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Interview   

Virgil veut descendre jusqu’aux enfers


A l’heure du succès de la scène blackened deathcore avec l’explosion des Lorna Shore et Shadow Of Intent, on aurait bien tort de ne regarder que ce qui se passe outre-Atlantique. Il n’y a en effet pas que dans le nord des Etats-Unis que ce mouvement-là est inspiré, il y a aussi le nord de la France ! Virgil vient des Hauts-de-France et incarne parfaitement l’évolution du metal extrême moderne qui s’affranchit bien des pudeurs à piocher dans les registres musicaux qui lui parlent. Bien loin de l’idée de séparer une supposée pureté du black traditionnel avec le maudit deathcore, Virgil prend sa force de frappe là où cela lui semble pertinent pour apporter quelque chose de profondément sensoriel. Après un premier album Divina Infernum qui posait les bases, la formation monte un très gros palier avec Acheron qui propose une production massive et un concept plus abouti. Le sombre voyage de Virgil ne fait que commencer mais il s’annonce très prometteur.

C’est évidemment petit à petit que l’oiseau fait son nid et peut-être faudra-t-il du temps avant que Virgil parvienne aux oreilles d’un maximum d’auditeurs friands de ce cocktail explosif de metal extrême. Assez certains qu’Acheron a les atouts pour plaire à ce public, nous voulions apporter un coup de projecteur à la formation qui par ailleurs découvre avec ce nouveau cycle l’exercice de l’enchaînement des interviews des médias spécialisés. De son aspect théâtral à ses couleurs musicales, les guitaristes Thomas Fontaine et Julien Baquero ainsi que le chanteur Marius Vantomme nous en disent un peu plus sur les contours de leur projet.

« Je suis un musicien et un auditeur qui aime écouter les albums en entier. Pour moi – je pense que tout le monde dans le groupe pense pareil – il faut que l’album soit digeste, qu’il raconte quelque chose et que ce soit un peu une montagne russe. Il faut aussi savoir relâcher la pression pour pouvoir la remettre derrière. »

Radio Metal : Comment a commencé l’histoire de Virgil ?

Thomas Fontaine (guitare) : Ça commence avec le bassiste, Charles [Konieczna], qui a un jour posé une annonce pour créer un groupe. Julien et moi avons répondu quasiment dans la semaine et nous nous sommes rencontrés en même temps. Nous avons tous les trois fait une bouffe chez Charles et nous avons lancé le projet. Quelques mois plus tard, Marius nous a rejoints au chant. Nous avons directement fait un EP en 2017 qui s’appelait Initium, qui était une sorte de blackened deathcore. Nous avons poursuivi cette thématique sur notre premier album qui s’appelle Divina Infernum, que nous avons sorti en 2019. Notre batteur David [Blanquart] nous a rejoints à ce moment-là : nous l’avons mis en studio et il a enregistré l’album. Nous avons continué à faire des concerts, nous avons avancé, puis à partir du Covid-19, nous avons commencé à écrire Acheron qui est sorti il y a peu de temps.

Vous étiez chacun dans des formations spécifiques avant ou c’est votre première histoire dans une entité qui se développe et sort des albums ?

Julien Baquero (guitare) : Non, nous sommes tous passés dans des projets différents. Il y en a qui ont fait du hardcore, d’autres du metalcore, toujours des styles un peu extrêmes, même si c’est moins extrême que ce que nous faisons aujourd’hui. Nous avions tous un petit peu de bagage, à plus ou moins grande échelle, donc quand nous nous sommes rencontrés, nous étions déjà à l’aise avec les répètes, le studio, etc. C’est un plus pour pouvoir faire un projet plus sérieux que tout ce que nous avions eu avant.

Au niveau de la composition, comment ça se passe ? Êtes-vous tous dans l’écriture ou est-ce partagé sur un noyau qui est porté par plusieurs membres du groupe ?

