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Interview   

White Void donne du sens à l’absurde


Ceux qui ont déjà écouté l’œuvre de Solefald ont sans doute déjà eu le terme « absurde » qui leur est venu à l’esprit pour qualifier ce qu’ils entendaient. Pourtant, c’est avec Anti, le premier album de son nouveau projet, White Void, dans lequel il propose sa musique la plus cohérente et accessible, que Lars Nedland a choisi de traiter le sujet complexe de l’absurde en allant piocher dans la philosophie d’Albert Camus. Mais il y a une logique : White Void est sa révolte pour dépasser sa condition d’artiste expérimental, tout comme Albert Camus faisait de son existence un acte de révolte pour dépasser l’absurde.

Pour autant, les fans de Solefald et de Borknagar ne seront pas totalement dépaysés tant la patte artistique du chanteur-claviériste est prégnante. Il s’agit simplement d’une facette de celle-ci, plus foncièrement rock, qu’il exploite et laisse s’exprimer librement avec le talent d’une poignée de musiciens venant d’horizons très différents. Il y a donc deux grands axes abordés dans l’entretien qui suit, tout aussi passionnants l’un que l’autre : l’approche musicale de Lars et la mise en rapport de ses trois groupes principaux, puis son rapport philosophique à l’absurde et sa manière de l’aborder dans ce nouvel exutoire.

« Il y a une part de folie dans tout bon art. »

Radio Metal : Tu as créé ce nouveau groupe baptisé White Void avec Tobias Solbakk, Vegard Kummen et Eivind Marum. Comment vous êtes-vous rencontrés et avez-vous décidé de former un groupe ensemble ?

Lars Nedland (chant & clavier) : Ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. Ce n’est pas comme si nous nous étions rencontrés et avions discuté de choses, puis formé un groupe. J’avais composé beaucoup de musique, et généralement, quand je compose de la musique, je ne compose pas spécifiquement pour l’un de mes groupes. Je compose simplement de la musique et ensuite, naturellement, je sais : « Ceci est une chanson de Borknagar » ou « Ceci est une chanson de Solefald ». Mais je me suis rendu compte que j’avais pas mal de chansons qui ne convenaient à aucun de ces deux groupes. J’ai donc commencé à penser que peut-être que je devrais faire quelque chose d’autre avec ces morceaux. J’ai commencé à composer plus spécifiquement en ayant ces styles musicaux en tête : le rock occulte et le rock progressif des années 70, ainsi que la new wave, qui est l’un de mes genres musicaux préférés. J’ai plus ou moins fait tout l’album. J’ai d’abord fait toutes les chansons, mais j’en ai fait de simples démos. Puis j’ai pensé : « Il me faut des musiciens pour m’aider à sortir ça du cadre metal et le faire rentrer dans un cadre différent, plus orienté années 70. Il me faut donc des gens capables de transposer ma manière de jouer et de faire les chansons dans un autre cadre. »

C’est là que j’ai contacté Eivind, notre guitariste. C’est un ami de mon frère, donc je le connais depuis des années. Il a un background dans le blues rock et ce genre de musique. J’ai donc pensé qu’un bon point de départ serait de se poser avec lui, de passer les chansons en revue et de transposer les riffs dans une manière de jouer plus groovy – tu sais, les gammes chromatiques et tout. Voilà comment ça a commencé. Au bout d’un moment, nous avons impliqué Tobias. Il a un background dans le jazz, donc il a une manière de jouer différente de celle d’une grande partie des batteurs avec qui j’ai joué par le passé. Vegard est un ami de Tobias, donc c’est par ce biais qu’il a été intégré. Il s’est écoulé presque un an, je pense, entre le moment où j’ai commencé à travailler sur cet album avec Eivind et le moment où nous avions un groupe complet. Puis, d’une certaine façon, nous avons commencé à tout mettre en place et à travailler plus comme un groupe au complet, à enregistrer l’album et à avancer sur tout ça. C’est un processus où le groupe s’est constitué à partir des chansons que j’étais en train de faire sans penser à faire un autre groupe. C’est un peu l’aboutissement de ce processus.

Les membres du groupe ont des backgrounds dans le black metal, la musique électronique, la pop, le jazz et le blues. C’est un panel très varié de sensibilités et d’expériences musicales. N’était-ce pas difficile de trouver un terrain d’entente ?

Pas vraiment, car j’ai commencé ce projet en agissant en dictateur ! [Rires] Les chansons étaient là quand nous avons commencé à travailler dessus. Mais ce qui est drôle, c’est que ce qu’ils ont apporté et leur façon de jouer m’ont fait voir les morceaux sous un nouveau jour. Ils ont apporté plein de choses dans cet album, et ils en ont déformé et renversé, et ont dit : « Et si on le faisait comme ça ? » avec un regard différent. Je pense qu’une des raisons pour lesquelles ça fonctionne aussi bien, c’est que justement, ils viennent de backgrounds différents, et ils ont des approches musicales et de composition différentes. C’est l’une des raisons pour lesquelles je trouve ça vraiment amusant de travailler dans ce contexte, avec ce genre de musique et avec ces gars, car ils proposent et font des choses dont je n’ai pas vraiment l’habitude dans mes autres groupes. C’est un tout autre animal en termes d’expression musicale, et les musiciens impliqués ont une manière de penser très différente de la plupart des musiciens avec qui je travaille, qui sont plus ou moins liés au vieil environnement black metal. Là, ce n’est pas aussi proche du black metal. Donc oui, c’était amusant de travailler avec ça. La diversité fait que ça fonctionne pour le mieux. Nous n’avons pas de conflit par rapport à ça.

