Fondamentalement, Watain est un groupe qui n’a que faire de la vision d’autrui sur son art. Tout du moins, celle-ci ne pourrait en rien faire changer la trinité Watain d’objectif. Erik Danielsson, dans l’entretien qui suit, nous explique notamment son immense respect à l’égard de certains pères fondateurs du metal tels que Motörhead ou Iron Maiden qui conservent la même recette depuis des décennies sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Mais, a contrario de ceux-ci, les Suédois sont voués à sans cesse faire évoluer leur propos musical. Une quête personnelle mais également spirituelle puisque le groupe joue pour exprimer sa propre conception spirituelle et religieuse. Car Watain est, indéniablement, un groupe sûr de son fait et fier d’avoir conduit son navire où il en est aujourd’hui. Danielsson n’hésite d’ailleurs pas à exprimer sa satisfaction quant à l’actuelle force créatrice du combo.
Mais pour les Suédois, Watain est un groupe de substance, voué et animé par des idées. Ainsi, le leader du groupe réagit aux propos de la Ghoule Sans Nom de Ghost que nous avions interviewé il y a quelques semaines et qui rapprochait les deux formations, et donne sa vision de ce groupe qu’il considère, notamment, être, à la différence de Watain, du divertissement. Tout comme il revient sur les nouvelles expérimentations musicales entreprises sur ce The Wild Hunt, le conduisant à être plus diversifié que jamais mais aussi, paradoxalement, plus accessible, sans pour autant avoir délibérément cherché à l’être.
Radio Metal : Dans la biographie du groupe qui est envoyée avec l’album, il est écrit que l’objectif de Watain a toujours été de progresser. Est-ce que tu penses qu’un groupe qui stagne est un groupe qui est en train de mourir ?
Erik Danielsson (chant) : Il y a une différence entre stagner et camper sur ses positions. Des groupes comme Iron Maiden ou Motörhead font partie de mes groupes préférés de tous les temps et je suis très content qu’ils soient aussi obstinés en ce qui concerne leur vision artistique. Mais pour un groupe comme Watain, progresser a toujours été très important. Notre but a toujours été d’explorer notre art, de nous explorer nous-mêmes, et d’explorer l’envers du monde, vraiment. Pour nous, en rester au même point en permanence n’a jamais été une option. Nous sommes nomades et agités. Nous avons besoin d’avancer.
Watain est un trio. Est-ce que travailler en trio est le meilleur moyen d’écrire de la musique naturellement, sans effet superflu ?
Il y a dans la trinité quelque chose de vraiment essentiel et primordial, d’une certaine manière : le triangle est la forme géométrique la plus simple, et il y a aussi beaucoup de références religieuses au trois comme nombre fondamental… Mais en même temps, je pourrais aussi bien écrire avec beaucoup de monde, je ne pense pas que tout soit une question de nombre. Watain a toujours tiré parti d’avoir trois membres fondateurs et jusqu’à cinq membres sur scène qui sont tous autant une part du groupe. Mais ce sont malgré tout ces trois membres qui forment le cœur et l’essence du groupe.
The Wild Hunt est un album très varié. Il comprend un titre instrumental, des chansons black metal classiques, quelques chansons calmes et mélodiques avec des passages en voix claire, et « Outlaw » qui a une orientation presque rock’n’roll. D’où vient cette diversité ? Quelles ont été vos influences sur cet album ?
La raison pour laquelle cet album est aussi varié, c’est qu’il est vraiment basé sur l’histoire de Watain et sur nous-mêmes. C’est un album très personnel. Il n’y avait manifestement aucun moyen d’en faire quelque chose de conventionnel. Nous avons voulu embarquer notre auditeur dans un tour de montagnes russes à travers l’univers de Watain, or c’est un univers qui est, par nature, très varié. Il y a des endroits très violents, enflammés, et très, très dangereux, mais aussi des lieux emplis de silence, de révérence, et de nature calme et sérieuse. C’est aussi parce que nous voulions être complètement honnêtes, et montrer un peu plus de nous que nous avons pu le faire par le passé. Pour nous, c’est très gratifiant parce que ça te donne un sentiment de liberté en tant qu’artiste : tu te sens complètement libéré quand tu n’as à te préoccuper de rien, d’aucune limite, d’aucune frontière que ce soit ; tu peux écrire et composer de n’importe quelle manière qui te semble appropriée… Ce sont des choses extrêmement importantes, et c’est très gratifiant de travailler comme ça.
Vous avez enregistré cet album dans quatre studios différents. Pourquoi ?