Pour Acheron, nous avons un peu changé notre méthode de composition. Sur le premier album, nous faisions ça beaucoup en répétition. J’arrivais avec des structures et nous marchions comme ça. Pour cet album, il faut savoir que j’ai un studio d’enregistrement à la maison. Nous avions déjà deux ou trois petites idées, des petits morceaux qui traînaient, et quand le Covid-19 est arrivé, avec un studio à la maison, c’était plus facile de communiquer, de pouvoir s’envoyer des sons et de faire tourner un petit peu les choses. Nous avons donc beaucoup composé à distance, au début à nous envoyer des petits riffs, des structures, des idées, etc. Je maquettais un petit peu pour que chacun ait des choses écoutables et faciles à travailler, les morceaux passaient de main en main pour pouvoir avancer au fur et à mesure. Quand les confinements ont sauté et que nous avons pu nous revoir, nous sommes partis en répétition avec des structures déjà beaucoup plus établies. Ensuite, nous avons tout maquetté, nous avons fait des préproductions propres, ce qui nous a permis de démarcher les labels. L’avantage d’avoir le studio à la maison et de faire des préproductions, c’est qu’on peut les écouter, on peut les éprouver, etc. Donc tout le monde a mis sa patte, ce qui change du premier album où c’était un peu moins le cas. Nous avons travaillé en osmose en nous échangeant les choses pendant plusieurs mois. Les préproduction nous ont servi à peaufiner les morceaux et les arrangements. Des morceaux ont carrément sauté parce que nous trouvions que ce n’était pas forcément adapté à l’album. Ensuite, nous avons entièrement réenregistré l’album pour donner le résultat d’aujourd’hui. Nous avons essayé de professionnaliser le processus, mais en étant encore plus dans l’échange qu’avant, et je pense qu’au final, c’est ce qui nous plaît le plus.

Vous pensez que sans le Covid-19, vous l’auriez fait plus vite ou avec une autre méthode, ou bien aviez-vous déjà ce plan de prendre un peu plus le temps et de procéder ainsi ?

Avant le Covid-19, nous avions des dates. Nous voulions tourner au max pour défendre notre premier album sur scène. Il y avait pas mal de choses que nous n’avons même pas eu le temps d’annoncer. Pour être honnête, j’avais déjà préparé les flyers, les visuels pour les réseaux sociaux, etc. qui devaient sortir une semaine après l’annonce du premier confinement. Comme nous avons su que ça ne se ferait pas, nous n’avons rien annoncé, et au début, l’album n’était pas forcément dans nos têtes. Nous avions quelques trucs, nous avons commencé à bosser quelques morceaux, quelques idées à droite, à gauche, quelques riffs, mais ce n’était pas vraiment là. Et quand le Covid-19 est arrivé, nous nous sommes dit : « Bon, on fait quoi ? On se repose ou on bosse ? On bosse ! » Du coup, nous avons changé la méthode de travail pour en trouver une qui nous correspondait plus et qui a fait que ça a été beaucoup plus facile pour nous d’aller plus loin dans les morceaux, en y mettant davantage notre personnalité. Ce n’était pas d’actualité avant, mais au final, c’est un mal pour un bien. Nous n’avons pas beaucoup tourné pour le premier album, mais ça nous a permis de faire un produit qui nous satisfait beaucoup plus aujourd’hui.

De ce que j’ai compris, vous avez composé l’album un peu morceau par morceau et non pas avec une structure globale, comme une entité ?

Oui et non. Nous composons beaucoup les morceaux deux par deux. Je ne sais pas pourquoi. C’est un réflexe que nous avons depuis le début. Du coup, les morceaux se répondent, mais une fois que nous en avons composé deux et qu’ils sont cool – il peut arriver qu’il y en ait un qui saute parce qu’il ne nous correspond pas –, ça donne des idées pour les autres morceaux. Par contre, sur l’idée globale, nous en avons vite parlé tous ensemble. Nous savions plus ou moins ce que nous voulions. Le truc, c’est que nous ne nous imposons pas de limites. Nous pouvons mettre un riff black avec un riff néo derrière, nous nous en fichons. Nous avions juste une ligne directrice et au fur et à mesure que l’album se construisait, l’identité visuelle se construisait aussi. Les textes de Marius participaient aussi à se mettre un peu plus dans l’ambiance de l’album et à savoir quelle direction nous prenions. Quand tout était maquetté, nous avons fait une petite « réunion de crise » pour passer un peu de temps à réfléchir sur les ajustements pour que tout soit plus cohérent. C’est pour cette raison que nous avons réenregistré l’album derrière et que les préproductions nous ont vraiment servi à modeler l’album comme nous voulions à partir de tout ce que nous avions fait.

« Je sors du lycée en 2005, il commence à y avoir tous ces groupes et il y a des mondes musicaux – notamment quand tu fais des festivals – qui se rencontrent. Nous avons eu la chance de grandir à cette période-là, avec à la fois du black old school, du vieux thrash, du speed, et puis à un moment du deathcore, ces vagues de post-black, etc. »

On retrouve quelques morceaux instrumentaux en guise de petites respirations dans cet album. Sont-ce des choses qui ont aussi été pensées dans cette logique de dualité ou bien ça a été rajouté après coup ?

