L’histoire de Gaahl est consubstantielle de celle du black metal. Figure illustre et sulfureuse qui a défrayé la chronique tant sur scène qu’à la ville, il a prêté sa voix à l’historique Gorgoroth, mais aussi aux explorations folk et païennes de Wardruna, et plus récemment, à God Seed et Gaahls Wyrd, son dernier projet en date. C’est à l’occasion de la sortie de son premier album, GastiR – Ghosts Invited, que nous avons pu échanger avec lui sur les derniers rebondissements de sa carrière, la genèse de ce nouveau groupe, et les fameux fantômes qu’il semble invoquer.
« Rien que le fait de choisir le bon mot peut être une tâche ardue, car les mots sont si extrêmement engageants et dirigeants », nous a confié l’artiste. Taciturne de réputation, Gaahl s’exprime certes avec honnêteté et précision, prenant en effet le temps de choisir chaque mot avec soin, mais aussi avec chaleur et même une touche d’humour. Artiste expérimenté et en pleine possession de ses moyens, il nous décrit avec humilité son processus créatif et ses limites, ses collaborations, et surtout ses paradoxes, entre simplicité et complexité, voix et silence.
« Peut-être que la mémoire est aussi ce qui nous apprend à avancer. C’est peut-être ce qui aide l’arbre à puiser ses aliments dans le sol pour faire pousser de nouvelles branches. »
Radio Metal : A propos de ton départ de God Seed pour créer Gaahls Wyrd, tu as déclaré que tu as « beaucoup apprécié l’univers de God Seed, mais c’est devenu trop sûr et répétitif ». Ça peut surprendre, vu que vous n’aviez sorti qu’un seul album avec God Seed qui, par ailleurs, était un groupe qui semblait artistiquement assez ouvert. Peux-tu donc nous expliquer qu’est-ce qui te faisait ressentir ça ?
Gaahl (chant) : Il y a différents aspects là-derrière, mais c’est principalement à cause de l’héritage de God Seed ; c’est lié au travail entre King [Tom Cato Visnes] et moi. Nous avions travaillé et tout fait musicalement ensemble dans Gorgoroth pendant presque dix ans, et j’en ai eu marre. Donc ce n’est pas tant lié à God Seed en tant que tel qu’au processus de travail entre Tom et moi, vu que nous étions les créateurs de la musique pour Twilight Of The Idols et Ad Majorem Sathanas Gloriam, en plus de, évidemment, ce que nous avons fait dans God Seed. Ça devient routinier quand on travaille pendant autant temps avec la même personne. Nous avons donc simplement arrêté de travailler ensemble [rires]. Et puis c’est aussi des questions personnelles, liées aux relations au sein du groupe. Nous nous sommes éloignés ; nous avions des opinions divergentes sur plein de choses. Nous sommes du genre à avoir des avis bien arrêtés. Je ne peux pas donner plus de détails sur le sujet parce que j’aurais l’air de dénigrer quelqu’un [petits rires]. Parfois il faut juste trouver de nouveaux partenaires de travail.
Tom s’est également séparé d’Abbath récemment. Est-ce donc quelqu’un avec qui il est difficile de travailler ?
Nous sommes probablement tous difficiles, chacun à notre façon. Ces trois personnes que tu mentionnes sont assez têtues et obstinées vis-à-vis de ce qu’elles veulent faire et exprimer. C’est comme ça, et c’est vrai pour plein d’artistes [petits rires]. Nous communiquons toujours, Tom et moi, bien sûr. C’est juste que nous ne travaillons pas ensemble pour le moment.
Tu es de retour depuis 2015 avec un groupe baptisé Gaahls Wyrd. Comment as-tu constitué le line-up de cette formation ?
[Petits rires] C’est assez étrange depuis le début… Le premier line-up comprenait Baard Kolstad à la batterie, Stian Kårstad [Sir] à la guitare, Ole Walaunet [Lust Kilman] également à la guitare et moi au chant. Pas de bassiste à ce moment-là. C’est grosso modo le line-up que nous avions dans God Seed. Il a fallu un peu de temps avant que je me décide sur le bassiste. Nous avons essayé Eld [Frode Kilvik], je crois que c’était au festival Ragnard Rock en France quelque part. Il a une bonne présence scénique, donc nous avons fini par le garder et, au moins, essayer avec lui pour voir si ça fonctionnait ensemble. Il est toujours dans le groupe. Stian en a marre de la musique, donc il est parti, et Baard Kolstad [a voulu attendre de voir comment ça évoluait], donc même s’il est toujours un petit peu un membre, il est plutôt resté au second plan, donc nous avons trouvé Kevin Kvåle – ou Spektre, son nom de scène. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Il nous manque encore un guitariste pour être un groupe de live au complet. Mais niveau album, nous sommes quatre.
Juste avant le split de God Seed en 2015, vous travailliez sur un second album. Est-ce que toute cette musique a été rejetée ou en as-tu emmené une partie avec toi dans Gaahls Wyrd ?
Non, il n’y a rien de God Seed là-dedans. Peut-être quelques riffs d’Ole, mais de façon générale, non. Dans God Seed, c’était surtout King et moi qui étions les forces créatives. A une exception près : « Aldrande Tre » qui a été faite par Ole et moi.
