Le septième album de Within Temptation a bien failli ne jamais voir le jour. Des semaines de tournées éprouvantes pour le cycle de l’album Hydra (2014) et une déconnexion totale avec la vie sociale et familiale des musiciens ont pratiquement dégoûté les membres de Within Temptation d’officier à nouveau ensemble, en particulier la chanteuse Sharon Den Adel. Il a fallu deux années de pause et divers projets (à l’instar de l’album solo de Sharon, My Indigo (2018)) pour que l’envie revienne. Resist est le résultat de musiciens qui ont retrouvé leur énergie et sans doute du plaisir, sous certaines conditions. Ces dernières incluent d’ailleurs une révision de l’orientation musicale, plus en phase avec les inspirations actuelles de chacun des membres qu’avec la volonté de rester ancré dans un registre apparemment éreinté… Resist regarde vers l’avenir, musicalement comme thématiquement.
Ceux qui ont écouté scrupuleusement la discographie de Within Temptation risquent d’être au moins déstabilisés à l’écoute de Resist. Non pas que Within Temptation ait décidé d’abandonner le metal symphonique. C’est plutôt qu’il a révisé l’utilisation des éléments propres au genre en s’accordant à l’imagerie futuriste de Resist (motivé par les dérives des réseaux sociaux, des médias, etc.). Les Néerlandais ne veulent plus donner dans le grandiloquent de manière constante, privilégiant une approche orchestrale quand la chanson le nécessite réellement, lui substituant ailleurs des sonorités synthétiques pour créer un rendu massif. Resist entretient une parenté plus nuancée avec les albums précédents, que l’on retrouve avec les chœurs lyriques de « Supernova » ou les violons d’« Holy Ground ». Cependant, même sur ces deux titres, l’approche symphonique côtoie une production résolument pop, bien éloignée des guitares d’Hydra. À ce titre, Resist semble être l’exact opposé de son prédécesseur. Les guitares sont souvent reléguées à un second rang, un simple gage de puissance, voire quasiment absentes sur « Mercy Mirror » qui ressemble trait pour trait à une production adoucie de la Katy Perry de l’époque Teenage Dream (2010). Lorsqu’elles sont omniprésentes, elles prennent parfois un visage inédit dans la carrière de Within Temptation, telles les guitares huit cordes aux accents djent de « Trophy Hunter » ou le riffing à la Rammstein d’« Endless War » (sans compter ce qu’on pourrait prendre pour un clin d’œil au « Ich Tu Dir Weh » des Allemands sur « Raise Your Banner »).
Within Temptation a privilégié des techniques de production propre à la musique pop (Twenty One Pilots en tête, l’un des groupes les plus influents de ces dix dernières années), en n’ayant cure de ce que diront les puristes. Sans aller jusqu’à imprimer Resist, l’expérience My Indigo de Sharon en dit long sur ses centres d’intérêt vocaux actuels. Cette dernière livre une prestation peut-être moins flamboyante mais davantage centrée sur ce dont la chanson a besoin. En résultent des musiques qui ont ce cachet commercial et accessible, « sali » juste ce qu’il faut pour ne pas paraître aseptisé, mais qui ont au moins le mérite de ne pas chercher à en faire des tonnes de manière systématique. Le titre d’ouverture, « The Reckoning », avec ses samples et sonorités quasi dubstep qui auront pour effet d’effrayer les fans de la première heure, malgré les guitares massives et les mélodies qui ne trompent pas, prouve une chose : Sharon brille tout autant dans un registre pop langoureux que sur des envolées lyriques. Par ailleurs le titre accueille Jacoby Shaddix de Papa Roach pour un duo efficace. « Firelight », composé à l’époque de My Indigo, vient se poser en symbole de la richesse d’arrangements que s’est autorisée Within Temptation, avec une multitude d’éléments qui s’entrecroisent (voix envoûtantes, violon à la sonorité asiatique, nappes massives, etc.), pour un rendu frôlant les productions cinématographiques (on imagine sans mal le thème de guitare final dans un western). Outre Jasper Steverlink d’Arid que l’on retrouve donnant la réplique tout en sensibilité à Sharon sur « Firelight », Anders Fridén (In Flames) vient également apporter quelques arrangements de voix à « Raise Your Banner » (les seules voix extrêmes de l’album), un petit plus qui participe à donner du relief au titre. Les invités ont en commun avec Within Temptation le fait de constamment chercher à se moderniser avec leurs groupes respectifs. Les biais sont les mêmes : utilisation d’éléments électroniques et refrains accrocheurs et entêtants.
Resist est le nouveau visage de Within Temptation, groupe qui a amorcé un virage plus radical qu’il n’y paraît. Les années de repos ont permis aux musiciens de revenir avec une honnêteté quant à ce qu’ils veulent composer, sans se soucier du qu’en dira-t-on. Les éléments symphoniques sont utilisés avec parcimonie et, dans l’ensemble, Within Temptation est moins épique mais plus juste en assumant une modernité mainstream qui visiblement les fascine. Sur la longueur, Resist tend à donner une impression d’homogénéité qui peut lasser ; d’aucuns trouveront également que le groupe va un peu loin dans le kitch sur un titre tel que « Mad World » et ses arrangements électro dignes de l’europop. Dans tous les cas, on ne peut pas reprocher à Within Temptation de se projeter avec audace.
Lyric vidéo de la chanson « In Vain » :
Clip vidéo de la chanson « Raise Your Banner » (feat. Anders Fridén) :
Chanson « Firelight » (feat. Jasper Steverlinck) :
Clip vidéo de la chanson « The Reckoning » :
Album Resist, sortie le 1er février 2019 via Spinefarm Records. Disponible à l’achat ici