Non, c’est arrivé super vite. Je laisserai Thomas parler du morceau « Charon », car c’est lui qui a bossé sur cette partie-là, mais pour les petites respirations, l’intro, etc. nous aimons bien raconter une histoire, faire un voyage, donc c’est vite arrivé. Nous avions déjà ce réflexe sur le premier album de mettre des respirations et des choses qui participent à l’immersion, à l’ambiance. D’ailleurs, merci beaucoup à Cédric, alias Trent Hertz, qui est un musicien extraordinaire, qui a bossé avec moi sur l’intro et le sample d’« Ignis » et qui nous a beaucoup aidés là-dessus.

Thomas : Concernant « Charon », déjà sur l’EP, nous voulions que la musique ne s’arrête jamais. Dès l’intro, nous voulions qu’il y ait un petit effet et l’idée était d’avoir une sorte de respiration, un truc un peu doux. J’ai commencé à partir de la mélodie, en me demandant comment, à partir de cette boucle, je pouvais créer tout le reste. L’idée était d’être sur quelque chose de très mélancolique et continu, et ensuite, sur l’arrangement… De toute façon, nous avons toujours composé comme ça : une personne arrive avec un ou deux riffs et nous échangeons le morceau qui, au fur et à mesure, se remplit d’arrangements.

J’ai l’impression que, déjà au niveau de l’instrumentation, vous voulez qu’il y ait un côté narratif, que l’auditeur comprenne bien qu’il y a une histoire et un concept central…

Julien : Oui, tout à fait. Nous ne nous considérons pas comme un « groupe à single », sans le côté péjoratif. Je suis un musicien et un auditeur qui aime écouter les albums en entier. Pour moi – je pense que tout le monde dans le groupe pense pareil – il faut que l’album soit digeste, qu’il raconte quelque chose et que ce soit un peu une montagne russe. Il faut aussi savoir relâcher la pression pour pouvoir la remettre derrière. Et c’est vrai qu’il y a eu un gros travail pour définir l’ordre des morceaux, parce qu’il n’est pas du tout celui dans lequel nous les avons composés. Pareil, quand j’ai fait le mastering avec Olivier [T’Servancx] du Electrik Box Studio et même le mix avec Simon [Herbaut] de The Lumberjack Feedback, nous nous sommes beaucoup pris la tête sur l’enchaînement des morceaux, pour justement avoir ce côté narratif, un peu cinématographique, même si ça reste de l’audio.

Marius Vantomme (chant) : C’est sûr qu’il y a une inspiration cinématographique derrière ainsi que théâtrale.

Tu adaptes tes chants ou tes textes par rapport à ça ou tout s’est goupillé en même temps ?

Selon les paroles, j’essaye de vraiment rentrer dans un personnage. Il y a une histoire de schizophrénie là-dedans, en gardant de la noirceur au maximum. Il s’agit de rester sur un côté théâtral avec, sur scène, une gestuelle qui suit.

On peut dire que cet album est assez ancré dans la fin des années 2010, car il s’inspire aussi bien de la nouvelle scène un peu hardcore que du black et death des années 2000, avec une production assez massive. Expliquez-vous cette empreinte par la musique que vous avez vous-mêmes « consommée » ou était-ce une volonté d’évoluer dans ce qui est qualifié de « metal extrême moderne » – qui est une étiquette qui a été utilisée pour vous ?

Thomas : Je crois que ça vient de notre écoute. Nous sommes assez ouverts musicalement. Nous allons écouter des trucs très différents et cette nouvelle vague, ces nouveaux sons, avec la possibilité de bosser sur du numérique ou de jouer en sept-cordes, c’est quelque chose que nous avons très vite intégré, depuis des années, ce qui fait que ça devient naturel. Je sors du lycée en 2005, il commence à y avoir tous ces groupes et il y a des mondes musicaux – notamment quand tu fais des festivals – qui se rencontrent. Nous avons eu la chance de grandir à cette période-là, avec à la fois du black old school, du vieux thrash, du speed, et puis à un moment du deathcore, ces vagues de post-black, etc.

Julien : La base commune, en règle générale, c’est le metal extrême, mais comme nous écoutons tous vraiment de tout, ça va du rock au rap, en passant par la musique classique, la musique de film, etc., nous ne voulions pas nous fixer de limites. Nous savions juste que nous voulions quelque chose de brutal, profond, malsain, noir. Comme disait Thomas, nous avons aussi évolué avec cette scène et nous avons forcément assimilé nos références au fur et à mesure des années. Après, on ne va pas se mentir, du black et du death old school, il y en a tellement qui le font et qui le font très bien que ça n’a jamais été le but de reproduire ce genre de choses. Nous préférons ne pas nous laisser de limites et aller dans des choses peut-être, des fois, un peu bizarroïdes, mais nous essayons de faire notre truc à nous.