Jens Prueter de Nuclear Blast a qualifié White Void de « version moderne de Blue Öyster Cult avec une touche de New Model Army ». Es-tu en phase avec cette description ? Te reconnais-tu dans ces deux groupes ?

Oui, absolument. Je pense que ce sont deux groupes représentatifs des deux styles musicaux qui sont peut-être les plus importants pour White Void. Blue Öyster Cult représente le rock occulte et ce qui est arrivé après Coven et tous ces groupes des années 70. J’adore les vieux morceaux de Blue Öyster Cult avec Eric Bloom et cette manière un peu étrange de construire de belles chansons mélodiques mais aussi un peu effrayantes et mystérieuses. D’un autre côté, New Model Army et tout le mouvement new wave, avec leur manière de penser les mélodies et le chant… Je suis profondément inspiré par le mouvement new wave pour créer les parités vocales de White Void. Donc quand j’ai parlé à Nuclear Blast de la manière de décrire ce projet, de façon à ce que ça attise la curiosité des gens et leur donne des références qui sont justes selon moi pour faire le lien, j’ai trouvé que ces deux groupes et ces deux styles tapaient dans le mille – en tout cas, à mon avis.

« Je m’intéresse à tout ce qui dans nos vies et en dehors de nos vies requiert une forme d’équilibre : l’équilibre en physique, l’équilibre en psychologie, l’équilibre nécessaire pour que les choses de s’écroulent pas. Je pense que je porte constamment cette dualité en moi. »

Tu es connu pour tes œuvres progressives et expérimentales avec Borknagar et Solefald, mais il se trouve aussi que tu es à l’origine de certains des morceaux de Borknagar les plus mélodiques, accrocheurs et directs, tels que « Lights » et « The Beauty Of Dead Cities ». Est-ce une part de ta fibre artistique qui a toujours demandé à s’exprimer dans un projet comme White Void ?

Oui, c’est bien possible. Je n’y ai pas pensé en ces termes pendant que le processus avait lieu, mais avec le recul, vu la manière dont ce projet a pris forme à partir d’un processus de composition lié à mes autres groupes… Je suppose que dans une certaine mesure, j’avais ce besoin d’exprimer ce côté mélodieux et direct. Il y a des raisons pour lesquelles on fait de la musique. Je fais de la musique parce que j’en ai besoin, parce qu’il y a quelque chose que j’ai besoin de sortir de mon système, pour ainsi dire. Ca a toujours été comme ça. C’est pour cette raison que je me pose pour écrire de la musique – parce que c’est une expérience cathartique pour moi. Je pense que tout ce qui sort d’une session d’écriture est lié à ce que je ressens et à ce que j’ai besoin de faire à ce moment-là. Donc à cet égard, c’est sûr, cet aspect demandait à sortir et sort désormais à travers White Void. Je pense que c’est une bonne chose pour moi d’avoir un groupe parallèle orienté dans cette direction. C’est bien que j’ai un exutoire pour ça, parce que j’ai aussi toujours une part de moi-même qui est incrustée dans le côté plus expérimental du metal. Avec Solefald, on ne sait jamais ce qu’on va obtenir. Nous pourrions faire un album de techno ou nous pourrions faire un album de pop, ou nous pourrions faire les deux à la fois avec du black metal en plus, donc j’aime l’expérimentation avec ce groupe. Avec Borknagar, j’aime le cadre progressif en ayant encore deux doigts de pied dans le black metal. C’est amusant de composer et créer des choses avec d’autres gens dans ces groupes, mais avec White Void, c’est bien plus clair, ce sont des chansons très directes. Je trouve ça très gratifiant de composer des musiques qui s’ouvrent plus rapidement à l’auditeur, pour ainsi dire. Donc oui, c’est bien d’avoir un exutoire pour ça.

Ton style et ta marque de fabrique transparaissent toujours, que ce soit dans Solefald, Borknagar ou White Void – trois projets très différents. Comment définirais-tu cette fibre artistique qui te caractérise ?

Je ne sais pas. Je pense que lorsqu’on demande à un artiste de décrire ce qui le définit, c’est très dur pour lui de répondre, car c’est le seul qui ne voit pas ce qu’il fait de l’extérieur [rires]. Mais je pense que, dans une certaine mesure, ma fibre artistique a toujours été liée à la mélodie, au côté mélodique d’une chanson. Même les musiques plus extrêmes que j’ai faites avaient un côté mélodique – si on exclut les trucs que j’ai faits en tant que batteur, car là évidemment il n’y a pas beaucoup de mélodie. Si on regarde tout ce que j’ai composé, je suppose que c’est le côté mélodique. De même, je pense avoir une voix assez reconnaissable. Je suppose qu’elle transparaît peu importe le projet ; c’est généralement facile d’entendre que je suis celui qui chante.

Penses-tu que le fait d’avoir été batteur a influé sur le chanteur que tu es aujourd’hui ?

