lui-même ses instruments à rayures multicolores, qui deviendront cultes et iconiques de la marque Van Halen. Son talent nécessitait de pousser les limites techniques pour pouvoir se libérer. La six-cordes customisée en noir et jaune sera enterrée avec Dimebag Darrel, « Van Halen » étant les derniers mots que le guitariste de Pantera avait prononcés avant de mourir sur scène. Eddie offrira cet instrument en hommage au guitariste assassiné.

Dire que ses premières prestations de son célèbre tapping se faisaient dos au public, Eddie ne souhaitant pas divulguer sa méthode, du moins au début de sa carrière. Le garçon était timide et réservé (on le voyait parfois en interview à la télévision, une guitare à la main, s’exprimer davantage avec cette dernière qu’avec des mots) mais une vraie tornade sur scène. Une fois lancé, le groupe s’appuie sur la maestria du guitariste et offrira au public des spectacles quasi athlétiques (ce qui vaudra à terme à Eddie la pose d’une prothèse de hanche) où le maître mot sera la fête. Le sourire de Van Halen est aussi une de ses marques de fabrique : pas de frime mais de la déconne. On peut jouer comme un dieu et se pointer sur scène avec des chaussettes rouge et blanc montées jusqu’aux genoux ! Pas de cuir noir ni de clous à la Judas Priest.

Il dépasserait aussi les frontières du rock grâce à ce solo fantastique sorti de nulle part et balancé au milieu de « Beat It » de Michael Jackson, en mettant par la même occasion tous les hardos de l’époque dans l’embarras : « Merde, c’est quoi ce solo génial au milieu d’un morceau de pop ? Quoi ? C’est Van Halen ? Tu déconnes ! » Il « apparaît » aussi dans le monde du cinéma dans un film si représentatif des années 80, Retour Vers le Futur, lorsque Michael J. Fox alias Marty Mac Fly balance un solo de guitare enregistré sur une K7 au nom de Van Halen dans les oreilles de son futur père pas très futé, croyant du coup aux Martiens. Ce Mac Fly qui jouera un Johnny B Good en se la jouant Chuck Berry pour finir en transe sur une séquence de tapping griffée cent pour cent Van Halen devant un public médusé ! Toute une époque.

Durant cette période bénie, tout le monde se l’arrache. Il participera aux séquences musicales avec l’orchestre d’accompagnement du Talk-Show de David Letterman en 84 – disponible sur YouTube, à voir absolument. En quelques notes, il maîtrise et dirige tous les autres musiciens présents. Puis il jouera aussi de la basse en 1987 sur l’album solo de Sammy Hagar qui devait achever son contrat avec sa maison de disques, bien que ce dernier ait déjà intégré Van Halen avec qui il venait de sortir l’album 5150 (code faisant référence à une personne dérangée mentalement, nom du studio d’Eddie et plus tard de son célèbre ampli signature de la marque Peavy). Il collabore également avec Black Sabbath sur le titre « Evil Eye » lors des sessions d’enregistrement de l’album Cross Purposes en 1993 ; une participation moins connue et révélée sur le tard, car non créditée à cause d’un blocage lié à des histoires contractuelles.

On retiendra ces derniers jours le concert de louanges et les hommages appuyés à travers les médias de tous les musiciens qui l’ont connu et approché de plus ou moins loin, à la manière de Tony Iommi, son ami de longue date, totalement dévasté. Ils avaient notamment échangé leurs expériences et leur ressenti lorsqu’ils avaient connu les mêmes douleurs aux articulations des doigts (l’enfer des guitaristes) ; un traitement à base de cellules souches avait été bénéfique pour ces deux monstres de la six-cordes. On oubliera les critiques et moqueries des internautes sur son fils Wolfgang – notamment concernant la sortie prochaine d’un album solo –, qui a dû avoir bien du mal ces derniers mois à les encaisser et y répondre, vu ce qu’il devait endurer en voyant son père de plus en plus atteint par le cancer (celui qui aura été fatal, puisque Eddie avait déjà vaincu un cancer de la langue en 2002). Dernièrement, on apprend aussi qu’Eddie avait repris contact avec Michael Anthony en 2019 pour préparer une tournée des stades en guise de tournée d’adieu, mais sa santé détériorée ne lui a pas laissé d’autre choix que de laisser sa guitare au placard. Sammy Hagar avait également repris contact : la maladie aura fait oublier les rancœurs de manière sans doute trop tardive, mais on ressent une certaine satisfaction à voir que ces grands musiciens avaient renoué leur amitié.

On n’oubliera jamais ce logo triangulaire si sobre et emblématique, sa technique, ses guitares, son son, son sourire, ses galères et bien sûr ses soli et ses riffs légendaires parcourant les compositions de ce groupe à jamais égalé. Eddie Van Halen était, sans conteste, de ces très rares guitaristes de la classe de Jimi Hendrix. Un géant nous a quittés. Respect Eddie et merci pour tout.

Des éruptions sont annoncées au paradis.

Everybody Wants Some!!

Photos : Ross Halfin.



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  • Je suis heureux de voir que mes lectures de magazines spécialisés des années 80 viennent corroborer la définition que donnait Eddie de la musique qu’il jouait..le Big Rock! Tout est dit dans cette formule : tout était Grand chez les frères VH, du talent à la deconnade ! Comme je le disais récemment à un pote : plus rien ne m’a scotché depuis Éruption…42 ans sans surprise!!! Le marchand de glace s’en est allé au paradis des grattes électriques…paix à son âme..

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  • Chronique factuelle et pertinente qui doit aussi rappeler que Van Halen et ses 80 millions d’album vendus se retrouve dans le Livre Guinness des records comme le groupe ayant le plus grand nombre de tubes dans la Billboard Mainstream Rock List: une preuve de plus de l’universalité et le succès mérité de la musique apportée par le regretté Eddie

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