Le guitariste Rob Caggiano aurait-il enfin trouvé chaussure à son pied ? Le guitariste-producteur qui s’est surtout fait connaître au sein d’Anthrax dans les années 2000 en avait finalement claqué la porte en janvier 2013 par manque d’épanouissement artistique, à cause de la mainmise du duo Charlie Benante/Scott Ian sur les compositions. Un mois plus tard Caggiano intégrait Volbeat en pleine conception de leur cinquième album, Outlaw Gentlemen & Shady Ladies.
Le musicien au bonnet, dont le sourire toujours radieux ne trompe pas quant au plaisir qu’il éprouve à fouler les scènes, revient aujourd’hui avec Seal The Deal & Let’s Boogie, son second opus aux côtés de Michael Poulsen & Co. Trois ans lui auront permis de mieux se familiariser avec ses collègues et la musique des Danois, s’impliquer également davantage dans le processus créatif, même s’il espère voir sa contribution encore croître à l’avenir.
Entretien avec Rob Caggiano qui nous donne son sentiment sur cette seconde expérience et sa place au sein de Volbeat.
« Certains groupes ont une formule où ils suivent certaines règles, […] mais avec Volbeat, il n’y a aucune formule. Il n’y aucune limite, aucune règle. Si c’est bien, c’est bien. »
Radio Metal : Anders Kjølholm a quitté le groupe l’année dernière. Il a été précisé que c’était en bons termes mais peux-tu nous en dire plus sur les raisons de son départ ?
Rob Caggiano (guitare) : Je pense que c’était une combinaison de choses, pour être honnête. Mais c’est un peu difficile pour moi de commenter sur le sujet parce que je suis le nouveau gars dans le groupe et ces mecs se connaissent depuis de nombreuses années. Je pense que c’était plus ou moins une décision mutuelle. Ce serait probablement mieux de demander à Michael [Poulsen] ou Jon [Larsen] parce qu’ils étaient là depuis le début. Mais nous adorons Anders, c’est clairement un frangin, il me manque énormément et je lui souhaite le meilleur – nous lui souhaitons tous le meilleur.
Est-ce que le nouveau bassiste Kaspar Boye Larsen était un choix évident pour le groupe ?
La chose intéressante à son sujet est qu’il a joué avec le groupe il y a plusieurs années déjà. Il avait fait une tournée européenne avec Volbeat. Donc il y avait déjà une relation qui était installée. Là, nous n’avons fait qu’une série de dates de deux semaines en Amérique avec lui, ainsi que des répétitions mais c’est difficile de se rendre compte des choses en salle de répétition, c’est complètement différent lorsque tu es sur scène à jouer. Mais c’est un super bassiste et il a vraiment fait ses preuves sur scène sur cette dernière tournée. Ceci dit, il n’était pas là pour l’album. C’est moi qui aie joué la basse dessus.
Le line-up de Volbeat a pas mal changé ces dernières années, avec le recrutement de Kaspar mais aussi le tiens. Penses-tu que cela a été une période charnière pour le groupe ?
Je pense que Volbeat évoluera toujours. Je ne parle pas du line-up, je parle en tant que groupe et musicalement. Tu dois faire certaines choses pour survivre. Mais tu sais, certaines relations… C’est comme avec n’importe quoi dans la vie, vraiment. Parfois les relations arrivent en bout de course et il est temps de reconsidérer les choses et voir ce qu’on peut faire. Là tout de suite, je dirais que le line-up paraît très stable, très comparable à une machine [petits rires].
On peut entendre des couleurs intéressantes dans Seal The Deal & Let’s Boogie, comme les mélodies orientales de « The Gates Of Babylon », les chœurs soul de « Goodbye Forever », du banjo et du chant en danois dans « For Evigt » ou même Danko Jones qui apparaît sur « Black Rose ». Comment en venez-vous à intégrer tous ces éléments dans votre musique ?