« On ne va pas se mentir, du black et du death old school, il y en a tellement qui le font et qui le font très bien que ça n’a jamais été le but de reproduire ce genre de choses. Nous préférons ne pas nous laisser de limites et aller dans des choses peut-être, des fois, un peu bizarroïdes, mais nous essayons de faire notre truc à nous. »

Il y a une volonté d’apporter une nouvelle proposition, en suivant le progrès de cette musique extrême…

Oui, c’est ça. Beaucoup de gens qui ont écouté l’album récemment nous ont dit qu’ils avaient un peu peur que nous partions dans un truc à la Lorna Shore, parce que c’est très deathcore avec du symphonique, etc. Ils ont tous été surpris parce qu’en fait, non, nous ne voulons pas faire de la musique pour copier ou nous inspirer d’une mode. Nous voulons faire avant tout ce qui nous plaît. Si ça plaît aux gens, c’est super, mais nous le faisons avant tout pour nous. C’est Virgil, c’est aussi notre défouloir.

Lorna Shore est un groupe qui revient souvent quand on vous évoque, on entend aussi beaucoup parler de Behemoth. Je rajouterais également Akhlys…

Oui, j’aime beaucoup aussi. Ce sont tous des groupes que nous écoutons tous plus ou moins et que nous avons dans notre playlist.

Thomas : Si tu prends les mouvances type Lorna Shore, ce sont des choses que je n’écoute quasi pas, et je sais que Charles qui est à la basse, qui est très influencé par le black metal, écoute très peu, voire pas du tout. À l’inverse, David à la batterie et Julien ont poncé des CD !

C’est donc eux qui insistent pour mettre des breaks super massifs ?

Julien : [Rires]

Marius : J’avoue que j’en fais partie aussi. J’aime beaucoup l’énergie brutale. A la base, je viens d’un groupe qui est plutôt deathcore, donc c’est pour ça que, des fois, on peut ressentir qu’il y a une petite touche, surtout au niveau du chant extrême, que ce soit dans les aigus ou les gutturaux. Mais nous restons quand même tous à fond sur le black.

Julien : Pour être honnête, c’est intéressant de parler des breaks, car c’est la première interview où on nous en parle, j’en profite. C’était un gros débat chez nous parce qu’au fur et à mesure, nous écoutons de moins en moins ce genre de musique où il y a justement beaucoup de breaks. La question était : avons-nous envie de continuer à en faire ? Car il y en avait beaucoup sur le premier album, il y en avait plusieurs par morceau. Le débat a débouché sur une autre solution : nous continuons à faire des breaks parce que c’est quand même cool et la puissance est là, mais nous les faisons différemment. Nous essayons de les rendre un peu plus groove, un peu moins hardcore, de mettre du blast dessus. Je ne sais pas si le pari est réussi, les gens le diront, mais nous avons essayé de faire les choses différemment et de ne pas faire juste le truc avec un gros blanc, le cri qui arrive derrière et boum, ça part.

C’est aussi ce qui donne ce côté un petit peu post-metal et presque black troisième vague…

Oui, et nous écoutons tous aussi beaucoup de groupes de la troisième vague. C’est toujours une question de digérer ses influences.

Marius : Nous avons un batteur qui aime bien taper aussi ! [Rires]

Marius, tu as évoqué différents types de vocalises que tu emploies sur cet album. C’est toi qui gères l’ensemble des chants, en te doublant toi-même en studio ?

J’aime bien travailler avec un extrême aigu, un extrême grave et une voix médium. Après, dans les arrangements, en général, nous aimions bien mettre le grave et l’aigu en même temps, mais c’est une question de choix. J’aime beaucoup quand ça sonne brut avant tout. Après, nous avons choisi de peaufiner certains passages pour que ça sonne très puissant. Sur scène, en tout cas, il n’y a pas de triche : extrême aigu, extrême grave, médium et je marie toujours ces trois voix.

Julien : Il se débrouille tellement bien tout seul que ça ne sert à rien que nous essayions d’aller derrière lui !