Le premier disque sorti par Gaahls Wyrd était un album live, exactement comme God Seed. Penses-tu que les groupes doivent être « testés » en live avant de se mettre sur un enregistrement studio ?
Ouais, il fallait que je voie si les gens étaient là pour la musique ou pour d’autres raisons. Evidemment, ça fait de nombreuses années que je travaille avec Ole – Lust Kilman –, donc je savais déjà que c’était un homme de confiance [petits rires]. Mais je dois toujours m’assurer que le line-up peut vraiment perdurer. Le premier concert que nous avons fait était lors de ce festival ici, à Bergen, en Norvège, et quelqu’un a demandé s’il pouvait le documenter en le filmant et en l’enregistrant, et nous avons accepté. L’une des raisons est aussi que j’avais inclus des chansons qui n’avaient jamais été jouées en live avant, en dehors de « Aldrande Tre » – en fait, seul un tiers du concert est sur le disque. Mais c’était un disque qui, à l’origine, était censé être uniquement vendu pendant les concerts, que nous prendrions avec nous en tournée ; ça n’était pas prévu qu’il sorte chez les disquaires. Mais Season Of Mist a été sympa et a acheté les exemplaires restants, donc ils ont une petite quantité en vente. J’ai limité le tirage à mille exemplaires ; il n’en reste plus beaucoup. Donc c’était plus pour avoir quelque chose à présenter aux gens qui assistaient aux concerts.
« Pour se développer, le subconscient est notre professeur, d’une certaine façon. Je crois que c’est là où notre ‘moi’ est le plus éveillé, là où on peut s’entendre le plus clairement. »
Ce BlekkMetal Festival, où Gaahls Wyrd s’est produit pour la première fois, était centré sur « l’ancien temps » du black metal, et tu y as joué notamment des chansons remontant à tes années Trelldom. Etait-ce ta façon créer un pont entre le passé et l’avenir ?
J’avais déjà commencé Gaahls Wyrds à ce moment-là mais nous n’avions jamais joué quoi que ce soit. Même si God Seed était terminé, il nous restait quelques concerts que j’avais promis d’honorer. Mais nous avons également décidé de faire ça parce que Jannicke [Wiese-Hansen] qui a créé le festival est un ami à nous, donc nous avons décidé d’attendre la fin du festival pour révéler Gaahls Wyrd. Voilà en gros comment ça s’est passé. C’était plus accidentel qu’autre chose. Mais j’aime l’énergie de ces anciennes chansons. Il n’y a aucune raison de ne pas communiquer avec les énergies qu’elles contiennent. Je me suis beaucoup investi pour les créer. Et puis, il faut aller rendre visite à ses enfants de temps en temps. Ils prendront soin de nous quand on sera vieux [petits rires]. Et peut-être que la mémoire est aussi ce qui nous apprend à avancer. C’est peut-être ce qui aide l’arbre à puiser ses aliments dans le sol pour faire pousser de nouvelles branches.
Il semblerait que tu aies eu une relation d’amour-haine avec les performances live par le passé. Par exemple, tu as dit que Trelldom n’était pas censé jouer devant un public… Du coup, comment cette relation au live a évolué avec le temps ?
[Petits rires] Ouais, et toute l’idée de Trelldom était aussi de ne jamais sortir d’album. Nous avons fait des choses que nous ne pensions jamais faire, donc… C’est une idée que nous avions il y a de ça des années, donc il était peut-être temps que ça change… En fait, c’était beaucoup lié à des situations stressantes. Avec le groupe que j’ai aujourd’hui, nous pouvons monter sur scène et la qualité de ma prestation ne dépend que de moi. Or ce n’est pas forcément la situation que j’ai connue par le passé. Je sais que les gens que j’ai avec moi sur scène savent quoi jouer et je peux me concentrer sur mon propre boulot, alors qu’à une époque, il y avait beaucoup de stress et d’énergie agressive au sein des groupes. Il y avait beaucoup d’adversité au sein des groupes et il fallait essayer d’éviter d’annuler les concerts. Presque à chaque fois que nous montions sur scène, quelqu’un n’était pas content et il fallait plus endosser le rôle d’un psychologue que faire ce pour quoi on était là. Evidemment, nous étions bien plus jeunes et bien plus bornés, donc dans ces conditions c’est facile d’avoir des frictions [petits rires]. J’ai toujours besoin de me relaxer avant de monter sur scène. Si je suis stressé, je ne pourrai pas faire du bon boulot vocalement. Peut-être que dans certains groupes de black metal c’est positif d’être stressé et d’être relativement rigide et pas très flexible vocalement, peut-être que la colère est une chose positive pour eux [petits rires]. D’un autre côté, il y avait aussi beaucoup de bons moments, et puis ça m’a beaucoup appris, donc je suis content d’avoir vécu ça.
Quel est le rôle d’une prestation live pour toi en tant qu’artiste aujourd’hui ?
