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Interview   

With The Dead : Lee Dorian revient d’entre (et avec) les morts


With The Dead

Le 29 avril 2013, Cathedral se donnait la mort. Celui qui fut un des piliers de la scène doom repose désormais paisiblement dans le cimetière des groupes disparus, laissant derrière lui tout un héritage à savourer pour l’éternité. La question était alors : qu’adviendra-t-il des membres de Cathedral, et en particulier des deux leaders, deux figures incontournables de la scène et de l’histoire du doom, le guitariste Garry Jennings et le chanteur Lee Dorian ? Si le premier a rapidement rempilé avec Death Penalty puis le très prometteur Lucifer, le second se faisait assez discret, la tête dans le guidon, à gérer un label, Rise Above Records, qui lui prend énormément de son temps. On aurait presque pu penser qu’avec Cathedral, Dorian avait aussi enterré sa carrière de chanteur. Mais c’était sans compter l’appel insistant de deux anciens locataires du label, et pas des moindres : Tim Bagshaw et Mark Greening, la section rythmique originelle du grand Electric Wizard, celui qui a notamment enfanté le terrible Dopethrone (2000). Ainsi est né un trio qui a pour nom With The Dead, et qu’ils viennent, avec leurs accoutrements de prêtres et mines blafardes, célébrer la messe via un premier album « brutalement heavy » et « sans compromis », comme Dorian se plait à le qualifier.

Dans l’entretien qui suit, Dorian trace avec nous toute la genèse de cette nouvelle formation qui rend d’ores et déjà fébrile tous les fans du genre. Le chanteur se confie sur cette nouvelle étape dans sa carrière, sur ce que le doom représente encore pour lui et sur les sentiments qu’il exprime à travers cette musique. Impossible de ne pas évoquer, dans le même temps, le cas Electric Wizard, le différend qui les a dernièrement opposés et les accusations et mots violents prononcés par le leader Jus Oborn à son encontre – alors que le sorcier de Dorset a longtemps été son protégé. Une relation brisée, comme celle de Bagshaw et Greening avec cette même formation, source d’ « émotions renfrognées » qui semblent s’être en partie déversées dans le premier opus de With The Dead, et dont Dorian nous livre sa version des faits.

En complément, nous avons également évoqué le Roadburn Festival dont Dorian est curateur pour l’édition 2016 et pris des nouvelles du label Rise Above Records. L’occasion de récolter son sentiment aujourd’hui sur un groupe qu’il a été le premier à révéler et qui est actuellement en train de faire le buzz et s’imposer dans le paysage médiatique des musiques rock et metal : Ghost. Beaucoup de sujets, donc, pour un entretien long et riche. Mais tout d’abord revenons sur Cathedral…

With The Dead

« A ce stade de ma carrière, vu le nombre d’années que j’ai passées dans des groupes et étant donné mon âge, pouvoir encore être dans un groupe qui soit à ce point intransigeant me rend heureux. »

Radio Metal : Tout d’abord, revenons un peu dans le temps. En 2013, vous avez arrêté Cathedral, en sortant votre ultime album intitulé The Last Spire. Concrètement, quelles étaient les raisons de cette décision, sachant que le groupe se portait encore bien ?

Lee Dorian (chant) : Bon Dieu, ça faisait longtemps que le groupe existait ! Ca faisait environ vingt-trois ans ! Et pendant tout ce temps, il y a eu beaucoup de hauts et de bas. Il y a eu de bons moments, de mauvais moments, des moments où rien ne se passait. Et constamment durant ces périodes, nous devions rester dédiés à ce que nous faisions et parfois ça devenait très démoralisant, et parfois c’était une vraie lutte de continuer. Mais malgré tout ça, nous croyions toujours à cent pour cent en ce que nous faisions jusqu’à la dernière minute. Je crois qu’après avoir fait ceci pendant si longtemps, nous ne voulions pas devenir l’un de ces groupes qui se retrouvent à continuer juste pour continuer et enchaîner les albums sans la même passion et conviction qu’autrefois dans leur carrière. Parfois des choses changent dans les groupes et ils investissent moins d’efforts dans ce qu’ils font, ils font moins d’efforts pour leur présentation, moins d’efforts pour leurs artworks, moins d’efforts pour le contenu de leurs paroles, et ainsi de suite. Je me disais juste que si nous n’avions plus le temps et l’énergie de nous investir à cent pour cent dans le groupe, alors ce ne serait pas correct pour l’héritage du groupe que nous continuions. En conséquence, il a fallu que nous prenions cette décision définitive et c’était tout, vraiment. Car être dans un groupe comme Cathedral, pendant aussi longtemps que nous l’avons été, surtout moi et Garry [Jennings], ça a toujours été tout ou rien. C’était exactement ça : tout ou rien. Si tu ne peux pas être à cent pour cent, alors il ne faut pas le faire du tout. Et je pense que nous avons accompli à peu près tout ce que nous voulions accomplir – plus même que ce que nous avions l’intention d’accomplir. Nous avons dépassé nos attentes depuis… longtemps ! Depuis une vingtaine d’années ! Je veux dire que lorsque nous avons débuté, je n’imaginais pas que le groupe durerait plus de deux ou trois ans, au maximum. Donc avoir pu durer vingt-trois ans, c’était au-delà de nos rêves les plus fous. Nous sommes très reconnaissants d’avoir pu vivre toutes les choses que nous avons vécues mais le groupe était plus ou moins arrivé en bout de course, tu vois. Il n’y avait rien de plus que nous aurions pu vraiment faire avec le groupe, si ce n’est le faire traîner dans le temps et alors ça n’aurait pas été correct pour nos fans et pour l’héritage du groupe. Nous voulons que l’héritage du groupe reste intact. Et l’album que nous avons fait avant The Last Spire (NDLR : The Guessing Game, 2010), je ne trouvais pas qu’il était nécessairement le bon album sur lequel finir, car il ne sonnait pas comme une fin. Il donnait l’impression que le groupe pouvait encore emprunter un million de voies différentes, alors qu’avec The Last Spire, toute l’atmosphère de cet album était très finale. Il semblait donc que cet album était la manière idéale de mettre un point final.

Quelles ont été les réactions des fans à cette décision depuis lors ?

Eh bien, c’est amusant, on dit « loin des yeux, loin du cœur », c’est un vieux dicton. Mais on dirait que maintenant que nous n’existons plus, les gens nous veulent davantage que lorsque nous existions ! [Rires] C’est ironique. Je crois que c’est ce qu’il se passe généralement dans ce genre de circonstances. Lorsqu’un groupe qui existe depuis si longtemps disparaît soudainement, il commence à manquer aux gens. Même si, lorsqu’il existait encore, les gens semblaient ne pas vraiment trop s’en soucier. C’est juste que lorsqu’il disparaît, tu te rends compte que peut-être il était plus important que tu ne le considérais auparavant, ou bien tu avais fini par prendre le groupe pour acquis ou quelque chose comme ça. Nous continuons à recevoir des offres pour nous reformer et faire des concerts pour des sommes stupides, donc… Tu sais, nous avons pris notre décision et c’est tout.