Oui. Je pense que tous les instruments dont on a joué ou dont on joue encore influent sur notre manière de jouer d’autres instruments. Je pense que tout et n’importe quoi peut nous aider à mieux comprendre comment différents membres d’un groupe ou éléments musicaux se combinent et s’influencent mutuellement, comment ils s’entremêlent, comment une chose influe sur notre perception d’une autre chose. Je pense que quand on passe d’un instrument à un autre, ça influe sur notre manière de travailler et d’aborder les choses. Donc je suis convaincu que mon background en tant que batteur – qui est l’instrument sur lequel j’ai commencé, il y a bien longtemps – a eu une grosse influence sur ma manière de travailler aujourd’hui en tant que chanteur, et aussi sur ma manière de composer : quand je me pose pour composer des musiques dans mon studio personnel, je programme la batterie pour rapidement obtenir un aperçu de la manière dont fonctionnent les riffs et de ce que je dois faire pour obtenir ce que je veux. Rien que le fait d’être capable de jouer de la batterie et donc de programmer des parties comme un batteur les jouerait, ça joue sur ma manière de travailler rythmiquement mes parties vocales au moment où je suis en train de les faire, car j’ai déjà posé les bases de la batterie. Donc voilà comment ça fonctionne ; tout est lié, d’une certaine manière.

Ayant commencé comme batteur, comment as-tu réalisé que tu étais capable aussi d’être chanteur – et un chanteur plutôt doué d’ailleurs ?

C’était les années 90, et dans les années 90, si tu voulais obtenir quelque chose, tu le faisais toi-même ! [Rires] Donc la première fois que j’ai essayé de chanter, c’était sur la toute première démo de Solefald. J’ai joué de la batterie dans divers groupes locaux de Kristiansand, qui est ma ville d’origine, où je vivais étant gamin, tout au sud de la Norvège. Nous avons formé Solefald en 95, je crois, et enregistré la démo la même année. Nous voulions du chant clair sur cette démo parce que nous voulions… Je veux dire que c’était en pleine seconde vague de black metal, et nous voulions mélanger la mélancolie obtenue avec les claviers et un petit peu de chant clair, et le côté extrême du chant black et des blast beats. Nous avons donc installé un microphone et j’ai essayé de chanter. Je sonnais comme un chat blessé ! Mais il faut bien commencer quelque part, n’est-ce pas ? Tu tentes un truc. Ensuite, nous avons enregistré l’album et j’ai eu quelques conseils en studio. Ça sonnait beaucoup mieux, et après j’ai travaillé sur cette base. Je pense que c’est simplement une question de : « D’accord, j’ai envie d’essayer ça. J’ai l’occasion d’essayer, alors j’essaye » [rires].

« La problématique de l’absurde, c’est la divergence entre ce dont nous, en tant qu’êtres humains, avons besoin et ce que l’univers nous offre – c’est-à-dire rien – en termes de sens et de direction dans la vie. »

J’imagine que tu as plus ou moins abandonné la batterie, n’est-ce pas ? Donc tu dois te sentir plus chanteur que batteur maintenant…

Oui. Enfin, je joue de la batterie très occasionnellement, mais oui, je suis un chanteur avant tout aujourd’hui, et je suis aussi un claviériste. J’ai joué du piano toute ma vie. Je savais déjà jouer du piano quand j’ai commencé à jouer de la batterie. Mais je pense que le piano est revenu plus tard dans mon univers musical, car quand j’ai commencé à former des groupes, il n’y avait pas beaucoup de clavier dans le metal, or je voulais jouer du metal. Le Lars de treize ans voulait jouer du metal ! [Rires]

Les gens te considèrent parfois comme un « musicien fou », surtout à cause de Solefald, mais penses-tu qu’ils confondent la folie avec l’originalité ou la créativité ?

Je ne sais pas. Il y a une part de folie dans tout bon art. Donc oui, espérons que j’ai une petite étincelle de folie [rires]. Je ne sais pas, c’est une affaire de goûts. Pour certaines personnes, ce n’est que de la folie ; pour d’autres personnes, il y a une méthode à la folie. Pour ma part, il y a clairement une méthode à la folie dans ma manière d’utiliser cette partie de ma créativité, mais l’étincelle même de cette créativité vient d’ailleurs. Je ne peux pas la provoquer ; je ne peux pas la faire apparaître quand je veux. Ça vient tout seul et, à ce moment-là, je fais des trucs. C’est donc peut-être un mélange. Je ne sais pas ! [Rires]

Le dossier de presse dit que White Void « trouve son équilibre sur l’horizon des événements qui sépare le vieux du nouveau, l’agressivité de la mélodie, le rêve de la volonté ». Es-tu un homme à la fois de contraste et d’équilibre en tant qu’artiste ?

Oui. C’est aussi lié à mon intérêt pour la philosophie, car je m’intéresse aux points d’équilibre. Je m’intéresse à tout ce qui dans nos vies et en dehors de nos vies requiert une forme d’équilibre : l’équilibre en physique, l’équilibre en psychologie, l’équilibre nécessaire pour que les choses de s’écroulent pas. Je pense que je porte constamment cette dualité en moi, y compris en tant que personne. C’est l’une des choses que j’ai essayé d’engendrer avec White Void aussi – cette approche contrastée, appelons ça ainsi. C’est une manière intéressante de travailler, en tout cas pour moi, le fait de voir les extrémités à gauche et à droite, car ça donne vie aux choses de façons différentes et ça offre une compréhension plus profonde des choses. Donc oui, le contraste est important dans tout ce que je fais.