On a d’abord décidé qu’il allait falloir qu’on passe quatre mois en studio pour enregistrer cet album, parce que nous avions compris très tôt qu’il allait nous falloir beaucoup de temps pour faire les choses correctement. Comme tu l’as fait remarquer, c’est un album très varié, qui a demandé beaucoup d’attention sous bien des aspects. Et quand nous avons décidé que nous allions devoir passer quatre mois en studio, nous nous sommes vite rendus compte que nous n’allions pas pouvoir passer ces quatre mois au même endroit : on se serait sans doute entre-tués, ou nous aurions au moins tué le producteur au bout d’un mois ! Nous avons donc décidé d’enregistrer dans quatre lieux différents qui nous ont semblé appropriés du point de vue de l’atmosphère comme de la localisation. Et oui, nous avons dû transporter notre équipement dans quatre studios différents.
« They Rode On » et « The Wild Hunt » sont les premières chansons avec des passages en voix claire de votre carrière, si je ne me trompe pas. Est-ce que tu peux nous dire comment tu as eu l’idée d’intégrer des passages en voix claire dans votre musique ?
Mmh oui, j’ai écrit la chanson et je voulais qu’il y ait des passages en voix claire dedans, donc il y a des passages en voix claire dedans [rires]. Ça n’a pas été une décision très difficile à prendre pour moi. Nous voulions exprimer quelque chose avec ces chansons qui demandait une voix différente de celle que nous utilisons d’habitude. Dans ce cas, tu n’as qu’à utiliser une nouvelle sorte de voix, et c’est ce que nous avons fait. Donc je ne sais pas trop. Pour moi, ce n’est pas grand-chose. Nous avons toujours été très ouverts quand il s’est agit d’incorporer n’importe quel élément dont nous avons eu besoin pour exprimer ce que nous voulions exprimer à notre musique, et la voix claire était juste un autre des instruments qu’il fallait qu’on intègre à notre musique pour atteindre notre but sur ces chansons en particulier.
Est-ce que ça a été un défi pour toi de chanter de cette manière ?
Non, pas vraiment à vrai dire. J’ai pris une ou deux leçons de chant pour être sûr que je m’y prenais comme il faut, mais ça ne m’a pas appris grand-chose, juste de m’en foutre, tu vois ce que je veux dire ? C’est la seule manière d’y arriver. Je n’y pense pas vraiment, je m’en fiche. Il faut chanter comme ton cœur te dit de chanter. C’est comme ça.
Et tu ne penses pas qu’il va y avoir des réactions de la part des « true » fans de musique extrême qui vont dire que vous êtes des vendus parce que vous avez intégré des passages en chant clair dans votre musique ?
[Il baille] Bien sûr que si. Je suis sûr qu’il va y avoir ce genre de réaction, mais ça ne m’intéresse tellement pas… Les réactions pertinentes m’intéressent ; les gens qui disent des choses avec de la substance m’intéressent, mais les ados qui s’énervent parce que je ne crie pas, bon… J’ai une vision de notre travail un peu plus ambitieuse que ça, donc je m’en fiche complètement, pour être honnête.
Tu viens de dire que les réactions pertinentes t’intéressent. Est-ce qu’il est déjà arrivé que vous changiez un aspect de votre musique après avoir entendu certaines réflexions ?
Euh, non. Nous ne travaillons pas comme ça. Nous écrivons la musique pour nous-mêmes et pour nos dieux, et nous le faisons de la manière qui nous semble la meilleure. Pour moi, c’est vraiment une idée étrange que celle de prendre en compte les attentes d’autres personnes quand tu écris toi-même ta musique. C’est un concept qui m’est très étranger et qui me semble bizarre. Je ne sais pas comment m’y identifier, c’est vraiment une idée étrange, à mes yeux. Si je suis musicien, c’est parce que j’ai quelque chose à exprimer et pas parce que je veux que d’autres personnes écoutent et aiment ma musique. Notre idée de base a toujours été que toi, d’abord, tu dois avoir quelque chose que tu veux exprimer. Je ne sais pas. Pour moi, c’est vraiment une idée étrange.
Tu as déclaré : « Je pisse sur ces soi-disant artistes qui s’adaptent pour toucher un plus grand public. » Est-ce que c’est possible d’écrire une musique accessible tout en restant fidèle à soi-même ?