Comment va la vie après Cathedral jusqu’à présent ? En fait, comment tu t’es senti une fois libéré de Cathedral ?

Oh bon Dieu, plein d’émotions différentes, j’imagine ! Comme soulagé, triste, un peu plus libre de poursuivre d’autres choses… Pour être honnête avec toi, s’occuper de Rise Above Records, le label, c’est un boulot tellement exigeant, ça prend tellement de temps, c’est comme un boulot à temps plein, sept jours sur sept, et même avec ça on n’arrive pas à tout finir ! Tu vois ce que je veux dire ? Il a aussi fallu que je sacrifie le fait d’être dans un groupe pour pouvoir maintenir le label.

La relation créative que tu entretenais avec Garry ne t’a pas manquée ?

Ouais. Evidemment, ouais ! Je veux dire que nous nous connaissions tellement bien, nous n’avions plus de secrets l’un pour l’autre mais il est toujours actif… Je veux dire qu’il travaille au bureau de Rise Above Records tous les jours lorsqu’il n’est pas occupé avec des groupes. Il emballe les albums au bureau, donc je le vois toujours la plupart des jours de la semaine. Et ça marche bien pour lui avec son groupe Lucifer, et Death Penalty aussi. Ce n’est pas comme si… Je pense qu’il s’imaginait, lorsque Cathedral était terminé, que voilà, c’était fini, tu vois, qu’il n’allait plus jamais être dans un groupe et jouer de la guitare, et qu’il allait devoir faire un boulot merdique ou quelque chose comme ça. Du coup, le fait qu’il ait eu l’occasion de revenir, intégrer quelques autres groupes et vivre des expériences intéressantes, je pense qu’il était aux anges de pouvoir revenir. Il vient juste de tourner en Amérique avec Lucifer. Ça s’est très bien passé pour eux. Ils vont aller au Japon l’année prochaine et ils font une tournée avec Paradise Lost. Je trouve que c’est une bonne chose que le groupe se soit arrêté et que les deux personnages clefs du groupe ont continué à faire d’autres choses que, avec un peu de chance, les gens trouvent intéressantes.

Soit dit en passant, est-ce que Garry est officiellement dans Lucifer aujourd’hui ? Car la dernière fois qu’on a parlé avec Johanna [Sadonnis], elle n’était elle-même pas bien sûre !

Eh bien, tu vois, il fait tout avec eux. Il a fait la tournée américaine, il a enregistré l’album, il va faire la tournée européenne avec Paradise Lost dans quelques semaines… Donc pour moi, il l’est, ouais ! Mais je suppose que la seule personne pouvant répondre à ça, ce serait lui.

A quel point la décision de Cathedral est définitive ? Je veux dire, est-ce que tu penses qu’il puisse y avoir même une tout petite chance dans un futur lointain de voir Cathedral revenir ou pas du tout ?

Je suppose qu’on ne peut jamais dire jamais à quoi que ce soit, mais si je m’en tiens à ce que je ressens et ce que nous ressentions à ce sujet lorsque nous avons pris la décision, la décision est définitive, ouais. Je veux dire que je ne vois pas cela se produire. Je ne souhaite pas vraiment que ça se produise. J’estime que lorsque les groupes prennent la décision de s’arrêter, ils devraient s’y tenir !

With The Dead

« Je suis toujours la même personne, ou j’essaie de l’être, surtout dans mon approche de la musique. Et ça, c’est quelque chose qu’on ne devrait jamais compromettre. »

Black Sabbath a d’ailleurs annoncé il y a quelques semaines l’arrêt définitif du groupe…

Ouais. Bon, je trouve ça très triste mais je pense que c’est aussi très compréhensible. Tony n’est pas en grande forme, n’est-ce pas ? Il a eu des soucis de santé et il doit prendre soin de lui-même. Peut-être qu’un jour il ira mieux et qu’ils s’y remettront mais ils ne rajeunissent pas, n’est-ce pas ? Tu peux toujours te traîner au sol comme les Rolling Stones mais je pense que ce serait vraiment dommage de voir Sabbath faire ça, vraiment. Ce qui est étrange au sujet de Black Sabbath, c’est qu’ils sont à nouveau très populaires. Alors que pendant des années et des années et des années et des années… Je veux dire que je me souviens lorsque personne n’en n’avait strictement rien à foutre de Black Sabbath ! Pendant les années 80, je suppose du milieu des années 80 jusqu’au milieu des années 90, personne ne se souciait vraiment de Black Sabbath. Donc voir l’intérêt dans le groupe réanimé plus fort que jamais, je trouve que c’est fantastique mais ce n’est pas quelque chose qui devrait être traîné au sol. J’estime qu’ils sont revenus et qu’ils ont reçu le respect qui leur était dû. Si la tournée qu’ils feront l’année prochaine doit être la dernière, eh bien qu’il en soit ainsi ! Au moins ils seront revenus et auront atteint la reconnaissance qu’ils méritaient. Je veux dire que toutes les bonnes choses ont une fin.

Est-ce que tu as apprécié leur dernier album ?

Ouais, j’ai trouvé qu’il était correct. Pour être honnête avec toi, je l’ai écouté quelquefois lorsqu’il est sorti mais ce n’est pas comme Sabbath Bloody Sabbath ou Master Of Reality ou quelque chose que tu joueras encore toutes les deux semaines pendant, genre, [petits rires] quel que soit le nombre d’années qui se sont écoulées depuis que j’ai entendu pour la première fois ces albums. Mais je trouve que c’était un bon album. C’est un bon album mais ce n’est pas le genre d’album que j’écouterais encore dans dix ans ou même la semaine prochaine.

Apparemment vous aviez six ou sept chansons en rab des sessions de The Last Spire parce qu’elles se démarquaient du reste, dont certaines qui sont sorties ici et là. Est-ce qu’il y a une chance de voir ces chansons sortir sur un disque ?

Bon Dieu, eh bien, en fait, elles ne sont pas terminées. Je crois qu’il y a un semblant de chant sur certaines d’entre elles. Il y en a une qui fait vingt-cinq minutes. Ca fait tellement longtemps que je ne l’ai pas entendue que je ne me souviens plus exactement comment elle sonne ! La réponse courte à cette question c’est : elles n’ont pas été terminées. Peut-être qu’un jour nous reviendrons dessus pour les terminer mais ce n’est pas quelque chose qui a été dans nos priorités. Les DVDs sont un peu morts maintenant mais il était censé y avoir un DVD de notre dernier concert que nous avons donné au Forum de Londres, et j’avais en tête que nous pourrions finir ces divers morceaux et les mettre en bonus dans le package. Mais pour le moment, il n’y a rien de prévu pour faire quoi que ce soit avec ça.