L’album a été produit par toi et Øystein G. Brun, qui a aussi mixé et masterisé l’album. Tu as travaillé pendant de nombreuses années avec Øystein au sein de Borknagar. Penses-tu que tu avais besoin de quelqu’un avec qui tu es à l’aise, vu que c’est un tout nouveau projet, ou est-ce plus parce que c’est le producteur qui te connaît le mieux en tant qu’artiste et qui sait le mieux ce que tu recherches dans ta musique ?

Je pense que les deux propositions sont exactes. Je veux dire qu’il me connaît très bien. Ça fait maintenant vingt-deux ans que nous officions ensemble dans Borknagar, donc nous nous connaissons très bien. De même, il a construit son studio. Il possède un très bon studio professionnel qu’il a construit il y a environ cinq ou six ans, et il a vraiment envie de diversifier les styles musicaux qu’il mixe et produit. Je lui ai parlé de ce projet, je lui ai fait écouter quelques chansons, et nous nous sommes dit que nous avions envie de travailler ensemble là-dessus, notamment parce que ça nécessiterait une dynamique de travail complètement différente entre nous. Il travaillait pour moi, en tant que producteur et mixeur, il ne faisait pas partie du groupe. A la fois, il me poussait, il me guidait, notamment parce que dans ce contexte, il voyait ce que je faisais de l’extérieur. C’était donc une très bonne dynamique pour une production comme celle-ci. Il y a aussi que ce projet est très différent de ce que j’ai fait avant. Je pense qu’après l’expérience que nous avons vécue sur cet album, avec la manière dont nous avons travaillé ensemble, je suis convaincu que je vais travailler avec Øystein sur le prochain album aussi, car nous avons vraiment trouvé une bonne dynamique. C’est parce qu’il me connait très bien, mais aussi parce que nous avons pu changer notre relation professionnelle et notre dynamique habituelle. C’était un processus très intéressant, y compris d’un point de vue psychologique.

D’un autre côté, n’avais-tu pas peur que les genres relient trop White Void et Borknagar sur le plan sonore ?

Je ne sais pas. La musique est assez différente, et la production est assez différente aussi. Toute la présentation du groupe et son image, tout est assez différent. Je savais depuis le départ que ce serait comparé à Borknagar et à Solefald, que ces groupes seraient mentionnés peu importe ce que je ferais. Donc au lieu d’être irrité par ça, ou d’essayer d’ériger un grand mur entre moi et mes autres projets, je me suis dit : « J’emmerde ça. Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent. Je fais ce que je pense être le mieux, par rapport au résultat de mon travail. » Je pense avoir pris la bonne voie. J’adore le son de l’album et j’ai vraiment adoré le processus. Ça ne me dérange pas que les gens le comparent à mes autres groupes, mais je suis relativement sûr que c’est assez différent de tous mes autres albums.

« La seule manière de gérer l’absurdité de la vie et la problématique de l’absurde, c’est en l’acceptant. A la fois, quand on l’accepte, au cœur de cette acceptation il y a une révolte contre l’absurde, ce qui crée un mouvement circulaire. Je trouve que ça colle bien à ma compréhension du monde. »

Le concept de l’album est basé sur l’absurdisme d’Albert Camus et parle de gérer une existence qui est, dans le fond, absurde. Comment gères-tu personnellement cette existence absurde ?

Je me suis beaucoup intéressé à la relation triangulaire entre l’existentialisme de Sartre, l’absurdisme de Camus et le nihilisme de Nietzsche, car ils ont tous le même point de départ dans ce que leur philosophie essaye de traiter, c’est-à-dire la problématique de l’absurde. Je trouve ça très intéressant. La problématique de l’absurde, c’est la divergence entre ce dont nous, en tant qu’êtres humains, avons besoin et ce que l’univers nous offre – c’est-à-dire rien – en termes de sens et de direction dans la vie. L’écart entre notre besoin et ce que l’univers nous offre, c’est le problème de l’absurde, et c’est le point de départ de ces trois philosophies. Ensuite, elles partent dans des directions différentes pour aborder le problème.

Je trouve que l’approche de Camus pour traiter l’absurdité de la vie est très intéressante. Ça remonte à la première fois où j’ai lu L’Étranger quand j’avais, je ne sais pas, dix-sept ou dix-huit ans. Je ne me rendais pas compte que ce que ce roman exprimait était l’état de base d’une personne vivant dans un monde absurde, mais quand je l’ai compris et que j’ai commencé à lire sa philosophie plus tard dans ma vie, j’ai suivi cette piste. Puis, bien sûr, j’ai aussi lu son mythe de Sisyphe, où il expose la philosophie et tout. Il y a quelque chose d’attrayant dans sa manière de traiter toute cette problématique de l’absurdité de la vie. La seule manière de gérer l’absurdité de la vie et la problématique de l’absurde, c’est en l’acceptant. A la fois, quand on l’accepte, au cœur de cette acceptation il y a une révolte contre l’absurde, ce qui crée un mouvement circulaire. Je trouve que ça colle bien à ma compréhension du monde.

