Le rock sudiste a de beaux jours devant lui lorsque l’on voit les jeunes pousses du genre qui ont émergé ces dix dernières années, telles que Blackberry Smoke, évidemment, mais aussi les Texans de Whiskey Myers qui sont revenus cette année avec leur quatrième album intitulé Mud. La « boue », comme pour se rappeler du terroir d’où ils viennent. Le chanteur « Cody Cannon a écrit la chanson qui s’appelle ‘Mud’ et nous trouvions que ce serait un bon titre pour bien lier tout le concept de l’album, » nous explique le guitariste Cody Tate. « Et nous venons de la terre rouge, donc c’est un très bon portrait d’où nous venons et du son de l’album. » Les racines sont au cœur de la musique de Whiskey Myers, « elles ont façonné tout ce que nous représentons, » s’exclame Tate. « Nous avons grandi ici, nous avons tous vécu les mêmes choses, donc nous sommes très intimes avec d’où nous venons, nos influences et la façon dont nous vivons. » Il poursuit : « Je pense que si tu t’éloignes trop de là d’où tu viens… Il faut assurément garder les pieds sur terre parce que si tu deviens trop gros, il se peut que tu commences à faire des choses que peut-être tu regretteras dans dix ans, te demandant : ‘Mais putain, qu’est-ce que tu as fait il y a dix ans ?’ »
Comme la plupart des groupes provenant des régions rurales reculées des Etats-Unis et attachés à leurs racines et traditions du sud, les thématiques de prédilections de Whiskey Myers sont des histoires de simples quidam, patriotiques et de valeurs familiales. « Nous écrivons au sujet de ce que nous connaissons, » explique Tate, « et ça, c’est tout ce que nous connaissons ! Les bonnes vieilles valeurs familiales et ce genre de choses. Nous n’estimons pas avoir de rôle particulier en tant que musicien à faire passer des messages, mais c’est tout ce que nous connaissons. Donc nous ne s’essayons pas… Bon, je suppose que nous essayons de défendre nos valeurs, nous essayons de faire savoir aux gens comment est la vie pour les gens d’où nous venons. » A l’instar d’une chanson comme « Trailer We Call Home » qui parle « des parents de Cody Cannon. C’est une chanson à propos d’un couple qui vit une période difficile et ils essaient de s’en sortir, mais l’amour peut les y aider. » Ou « Frogman », co-écrite par Cannon avec Rich Robinson des Black Crowes, qui rend hommage à « des potes Navy Seals que nous avons croisés sur la route, racontant leur vie triste et déchirante, comme le sont la plupart des histoires – il n’y a rien de mal à ça. Mais nous voulions aussi raconter cet aspect de la vie de nos forces de combat qui se battent pour la liberté et contre la terreur au moyen orient, et dont le confort de leur foyer leur manque. »
Les valeurs familiales se retrouvent jusque dans les relations des membres du groupe entre eux : « C’est clairement une famille parce que tu ne peux pas passer autant de temps sur les routes avec des gens, dans des quartiers aussi serrés et ne pas être proches. » Et que le groupe ait récemment intégré deux nouveaux membres, le claviériste-violoniste Jon Knudson et le percussionniste Tony Kent, n’y change rien. « Ça s’est fait de façon transparente, ce sont tous les deux de supers musiciens et personnes. Et puis nous connaissions Tony depuis un moment. » « Lorsque nous avons ajouté notre claviériste Jon, » nous raconte Tate, expliquant l’ajout de ces deux nouveaux membres, « nous ne savions pas qu’il y avait autant d’espace dans notre musique ! Donc il a joué sur quelques concerts et ensuite quelques concerts se sont faits sans lui, et ces concerts où il n’a pas joué, nous étions là : ‘Bon sang, il faut qu’on ramène ce mec !’ Donc nous l’avons embauché à plein temps parce que ça sonnait merveilleusement bien ! Et puis l’énergie a totalement changé lorsque Tony est arrivé, car il apporte une toute nouvelle énergie lorsqu’il est sur scène, les gens le voient se donner à fond. » Deux instrumentistes qui ont permis au groupe d’étendre son son : « Ils sont venus et ont apporté une touche différente, un feeling différent. Certaines choses que nous n’avons jamais eu avant, comme le piano et tout. Je veux dire que nous avons déjà invité des musiciens à venir jouer du piano et du violon avec nous, ça sonnait tellement différent, mais c’était meilleur et ça colle bien à notre son. » Car Whiskey Myers n’est pas qu’un simple groupe de rock sudiste, mais aussi un melting pot d’éléments – des chœurs gospel de « Mud » jusqu’aux cuivres de « Lightning Bugs And Rain – et d’influences, à commencer par la country Red Dirt, typique de leur région, jusqu’au grunge.
Rien d’étonnant à ce que Whiskey Myers se soit associé au producteur Dave Cobb, l’un des patrons actuels pour tout ce qui est son rock old school et brut de décoffrage, remettant ça à Nashville après une première collaboration sur Early Morning Shakes, le troisième album du groupe. « C’est un super producteur avec un super studio, il avait la bonne vision d’où nous voulions aller, nous nous entendions là-dessus, nous étions tous dans le même état d’esprit. » Une relation de travail confortable, même si le groupe a tendance à arriver en studio les mains dans les poches, avec peu de musiques terminées, si bien que « certains dans le groupe ne connaissaient même pas les accords » en entrant en studio, ce que Cobb les encourage à faire : « Il veut que nous n’arrivions pas préparés et que nous créions directement sur place. » De quoi mettre la spontanéité et l’authenticité au cœur des chansons. « C’est ce que nous voulions apporter à notre musique, » explique Tate, « la faire sonner authentique, vraie, terre à terre. Mais, » ajoute-t-il, « tu dois bosser dur, tu dois prendre le temps, si tu veux réussir quoi que ce soit. » Sans pour autant se mettre trop de stress : « Tu dois sortir ta musique, c’est pour ça que nous sommes là. Et le stress peut être une bonne chose mais ça peut aussi être une mauvaise chose pour la créativité. Il faut juste que tu trouves le bon dosage, vraiment [petits rires]. Ce serait idéal d’être dans une situation sans aucun stress, mais parfois, oui, le stress peut être un motivateur. Mais je préfère quand il n’y a jamais de stress [petits rires]. » « De toutes façons, nous nous amuserons toujours, » conclut-il.
Interview réalisée par téléphone le 1er décembre 2016 par Philippe Sliwa.
Retranscription, traduction et textes : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Whiskey Myers : www.whiskeymyers.com
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