C’est dommage que vous ayez une chanson de vingt-cinq minutes et qu’on ne puisse pas l’entendre !

[Rires] Peut-être qu’un jour on la finira. Le truc c’est que si tu la laisses de côté pendant cinq ans, elle finira par devenir complètement différente de ce qu’elle était censée être à l’origine. Donc si nous devions finir cette chanson, il faudrait que nous commencions à nous pencher dessus aujourd’hui, pour la terminer rapidement. Donc, je te remercie de m’y avoir fait penser ! [Petits rires]

Tu es de retour avec un nouveau groupe baptisé With The Dead, avec la section rythmique originelle d’Electric Wizard. Ça ressemble à une collaboration de rêve pour n’importe quel fan de doom ! Comment est-ce que ce groupe est né ?

Ça ne s’est pas fait de façon conventionnelle pour un groupe, où tu te trouves et décides de former un groupe. Tim Bagshaw vit en Amérique, ça fait pas mal d’années maintenant qu’il vit là-bas. Sa femme est américaine et il vit dans le New Jersey. Lui et Mark [Greening] étaient dans Ramesses ensemble après avoir quitté Electric Wizard il y a de ça pas mal de temps. Et Ramesses s’est arrêté, de ce que j’en sais. Tim vivait dans le New Jersey mais il… Je veux dire que pendant toutes ces années j’étais en lien avec Tim. Nous n’avons jamais perdu le contact ou quoi que ce soit, c’est un mec très sympa. Il est venu deux ou trois fois en Angleterre l’an passé, il y a retrouvé Mark et a dit qu’il voulait jammer avec lui, juste pour voir s’ils pouvaient composer de la nouvelle musique qui pourrait valoir la peine. Il m’a demandé, s’ils en ressortaient quelque chose, si Rise Above serait intéressé de sortir un EP ou autre. J’ai dit : « Ouais, ça m’intéresse carrément de sortir quelque chose. Envoie-moi des titres lorsque vous en avez et on verra à partir là. » Tim a commencé à composer quelques titres et me les a envoyés. J’aimais bien les trucs, je trouvais que c’était vraiment heavy, assez unique et oppressant, simplement brutal et sans compromis. J’aimais vraiment. Mais à ce stade, il n’était pas prévu que je sois le chanteur du groupe ou quoi. Ils n’avaient personne en tête et ils m’ont suggéré que peut-être je pourrais m’en charger, mais j’étais là : « Uh… » Je ne voulais pas m’engager dans quoi que ce soit parce que j’étais énormément occupé avec mes autres engagements avec le label, bien sûr, et toutes ces choses. Enfin bref, Tim est venu, et lui et Mark ont été dans un studio à petit budget à Dorset, d’où ils viennent tous les deux, et ont enregistré les titres sur lesquels Tim avait travaillé. Ils n’ont eu que quelques jours de répétitions et ils les ont enregistrés. Et les enregistrements sonnaient assez merdiques, et comme je l’ai dit, ce n’était que des titres instrumentaux et l’idée était de trouver quelqu’un pour faire le chant par-dessus. Ils m’ont à nouveau demandé si je pouvais m’en charger et j’étais là : « Bon, j’aime vraiment la musique, donc éventuellement donne-moi un peu de temps parce que je suis un peu occupé pour le moment. Mais laisse-moi réfléchir à des idées pour le style vocal et les types de paroles qui conviendraient pour le groupe. » Donc je me suis imprégné de ces enregistrements initiaux pendant un moment, et puis je me suis dit : « Bon, si nous faisons ça, ce serait mieux d’enregistrer ces titres correctement dans un bon studio. » Car je ne trouvais pas qu’ils sonnaient assez bien. Donc ça, c’était en octobre de l’année dernière. Entre octobre de l’année dernière et mars de cette année, je me suis dit que j’allais leur laisser assez de temps pour réfléchir sur ce qu’ils ont enregistré, peut-être ajouter de nouvelles idées aux chansons et les rendre plus viables dans le cas où ils les réenregistreraient. Et aussi, ça me donnait du temps pour trouver des idées de paroles, ce que j’ai fait. J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à la façon dont j’aborderais les chansons mais, dans les faits, je n’ai écrit aucune parole avant de faire ça à la dernière minute. J’ai passé environ une demi-heure à travailler sur chaque chanson, pour écrire les paroles. J’ai consciemment décidé de ne pas passer plus de trente minutes sur les paroles de chaque chanson, car je voulais qu’elles paraissent spontanées. Et ensuite j’ai été au studio et je les ai toutes enregistrées d’affilée. En une prise, sans double prise et avec juste des pistes doublées pour quelques-unes, et nous les avons gardées. De la même façon, la musique a été enregistrée très rapidement. Tim joue la basse et la guitare sur l’album… Je suppose que je m’éloigne un peu du sujet. En gros, lorsque qu’ils m’ont redemandé si j’étais intéressé et après avoir entrevu le potentiel des chansons, j’ai simplement dit : « Oui, j’adorerais le faire ! » J’ai donc donné mon accord, et voilà vraiment comment ça a commencé.

With The Dead

« [The Skull de Trouble] était un album complètement déprimant à bien des égards mais, parce que je pouvais m’identifier à l’anxiété et aux sentiments qui en ressortaient, arrivé à la fin de l’album, je me sentais mieux. Ça me soulageait de voir que quelqu’un d’autre ressentait la même anxiété que moi. »

Qu’est-ce que ça fait de monter un tout nouveau groupe, après avoir passé vingt-trois ans dans un seul et même groupe ?

Ça va parce qu’il n’y a pas vraiment de pression. Comme je l’ai dit, le groupe n’a pas été formé de façon conventionnelle. Nous sommes dans une situation où nous pouvons prendre les choses comme elles viennent, nous pouvons faire ce qui nous plaît. Le groupe n’a pas de montée en puissance historique qui implique toute cette pression de devoir faire les choses d’une certaine façon et d’être à la hauteur des attentes. Le principal est que nous sommes parvenus à enregistrer l’album et je trouve qu’il sonne bien, sans compromis et underground, comme c’est supposé sonner. Pour ma part, à ce stade de ma carrière, vu le nombre d’années que j’ai passées dans des groupes et étant donné mon âge, pouvoir encore être dans un groupe qui soit à ce point intransigeant me rend heureux. C’est ce qui importe le plus. Tout le reste c’est : adviendra ce qui adviendra. Il n’y a aucun plan, structure ou idée quant à savoir si nous jouerons en concert, où nous jouerons en concert, comment nous le ferons. Comme je l’ai dit, Tim joue la basse et la guitare sur l’album, donc si nous devions jouer en concert, il faudra que nous trouvions quelqu’un pour jouer la basse. Et puis il y a toute la problématique de Tim vivant en Amérique. Voilà donc toutes les choses auxquelles nous devons réfléchir. Donc, pour répondre à ta question initiale, je ressens moins de pression, en conséquence, c’est moins stressant. Comme je l’ai dit, nous pouvons faire notre truc à notre propre rythme, ce qui est bien.