Je n’irais pas jusqu’à me qualifier d’absurdiste, mais je m’intéresse beaucoup à ce mode de pensée, car c’est une manière assez simple de gérer l’aspect extrême de l’absurde qu’on doit assimiler et auquel on doit faire face pour vivre dans cet univers. Donc je me suis aussi dit que, pour un concept d’album… Je n’ai jamais été fan des groupes et des artistes qui sous-estiment leur public. Donc je me suis dit que j’allais faire un vrai concept et que j’écrirais des paroles qui traiteraient de problématiques philosophiques plutôt complexes, et que je le ferais de manière à ce qu’on puisse juste lire les paroles, ne pas trop y réfléchir, écouter les chansons, boire une bière et s’amuser, ou alors plonger dedans si on en a envie. Ça doit fonctionner sur deux plans. Voilà toute l’approche par rapport à cet album. L’avenir nous dira si ça marche vraiment, mais au moins j’aurai essayé ! [Rires]

Te souviens-tu de la première fois où tu as réalisé la discordance entre ta recherche de sens et l’absence de sens de l’univers ? Y a-t-il eu un tournant ?

Je ne sais pas. Je pense qu’à un moment donné cette dissonance s’incruste chez tout le monde, peu importe qui on est, d’où on vient ou ce qu’on fait. On a tous une dissonance en soi. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles j’ai lu beaucoup de philosophie durant ma vie d’adulte, car je trouve ça intéressant. Qu’est-ce qui crée ça ? Comment y a-t-on fait face dans l’histoire ? Comment la philosophie moderne l’aborde ? Comment la philosophie classique l’aborde ? Je ne sais pas s’il y a eu un tournant pour moi. C’est plus qu’il s’agit d’un sujet intéressant qui a occupé mon esprit pendant de nombreuses années, et qui continue de l’occuper. C’était donc juste un intérêt que j’ai eu pour l’absurdisme, et j’ai commencé à suivre cette piste il y a peut-être quatre ou cinq ans, quand j’ai commencé à vraiment lire cet aspect de la philosophie de Camus. Mais oui, en gros, ça a toujours été là.

Est-ce que faire de l’art rend ta vie moins absurde et un peu plus sensée ?

Faire de l’art, c’est aussi absurde. Ce que Camus dit, c’est qu’on devrait vivre autant de choses que possible. Il parle de vivre tout ce qu’on peut vivre dans la mesure où on peut le vivre. Faire de l’art, écrire des choses, composer de la musique, écrire des textes, jouer de la musique… Ce n’est qu’un vaste panel d’expériences qui ont l’air d’avoir de la valeur. Camus en parle dans son image de Sisyphe qui remonte un rocher au sommet d’une montagne, avant que celui-ci ne retombe tout en bas ; c’est l’image qu’il utilise pour expliquer la vie, l’existence, on roule un rocher. Mais quand on l’accepte et qu’on dépasse cette condition, on peut faire l’expérience de tout ce qu’il y a autour. Quand Sisyphe accepte ce qu’il fait, il ne s’en soucie plus tellement. Il écoute les magnifiques chansons chantées par les oiseaux au pied de la montagne. Il ressent ses muscles bouger quand il déplace le rocher – pas le fait qu’il le roule, il vit tout le reste autour de lui. Je pense que l’art fonctionne comme ça. L’art est l’une de ces choses qu’on peut vivre et dont on peut profiter quand on se libère de la pensée : « Je suis en train de rouler un rocher. Je suis en train de rouler un rocher. Je suis en train de rouler un rocher. » Donc l’art ne nous libère pas de cette pensée, mais il prend un sens profond quand on parvient à se libérer de cette pensée, quand on accepte le fait qu’on est en train de rouler ce rocher.

« Je n’ai jamais été fan des groupes et des artistes qui sous-estiment leur public. Donc je me suis dit que j’allais faire un vrai concept et que j’écrirais des paroles qui traiteraient de problématiques philosophiques plutôt complexes. »

Tu as publié une série de publications Facebook avec des citations et réflexions d’Albert Camus sur cette philosophie. Places-tu le côté thématique de White Void au même niveau d’importance que le côté musical ? Penses-tu que les deux soient indivisibles ?

Oui et non. Enfin, dans une certaine mesure, le côté conceptuel a eu une influence sur la composition d’une grande partie de la musique, et vice versa. La musique inspire les paroles et ensuite les paroles inspirent la musique. Il y a un échange entre les deux – peut-être surtout sur le plan des harmonies et des dissonances, ce genre de chose. Il y a eu un lien très clair entre les deux pendant la réalisation de cet album, même si ça a commencé avec la musique. Au moment où j’ai fait les premières chansons, je m’intéressais à ce qui est depuis devenu le concept. Je lisais de la philosophie, je lisais Camus, Sartre, Kierkegaard et le lien entre tous ces philosophes. Donc dans mon subconscient, je pense que les chansons elles-mêmes ont été inspirées par ces idées philosophiques. D’une certaine façon, tout est lié.

A la fois, la manière dont je lie les deux… Comme je le disais, les gens doivent pouvoir profiter de la musique sans avoir à plonger dans la philosophie. On n’est pas obligé de se poser et de lire de la philosophie pour apprécier cet album. Ça me va si les gens se font plaisir avec le groove en buvant une bière ! [Rires] C’est aussi la raison pour laquelle une grande partie des paroles a une approche différente. Les titres ne sonnent pas très philosophiques. « The Fucking Violence Of Love », ça ne sonne pas philosophique quand on l’entend comme ça, même si ce que ça représente est lié à la philosophie. J’espère donc que ça peut fonctionner sur les deux plans, qu’on peut apprécier un album comme celui-ci sans plonger dans le concept, mais je pense qu’on en retire plus si on le fait. Donc oui, c’est lié, mais ce n’est pas fait pour être indivisible.

Comment as-tu exprimé et abordé cette notion d’absurdité dans les textes ? As-tu essayé d’écrire des paroles absurdes ?