C’est aussi quelque chose que nous avons fait sur notre album précédent. Je pense que ça fait partie de l’approche de Volbeat. Le joueur de banjo, Rod Sinclair, est incroyable. Il arrive et il fait son truc, et ça ajoute vraiment une jolie texture aux chansons. D’ailleurs, nous l’avons pris avec nous en tournée, il a fait avec nous la dernière série de dates en arènes que nous avons fait en Europe. En gros, il montait sur scène avant nous, lui tout seul, son tabouret et le banjo, il avait un projecteur sur lui, il jouait pendant quelques minutes et la foule partait en délire ! C’est un mec vraiment cool. Donc ça paraissait logique de le faire revenir sur cet album. Il y a aussi de la cornemuse sur la chanson « The Loa’s Crossroad », ce qui est très nouveau pour Volbeat, ils n’ont jamais utilisé ça avant. Pour ce qui est de Danko Jones, c’est un ami de longue date du groupe, nous avons également beaucoup tourné avec lui, c’est un chouette type, nous adorons ce qu’il fait et c’est un fan de notre musique aussi. Et cette chanson en particulier était parfaite pour lui. Il a assuré !
Donc tous ces éléments sont seulement là pour épicer les musiques ?
Ouais, nous adorons quand c’est épicé ! [Rires]
La musique de Volbeat est très reconnaissable à la première écoute. Du coup, est-ce comme un genre de toile où vous pouvez mettre toutes les couleurs que vous voulez et ça sonnera toujours comme Volbeat, même lorsque vous ajoutez quelque chose d’aussi extrême que, disons, Barney Greenway de Napalm Death qui hurle par-dessus ?
C’est une question intéressante. Je pense que le groupe a clairement un « son » mais, à la fois, il n’y a pas de formule pour y parvenir. Certains groupes ont une formule où ils suivent certaines règles, je ne peux pas en nommer mais de façon générale, ça se produit souvent. Surtout dans le monde de la pop, c’est une approche très formulée de la musique. Mais avec Volbeat, il n’y a aucune formule. Il n’y a aucune limite, aucune règle. Si c’est bien, c’est bien. Et je pense que simplement parce que nous avons tous notre propre son et approche de la musique – nous sommes vraiment tous sur la même longueur d’onde -, le son finit par être cohésif et très puissant. C’est ça le son et l’esprit Volbeat, je suppose. Un élément clef du son Volbeat, c’est toutes les différentes influences, les trucs que le groupe a écouté avec les années et qui nous inspirent. Nous sommes tous d’énormes fans de Napalm Death [petits rires], donc pour cette chanson en particulier à laquelle tu fais référence, je n’étais pas dans le groupe à l’époque mais c’est de toute évidence de là que ça vient, Barney est une inspiration et c’était logique de le faire intervenir sur cette chanson. Donc, en gros, ce que je dis, c’est que le son Volbeat est un peu une combinaison de toutes les choses que nous aimons. C’est simplement comme ça que je l’interprète, et nous faisons notre propre truc.
« Oui, [dans Anthrax] je jouais des solos de guitare, je sautais partout sur scène et c’est cool mais au bout du compte, j’avais davantage à dire en tant que musicien. […] Et maintenant, dans Volbeat, je me sens à ma place. »
Tu as rejoint le groupe pour l’album précédent Outlaw Gentlemen & Shady Ladies. J’imagine que maintenant, avec le nouvel album, tu as eu plus de temps pour rentrer dans l’état d’esprit du groupe et tout le processus. Donc comment a évolué ton implication et ton apport dans le groupe cette fois ?
Ayant été dans le groupe pendant quelques années, nous sommes assurément très familiers les uns avec les autres, rien qu’en tant qu’amis. Et je pense que ça a énormément aidé en répétition lorsque nous passions en revue des idées pour de nouvelles chansons et tout. Nous nous connaissions. Et bien sûr, j’étais là depuis le début pour celui-ci, alors que pour le dernier album, je suis arrivé un peu plus tard. Donc ça aussi ça a aidé. Nous approfondissions les choses en répétition, dans le processus de pré-production, à faire en sorte que toutes les parties soient bien, que tout fonctionne et que les chansons soient cohésives. Un truc cool que nous avons fait sur cet album et qui est très nouveau pour le groupe, c’est que nous avons fait des démos de certains trucs avant d’aller en studio. Donc j’avais grosso-modo du matériel d’enregistrement que j’ai installé à l’hôtel à Copenhague et nous avons fait des démos de ces chansons, nous avons discuté de la musique et ensuite Michael les chantait, et alors nous avions quelque chose à écouter et disions : « Wow, ok. C’est cool, peut-être que celle-là pourrait être mieux. » Je trouve que ça avait du sens de procéder ainsi et ça a vraiment aidé.