Mais quand même, étant donné vos trois CV, il doit y avoir une grande attente de la part du public doom…

Ouais, je veux dire qu’évidemment les gens seront curieux d’entendre à quoi ça ressemble uniquement à cause des personnes impliquées. Si ça avait été un groupe avec trois inconnus, bien sûr que les attentes n’auraient pas été aussi élevées. Moi et les autres gars dans le groupe savons que nous avons fait ce que nous devions faire avec l’album. C’est ce qui importe le plus de mon point de vue : tant que je suis content et que eux sont contents de ce que nous avons enregistré, alors je n’ai pas à m’inquiéter des attentes parce que nous avons déjà… Personnellement, j’estime que nous avons accompli ce que nous voulions.

Tu as mentionné à plusieurs reprises les mots « sans compromis ». Est-ce important pour toi de faire une musique sans compromis ?

J’imagine que tu peux comprendre « sans compromis » de plein de manières différentes, n’est-ce pas ? Je veux dire que la semaine prochaine je pourrais très bien faire un album de folk et tu dirais que c’était sans compromis pour différentes raisons. Mais la raison pour laquelle je dis que cet album est sans compromis, c’est parce qu’il est vraiment brutalement heavy ! Il n’y a rien de sensationnel dans la production c’est juste un son complètement brut et primitif. Tu peux entendre les erreurs sur l’album. Tu peux entendre la spontanéité sur l’album. Ce que je veux dire par « sans compromis », c’est que je crois qu’aujourd’hui, trop d’albums sont trop travaillés, il y a trop de nettoyage qui est fait dans le son et le jeu des musiciens. La production sonne trop linéaire dans bien des cas et une bonne partie de l’énergie brute et de l’atmosphère des prestations est perdue de nos jours avec la surproduction. Lorsque je dis « sans compromis », c’est ça que je veux dire. C’est un album très brut, retour aux fondamentaux, primitif et de mon point de vue, c’est très important de le faire à ce moment précis de ma propre – si tu veux appeler ça ainsi – carrière. Car je ne veux pas que les gens pensent que je suis un vendu ou que je suis devenu un type bidon. Je vis toujours à cent pour cent ce que je fais que ce soit dans n’importe quel groupe ou dans quoi que je fasse avec le label ou quoi que ce soit d’autre dans ma vie. Je suis toujours la même personne, ou j’essaie de l’être, surtout dans mon approche de la musique. Et ça, c’est quelque chose qu’on ne devrait jamais compromettre.

Tu as déclaré qu’il « y a eu des moments durs dans [ta] vie personnelle et des émotions renfrognées qui avaient besoin d’être exorcisées » et que « With The Dead est le moyen parfait de procéder à ces exorcismes. » Du coup, peux-tu nous en dire plus sur ces moments durs et émotions renfrognées qui nécessitaient d’être exorcisés ?

Ouais, je ne vais pas rentrer dans des détails de ma vie personnelle et de ce qui m’est arrivé personnellement mais, tu vois, il y a eu… Enfin, on pourrait dire qu’il y a eu des cas où certains groupes sur le label liés à ce projet qui ont causé beaucoup de troubles, beaucoup d’animosité et beaucoup de ressentiment qui n’étaient pas nécessaires, ce qui est vraiment malheureux. Je veux dire que j’ai traversé certaines choses dans ma vie qui sont juste privées, tu sais. L’une des choses qui me manquait dans le fait d’être dans un groupe, c’est de ne pas avoir un moyen de faire sortir ce genre de frustrations, dépressions et anxiétés. Si tu traverses les choses que les gens traversent sans aucun moyen de les évacuer ou de les faire sortir de ton système, alors ça peut devenir très frustrant. Donc, à cet égard, être dans un groupe me manquait pour pouvoir me débarrasser de ces pensées et émotions. Ce groupe m’a donné l’opportunité de le faire. C’est ce que je voulais dire avec ce que j’ai pu dire dans le communiqué de presse.

Tu as expliqué que l’inspiration des paroles de cet album provient de trois perspectives : « Les voix dans [ta] tête, l’angoisse dans [ton] âme et la mort que [tu vois] autour de [toi]. » Tu sembles être quelqu’un de très tourmenté !

Je crois que tout le monde est tourmenté. Tout le monde a un côté sombre dans ses sentiments intérieurs. Si tu essaies de nier que les choses autour de toi t’affectent, alors à mes yeux, ça fait de toi quelqu’un d’encore plus frustré. Si je vois des choses autour de moi qui effectivement m’affectent, alors bien sûr je vais en parler. Parfois, la simple existence au jour le jour peut être un défi, simplement être soi-même ou essayer d’être soi-même, essayer d’être un individu lorsque les gens te balancent des trucs à la figure ou se paient ta tête parce que tu aimes les choses que tu aimes. Parfois ces choses rendent la vie un peu difficile, tu sais. Et parfois, si je regarde autour de moi et que je vois la façon dont les gens se comportent les uns avec les autres dans le monde et la société, la façon dont les gens peuvent être si égoïstes, suffisants et cupides, disons, alors bien sûr, ce sont des choses qui m’affectent. Je ne peux le nier. Je suppose que je vis dans ma propre bulle, à bien des égards. Je n’ai pas eu la télévision pendant un an et de demi. Ca fait maintenant treize ans que je vis à Londres et parfois, une ville comme celle-ci peut apparaître comme un lieu vraiment désolé ! Tu peux te retrouver à marcher dans cette marée humaine et te sentir totalement seul et isolé du reste du monde ! Tout ça, ce sont des choses que tu ne ressens pas forcément à cent pour cent tout le temps mais ce sont des choses qui te consument à certains moments. Je pense que ce n’est que naturel de parfois se sentir comme ça, et c’est même encore mieux si tu n’as pas à refouler ce genre de sentiments et que tu parviens à les faire sortir d’une façon ou d’une autre. Rien qu’en considérant lorsque je me suis mis au doom pour la première fois, lorsque j’ai commencé à écouter les quelques premiers albums de Trouble, les gens disaient : « Comment peux-tu écouter ça ? C’est tellement déprimant ! » Surtout le deuxième album, The Skull. Je le jouais et c’était un album complètement déprimant à bien des égards mais, parce que je pouvais m’identifier à l’anxiété et aux sentiments qui en ressortaient, arrivé à la fin de l’album, je me sentais mieux. Ça me soulageait de voir que quelqu’un d’autre ressentait la même anxiété que moi. Je pouvais m’identifier aux atmosphères que produisait la musique. J’imagine que, de la même façon, c’est ce que j’essaie de faire ressortir avec ce que nous faisons. Pour moi, c’est ça le doom ! Pouvoir exorciser toutes ces dépressions et émotions intérieures, et les faire passer de façon puissante dans la musique.