D’une certaine façon. J’ai opté pour une configuration assez bizarre. Quand on a l’album et qu’on ouvre le livret, on a toutes les paroles, et ce que je chante apparaît en noir. Ce que je chante, c’est une réaction en forme de flux de conscience à ce qui nous passe par la tête quand on réalise l’absurdité de l’existence. Les paroles en elles-mêmes ne sont pas directement philosophiques. Elles sont philosophiques parce que ce sont clairement des réactions aux philosophies et à leur implication, mais c’est en grande partie lié aux sentiments que cela nous procure et à la manière dont le cerveau va chercher des trucs ailleurs pour les intégrer à cette sorte de mixture de sentiments et de réflexions. Tout ceci, ce sont les paroles, et ça apparaît en noir. Avec ça, il y a des lignes de texte et des commentaires sur le côté qui sont en rouge. Les commentaires en rouge ne sont pas chantés, mais ils font partie des paroles en tant que guide philosophique. Donc les parties en rouge sont des commentaires philosophiques pour étayer les paroles en forme de flux de conscience notées en noir. Ça signifie que si vous avez envie de vraiment suivre la piste du mythe de Sisyphe d’Albert Camus tel que je le vois dans cet album en tant que concept, vous pouvez suivre les paroles et lire en même temps les commentaires en rouge. Ça va parfois à l’encontre de ce que je chante, ça corrige des choses qui sont clairement fausses à l’égard de l’absurdisme et ça souligne des choses importantes selon l’absurdisme. Ou alors, vous pouvez juste lire les paroles et vous laisser porter par le feeling de chaque chanson. Alors peut-être que ça peut avoir un autre sens pour vous. J’ai essayé de faire en sorte que ça puisse fonctionner de plusieurs manières.

Une citation d’Albert Camus que tu as publiée sur Facebook est la suivante : « Le seul moyen d’affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu’on fasse de sa propre existence un acte de révolte. » Considères-tu White Void comme un acte de révolte ?

Oui. J’aime cette citation parce que c’est la manière la plus simple d’expliquer la philosophie de Camus. Je pense que ce que j’emprunte à cette philosophie dans mon approche, à un autre niveau, avec White Void, c’est que d’une certaine manière, White Void est ma révolte contre l’idée que je doive suivre mon propre vieux chemin – le fait de constamment faire la même chose. J’essaye de me libérer de mon propre rocher musical. Je continue à rouler le rocher, je sais que je dois le faire, c’est-à-dire faire de la musique comme je le fait, mais si j’arrive à dépasser ça, je peux aussi me libérer afin de faire et d’exprimer des choses autrement. Donc à cet égard, je pense que White Void peut aussi être vu comme une révolte. J’aime bien cette idée. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai intitulé l’album Anti. « Anti » est un drôle de mot. C’est un préfixe, donc « anti », en soi, ne veut rien dire. Ça dit juste « contre », « pas quelque chose », « contre quelque chose », mais « anti » a du sens seulement quand on met un autre terme après. On peut mettre un terme négatif après « anti » et alors ça devient positif. Ou on peut mettre un terme positif après « anti » et ça devient négatif. Tout est une question de point de vue – sous quel angle on choisit de voir notre propre existence, ce qui nous entoure, et ce qu’on choisit d’en faire.

« L’art est l’une de ces choses qu’on peut vivre et dont on peut profiter quand on se libère de la pensée : ‘Je suis en train de rouler un rocher. Je suis en train de rouler un rocher. Je suis en train de rouler un rocher.' »

Sur une autre publication, tu évoques l’idée du suicide, qu’Albert Camus voit comme une capitulation, concluant que ce n’est pas une option viable et faisant référence au tableau Le Suicidé d’Edouard Manet. Je suppose que c’est une question assez personnelle, mais est-ce que la simple idée du suicide t’a déjà traversé l’esprit ?

Non, pas vraiment. Les implications philosophiques du suicide m’intéressent, car quand on s’attaque au problème de l’absurde, la réaction la plus naturelle serait de choisir de ne pas vivre. La première idée est que cela résout le problème de l’absurde, mais Camus pense que c’est une fausse solution. Sartre a beaucoup écrit sur ce thème, car lui voit le suicide comme une solution viable au problème de l’absurde. Le mécanisme chez l’humain qui lui permet de contempler sa propre existence de façon à avoir la possibilité d’y mettre fin m’intéresse, car nous sommes la seule espèce capable de ça. On a le choix. On n’est pas obligés d’agir selon nos instincts. Donc je trouve ça intéressant. J’ai fait ces publications parce que, quand on parle d’absurdisme et qu’on voit ça comme une philosophie, il y a des contrepoints qui nous viennent vite à l’esprit. L’un d’entre eux est le suicide ; un autre est la religion. C’est la raison pour laquelle j’ai aussi fait une publication sur la religion en disant que c’est une fausse solution au problème de l’absurde ; car c’est la solution originelle au problème de l’absurde. La religion était la solution de Kierkegaard à ce problème, car il était croyant. Il a fait toutes sortes de réflexions et d’œuvres philosophiques, pour au final tout balayer sur le côté et dire : « Bon, on a Dieu, donc ça n’a pas d’importance ! » [Rires] Camus dissèque ça très minutieusement.