Le studio et la présentation live seront toujours assez différents. En studio, tu crées quelque chose ; c’est très différent du contexte live. L’énergie et la sécurité que tu apportes avec toi sur scène… Car tout est pré-créé, d’une certaine façon, mais l’idéal quand tu montes sur scène, c’est quand la chanson parvient à créer une tension et quand toi tu rentres dans l’atmosphère de la chanson. Il y a des chansons qui, selon moi, ne fonctionneraient pas en live mais qui sont d’excellentes chansons de studio, mais généralement, je pense que présenter une chanson en live apporte quelque chose en plus. Ça apporte un autre feeling. La situation est différente à chaque fois, en live. Même si on répète les chansons, on permet toujours aux choses de bouger, de changer et d’évoluer ; le processus créatif peut stagner, alors qu’en live, il n’y a aucune stagnation, quelle qu’elle soit, on peut toujours développer et changer l’énergie. J’ai le sentiment que plein de chansons se sont développées au fil des années avec ce qu’elles sont devenues en live par rapport à comment elles étaient quand elles sont nées. J’essaye juste de devenir la chanson que je présente. J’adore l’énergie, et si j’y arrive, je me débrouille pour devenir la chanson et j’oublie que le public est là. Je pense que je suis toujours en partie distant, même si je suis présent. C’est dans ma nature. Je ne sais pas pourquoi je crée de la musique et je ne sais pas non plus pourquoi je la joue, mais j’aime communiquer avec l’énergie.
Ça ne t’intéresserait pas de mélanger les deux contextes afin d’obtenir cette énergie live dans un album studio ?
Avec Trelldom, nous enregistrions les choses live en studio. Donc, à un certain niveau, je l’ai fait, mais je préfère quand même travailler dans la solitude quand je fais les prises de voix définitives, etc. C’est juste que c’est comme ça que je suis à l’aise quand je crée, [dans un environnement] dur et strict nécessaire pour donner naissance à une chanson. Bien sûr, je m’assois avec un ingénieur mais j’aime travailler en silence et dans la solitude.
As-tu l’impression qu’être entouré de gens a tendance à interférer avec ta créativité ou même à l’abîmer ?
Oui, et les gens ont tendance à dissiper l’énergie, en général. Quoi qu’il arrive, je chasserai tout le monde hors du studio. Je n’ai pas envie d’entendre des opinions sur comment les choses sonnent avant que ce soit fini. Si je pense que ce n’est pas assez bon, alors c’est que ça n’est pas assez bon. Je ne montre pas les chansons au reste du groupe, tant que je n’ai pas fait ma partie dessus. C’est comme ça que je dois travailler.
« Je me pose rarement dans l’idée de méditer mais je suis probablement presque tout le temps dans une sorte d’état semi-méditatif. Je ne suis pas très stressé. J’ai un rythme lent. Je dors très peu, donc je vis lentement [rires]. »
D’un autre côté, que ce soit par le passé avec Tom ou maintenant avec Ole, tu as souvent travaillé en duo sur la partie créative. Du coup, comment est-ce que ce besoin d’isolation se conjugue avec cette idée d’une collaboration créative en duo ou dans le contexte d’un groupe ?
Ouais, c’est l’une des étrangetés ! Avec la musique, j’ai généralement collaboré. Mais je pense que c’est avec cette combinaison, où deux énergies se rencontrent, que les choses commencent à se développer. Je sais que ça peut paraître un peu contradictoire mais, d’une certaine façon, nous travaillons séparément et ensuite nous nous rencontrons et finissons avec une solide structure. Je travaille de façon plus rapprochée avec certaines personnes. Tout dépend un peu du projet. Mais pour ce projet, tout le but était d’avoir un groupe participant à la partie créative. Sur cet album, Ole et moi sommes les créateurs, mais le reste du groupe colore sans conteste la musique par sa présence. L’album n’aurait pas été le même sans la touche musicale de Kevin et Frode. Mais du point de vue créatif, sur cet album, Ole et moi avons été les forces créatives. Nous communiquons un peu en amont, en nous échangeant de la musique, et puis nous allons en salle de répétition pour ressentir l’énergie des chansons et voir quelles directions doivent prendre les chansons, la longueur des parties et quelles parties doivent être retirées, mais vocalement, je ne leur donne aucune piste avant d’avoir fini. Les techniques de travail varient un petit peu suivant les chansons. Mais, à quelques exceptions près, évidemment, où on entend un truc et dit « pourquoi tu n’essayes pas ça plutôt ? », ça démarre toujours en solitaire. Je n’ai jamais demandé à Ole comment il travaillait, mais je pense clairement qu’il se pose seul pour créer les riffs. Donc je crois que c’est simplement un processus naturel que la plupart des créateurs ont : ils se posent seuls et communiquent en premier lieu avec eux-mêmes avant de colorer quoi que ce soit. Je pense que toute musique doit venir de l’intérieur. Personnellement, je travaille beaucoup avec le subconscient et j’essaye de l’intégrer à mon processus de travail naturel, et puis il faut que je m’écoute.
D’ailleurs, tu as dit dans une interview passée : « Si je savais ce que je faisais, je ne le ferais pas. » Penses-tu qu’il soit nécessaire d’être plus ou moins « absent » du processus créatif ?