With The Dead

« Les films d’horreur peuvent parfois être de super métaphores pour la réalité de l’existence. »

Apparemment, les classiques de l’horreur des années 60 et 70 sont aussi une source d’inspiration. Perçois-tu parfois la vie comme un film d’horreur, tout du moins émotionnellement ?

Ouais ! Pas constamment, évidemment. Je veux dire que tu choisis diverses métaphores pour expliquer certaines choses et certaines parties ou jours de ton existence, ou certains moments dans l’année, certaines choses que tu traverses, certaines choses que tu voies autour de toi… Ouais, les films d’horreur peuvent parfois être de supers métaphores pour la réalité de l’existence. Beaucoup de choses que nous traversons en tant qu’individus sont un peu comme de l’horreur mais dans la vraie vie. Et si tu peux transmettre certaines de ces horreurs que tu vois à travers ta musique et ajouter un peu de… Je ne sais pas… Je n’aimerais pas utiliser le mot « théâtralité » mais j’imagine que c’est le mot… C’est presque comme… La vie peut parfois s’apparenter à un jeu et la façon dont tu l’exprimes à travers la musique, c’est presque comme jouer à un genre de jeu ou jouer un rôle dans ce jeu, en t’exprimant via un personnage sur scène, je suppose.

Qu’est-ce qui rend ces films, spécifiquement, si fascinants pour toi ?

C’est une énorme question, n’est-ce pas ? Je veux dire qu’il y a tellement de raisons. Lorsque les réalisateurs de films n’avaient pas la technologie que nous avons aujourd’hui et n’avaient pas les attentes à honorer qu’ils ont aujourd’hui… C’est pareil avec la musique, vraiment… Les gens étaient bien plus aventureux avec les limitations qu’ils avaient. Ils mettaient plus d’emphase sur l’atmosphère au lieu des effets. Personnellement, j’aime être ému lorsque je regarde un film, au lieu d’être du genre : « Oh, regarde l’effet là-dessus ! Oh, écoute – je ne sais pas – les détails dans le son et les bruits… » Je pense simplement que les films qui sont sous une forme plus basique, brute et primitive, avec beaucoup d’imagination, me captivent davantage, de la même façon qu’un certain nombre de musiques.

Tu as aussi déclaré qu’ « au lieu d’essayer de rivaliser avec les gens qui [vous ont] poignardés dans le dos, le fait d’exprimer [votre] dédain à travers la musique est une réponse bien plus puissante. » Est-ce que tu fais référence à la mauvaise relation que tu as eue avec Jus Oborn et Electric Wizard qui, à cet égard, semble être le dénominateur commun ?

Non, personne en particulier. Je ne dirais pas ça. C’est juste au sujet de gens qui ont pu te fâcher par le passé, sans raison. Des gens qui ont profité de ta meilleure nature et qui l’ont utilisée pour exploiter la situation, ce qui m’est arrivé plusieurs fois avec les années. Et puis, dans le même temps, je ne dis pas vraiment que je suis la personne parfaite qui n’a jamais fâché personne. Cette chanson à laquelle tu fais référence, « I Am Your Virus », je pense, c’est surtout une façon psychologique de faire face aux personnes qui t’ont emmerdé. Je suppose que c’est comme lorsque les gens traversent une situation psychologique où ils ont un bad trip ou ils ont une méchante gueule de bois et deviennent paranoïaques, je veux qu’ils s’imaginent que, d’une certaine façon, je suis la raison de leur bad trip. C’est le genre de revanche dont je parle [rires]. Encore une fois, on pourrait dire que c’est un peu une façon d’exprimer un genre d’horreur psychologique qu’on voit dans les films.

En ce qui concerne le problème avec Electric Wizard, que s’est-il vraiment passé avec eux ? Car nous avons parlé à Jus et Liz l’année dernière et ils disaient qu’ils ont été menacés et harcelés « de la manière la plus dégueulasse qui soit, » et que « Rise Above n’est plus le même label que celui sur lequel [ils ont] signé. » Alors c’est quoi toute cette affaire ?

Rise Above est exactement le même label que celui sur lequel ils ont signé. Ils avaient un accord avec nous et ils ont essayé de faire croire qu’ils n’en avaient pas. Ils ont nié avoir jamais été payés des droits mécaniques de notre part. Ils ont nié que nous avions les droits de publication sur leurs albums. Ils ont employé quelqu’un pour essayer de nous prendre de l’argent que nous leur avions déjà payé. En gros, je crois qu’ils avaient dans l’idée – peut-être à raison – qu’ils pouvaient devenir bien plus gros s’ils étaient sur un autre label que Rise Above Records. Ils se sont probablement dits que Rise Above était un frein pour eux, et qu’ils étaient chez Rise Above depuis si longtemps qu’ils voulaient simplement aller voir ailleurs et qu’ils ont eu une offre d’un autre label pour beaucoup d’argent et qu’ils voulaient tenter le coup. Tout le truc, c’est que j’ai invité Justin à venir à Londres et me parler plus d’une fois. Il n’a fait qu’ignorer mes emails et a commencé à m’envoyer de sales emails de menace. Il aurait pu être un homme et me parler de ça et tout aurait été réglé, et je l’aurais sans doute laissé partir [du label] sans aucun problème. Au lieu de ça, il a décidé d’être un lâche et salir mon nom partout sur internet, en disant de la merde sur moi, inventant des mensonges sur moi et m’envoyant des menaces et des emails injurieux. Qu’est-ce que je suis censé faire ? Simplement accepter ? Non ! J’ai tellement soutenu ce groupe depuis le jour où ils ont débuté, je suis sans doute leur plus grand fan ! Et puis qu’ils se mettent à faire volte-face et agir comme si j’étais un homme monstrueux qui essayait de prendre le contrôle de leur monde, c’était de grosses conneries ! Ce n’était pas correct et c’était injustifié ! Ces derniers temps, ce qu’il a dit au sujet de ses actions et ce qu’ils ont fait a commencé à se retourner contre lui parce que les gens sont en train de se rendre compte que peut-être il disait beaucoup de merde ! Il suffit de voir l’interview avec Decibel Magazine et lire entre les lignes, tu peux tirer tes propres conclusions.

En fait, c’était assez surprenant parce que, comme tu l’as dit, Rise Above a toujours été d’un grand soutien pour Electric Wizard et vous sembliez avoir une super relation…

C’est ce que je croyais, ouais, mais de toute évidence l’opinion de Justin a changé et je ne sais pas ce que j’ai bien pu faire pour qu’elle change ainsi. Je crois juste qu’ils avaient l’impression qu’ils méritaient quelque chose de plus grand et qu’ils voulaient plus d’argent. C’est la seule raison que je peux imaginer pour qu’il se mette à agir comme il l’a fait. Car je ne lui ai strictement rien fait, à titre personnel. Il a dit beaucoup de merdes personnelles sur moi, alors que pendant des années, j’ai été la seule personne à en avoir quelque chose à foutre d’eux !