De même, il existe cette expression : l’ignorance béate. Pour plein de gens, c’est probablement bien de ne pas contempler ces choses, de simplement se mettre dans sa roue de hamster et s’amuser avec ça – si on y arrive. Cependant, il y a cette recherche de ce qui est réel, de sens, de vérité qui, je pense, est inhérente à la plupart des gens et qui les empêche de se contenter de ça, de juste continuer à rouler leur rocher sans se poser de question. Peut-on y faire quelque chose ? Comment gérer le problème qui en découle ? Pour ma part, c’est important de prendre position à l’égard de ces choses – regarder l’absurdité de l’existence droit dans les yeux et la voir pour ce qu’elle est, sans chercher à s’en débarrasser avec des explications, la contourner ou l’ignorer et faire comme si ça n’existait pas. C’est pourquoi j’aime l’étape suivante : l’acceptation et la révolte. Car dans l’acceptation il y a la révolte. Tu es un niveau au-dessus de l’absurdité, et c’est là qu’on peut vraiment profiter des choses.

Tu as opté pour une peinture de Jeremy Geddes intitulée Adrift pour illustrer l’album. Comment est-ce que ça représente ton idée de l’absurde ?

J’adore Jeremy Geddes en tant que peintre et artiste conceptuel. J’étais vraiment stupéfait d’obtenir sa permission d’utiliser cette image. Avec la série des cosmonautes, d’où est issu Adrift, il dépeint des cosmonautes dans des contextes assez absurdes. Très souvent, on y voit des cosmonautes en apesanteur dans des villes normales où rien n’est en apesanteur. On peut, par exemple, voir un cosmonaute en apesanteur la tête en bas au bout d’une ruelle, avec des poubelles en dessous. Il travaille aussi beaucoup avec les colombes. L’image que j’ai choisie pour la pochette dépeint l’un de ces cosmonautes en apesanteur et une colombe qui, elle, n’est pas en apesanteur. C’est comme si on avait fait un arrêt sur image au moment où quelque chose a brisé la vitre dans le casque du cosmonaute, sans qu’on sache de quoi il s’agit. Et il n’y a rien d’autre dans l’image, donc rien n’aurait pu faire ça. Donc tout n’est qu’un gros point d’interrogation, d’une certaine façon, mais ça procure un sentiment mêlé de beauté et de confusion, je trouve. C’est un peu ce que j’ai ressenti lorsque je suis arrivé au bout du processus de l’absurdisme : « J’ai plein de questions. Pourquoi n’y a-t-il aucun système pour quoi que ce soit ? » A la fois, il y a de la beauté dans tout. J’ai trouvé que cette image représentait l’absurdité de cette pensée ; c’est à la fois troublant et beau. Voilà comment je la connecte au côté conceptuel.

D’un côté, White Void est très divertissant, et d’un autre côté, très philosophique. Penses-tu qu’aborder des concepts philosophiques sous une forme divertissante est plus efficace pour transmettre des idées que de le faire de manière austère et sérieuse ?

Oui. Je pense que si je veux susciter l’intérêt des gens sur ces sujets, c’est probablement mieux de les associer à de la musique et de les présenter comme je le fais plutôt que de sortir un livre philosophique avec une couverture grise ! De même, comme je le disais, ça me va si les gens profitent de la musique sans même comprendre le concept. Pas de souci. Mais j’espère que certaines personnes comprendront aussi le concept et peut-être que je peux motiver des gens à contempler la vie et l’existence et à lire de la philosophie. Il y a des choses à découvrir dans les paroles et le concept pour ceux qui veulent les découvrir. J’espère juste que ça peut fonctionner sur les deux plans. Et si je pouvais recruter des gens pour s’intéresser à ça, alors ce serait absolument fantastique ! [Rires]

N’est-ce pas paradoxal que l’album avec lequel tu traites de l’absurdité est sans doute le plus accrocheur et facile à écouter que tu aies jamais fait, et donc paraîtra peut-être comme étant le moins absurde ?

Oui, mais n’est-ce pas justement un peu absurde ? [Rires] Non, je vois ce que tu veux dire, et je suis d’accord. Mais je pense que la seule chose que je peux dire, c’est que ça me convient ! [Rires]

« Pour ma part, c’est important de regarder l’absurdité de l’existence droit dans les yeux et la voir pour ce qu’elle est, sans chercher à s’en débarrasser avec des explications, la contourner ou l’ignorer et faire comme si ça n’existait pas. »

Sur un autre sujet, as-tu des nouvelles à donner de Solefald et Borknagar ?

Oui. Nous sommes en train de travailler sur de nouvelles chansons avec Solefald – lentement mais sûrement. Solefald est un groupe étrange quand il s’agit de composer, donc ça prend du temps ! [Rires] Mais oui, nous sommes en train de travailler sur des musiques, donc il y aura assurément un nouvel album de Solefald dans le futur. Je ne sais pas quand, mais peut-être qu’à ce stade on pourra commencer à enregistrer au début de l’année prochaine, quelque chose comme ça, et comme toujours avec Solefald, ça partira à fond dans toutes les directions.