Evidemment, il y a une grande part de contrôle là-dedans, mais pour moi, il est important que le subconscient soit le centre d’attention. Je pense que pour se développer, le subconscient est notre professeur, d’une certaine façon. Je crois que c’est là où notre « moi » est le plus éveillé, là où on peut s’entendre le plus clairement. On se laisse facilement entraîner par des motifs et à faire des choses parce qu’on les a déjà faites avant. On crée nos propres cadres au sein desquels on ne peut s’évader. Donc je pense qu’afin de ne pas stagner, il est nécessaire d’écouter ce que notre cœur et notre « moi » éveillé, cette voix intérieure, nous disent. Je pense que les gens seraient bien plus intelligents s’ils osaient écouter leurs instincts naturels, plutôt que de rentrer dans des modèles créés par d’autres.
Comment atteins-tu ton subconscient ?
Il faut juste se permettre de prêter attention. C’est quelque chose qui se fait tout seul, d’une certaine façon. Il faut écouter ses émotions et plonger dedans plutôt que d’essayer de les contrôler. Il s’agit d’observer et de sans arrêt poser des questions, pas forcément pour obtenir des réponses mais pour toujours se confronter à soi-même. Si les gens avaient du temps, ils le feraient probablement, mais plein de gens sont trop préoccupés par le fait de survivre dans un monde surchargé. Je sais que plein de gens ont peur du silence, et peut-être que nombre d’entre eux ont peur de parler avec l’inconnu ou de se parler à eux-mêmes et de ce qu’ils ne savent pas sur eux-mêmes. On ne nous apprend pas à s’autoriser de s’écouter soi-même. C’est l’une des maladies du monde monothéiste, ils nous ont retiré cette faculté.
Est-ce que tu pratiques la méditation ?
Je me pose rarement dans l’idée de méditer mais je suis probablement presque tout le temps dans une sorte d’état semi-méditatif. Je ne suis pas très stressé. J’ai un rythme lent. Je dors très peu, donc je vis lentement [rires]. Donc la méditation, pour moi, c’est comme respirer.
Est-ce que le fait de jouer devant un public n’entre pas en conflit avec ton besoin de solitude parfois ?
Je peux m’isoler après. Ce n’est pas comme si j’avais constamment besoin de m’isoler. On est plusieurs personnes en une seule, évidemment. J’aime l’isolement et la solitude plus que je n’aime être social, mais je ne suis pas solitaire pour autant. On est multiples.
Tu as tendance à décrire ton processus créatif comme une sorte de combat intérieur, quelque chose qui ne t’est pas agréable et qui ne semble pas être facile à gérer, ni pour toi, ni pour tes collègues. Qu’est-ce qui te pousse à endurer cette tourmente ?
C’est une question à laquelle il est presque impossible de répondre [petits rires]. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle je crée : parce que je ne sais pas ou ne comprends pas pourquoi j’ai ce désir ardent de le faire.
« Je pense que les gens seraient bien plus intelligents s’ils osaient écouter leurs instincts naturels, plutôt que de rentrer dans des modèles créés par d’autres. »
L’expérience que tu as gagnée au fil des années ne rend-elle pas ça plus facile ?
Heureusement, ce n’est jamais facile. Si c’était trop facile, je ne ferais probablement pas. La naissance n’est jamais un processus facile, même si ça ne doit pas forcément être douloureux. Evidemment, il y a des exceptions, certaines choses se mettent en place toutes seules, mais pour ma part, quand c’est trop facile, ça devient quelque chose avec lequel je perds très vite le contact. Je pense que le fait de devoir lutter pour engendrer quelque chose, avec de l’autocritique et en allant en profondeur, ça te lie à cette chose de façon plus forte. C’est bon de lutter de temps en temps ! Il y a toujours une forme de combat là-dedans, mais c’est juste un combat pour trouver une solution sur la façon dont je peux exprimer telle chose ; rien que le fait de choisir le bon mot peut être une tâche ardue, car les mots sont si extrêmement engageants et dirigeants, d’une certaine façon, que c’est facile de se retrouver coincé. C’est très contraignant et ça peut tuer le côté spontané ou la pureté de l’émotion. J’éprouve beaucoup de difficultés à écrire des paroles, je ne suis pas l’ami des mots, à bien des égards, mais d’un autre côté c’est une manière convenable de communiquer [rires]. Donc de nombreuses décisions doivent être prises pour trouver une solution qui serait la bonne expression. Mais, absolument, il y a des fois où les choses se mettent en place facilement. Tout dépend avec qui on travaille, en fait. Par exemple, quand je travaillais avec Einar [Selvik] dans Wardruna, car nous parlons le même langage, pour ainsi dire, donc c’était très facile de communiquer et trouver des solutions pour les différentes chansons et thématiques. Pareil avec Lindy [Fay Hella], c’était également très facile pour moi de travailler avec elle. Notre énergie est davantage connectée avec certaines personnes.
Alors pourquoi ne chantes-tu plus dans Wardruna si tu as une telle connexion avec Einar et Lindy ?