Es-tu triste que cette relation soit désormais terminée ?

Je l’étais. J’en étais très triste. Mais c’est fini maintenant, il est temps de passer à autre chose. Je ne vais pas rester planté là à penser à ça pendant le reste de ma vie. Il a coupé les ponts et c’est tout. Il est parti. Malheureusement. C’est dommage mais il est rare que ce genre de choses se produise, et ça s’est produit mais ça aurait pu être évité si Justin Oborn avait été un homme et m’avait parlé. C’est aussi simple que ça.

With The Dead

« [Jus Oborn d’Electric Wizard] a dit beaucoup de merdes personnelles sur moi, alors que pendant des années, j’ai été la seule personne à en avoir quelque chose à foutre d’eux ! »

Musicalement, on peut parfois ressentir une patte très proche d’Electric Wizard dans les chansons de With The Dead. Crois-tu que Tim et Mark avaient une plus grande responsabilité dans la force de ce groupe que ce que les gens imaginent ?

Bon, je ne veux pas commencer à critiquer pour le plaisir de critiquer au sujet de qui serait quoi dans Electric Wizard. Si tu vois ce que je veux dire. Mais, évidemment, Tim a écrit beaucoup de riffs sur Dopethrone et peut-être certains riffs sur Come My Fanatics, je ne sais pas. Mais il a assurément été largement impliqué dans l’écriture de Dopethrone. Tu peux entendre des éléments d’Electric Wizard dans With The Dead mais je ne pense pas que ça sonne comme Electric Wizard. Je trouve que le groupe se tient de lui-même. Il faut espérer que ce soit effectivement le cas. Je ne voulais pas être dans un groupe qui sonnerait comme Electric Wizard mais en mieux [rires]. Ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai voulu faire ça ! Ceci étant dit, j’aime vraiment les trucs que fait Tim. Je trouve qu’il est sous-estimé et que son rôle dans Electric Wizard était probablement plus important que ce que les gens veulent bien reconnaître, c’est certain.

A propos de la confection de l’album, qu’est-ce que ça a changé par rapport à ton expérience avec Cathedral ? Comment qualifierais-tu ta relation avec Tim par rapport à celle que tu as connu avec Garry ?

Sans doute plus facile du fait que les morceaux étaient déjà écrits quand j’ai intégré le groupe, tout du moins musicalement. Avec Cathedral, après avoir été dans ce groupe pendant si longtemps, avec la façon dont les influences musicales se sont constamment développées – de plus en plus d’influences se sont glissées dans le son global, ça devenait à chaque fois de plus en plus ouvert -, tu en arrives à un stade où… C’est assez difficile à expliquer mais l’exigence qu’on a l’un pour l’autre devient bien plus élevée qu’elle ne l’est en temps normal. Si tu démarres tout juste le groupe, c’est bien plus facile parce que tu as moins d’influences et tu as une direction mieux définie concernant où tu veux aller. Mais à mesure que le temps passe, évidemment, il y a davantage de choses à prendre en considération. Donc, faire des trucs avec Tim, à cet égard, c’était bien plus direct et simple parce que la musique est claire et ma façon d’envisager mon implication est claire. Donc tout était plus simpliste et défini dès le départ, vraiment, et en conséquence bien plus facile à faire.

Tu as dit plus tôt que l’album a été enregistré assez rapidement, et le chant a été enregistré au cours de deux courtes sessions en soirées en avril et mai 2015. Etait-ce important de ne pas passer trop de temps pour que ça reste instinctif ?

Ouais je voulais juste que ça paraisse aussi spontané et vivant que possible, vraiment. Je voulais juste qu’on se concentre à cent pour cent sur l’atmosphère et l’attaque globale de l’album, au lieu de passer des heures et des heures et des jours et des jours à tout peaufiner. Nous voulions qu’il y ait un côté punk, où tout est brut de décoffrage, spontané et semblait frais. Je ne dis pas que nous avons fait quoi que ce soit d’original sur cet album parce que ça ne l’est probablement pas du tout mais, dans le cas où les choses ne sont pas originales, elles devraient toujours venir du fond du cœur. Et je pense que, si tu fais quelque chose qui vient du fond du cœur, alors ça n’a pas d’importance si c’est original ou pas parce que ça sonnera toujours frais, tant que tu y mets tout ton cœur et toute ton âme. C’était donc la chose la plus importante ; ce n’est pas tant la perfection que l’émotion qui importe le plus.

Le groupe est un trio et, comme tu l’as dit, Tim joue la guitare et la basse. Tu as évoqué l’idée plus tôt, mais vois-tu le groupe intégrer un autre membre pour se charger de l’un ou l’autre de ces instruments ?

Je suppose que si jamais nous finissons par jouer en concert, évidemment, il nous faudra un bassiste, car Tim a dit que, si nous jouons en concert, il voudra jouer la guitare. Donc nous devrons trouver un bassiste, ouais. Nous n’écartons pas cette possibilité mais nous n’avons rien prévu de précis. Comme je l’ai dit, il n’y a aucun stress ou pression dans ce groupe pour le moment parce que nous allons tout juste sortir l’album, ce dont nous sommes contents et ensuite nous allons voir ce qu’il se passe. Il n’y a pas de précipitation ou d’affolement à aller faire des concerts et faire toutes ces choses que nous ferions normalement dans un autre groupe. Nous allons juste avancer à l’instinct et voir comment ça se passe, vraiment.

Cet album est probablement parmi tes œuvres les plus doom – et comme tu l’as dit, sans compromis -, aux côtés du premier album de Cathedral. Est-ce que tu dresserais un parallèle entre ces deux périodes de ta vie où tu as commencé un groupe ?