Marius : Après, nous avons déjà discuté de backing pour rajouter peut-être une ampleur. C’est à travailler. Nous ne sommes pas fermés là-dessus, mais c’est vrai que j’aime bien les challenges et en général, ce qui a été fait en studio, même si parfois on peut trouver ça botoxé, j’essaie vraiment de le reproduire au maximum sur scène. C’est du travail, mais on y arrive.

Heaven Shall Burn serait un autre groupe dans lequel le chanteur porte un peu tout ça seul, il assure aussi tous ces chants sur scène…

Oui, je les avais vus en première partie de Korn et j’avais été très surpris en live. Il assurait vraiment avec ses différents chants.

« Le plus guttural et dégueulasse possible dans les graves, avec le coffre qu’il faut, et l’aigu écorché. Ça fait du bien, c’est un défouloir. »

Y a-t-il des chanteurs qui t’ont inspiré à ce niveau ?

A la base, j’étais guitariste, mais le chant m’a toujours intéressé. Mon mentor, c’est Mitch Lucker de Suicide Silence, notamment sur l’album The Cleansing. C’est vraiment celui qui m’a donné envie de me mettre au chant, par rapport à ses screams aigus. J’ai toujours aimé les screams aigus, bien qu’à la base je préfère ce qui est screamo, criad, un peu avec de l’émotion, etc., mais le chant strident de Mitch Lucker, c’est vraiment ma plus grosse influence. C’est vraiment lui qui m’a donné envie de m’orienter vers le chant. Après, il y avait toute la clique à l’époque, avec Whitechapel pour le guttural, j’adorais. Après, j’ai élargi un peu les groupes, mais toujours avec des voix extrêmes, que ce soit dans l’aigu ou le grave. Le plus guttural et dégueulasse possible dans les graves, avec le coffre qu’il faut, et l’aigu écorché. Ça fait du bien, c’est un défouloir.

Julien : Il faut savoir qu’en studio, j’ai poussé Marius à bout !

Marius : C’est comme lorsque j’écris les textes. Au final, je me mets dans un sale mood, et il n’y a que comme ça que j’arrive à faire des choses extraordinaires. Il faut me pousser, que je me fasse du mal, et c’est parti.

Ils te mettent la pression avant les concerts aussi ?

Non, ça va. Au niveau du concert, j’aime bien avoir ma petite bulle, être concentré. Nous avons chacun notre espace. Chacun a son rôle sur scène. J’ai la chance d’avoir un micro, donc c’est rapide, mais mon rôle sera de gérer un peu les artifices, etc. J’ai toujours un temps pour m’échauffer tranquillement dans ma bulle et après, c’est parti. Nous ne nous mettons pas de pression avant de monter sur scène. Il ne vaut mieux pas parce que c’est aussi pour se faire plaisir. Nous travaillons tous à côté, donc il faut que ce soit un plaisir avant tout.

La réelle évolution d’Acheron par rapport à Divina Infernum, c’est clairement la production qui est bien plus affinée. Est-ce que c’était clair pour vous qu’il s’agissait d’un point sur lequel il fallait miser ?

Julien : Oui. Peut-être encore plus pour moi que les autres, parce qu’à la base, j’ai créé mon studio pour Virgil. Aujourd’hui, il est ouvert à tout le monde parce qu’on m’a un peu poussé, des copains sont venus enregistrer des petits projets, etc. mais le studio était fait pour Virgil et c’est quelque chose qui me passionne depuis que j’ai quinze ans. Le projet était de tout faire de A à Z nous-mêmes, mais en prenant le temps de pousser les curseurs. Pour parler de la production jusqu’au bout, quand l’enregistrement a été fini – parce que nous avons pris énormément de temps, je voulais des pistes solides, quelque chose de vraiment propre –, au moment de mixer et masteriser, j’ai commencé de mon côté. Les autres me disaient qu’ils étaient contents, mais je voulais aller plus loin. J’avais des ambitions autres. Or, c’est compliqué d’avoir du recul sur sa musique, surtout quand on est tout le temps dedans. Nous avons donc commencé à regarder qui pourrait mixer l’album. Nous nous sommes renseignés sur des étrangers, des grands noms de l’industrie, etc. En fait, avec Virgil, nous aimons beaucoup travailler avec des gens qui nous sont proches, des gens qui nous connaissent bien, parce qu’il n’y a pas de filtre, pas de barrières, on peut y aller. Le choix s’est donc porté sur le boulot de Simon. Une fois que l’album était vraiment peaufiné, nous sommes allés plusieurs fois chez lui, des journées complètes, pour mixer l’album. Là encore, nous ne nous fixions pas de limites. Parfois, nous clôturions une session avec Simon et nous nous disions : « On n’a pas été un peu trop loin là ? Ce n’est pas un peu trop violent ? » Et en fait, non, et nous avons vraiment été dans à fond dans le truc. Pareil pour le mastering, la question s’est posée : est-ce que nous faisons un master nous-mêmes ? Pour ça encore, j’aime bien avoir une oreille extérieure qui va peut-être rajouter quelque chose. Nous sommes donc passés par Olivier du Electrik Bow Studio, un gars qui a des oreilles bioniques, c’est impressionnant ! Je n’ai jamais vu un type pareil ! Il nous a fait un master qui a conservé la grosse énergie que nous avions mise dans le mix, sans trop la brider. Ça a été au-delà de nos espérances. Nous espérions un truc cool, et ce n’est pas parce que c’est mon groupe, mais je trouve vraiment que c’est l’un des meilleurs mix que j’ai entendus depuis quelque temps dans ce milieu-là.