Je n’aimais plus jouer cette musique [petits rires]. Je ne pouvais plus le faire. J’avais une mauvaise impression quand j’étais debout sur scène à chanter ces chansons. Il y a ça, et puis pour moi, ces chansons devraient être interprétées à même le sol, pas sur une scène regardant d’en haut ceux avec qui on communique. Je trouve que le projet a perdu de vue l’essence du pourquoi nous l’avons fondé à l’époque. Aussi, parce qu’il y a beaucoup de sons naturels, comme des sons de chute d’eau, de vent, de torches, etc., il y avait tellement de choses sur bande que c’est presque devenu comme un karaoké. On ne permettait pas aux chansons d’être suffisamment libres et les espaces entre les chansons étaient prédéfinis, donc ça ne permettait pas non plus au public de nous renvoyer leur énergie. C’était une situation bien trop figée pour quelque chose qui était censé être si libre et organique. Je pense que c’est aussi pour cette raison que je ne me sentais jamais bien de monter sur scène la dernière année. Evidemment, quelques concerts étaient exceptionnels, mais en général… Il fallait donc juste que je me retire. Il faut écouter ce que notre cœur nous dit.
En as-tu discuté avec eux ?
Je leur en ai parlé longtemps avant que je ne quitte le groupe, donc ils étaient au courant. Déjà avant d’enregistrer Runaljod – Yggdrasil, le second album, nous avons eu cette discussion et nous sommes parvenus à trouver une solution ; une solution très simple : j’ai juste commencé à monter sur scène et fermer les yeux, afin de séparer un de mes sens de la prestation. Ça a beaucoup aidé, mais évidemment ce n’était qu’une solution à court terme. Mais je suis très content de ne pas être parti la première fois que j’y ai songé, car je suis très content de ce que nous avons réalisé sur Runaljod – Yggdrasil. Je trouve que c’est là que Wardruna était un groupe solide, dans le sens où tous les trois, Einar, Lindy et moi, fonctionnions vraiment bien sur cet album, avec notre façon de communiquer et tout le processus de travail. C’est une œuvre vraiment solide. Je trouve que toutes les chansons sont d’un haut niveau.
A propos de l’idée que l’art ne devrait jamais être facile : quelle a été l’œuvre la plus difficile à créer pour toi jusqu’ici ?
En fait, je pense que l’album de God Seed I Begin était l’un de ceux qui ont pris le plus de temps. Principalement parce que j’étais épuisé par l’univers metal et toutes ces choses, et aussi à cause de la communication au sein du groupe, ou plutôt entre King et moi. Sinon, Twilight Of The Idols a été une tâche très difficile au début, parce que j’ai dû faire des allers-retours en prison et ce genre de chose, donc c’était très difficile de me mettre dans un bon état d’esprit en studio, mais c’était plus la situation autour de moi qui était difficile, pas forcément l’album en tant que tel [petits rires]. Ad Majorem Sathanas Gloriam était une sorte de lutte interne. Cet album est presque sorti comme étant un album de God Seed, car il y avait des énergies très difficiles au sein du groupe. En tant que groupe, c’était l’album le plus difficile à enregistrer et à finaliser, mais l’album de God Seed était également difficile, car c’était dur de trouver les clés pour le finir. Je crois même que nous avons travaillé dans trois studios différents. C’était une étrange galère [petits rires].
« Je me dis toujours que si je peux entendre une voix dans ma tête, c’est que je peux la faire, je sais que je peux l’exécuter. Je n’ai pas assez d’imagination pour entendre un son dans mon esprit que je ne suis pas capable de faire. »
Plus tôt, tu as dit qu’« on est multiples », et c’est quelque chose que tu as déjà dit par le passé, en parlant de dissolution de l’ego, du fait que tu es éparpillé et que tu peux inviter de nombreux ego, ce qui peut renvoyer au titre de l’album, Ghosts Invited (invités fantômes, NdT). Y a-t-il un lien, vu que ça pourrait faire allusion à une sorte d’écriture médiumnique ?
[Petits rires] Je pense que tu mets le doigt sur quelque chose. Il y a beaucoup de ça dans cette… à la fois inconscience et extrême conscience… C’est l’un des nombreux mystères auxquels on est confrontés quand on traverse la vie. Mais là, c’est toutes sortes de fantômes. Ce sont des choses qui t’ont peut-être inspiré, des choses qui ont peut-être été de vrais fantômes, des énergies en général, l’enfance, la jeunesse, la création… Un tas d’invités différents. Il y a plein de fantômes dans cet album, toutes sortes d’énergies à de nombreuse échelles, du passé à ce qui est très proche de nous jusqu’au présent. Un souvenir peut être un fantôme, tout du moins dans le sens que je donne dans cet album. Ce sont des choses différentes auxquelles je permets de communiquer à travers moi. C’est un concept sur lequel j’ai travaillé dans plusieurs projets, des choses qui m’ont suivi et continuent de me suivre. J’ai essayé de le compresser et le préciser, plutôt que d’avoir trop d’angles d’approche, mais aussi de le développer au sein de ce cadre. C’est très lié à tout ce que j’ai fait par le passé, avec Trelldom, God Seed et les derniers albums de Gorgoroth. Ça traite pas mal de… Evidemment, c’est ce subconscient – la conscience du subconscient – mais niveau thématique le concept contient une grande part de mysticisme lié à la nature, ou même de mysticisme nordique, d’une certaine façon. C’est dans le même domaine. Ça me suit depuis les tout premiers trucs que j’ai faits avec Trelldom. Pour moi, Trelldom est le père de tous ces projets que j’ai traversés, d’un point de vue thématique. C’est dans un cadre de mysticisme nordique.
Crois-tu aux fantômes, au sens surnaturel ?