Apparemment, notre musique est accessible d’une certaine manière puisque nous vendons des albums et qu’il y a des gens qui viennent à nos concerts… Ce que je veux dire quand je dis des choses comme celles que tu cites, c’est que ce que je n’accepte pas, c’est qu’un groupe adapte sa musique pour la rendre plus accessible, pour qu’elle touche un plus grand public. Ça, ça me semble très bizarre, parce que c’est à ce moment-là que tu perds ta vision artistique. À ce moment-là, tu fondes ta musique sur quelque chose de complètement différent, tu veux divertir le public ; à ce moment-là, ce n’est plus que du divertissement, et Watain, ce n’est pas du divertissement, fondamentalement. C’est quelque chose de complètement différent. Je suis sûr que ma mère pourrait aimer « They Rode On » du nouvel album, ça en fait une chanson accessible, mais elle n’a pas été écrite pour être accessible. Elle est accessible pour je ne sais quelle raison, mais je ne sais pas, il s’est juste trouvé qu’elle était comme ça. Je n’avais pas l’intention de faire une chanson accessible… Est-ce que c’est intelligible, ce que je dis ? Tu vois ce que je veux dire ?
Oui, pas de problème ! Il y a quelques semaines, on a fait une interview du groupe Ghost. Ils nous ont dit : « Nous sommes amis avec Watain et ils ont une approche très similaire à ce que nous faisons, dans le sens où ils comprennent qu’aussi radical leur art puisse être, si tu veux le répandre et sortir de ta cave, il faut passer à la vitesse supérieure. Et tu essaies de trouver cet équilibre subtil entre l’intégrité artistique et l’accessibilité dans le but de faire exploser ton art vers quelque chose de meilleur. » Qu’est-ce que tu en penses ?
Ça ressemble beaucoup à quelque chose que Ghost pourrait dire [rires]. Je pense qu’ils ont à bien des égards un objectif tout à fait différent avec leur musique. Je les respecte pour ce qu’ils font, ils le font comme une expérience que personne n’a tentée auparavant. Je trouve ça fascinant, mais ils font du divertissement. C’est un groupe théâtral, et ils le font très bien… Ça marche, tu sais. Mais Watain a une source complètement différente. Ça vient de notre amour pour nos dieux. Watain est, avant toute chose, une forme d’expression spirituelle. C’est un outil religieux. Ghost est un groupe qui fait de la musique divertissante. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Mais en même temps, au moins ils remettent les normes en question, et au moins ils font quelque chose d’intéressant, à mon avis. Mais ce qu’il faut que les gens comprennent, c’est que les comparer à nous, ce serait comme comparer un spectacle de Broadway sur les Indiens à un vrai groupe de chamanes en Amazonie. Ce sont deux choses complètement différentes.
Oui, et en fait ils ont aussi dit : « En comparaison, ce que nous faisons est très caricatural et fantaisiste. Je pense vraiment que nous sommes similaires, d’une certaine façon, que nous sommes deux versions de la même chose. » Je suppose que tu n’es pas d’accord, et que tu ne vois pas Ghost comme une version caricaturale de Watain…
D’une certaine manière, ils ont raison… Je ne vois pas Ghost comme quelque chose de fantaisiste, je le vois comme du divertissement de très bon niveau. « Fantaisiste », ça fait penser à quelque chose de puéril… J’aime ce qu’ils font! Ils le font de manière très digne. La seule chose que j’aimerais que les gens comprennent, c’est que leur aspect satanique est aussi réaliste que dans un film de Roman Polanski, par exemple. C’est bien fait, mais ça ne relève pas du tout d’une perspective religieuse. Ce n’est que du divertissement.
Est-ce que tu as une dernière chose à dire ?
J’aimerais juste inciter les gens à garder leurs oreilles et leurs yeux bien ouverts, parce qu’on va au devant de moments très intéressants, culturellement et musicalement. Je pense qu’on se souviendra de notre époque dans des années et des années. Il y a quelque chose d’étrange et de grand qui se prépare, et Watain en fera partie intégrante. Soyez attentifs, soyez sur vos gardes, car les choses vont devenir très intéressantes.
Interview réalisée par téléphone le 9 juillet 2013
Retranscription et traduction : Chloé
Introduction : Alastor
Site internet officiel de Watain : www.templeofwatain.com
Album The Wild Hunt sorti le 19 août 2013 chez Century Media Records.
J’ai du retard mais je viens seulement d’écouter le controversé « They rode on ». Mon verdict est que ce morceau a réellement une âme, les solos de guitare sont épiques, les arpèges sont envoûtants, il y a un peu de l’esprit de ce qu’a fait Nick Cave sur certaines balades.
Bref, pour ma part, j’ai grandement apprécié, on est loin de la guimauve. Après, si on ne supporte pas qu’un groupe catalogué « Extrême » écrive ce genre de morceaux hé bien c’est que l’on a une vision très réductrice de l’Art.
Live and let die…
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Watain c’est le nouveau Cradle Of Filth.
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Ventard.
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Vantard,désolé pour la faute^^ (je parle du chanteur qui pense que son groupe est le mieux et qu’il est la revolution musicale de demain,j’exagère a peine.