Malgré la continuité thématique avec le premier opus, il se démarque quand même très nettement pour vous ?

Thomas : Il y a cette idée de continuité. C’est-à-dire qu’il se démarque dans la construction, dans le rapport à la composition, nous avons voulu tous mettre plus notre patte dedans, mais si tu prends les derniers morceaux que nous avons composés pour Divina Infernum, ce sont des morceaux que nous aurions hésité à mettre dans celui-ci, parce qu’il y a une sorte de logique qui se fait entre la fin de Divina et le début d’Acheron. Le fait que nous ayons enchaîné les deux albums joue aussi. Nous avons sorti Divina en octobre 2020 et en mars 2021, nous commencions à écrire Acheron. Si tu prends « Eternity », qui est le premier morceau que nous avons sorti en clip, il était composé en 2020.

« C’est comme lorsque j’écris les textes. Au final, je me mets dans un sale mood, et il n’y a que comme ça que j’arrive à faire des choses extraordinaires. Il faut me pousser, que je me fasse du mal, et c’est parti. »

Vous disiez que vous avez poussé Marius à bout, mais on devine aussi qu’au niveau des instruments, c’est un album très dense et assez complexe. Avez-vous aussi cherché à vous perfectionner, en vous mettant la pression pour pousser plus loin les curseurs techniques ?

Julien : Le gros point qui a toujours été essentiel dans Virgil est qu’il faut que nous puissions faire sonner en live à l’identique quatre-vingt-dix-huit pour cent de ce que nous enregistrons sur un album. Donc, sur la technique, nous n’allons pas au-delà de nos limites. Nous ne commençons pas à essayer de jouer des choses que nous ne saurons pas reproduire. Par contre, c’est vrai que le confinement a été une période compliquée, mais du coup, nous avions du temps pour bosser nos instruments. Nous avons donc un petit peu level-up là-dessus. Et puis, en studio, au niveau de la production, je suis assez intransigeant. Quand quelque chose ne passe pas, je ne lâche pas l’affaire. Il n’y a pas d’edit. On va jusqu’au bout du truc ou on ne le fait pas. Je prends l’exemple avec Thomas parce qu’il est là avec nous, sur les guitares, il a une meilleure main gauche que moi et moi j’ai une meilleure main droite que lui, et nous savons que nous sommes complémentaires. Donc, les riffs qui sont plus faciles pour moi, il n’y a pas de problème d’ego dans le groupe, je les joue à sa place et inversement. Au moins, comme ça, nous avons quelque chose d’homogène et le plus qualitatif possible sur les prises.

Thomas : Comme nous sommes sur un temps de composition qui est assez long, les morceaux sont intégrés. Il y a des morceaux que nous jouons en répétition depuis longtemps, que nous avons composés, que nous avons bossés, c’est-à-dire qu’ils sont pleinement intégrés, et techniquement, nous ne galérons pas en studio.

Virgil est le nom du guide dans La Divine Comédie, qui va emmener Dante en enfer. Quel est votre rapport à ce texte et qu’est-ce qui vous a inspirés dans ce concept ?

Marius : C’est surtout l’aspect théâtral, le fait d’emmener ça sur scène, avec les différents aspects. Après, pour être honnête, ils avaient déjà choisi le nom Virgil avant même que je sois dans le groupe. J’avais d’ailleurs posé moi-même la question…

Julien : En fait, le concept de La Divine Comédie nous plaisait dans le sens où c’était le poète qui guidait Dante dans son voyage. La projection que nous avons eue est que nous voulons nous-mêmes accompagner les gens dans le voyage le plus sombre possible. Ça collait bien. Nous voulions un nom en un mot, qui soit un peu accrocheur et facile à retenir. J’étais en plein dans la relecture de La Divine Comédie – car je l’avais déjà lu adolescent – à ce moment-là et j’ai trouvé ça cool. Nous en avons beaucoup discuté. Quand Marius est arrivé, il a directement dit : « Nickel, c’est exactement le genre de truc qui me botte » et il a pris le relais.