Je ne sais pas ce qu’est le sens naturel ! [Rires] Il y a tant de choses que l’on croit savoir. Je n’ai pas envie d’avoir de certitudes. L’œil de l’enfant est plus important que l’œil d’un vieil homme grognon [petits rires]. Les certitudes ne sont pas une bonne chose, ça mène à pas mal de conflits ; je suis assez convaincu que la plupart des guerres ont été créées avec des certitudes. Je n’ai pas d’opinion, sur la question de savoir si je crois ou pas aux fantômes. J’ai vu beaucoup de choses, mais peut-être que ce n’est que mon imagination.
Est-ce que tu parviens encore aujourd’hui à garder des yeux d’enfant ?
C’est quelque chose qui devient de plus en plus difficile, évidemment, mais ça reste faisable, d’une certaine façon. Il faut juste s’écarter de ce que l’on croit être certain. Peut-être que je n’ai jamais arrêté d’être un enfant ! [Petits rires]. Ce sont les choses qu’on ne connaît pas ou dont on n’a pas complètement conscience qui sont, je pense, celles qui sont les plus intéressantes à approcher. On grandit constamment mais tout est nouveau et en perpétuel changement pour un enfant. Demain, je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui. Donc je me considère métaphoriquement comme un enfant, en ne conservant pas trop d’attaches aux choses que j’ai été.
Pour revenir au titre de l’album, qu’est-ce que GastiR signifie ?
C’est du proto-nordique qui signifie invité et fantôme, c’est comme « Geist » en allemand. Je l’utilise dans le titre de l’album parce que j’ai travaillé sur différentes parties de linguistique comme thème de l’album, ce spectre du temps qui n’est pas figé dans le présent, c’est aussi très lié. J’utilise quatre langues dans cet album, principalement l’anglais mais aussi pas mal de proto-nordique et de nordique. J’essaye de créer un lien entre l’origine des temps, la pré-origine et le présent. Donc ça m’aide à ériger une distance au sein d’une chanson, séparer telle énergie qui raconte ceci, et telle autre énergie qui raconte cela. Pour moi, c’est une façon d’amener une complétude au concept de l’album.
Plus tôt, tu disais que tu éprouves « beaucoup de difficultés à écrire des paroles » et que tu n’es pas « l’ami des mots, à bien des égards ». Alors pourquoi te baser autant sur les mots et les langues ?
Les mots sont importants. J’adore remonter l’origine des mots. Je suis vraiment fasciné par les langues en général. Encore une fois, on tombe sur un paradoxe. Les choses doivent avoir du sens. Si je ne créais que des mélodies, il y aurait bien trop d’albums [petits rires]. J’ai besoin de me comprendre dans ce que je présente et enregistre. C’est important pour moi de trouver les bons mots dans ce processus. C’est dur à expliquer parce que c’est très contradictoire, à bien des égards. Dans cet album, il a été beaucoup question de choisir les bons mots ; c’est Ansur, l’énergie odiniste, ce qu’il y a entre la force de la nature et ce qui est contrôlable.
Et puisqu’on est sur les mots, peux-tu nous expliquer ce que veut dire « wyrd » ?
Il n’y a pas de mot spécifique en anglais pour le traduire mais le mot « weird » (étrange, NdT) dérive de « wyrd », mais c’est une sorte de combinaison entre le sort et le destin. Donc c’est tout ce qui nous entoure, tout ce qui est nous, tout ce qui nous affecte, et on peut aussi l’affecter. C’est un mot à multiples niveaux. Si tu connais un peu le japonais, « hen » est le terme le plus proche qui me vient à l’esprit.
Tu crois au destin ?
[Réfléchit] Il y a beaucoup de merveilleuses coïncidences. Je ne crois pas au destin dans le sens de choses qui apparaissent toutes seules dans notre vie, mais je pense qu’on peut façonner notre propre sort ou notre propre destin.
« Je suis très mauvais quand il s’agit d’établir des objectifs. […] Je ne pensais pas que je deviendrais un musicien, je n’avais pas prévu d’en devenir un. Et je n’ai toujours pas prévu de devenir un musicien [rires]. »
Pas mal de chansons dans l’album font allusion aux voix et à la parole. Dans ton cas, ta voix est ton instrument et elle est connue pour être à la fois très reconnaissable et très polyvalente – tu l’as « prêtée » à des projets très différents, du black metal à Warduna. Comment conçois-tu ta voix quand tu écris et chantes ?
La voix, c’est aussi une manière de créer quelque chose ; quand elle s’exprime, c’est là que les choses commencent à prendre forme et un certain contrôle. Ce n’est pas juste du bruit, c’est là d’où les mots sortent. C’est plus le spectre qui fait le lien entre l’énergie et la prise de contrôle de cette énergie. Mais bien sûr, je pose ma voix sur des choses qui sont plutôt métaphoriques. J’espère que les auditeurs saisiront s’ils prêtent attention à la façon dont je les sculpte. Le fait de les sculpter, c’est aussi, évidemment, pour les manifester, les répéter et les lier. Le processus principal, auquel je m’adonne toujours, consiste à trouver le caractère ou le feeling. C’est comme ça que je démarre, en essayant de construire sur cette base, et ensuite j’essaye d’épurer pour que ça devienne accessible. J’ai passé beaucoup de temps à… Si j’ai trop d’alternatives et si j’entends trop de solutions, je me dis que je suis sur une mauvaise piste. Donc j’essaye d’épurer les choses pour que ça ne fasse plus qu’une seule chose. C’est la règle que je m’impose, pour essayer d’être complet dans ce que j’exprime, sans être trop perturbé par les possibilités.