Pas vraiment. C’est une simple continuation. Je veux dire que les gens ont dit ça à propos du dernier album de Cathedral, qu’il bouclait la boucle, qu’il revenait aux racines des premiers Cathedral. Mais je suppose que tu pourrais dire la même chose d’un album comme Endtyme (2001), donc… Je ne sais pas trop. Ça fait du bien d’être encore impliqué dans une musique soit aussi – je ne veux pas encore utiliser ce mot – heavy et doomy, je suppose. C’est vraiment difficile à mettre des mots là-dessus sans sonner cliché. Je ne m’assois pas pour moi-même, personnellement, tracer des parallèles, non, mais il est évident qu’il y en a [rires]. Car c’est moi dans un groupe… Combien d’années plus tard ? Forest a été enregistré vers 91, je crois, donc vingt-quatre ans plus tard. Mais le truc, c’est que Forest était bien plus nouveau que ça. Ça sonne frais mais Forest, à l’époque, ne ressemblait à rien d’autre qui ait été fait auparavant, car essentiellement, nous voulions être un groupe de doom, mais nous venions d’une branche plus extrême de la musique que les groupes qui nous ont influencés. Tu vois, les groupes comme Pentagram, Trouble, Saint Vitus, Witchfinder General, tous ces groupes étaient bien plus classiques dans leur son, alors que nous, nous venions de… Si tu veux employer le terme grindcore ou death metal, ou thrash ou peu importe, à titre d’exemples, nous venions plutôt de cette scène. C’est à cette époque que nous grandissions et jouions de la musique, alors que les groupes comme Pentagram ont grandi avec le rock des années 70. Pareil pour Trouble. Ils étaient donc davantage conditionnés dans leur jeu pour être plus classiques quant au côté « seventies » de leur son. Lorsque nous avons démarré Cathedral, nous voulions être comme Saint Vitus mais en plus lent, plus heavy et plus sombre. Nous avions une mission, car nous n’étions pas si doués en tant que musiciens, je suppose, lorsque nous avons débuté. Nous avons compensé notre manque de d’habilité musicale par une compréhension de ce qui est extrême. Nous voulions donc rendre le groupe plus extrême que tout ce qui a existé avant en termes de doom. En conséquence, tu pourrais dire que le premier LP de Cathedral était davantage une référence en comparaison de la façon dont celui-ci sera perçu, car beaucoup de choses ont été faites depuis lors. Mais, d’un autre côté, je pense que cet album sonne très frais et a été façonné dans le même esprit. J’en suis donc tout aussi content.

With The Dead

« Si tu fais quelque chose qui vient du fond du cœur, alors ça n’a pas d’importance si c’est original ou pas parce que ça sonnera toujours frais. »

Aurais-tu imaginé à l’époque de Forest que tu serais encore en train de faire le même type de musique autant d’année après ?

Non ! Comme je l’ai dit plus tôt, je ne pensais même pas que nous irions au-delà de quelques années avec Cathedral, pour être honnête. Lorsque nous avons commencé à jouer cette musique, personne n’en avait quoi que ce soit à foutre du doom metal, vraiment. C’était la musique la plus démodée qui soit. C’est à cette époque où le death metal atteignait son apogée. Nous avons fait ce que nous avons fait purement pour l’amour de la musique, nous n’envisagions pas une carrière. Nous n’avons pas fait notre première démo ou notre premier album en nous disant : « Oh, si nous faisons ceci aujourd’hui, dans vingt ans nous serons encore là parce que ce genre, si on appelle ça du doom metal, se portera bien et sera bien reconnu. » Bien sûr que non ! Nous n’avions aucune idée que ça allait se produire. En fait, nous aurions pensé que c’était dingue d’imaginer que vingt-cinq ou vingt-quatre ans plus tard les gens parleraient du doom metal de la façon dont ils le font aujourd’hui, c’est à dire un genre reconnu au sein du metal, car à l’époque, ça ne l’était pas vraiment.

En 2010, Rise Above Records a révélé le groupe Ghost avec leur premier album Opus Eponymous. Et depuis, le groupe n’a pas arrêté de gagner en popularité et sont vraiment sur le point de devenir énormes. Qu’est-ce que ça te fait de voir un groupe que tu as été le premier à révéler au monde rencontrer un tel succès ?

Oh, c’est fantastique ! Et je leur souhaite le meilleur ! Je trouve qu’ils sont putain d’incroyables et ils méritent tout le succès qu’ils rencontrent. Bonne chance à eux ! Nous avons été chanceux de pouvoir sortir leur premier album. Beaucoup de choses ont été dites à propos de leur image qui prendrait le dessus sur la musique mais le fait est que lorsqu’ils ont enregistré leur premier album, je n’avais même pas vu à quoi ils ressemblaient, je me disais juste que les chansons étaient vraiment super. La musique était une bouffée d’air frais ! C’était extrêmement mélodique mais aussi heavy. Ils avaient une approche totalement fraîche par rapport à ce qui se faisait dans le metal au moment où ce premier album a été enregistré. Et comme je l’ai dit, nous n’avions même pas vu une seule photo d’eux avant que l’album soit grosso modo sorti. L’image n’était pas quelque chose qui est venu en premier. C’était plus les chansons et la valeur de leur musique. Papa a une très bonne vision de comment il veut que le groupe soit pris et où il veut l’emmener, et il sait exactement ce qu’il veut accomplir. Bonne chance à eux dans leur entreprise !

As-tu été surpris par leur succès fulgurant ?

Ça ne m’a pas surpris que le premier album ait été si bien reçu parce qu’il était vraiment bon. Je veux dire qu’il n’y avait rien à cette époque que je trouvais aussi bon que ça, qui avait un aussi large attrait musical. Car chaque chanson sur ce premier album, de la première piste à la dernière, tuait, vraiment. Chaque morceau est mémorable. Donc ça ne me surprend pas que des gens dans des groupes, comme James Hetfield ou Phil Anselmo, ce genre de personnes, accrochent au groupe parce qu’à bien des égards ces gens s’intéressent à l’underground. C’est sûr que lorsque des gens dans de plus gros groupes commencent à s’intéresser à un autre groupe, ça aide à le faire connaître. Et puis, évidemment, malgré ce que j’ai dit au sujet de leur image n’étant pas une part importante, bien sûr que ça l’est aussi. Je veux dire que c’est bien sûr ce qui donne au groupe une reconnaissance et lui permet de croître, mais à l’origine, comme je l’ai dit, le principal pour moi c’était la musique qui était vraiment bonne. Donc si tu additionnes tout ça, l’image, la musique et tout ce qu’ils représentent, alors ça paraît sensé de les voir être reconnus et devenir plus gros.

Que penses-tu de la façon dont ils ont évolué avec les années en tant que groupe et musicalement, maintenant qu’ils en sont à leur troisième album ?

Ce n’est pas comme s’ils existaient depuis longtemps [rires]. Je trouve qu’il y a vraiment des titres qui tuent sur le nouvel album. Globalement, je n’aime pas tout ce qu’il y a sur le nouvel album mais il y a environ trois ou quatre chansons que je trouve bonnes si ce n’est meilleures que certaines chansons du premier album. Le second album, je trouvais qu’il était bon et très inventif mais quelque chose lui manquait, et je pense qu’ils sont parvenus à capturer ce qui lui manquait sur cet album, tout du moins en termes d’atmosphère et de production. Je trouve que ce nouvel album est bien plus… Bon, pas nécessairement bien meilleur que le précédent mais je le trouve plus cohésif et plus facile à écouter. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il marchera mieux que le précédent et, avec un peu de chance, il les amènera plus loin. Qu’en penses-tu ?