Marius : Au début, j’ai adapté Dante qui allait récupérer Béatrice, avec Lucifer, l’histoire des neuf cercles, etc. Après, quand Acheron est sorti, j’ai voulu plus jouer sur l’idée du passeur des morts, sur le Fleuve de la Douleur, etc. Nous jouons beaucoup sur les matières, que ce soit l’eau, le feu, le néant, etc. On est sur un esprit qui est sur la mort, la noirceur, la schizophrénie aussi. J’ai placé quelques clins d’œil encore sur Lucifer et Dante, mais je l’adapte d’une autre manière. C’est toujours ciblé sur un cycle de vie, mais très noir.

Pensez-vous avoir le même rapport à cet univers qu’un The Great Old Ones a à Lovecraft ou êtes-vous plus flexibles, et ça aurait pu être un autre support ?

Julien : Au début, quand nous avons commencé le projet, ça bottait bien Marius de bosser Là-dessus, et pour Acheron, il a été un peu plus introspectif et personnel dans ses textes, même si c’est toujours raconté comme des petites histoires, etc. Nous ne voulons pas non plus nous enfermer à parler de la même chose toute notre vie. Nous verrons dans quoi nous partirons pour le prochain album, mais avec celui-ci, il y a eu une évolution dans les textes par rapport au premier album et je pense que ce sera pareil pour la suite.

Marius : Nombre des textes dans Acheron sont en effet liés à des petits clins d’œil, que ce soit à ma vie personnelle – par exemple, une terreur nocturne où je vais raconter ce qui s’est passé – ou à des choses que j’ai voulu imager, toujours avec un côté malsain mais aussi une mélancolie. Ça peut partir de n’importe quoi, étant donné que je veux reporter dans mes textes quelque chose en rapport avec la musique et jouer avec la noirceur ainsi que la lumière qui apparaît parfois dans nos morceaux. J’essaie d’être cohérent dans les textes avec les lignes que mes chers guitaristes, bassiste et batteur m’envoient.

« Le concept de La Divine Comédie nous plaisait dans le sens où c’était le poète qui guidait Dante dans son voyage. La projection que nous avons eue est que nous voulons nous-mêmes accompagner les gens dans le voyage le plus sombre possible. »

Y a-t-il aussi une grille de lecture sur le monde actuel derrière cette idée de la descente aux enfers ? Faites-vous un parallèle ou est-ce juste pour alimenter votre imaginaire et jongler avec votre esthétique ?

Certains textes peuvent être un parallèle. « Eternity », par exemple, a été fait pendant le premier confinement. Ça nous est tombé sur la gueule et je pense que ça a fait bizarre à tout le monde de se retrouver chez soi. Ce morceau parle notamment du temps, du cycle de la vie, d’une entité qui veut prendre le contrôle d’une existence et de l’extinction. Je pense que le confinement nous a tous mis une claque parce que nous étions en plein Divina Infernum et nous ne savions plus trop où nous allions. Ça a été un point de recul pour faire quelque chose de plus personnel.

Vous construisez aussi une esthétique sur scène – vous aviez mentionné le côté théâtral – ou ne serait-ce que sur les photos promo. Que souhaitez-vous imager conceptuellement ?

Thomas : En tout cas, sur cet album, l’idée est vraiment d’avoir un rapport sensoriel. Dans la conception graphique de l’album, nous voulions accompagner visuellement la musique. Ce sur quoi nous travaillons dans l’expérience live, c’est ça, c’est-à-dire que nous ne voulons pas une succession de morceaux. Nous voulons essayer de construire une ambiance, un show, un spectacle à part entière pendant la durée du set.

La pochette peut faire penser à celle d’Adore de Numenorean, avec cette idée de tissu suffocant…

Thomas : C’est un de mes albums préféré, je l’adore !

On a l’impression que ça représente une espèce de détresse dissimulée. Comment percevez-vous ou qualifieriez-vous votre propre artwork ?