Tu as pas mal développé la polyvalence de ta voix ces dernières années. Est-ce venu par nécessité ?
C’est juste là où j’en suis aujourd’hui. Je pense que certaines des choses que j’ai faites avant étaient bien plus difficiles techniquement, et probablement parce que c’est si extrême, les gens ne voient pas ça comme quelque chose de développé. Contrôler une énergie rude est peut-être encore plus difficile que de contrôler des éléments plus doux. Le fait que je n’ai pas présenté quelque chose plus tôt ne signifie pas non plus que je ne l’avais pas trouvé. Mais il y a aussi le fait que je suis dans un état d’esprit agréable aujourd’hui. Je pense que ça aide beaucoup d’avoir un groupe dans lequel il y a une bonne énergie entre les membres, afin de ne pas être dérangé dans le processus de création. J’essaye juste de délivrer l’énergie qui est la mienne au moment où je crée. Je me dis toujours que si je peux entendre une voix dans ma tête, c’est que je peux la faire, je sais que je peux l’exécuter. Je n’ai pas assez d’imagination pour entendre un son dans mon esprit que je ne suis pas capable de faire, et j’écoute simplement ce que mon esprit me dit de sortir.
Est-ce que les différents voix et styles vocaux sont une représentation des fantômes présents dans cet album ?
Oui, d’une certaine façon. Les voix représentent des caractères différents, bien sûr. Au lieu de devoir trop expliquer les paroles, je dois me peindre un univers, donc j’ai tendance à créer différents personnages ou à utiliser différentes voix pour différents niveaux de conscience, ou les différents fantômes que j’invite. C’est une communication avec moi-même, à bien des égards, et parfois je dois remonter à ma jeunesse et parfois je dois représenter le vieil homme [petits rires]. J’aborde probablement beaucoup les voix comme un acteur le fait avec des personnages ; en fait, beaucoup de gens dans mon entourage me l’ont dit, le fait que j’aborde les paroles ou les concepts comme un acteur.
Est-ce que ton approche a changé depuis le début de ta carrière ou penses-tu que, fondamentalement, tu utilises les mêmes techniques ou processus ?
Il me semble qu’à un certain niveau, oui. Mais d’un autre côté, il est aussi possible que j’idéalise en me disant que j’ai toujours travaillé comme ça. Je suis relativement sûr que j’ai commencé de façon plus grossière et en n’en ayant pas autant conscience, au moins. J’aime l’idée d’avoir toujours travaillé comme ça [petits rires], mais c’est probablement un processus qui s’est déroulé au fil des années. Mais je suis sûr que je travaillais déjà comme ça sur Til Evighet… Mais à l’époque j’étais avide de tout sur-analyser. Tout devait être intégré. Et c’est peut-être pourquoi ces albums sont plus bruyants et bien trop remplis d’éléments. Je ne savais pas épurer pour en retirer l’essence. Ce sont juste des étapes qu’on passe. C’est probablement juste l’expérience qui veut ça. Je ne sais pas, je suis devenu autre chose [rires]. Les changements sont importants, tant que notre fond reste intact.
Penses-tu avoir les mêmes objectifs aujourd’hui qu’à l’époque ?
Je suis très mauvais quand il s’agit d’établir des objectifs. J’ai le sentiment que la musique est accidentellement devenue une partie de… C’est beaucoup lié au fait de rencontrer les bonnes personnes, d’une certaine façon. Je ne pensais pas que je deviendrais un musicien, je n’avais pas prévu d’en devenir un. Et je n’ai toujours pas prévu de devenir un musicien [rires]. Je suis très mauvais pour faire des plans, quels qu’ils soient ! [Petits rires] J’essaye autant que possible d’être dans l’instant présent. Je suis content de là où la vie m’a mené.
« Tant que le monde parlera la langue chrétienne, pour un chrétien, je serai un sataniste. Mais pour moi, Satan n’a aucun sens, car ce n’est pas un mot à moi, il n’a pas de place dans mon univers. »
Dans le communiqué de presse, Gaahls Wyrd n’est pas du tout décrit comme du black metal, mais comme un metal expressif, extrême et ésotérique. Comment est ta relation avec le black metal aujourd’hui ?