En fait, d’un côté, ils sont revenus plus heavy que sur le second album et, d’un autre côté, ils ont rajouté des éléments progressifs plus prépondérants et c’est très intéressant…

Je suis totalement d’accord avec tout ce que tu viens de dire. C’est juste que c’est une question de trouver le bon équilibre dans tous ces ingrédients et faire en sorte que tout colle parfaitement, et je trouve qu’ils y sont presque avec cet album. J’imagine que le prochain va tout péter.

Etais-tu déçu qu’ils ne soient restés sur Rise Above Records que le temps d’un album ?

Pas vraiment. J’aurais aimé les garder mais je pense que leur ambition et leurs idées ont dépassé ce que nous pouvions leur offrir en tant que label, étant donné notre envergure. Evidemment, nous avons négocié avec leur management et tout, et c’était un peu triste et déprimant de rentrer là-dedans, mais au final, c’est ce que le groupe voulait et nous leur avons souhaité le meilleur pour la suite. Nous leur souhaitons le meilleur, tu sais ! Nous avons toujours le premier album et c’est fantastique pour nous.

With The Dead

« C’était dingue d’imaginer que vingt-cinq ans plus tard les gens parleraient du doom metal de la façon dont ils le font aujourd’hui, c’est à dire un genre reconnu au sein du metal. »

Qui penses-tu a le potentiel de devenir le prochain Ghost, pour ainsi dire, parmi tous les groupes que vous avez sur Rise Above, quel groupe pourrait séduire les gens ?

Oh, je n’aime pas penser au « prochain Ghost » ou quoi que ce soit de ce genre mais évidemment, Uncle Acid est un groupe très populaire et ils le deviennent de plus en plus à mesure que le temps passe, surtout avec leur nouvel album ; il rencontre déjà plus de succès que le précédent. Les chroniques sont super et ils ont un large attrait, je suppose en raison de leurs mélodies. Et puis, il y a un autre groupe un peu nouveau que nous avons, Lucifer. Je les vois bien monter en puissance parce que c’est un groupe fantastique qui écrit de supers chansons et ils ne pourront que s’améliorer avec le temps. Il y a évidemment Blood Ceremony. C’est aussi l’un de nos groupes les mieux établis. D’un autre côté, tous nos groupes sont valides pour diverses raisons. Nous croyons en chaque album que nous sortons. Je ne pense pas à des choses comme qui sera le prochain Ghost ou qui vendra X milliers d’albums lorsqu’ils sortiront un album et qui nous fera gagner un paquet d’argent et tout ça… Ce sont des choses que je ne prends pas en considération, vraiment. Avant toute chose, il faut que j’accroche au groupe. C’est la chose la plus importante de mon point de vue. Et tout ce qui se passe à côté de ça avec ce groupe n’est que tu bonus, vraiment.

D’ailleurs, comment se porte le label ? Je veux dire qu’on dirait que vous avez moins de sorties de nos jours par rapport à il y a quelques années. N’est-ce qu’une impression ou bien avez-vous vraiment ralenti un peu la cadence ?

Eh bien, le truc c’est que nous ne voulons pas sortir des albums pour sortir des albums. Il n’existe pas énormément de groupes que nous voulons vraiment signer. Nous sortons uniquement des albums dans lesquels nous croyons à cent pour cent. Donc s’il y a des périodes de calme entre certains albums, c’est uniquement parce qu’il n’y a rien que nous voulions sortir. Quel intérêt de sortir, genre, dix albums par mois qui sont juste corrects ? Je préférerais sortir cinq albums qui tuent à l’année ! Avec un peu de chance, les gens qui ont étudié le label et qui achètent nos sorties savent que lorsque nous sortons quelque chose, c’est un signe de qualité. Je veux que les gens croient en ce label, pas seulement tous les groupes individuellement mais le label dans sa globalité.

L’année prochaine, tu seras curateur pour le Roadburn Festival, avec les événements baptisés Ritual For The Blind Dead Pt. 1 & 2. Comment abordes-tu ce travail ? A quoi peut-on s’attendre ?

La première chose à laquelle tu penses lorsqu’on te demande de faire une telle chose, c’est : « Oh ! Je me demande si je pourrais… Bon Dieu, ce serait super de les avoir, si seulement ils se reformaient… » Tu as toujours d’incroyables idées de groupes que tu aimerais voir jouer, et puis bien sûr, tu as la réalité où il est très improbable que les groupes tout en haut de ta liste n’envisagent ne serait-ce que de se reformer ou… On en revient à la conversation que nous avions plus tôt à propos des groupes que se reforment après avoir splitté. En affirmant que c’est définitif avec le groupe dans lequel tu as été, puis attendre d’autres groupes de se reformer uniquement parce que tu veux qu’ils jouent dans un festival qui t’a demandé d’être le curateur, tu te rends compte que ça ne va pas être si facile. Mais j’ai une liste qui a été restreinte désormais. J’ai dû retirer des groupes de la liste, malheureusement. Mais la liste que j’ai désormais en tête a toutes les chances de se concrétiser et ce sera putain de génial ! C’est tout ce que je peux dire. Ce sera très varié. Ce ne sera pas un genre de festival Rise Above ou de doom metal. Ce sera très varié.

Tu as d’ailleurs été tête d’affiche du premier Roadburn Festival en 1999 avec Cathedral et l’édition 2008 a célébré les vingt ans de Rise Above Records. As-tu donc une relation spéciale avec ce festival ?

Ouais, je connais Walter [Hoeijmakers] du Roadburn Festival depuis longtemps. Certains de ses amis étaient aussi des amis à moi d’Amsterdam il y a de ça des années, en remontant jusqu’au milieu des années 90. Ouais, je veux dire qu’à chaque fois qu’il y a un Roadburn, nous nous parlons et je suggère quelques groupes à moi qui pourraient convenir au festival ou je le mets en relation avec certains groupes de jadis, comme Camera ou Incredible Hog ou des groupes avec lesquels il n’aurait pas forcément de contact direct, ou je suggère des groupes qui je pense pourraient coller à l’affiche et dont il n’a peut-être pas entendu parler. Donc ouais, je suis un très bon ami de Walter depuis des années. Je veux dire que généralement, lorsque quelqu’un est désigné curateur du festival, c’est normalement quelqu’un qui est dans un groupe actif à ce moment-là, et le groupe dans lequel officie cette personne est normalement la tête d’affiche du jour principal. Evidemment, n’étant pas dans un groupe actif qui tourne et tout, c’est la première fois qu’il a demandé à quelqu’un de faire ça et qui pourrait ne pas se produire pendant l’événement. Et puis cette fois c’est étalé sur deux jours au lieu d’un. C’est juste qu’il aborde le concept du curateur de façon un peu différence cette fois.

Interview réalisée par téléphone le 10 septembre 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Ester Segarra.

Page Facebook officielle de With The Dead : www.facebook.com/withthedead.
Site officiel de Rise Above Records : www.riseaboverecords.com.



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