Avec Borknagar, nous avons de nouvelles chansons. Nous étions censés tourner toute l’année dernière. Nous aurions dû faire soixante et un concerts, or nous n’en avons fait aucun ! [Rires] Du coup, nous avons écrit pas mal de musique à la place. Nous avons quelques concerts cette année, et avec un peu de chance, nous commencerons à faire de premiers enregistrements après l’été. Donc nous pourrons avoir un nouvel album cet automne – dans ces eaux-là. Je ne sais pas encore, donc ne m’en veux pas si ce que je dis est faux ! [Rires] Mais je suppose que ça sera dans cette fenêtre de temps. Nous avons déjà plein de chansons, donc si nous nous y mettons, nous pourrions entrer en studio assez rapidement si nous le voulions. Musicalement parlant, c’est dans la même veine que les deux derniers albums. Nous allons probablement faire les choses plus ou moins de la même manière que la dernière fois, c’est-à-dire que Vortex et moi étions allés au studio d’Øystein à Bergen et nous avions travaillé sur toutes les chansons ensemble, avec le duo vocal entre lui et moi. Ça a vraiment créé une étincelle sur le dernier album, je trouve. J’ai déjà composé pour le prochain album une chanson qui est un peu liée à « Voices » que j’avais écrite pour le dernier album, donc il y aura au moins une chanson ayant une approche légèrement différente de la composition. Nous aimons faire ça. C’est bien d’avoir des choses qui continuent à se développer. Donc oui, j’ai hâte de voir ce que nous pourrons faire avec ça en studio.

J’ai lu que tu étais aussi réalisateur et reporter pour des émissions de télévision en Norvège. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette autre vie ?

Oui. C’est mentionné sur Wikipédia ou ailleurs, mais c’est une vieille information. Ça fait quelques années que je n’ai plus fait ça. Aujourd’hui, je travaille pour une agence de publicité, donc je réalise des films commerciaux. Je travaille en tant que producteur et réalisateur. Les deux ou trois dernières années, j’ai de plus en plus travaillé en tant que stratège. Je mets en place des stratégies pour des entreprises ou des professionnels du marketing. J’essaye juste de mettre mon cerveau dans des trucs [rires]. Je fais encore un peu de réalisation ici et là aussi, ceci dit. Généralement, je réalise mes propres vidéos pour Borknagar et White Void. Le côté musical et mon boulot d’adulte [petits rires] déteignent un peu l’un sur l’autre, car à bien des égards, j’utilise les mêmes méthodes de travail et modes de pensée dans les deux domaines. Parfois je mêle ma musique à mon travail dans la publicité, et parfois je mêle mon travail dans la publicité à ma musique. Donc oui, là aussi c’est lié.

Tu es aussi le frère aîné de Sindre Nedland, le chanteur d’In Vain. Quel genre de relation entretiens-tu avec lui, musicalement et artistiquement ? Et comment comparerais-tu vos cerveaux artistiques ?

Mon frère est mon meilleur ami, donc nous sommes très proches. Nous faisons régulièrement appel à la critique de l’autre, par exemple quand il travaille sur des nouvelles musiques pour In Vain. Il chante aussi dans Funeral, donc quand ils travaillent avec Funeral, il me fait écouter des trucs et nous en discutons. Je lui dis toujours ce que j’aime et ce que je n’aime pas, et ce qu’à mon avis j’aurais retiré ou ce sur quoi j’aurais continué à travailler. Et vice versa : je lui fais écouter des trucs et il me dit ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas, ce qui le botte vraiment et ce qui le surprend. Nous travaillons comme ça. Nous sommes mutuellement à la fois nos plus grands fans et critiques les plus brutaux [rires]. Nous travaillons très bien ensemble. Quant à nos cerveaux artistiques, ce qui est intéressant, c’est qu’ils fonctionnent différemment. C’est la raison pour laquelle c’est très précieux d’avoir ces échanges ensemble, concernant ma musique et sa musique, car nous voyons les choses légèrement différemment. Même si nous avons beaucoup de références et de musique en commun, quand nous faisons de la musique, nous avons des processus différents et nous travaillons différemment. Donc oui, nous sommes très proches, personnellement et musicalement. Nous avons aussi fait de petites collaborations. J’ai chanté sur certaines musiques d’In Vain et il a chanté sur des musiques de Solefald. J’apparais aussi au chant en tant qu’invité sur le nouvel album de Funeral qui va sortir plus tard cette année. Nous trempons nos doigts de pied dans le bassin musical de l’autre, pour ainsi dire.

Puisque tu as presque dix ans de plus que lui, as-tu eu un rôle important dans son éducation musicale ?

[Rires] Oui, dans une certaine mesure, mais c’est un têtu. Quand nous vivions tous les deux chez nos parents, quand j’étais adolescent et que lui était petit, j’écoutais toute sorte de death metal et de black metal à très fort volume dans ma chambre, qui était juste à côté de la sienne, et lui n’écoutait quasiment que de la musique électronique. J’ai essayé de le convertir au metal, mais il n’écoutait rien d’autre que de la musique électronique. Puis dès que je suis parti de la maison, il a commencé à écouter du metal [rires]. Il m’a dit que, vu que j’essayais vraiment de le convertir au metal, il ne voulait pas écouter du metal. Il voulait trouver sa propre musique, donc je pouvais aller me faire foutre avec mon metal [rires]. A partir du moment où je n’étais plus à la maison, il était libre d’écouter du metal, parce qu’alors c’était son choix. Donc je suppose que j’ai eu un peu d’influence, mais dans l’ensemble, on peut dire qu’il est responsable de ses propres goûts musicaux.

Interview réalisée par téléphone le 21 janvier 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Tiphaine Lombardelli.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Jørn Veberg.

Facebook officiel de White Void : www.facebook.com/whitevoidofficial

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