J’ai une bonne relation avec le black metal, mais je pense que c’est du passé, à bien des égards, et je n’ai pas le sentiment que ça corresponde à là où je suis. Je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique. Pour moi, le black metal c’est plus de la nostalgie, c’est trop lié à la nostalgie, or la nostalgie est généralement un piège. C’est l’une de ses limites. Il y a probablement encore plein de bon black metal qui est créé aujourd’hui. Je ne suis pas très bon lorsqu’il s’agit de prêter attention au black metal. Mais évidemment, le black metal est en très grande partie ce qui m’a façonné, c’est une énorme partie de ma vie. Il est clair que c’est toujours là quelque part mais ce n’est pas quelque chose à quoi je prête attention. On peut voir ça comme l’enfance : l’enfance reste importante pour tout le monde, je suppose, même si c’est quelque chose qui n’est plus là. Mais ce n’est pas à moi de décider du style dans lequel on doit classer ma musique. En général, je n’aime pas mettre des noms sur quoi que ce soit. Je suis sûr que des gens classeraient une grande partie de ces chansons dans cette catégorie, mais pour moi, ce sont juste des chansons. Elles sont ce qu’elles sont. Je ne peux pas les catégoriser. C’est plus le monde extérieur qui a besoin de les associer à un style. Je peux comprendre que ce soit nécessaire pour que ce soit plus facile pour les clients ou le public de trouver des musiques spécifiques, mais mettre des noms sur les choses ne fait que limiter la liberté sur le contenu de ces choses. Si on doit parler de style, ma musique est assurément une forme de metal [petits rires], mais je ne sais pas où nous finirons, musicalement, avec ce groupe.
Cet album possède assurément un côté pagan, à la fois musicalement et dans son mysticisme. Plus tôt, tu as fait allusion aux « maladies du monde monothéiste », et dans le passé, tu as souvent été perçu comme un sataniste, mais j’imagine que ce qu’ils appellent « sataniste » est en fait le rejet de ce monde monothéiste…
Oui, pour un monothéiste, je représente toujours un sataniste, mais ce n’est pas mon langage. Ce ne sont pas mes mots, mais tant que le monde parlera la langue chrétienne, pour un chrétien, je serai un sataniste. Mais pour moi, Satan n’a aucun sens, car ce n’est pas un mot à moi, il n’a pas de place dans mon univers. Evidemment, au sein de Gorgoroth il y avait cette idée parce que le but au sein de cette musique était de s’élever contre [le monothéisme et plus spécifiquement le christianisme], donc nous avons utilisé pas mal de termes monothéistes et chrétiens. En conséquence, le langage de ce projet est le langage de celui qui s’oppose, de celui qui ose s’ériger contre le Dieu monothéiste, donc, en gros, le langage de la liberté [petits rires].
Tu travailles aussi sur de l’art visuel. Comment la musique et l’art visuel se croisent-ils ou fonctionnent-ils ensemble, si c’est le cas ?
Pour moi, ce sont deux mondes différents, mais… Par exemple, sur cet album, j’ai fait une collaboration artistique avec Raina Vlaskovska. Nous avons essayé d’inviter certains des fantômes dans le concept visuel. Mais généralement, je n’aime pas allier les deux. L’artwork est basé sur ces photographies au collodion humide, donc dans le style de ces vieux appareils photo des années 1850. J’ai moi-même fait quelques photographiques dans ce vieux style et j’ai aussi peint en utilisant les mêmes produits chimiques utilisés pour ça. C’est la première fois que je combine vraiment les deux, car généralement, je refuse de créer à la fois le visuel et la musique, car l’un des deux c’est déjà bien suffisant pour moi [petits rires]. Ça peut faire trop. Quand je crée de l’art visuel, je veux que l’œuvre en tant que telle soit une pièce complète, et c’est pareil avec la musique, je veux que chaque chanson soit complète, donc dans ce cas, pourquoi la lier à un visuel ? C’est comme mettre un titre sur un tableau, ça détermine la façon dont tu veux que le public le voie. Ça devient très contraignant, d’une certaine façon. Les visuels et la musique sont deux univers différents pour moi, même s’ils viennent de la même source. Ce sont des énergies différentes.
Maintenant que cet album est terminé, sur quoi prévois-tu de travailler dans les prochains mois ?
Il y a deux ou trois trucs auxquels je vais peut-être participer, des choses que je n’ai jamais faites avant, impliquant différentes approches plus que différents médiums. Je n’ai pas encore décidé si c’est quelque chose que je vais faire, mais c’est possible. Evidemment, ça fait déjà des mois que cet album est terminé pour moi. Nous avons fait le mix final en novembre. Je suis déjà en studio pour le prochain album. Je me concentre là-dessus et aussi d’autres projets sur lesquels je viens simplement en aide. Il se peut que je fasse à nouveau un rôle en tant qu’acteur, mais à l’opéra cette fois. Il y a plein de portes d’entrée, plein de choses différentes, certains projets qui ne prendront pas autant de temps que Gaahls Wyrd, mais que je pense pouvoir quand même faire. Et bien sûr, j’ai des expositions sur lesquelles je travaille également. Ça fait beaucoup de choses à s’occuper ! [Petits rires]
Tu as le sentiment d’avoir trouvé une formule ou un équilibre avec Gaahls Wyrd, que tu vas continuer avec ce projet ?
Oui, je suis très content de ce projet. Il a la volonté de vivre ! Nous allons continuer avec Gaahls Wyrd pendant autant d’années que nous le pourrons.
Interview réalisée par téléphone les 28 mars et 12 avril 2019 par Chloé Perrin & Nicolas Gricourt.
Introduction : Chloé Perrin.
Retranscription : Chloé Perrin & Nicolas Gricourt.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Raina Vlaskovska (1) & Jorn Veberg (2, 3, 4, 6 & 8).
Site officiel de Gaahls Wyrd : www.gaahlswyrd.com
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