Pour ce qui est du processus d’écriture, c’était un peu différent pour chaque chanson. Pour certaines, Michael est arrivé avec des idées et la chanson était plus ou moins déjà faite. Nous allions en salle de répétition pour essayer différentes idées, si nous devions réarranger ou essayer différentes choses, nous le faisions mais parfois la chanson était déjà terminée et elle était géniale. Et ensuite, il y avait d’autres fois où il venait avec une partie et une section au milieu manquait, donc nous travaillions dessus ensemble ou je travaillais dessus de mon côté, peu importe. Donc ouais, chaque chanson était différente. Certaines d’entre elles étaient un peu un effort collaboratif. Il y a une chanson qui s’appelle « The Loa’s Crossroad », qui est la dernière chanson de l’album. C’est une chanson que j’ai apporté ; c’était une idée que j’avais, que j’ai enregistré en démo et que j’ai amené, nous l’avons changée, fignolée et faite ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Je trouve que le résultat est génial ! Donc j’ai clairement pu contribuer à cet album et j’espère que ça évoluera et que je contribuerai encore plus à l’avenir.
Tu as déclaré t’être senti frustré de ne pas pouvoir contribuer au processus d’écriture dans Anthrax. Est-ce quelque chose dont vous avez parlé avec les gars de Volbeat lorsqu’ils t’ont recruté, clarifiant le fait que c’était important pour toi de contribuer ?
Ouais. Je veux dire que c’est sûr que nous avons eu cette conversation mais je pense que c’était aussi une compréhension mutuelle. Et l’une des raisons pour lesquelles je suis dans le groupe, c’est le simple fait que nous nous entendons vraiment bien au niveau musical. Nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Tu vois ce que je veux dire ? Et je pense que nous voulons accomplir la même chose.
Scott Ian nous a dit que dans Anthrax, « dès qu’[ils] compos[ent], l’invitation est toujours lancée pour que tout le monde soit là. » Donc, pourquoi ne pouvais-tu pas t’impliquer dans l’écriture ?
[Rires] Je pense qu’il a de bonnes intentions mais ce n’est clairement pas ainsi que ça fonctionne dans ce groupe. J’adore Scott, c’est vraiment un frangin et nous avons beaucoup parlé de ceci avec les années mais Anthrax fait les choses d’une certaine façon et c’est ainsi depuis de nombreuses années. Et j’adore Anthrax ! C’est un de mes groupes préférés, même avant que je n’intègre le groupe. Donc les choses sont ce qu’elles sont. Qui suis-je pour débarquer et dire ceci ou cela ? C’était simplement ça pour moi, ce n’était pas du tout épanouissant. Oui, je jouais des solos de guitare, je sautais partout sur scène et c’est cool mais au bout du compte, j’avais davantage à dire en tant que musicien. C’est donc pour ça que j’avais besoin de changement. Et maintenant, dans Volbeat, je me sens à ma place.
Y a-t-il des musiques qu’initialement tu voulais utiliser avec Anthrax et n’a jamais pu et que tu as finalement utilisé pour des chansons de Volbeat ?
C’est une question intéressante… Non, je ne peux pas dire ça… Je veux dire que ouais, il y a assurément une tonne de musique qui n’a pas ou ne pouvait pas être utilisée dans Anthrax mais rien de tout ça s’est retrouvé dans Volbeat.
« Ce qui est intéressant, c’est que Michael prenne cette musique américaine classique et de voir comment, en tant que Danois, il l’interprète. C’est génial ! C’est brillant ! »
Volbeat a un style très distinct et personnel avec cette fusion de heavy metal et de rockabilly. Est-ce que tu t’es facilement adapté à ce style ?
J’adore le heavy metal, j’adore le rockabilly, j’adore Johnny Cash, j’adore Elvis Presley… En fait, c’est ce que je dis : nous sommes tous sur la même longueur d’onde. J’ai grandi en écoutant tous types de trucs. Je suis clairement un drogué à la musique ! Ce qui est intéressant, c’est que Michael prenne cette musique américaine classique et de voir comment, en tant que Danois, il l’interprète. C’est génial ! C’est brillant ! Car il le fait d’une façon que beaucoup d’artistes américains… Nous sommes un peu à côté de la plaque. Pas moi en particulier mais je veux dire [les artistes américains de façon générale] avec les années. Mais je ne sais pas, comme je l’ai dit, j’adore tous les veux trucs. J’ai d’abord grandi avec le heavy metal, Eddie Van Halen est mon guitariste préféré, Angus Young, AC/DC… Des mecs comme ça. Le guitariste préféré de Michael est Richie Blackmore. J’adore Richie Blackmore aussi ! Nous venons tous du même endroit, tu sais, simplement avec des nuances différentes.
