Il suffit d’une petite vidéo et d’un Lars Ulrich moqueur pour ternir l’image de votre groupe. C’est ce qui est arrivé à Winger lorsque le batteur de Metallica est filmé en train de lancer des fléchettes sur un poster de Kip Winger (dans le clip de « Nothing Else Matters). À cela s’ajoutent les moqueries de la série MTV Beavis And Butthead qui employaient le terme « wussies » pour désigner les vidéos du groupe tout en martyrisant leur voisin Stewart, fidèle admirateur de la formation. Winger a toujours dû lutter contre cette image de groupe de hair-metal, en raison de leur propension à chercher les mélodies tubesques plutôt que les démonstrations d’agressivité viriles ou la dépression grunge. C’est en réalité lié au fait de mal connaître Winger, sorte de Toto à la sauce heavy qui profite du talent immense de ses musiciens. Neuf ans après Better Days Comin’ (2014), Winger est décidé à rappeler fermement ce dernier point à travers Seven.
Seven est l’occasion de réunir le line-up original du groupe avec le claviériste Paul Taylor. Le groupe comprend de grands noms tels que Reb Beach présent actuellement chez Whitesnake, Rod Morgenstein qui s’est illustré dans des projets progressifs et même Kip Winger qui s’épanouit dans la musique classique. Si les distorsions à l’ancienne, avec un groove faisant immédiatement taper du pied, ouvrent le bal via « Proud Desperado » et laissent penser que Winger va enchaîner les références heavy avec un classicisme certain : il n’en est rien. Un titre d’ouverture efficace, qui laisse admirer l’aisance de Kip Winger en tant que frontman et surtout le goût subtil des arrangements hors piste qu’entretient le groupe. On trouve des voix martiales/tribales scandées ponctuellement et quelques notes cristallines de clavier. « Heaven’s Falling » accentue les affects mélodiques des musiciens et en revient justement à ce qui lui a valu cette image de groupe langoureux. En réalité, les lignes vocales de Kip Winger sont prenantes, soutenues par des chœurs et les accroches qui interpellent sans cesse. Winger crée en fait un tube entêtant sans sourciller et sans faire de fioritures. Même les soli sont parfaitement agencés et apportent énormément de dynamique à la structure sans paraître « emboîtés ». On peut certes regretter quelques excès de longueur, peu importe : Winger nous tient.
Tout le cachet de Winger résiste dans ses parentés avec le rock progressif. Il est capable de réaliser des déroulements académiques taillés pour la radio et de les briser instantanément par des élancées venues d’ailleurs, à l’instar de la plage cosmique et susurrée de « Tears Of Blood » qui précède le solo. Le tout avant d’en revenir à une reprise du refrain à coups de notes de piano larmoyantes, qui permet à Kip de se déchirer. Certes les effusions sentimentales ont la subtilité d’un monster truck mais la formation trouve sans cesse le moyen de pervertir des structures en apparence scolaires. « Voodoo Fire » se permet en outre quelques jeux sur les dissonances d’accord avant d’aboutir à un refrain sautillant. « It’s Okay » s’amuse avec la wah-wah et les voix haut perchées tandis que « Stick The Knife In And Twist » alterne les chœurs grandiloquents et le riffing hybride entre heavy traditionnel et rock n’roll pour pantalons en cuir. Seven donne l’impression certaine d’un Winger qui s’échine à donner le meilleur de lui-même, et ce en présentant toute l’étendue de son arsenal. « Broken Glass » se charge même de cocher la case ballade, porté par un clavier douillet, quelques accords acoustiques et une voix de velours sur les couplets, qui reprend du grain sur les refrains. Une véritable capsule temporelle qui aurait pu voir Tina Turner s’illustrer sans choquer personne. Les sept minutes d’« It All Comes Back Around » explicitent le visage prog du groupe qui prend le temps de densifier son propos, porté par les cross-sticks de Rod Morgenstein. Là encore, un lexique musical qui tend à disparaître et qui revit pleinement ici. « It All Comes Back Around » brille lors de son long solo aux bends prolongés et aux aigus perçants. Une véritable tirade cathartique prolongée par quelques chœurs en conclusion.
Seven entérine le démenti de Better Days Comin’ et surtout de la véritable renaissance que fut Karma (2009) : il n’est pas un groupe de heavy/hard rock parmi tant d’autres. Il maîtrise l’art de la dynamique et la met au service d’un songwriting presque inattaquable, où les aspects nostalgiques n’empêchent pas sa pertinence. Le glam metal pouvait s’estimer heureux d’avoir Winger dans son catalogue : le groupe transcende le genre et prouve que la recherche du tube n’esquive ni la finesse ni une certaine sophistication.
Clip vidéo de la chanson « Proud Desperado » :
Clip vidéo de la chanson « It All Comes Back Around » :
Album Seven, sortie le 5 mai 2023 via Frontiers Music Srl. Disponible à l’achat ici
un jour , il va falloir remettre l eglise au centre du village…. et accepter que ces types ont sorti des albums « » topissimes » depuis 2009
voila….tout simplement
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J’ai découvert Winger très tardivement avec l’excellent « Karma ». Une très bonne « découverte » si je puis dire, avec des mélodies accrocheuses et la voix de Kip imparable. Un peu refroidi avec l’album suivant où je ne retrouvais pas les mêmes dynamiques , je constate que les 2 morceaux présentés et annonçant Seven semblent prometteurs.
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