Julien : Nous voulons que ça reste libre d’interprétation, parce que nous avons trop de concepts dans la tête qui se retrouvent dans cet artwork. Mais grosso modo, c’était une renaissance et en même temps la mort. Comme tu disais, c’est la détresse, mais la vie aussi fait peur. Je pense que l’artwork transpire le malaise, mais en même temps l’aventure, les matières sont présentes… La photo n’est pas retouchée. Nous avons vraiment travaillé un gros shooting pendant des heures, avec une grosse installation, etc. Nous voulions que ce soit libre d’interprétation, mais que les gens se posent des questions, que ça interpelle, que le jour où on se balade dans un rayon et où on voit ce CD, on se demande ce que c’est.

Vous êtes sur un jeune label français, Source Atone Records, qui, semble-t-il, croit beaucoup en vous. C’est un label qui va vraiment du post-rock au Sludge et au black metal. Quel rapport avez-vous avec ce label ?

Thomas : Quand nous avons commencé à chercher des labels, à un moment donné, nous avons eu la sensation d’être le cul entre deux chaises. C’est-à-dire que les labels un peu deathcore nous trouvaient trop black et les labels de black nous trouvaient trop core. Quand nous avons vu Source Atone arriver et signer assez rapidement Néfaste et Nature Morte, je me souviens de Julien qui me dit : « Peux-tu les contacter s’il te plaît ? » et nous leur avons envoyé un message. Quand tu vois les groupes qu’ils ont signés, ce qui est super, c’est qu’ils sont restés sur une émotion, une sensation, et pas forcément sur un style de musique, ce qui fait que c’est super éclectique et, en même temps, super cohérent. Je ne serais pas choqué de me retrouver sur une affiche avec Parlor, qui est du post-core, tout comme sur une affiche avec Nature Morte, Néfaste ou Sunstare. Il y a une cohérence chez eux qui est super. En fait, nous les avons contactés, ils nous ont envoyé un message, et quand nous les avons rencontrés, ils ont dit qu’ils nous connaissaient un petit peu, Chris [Denhez] avait acheté Divina. Ça s’est fait assez naturellement et dès la rencontre, je me suis dit qu’un choix naturel était en train de se faire, qu’il fallait que nous signions avec eux car ça allait être top.

Tu parlais de Nature Morte, c’est finalement l’un des groupes qui se rapprochent le plus de ce que vous pouvez faire, même si c’est aussi assez particulier. Ce n’est pas illogique de voir Virgil à côté.

Oui, il y a vraiment une cohérence assez incroyable entre tous les groupes.

Julien : Alors que tout le monde a des styles très différents.

Vous venez du nord de la France qui est une belle terre de metal extrême. Est-ce que ça vous a aidés, d’une manière ou d’une autre ?

Je ne sais pas si ça nous a aidés, car nous ne sommes pas dans une autre région, donc nous ne maîtrisons pas autant ce qui se passe ailleurs, mais c’est vrai qu’ici, il y a énormément de groupes. Nous nous connaissons tous plus ou moins, de près ou de loin. Nous avons tous partagé des scènes ou des groupes ; par exemple, je connais Marius et David depuis plus de quinze ans parce que nous avons bourlingué ensemble quand nous étions ados. Depuis le Covid-19, c’est un peu plus difficile, mais je pense que c’est pour tout le monde pareil, mais c’est une scène qui a toujours été super active et il y a plein d’anecdotes à raconter dans le Nord sur des groupes qui se sont formés parce qu’ils se sont croisés en live ou dans des salles de répète. Je pense que c’est une bonne terre de metal depuis toujours et il y a pas mal de bons groupes dans le Nord.

Avez-vous des plans pour les live à venir ?

Thomas : Nous voulions que l’album fasse le plus la surprise possible. C’est-à-dire que nous avons fait très peu de booking avant de sortir l’album. Pour l’instant, nous concentrons vraiment les dates à partir de mars. Ça nous laisse le temps de finir de construire le show, de faire la promo de l’album, etc. L’idée est d’associer un maximum de festivals et de tours week-ends et d’essayer d’être cohérent dans nos transports – c’est à dire que si nous bougeons un peu loin, il ne faut pas que nous fassions un one-shot, mais que nous arrivions à faire un mini-tour à chaque fois. Nous sommes déjà annoncés au Métal Au Village à Staple, du côté de Dunkerque chez nous. Nous avons aussi quelques week-ends de tournée qui sont en train de s’organiser sur l’année 2023 et plein de choses qui sont en négociation.

Interview réalisée par téléphone le 1er décembre 2022 par Jean-Florian Garel.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
photos : Kalimba.

Facebook officiel de Virgil : www.facebook.com/virgil.metal

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