Tout comme l’album précédent, ce nouveau a été produit par Jacob Hansen, Michael Poulsen et toi-même. Comment interagissez-vous et travaillez-vous sur la production ensemble ?
C’est grosso-modo la même équipe que pour le dernier album. Nous avons été au studio de Jacob cette fois. Donc en ce sens, c’était différent du dernier car nous sommes allés dans un autre endroit. J’ai clairement ma façon de faire les choses car ça fait longtemps que je fais des albums. Jacob a aussi sa façon de faire les choses car lui aussi fait ça depuis longtemps. Et je pense que nous avons très bien travaillé ensemble. Evidemment nous ne sommes pas toujours d’accords sur tout, et c’est bien normal [petits rires]. Tu vois ce que je veux dire ? Ce n’est pas un problème. Je pense simplement que, peu importe ce qui s’est passé, peu importe comment était l’alchimie, nous nous sommes retrouvés avec un album dont nous sommes tous très fiers et contents.
C’est important que des membres du groupe soient impliqués dans la production et ne pas seulement laisser un producteur extérieur gérer cet aspect ?
Pour ma part, c’est quelque chose que je fais depuis longtemps. Je produis les groupes dans lesquels je suis, comme par exemple Anthrax, The Damned Things, et là c’est maintenant le deuxième album de Volbeat. Donc, pour moi, ce sont vraiment deux boulots complètement différents, le fait d’être un membre du groupe et être un producteur. Je fais les funambules sur cette limite depuis longtemps et c’est quelque chose à laquelle je suis désormais très habitué. Pour moi, le plus important reste simplement de faire un bon album.
Comment se fait-il que « For Evigt » soit remplacé par « The Bliss », une version entièrement en anglais de la chanson, pour le marché américain ? Penses-tu que les fans américains n’aimeraient pas la chanson en partie en danois ?
Je ne sais pas. Je pense, honnêtement, que c’était une idée qui est venue de notre équipe de management américaine, Q Prime, et surtout Cliff Burnstein. Il disait : « Pourquoi les gars est-ce que vous ne faites pas aussi une version anglaise de cette chanson ? » Je ne crois même pas que ce soit quelque chose à laquelle nous ayons pensé mais nous l’avons fait et le résultat est très cool. Je ne peux pas dire qu’il y avait un « but » avec ça, il n’y a pas de grand plan, c’est juste que nous avons fait une version anglaise de façon à ce que les gens en Amérique la comprennent un peu mieux que la version danoise [petits rires].
Tu es américain et Michael est danois. La distance géographique n’est-elle pas parfois un problème pour travailler ensemble ?
Non parce que je passe beaucoup de temps au Danemark désormais, surtout si nous répétons. Tout est planifié.
Tu portes toujours un bonnet, au point où c’est devenu partie intégrante de ton image. Ne t’en sépares-tu jamais ?
[Petits rires] Je ne sais pas ! C’est marrant, je racontais à l’autre gars qui a fait une interview il y a quelques minutes que lorsque j’étais gamin, j’avais quelque chose comme cinq ou six ans, j’avais une petite guitare rouge… Je ne sais pas, je ne m’en souviens même pas vraiment mais il y avait des photos de l’époque lorsque je donnais des concerts, de petites prestations dans des fêtes de familles, à des mariages ou peu importe, et j’avais ce petit chapeau blanc à l’époque [petits rires]. Donc je ne sais pas, j’imagine que ça a toujours été mon truc !
Penses-tu que The Damned Things pourrait se remettre ensemble pour faire un second album un jour ?
Je l’espère ! C’est assurément quelque chose que nous aimerions tous faire, je pense. Ce n’est qu’une question de temps et d’emplois du temps, et ça peut vraiment devenir compliqué lorsqu’on a différents membres qui sont tous aussi occupés avec d’autres trucs. Mais ouais, c’est quelque chose que j’adorerais faire.
Interview réalisée en face à face le 19 mai 2016 par Valentin Istria.
Retranscription, traduction & introduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Volbeat : www.volbeat.dk