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Scorpion Milk – Slime Of The Times


La musique de Scorpion Milk semble familière ? C’est normal : non seulement on y reconnaît la voix unique de Mat McNerney, chanteur protéiforme d’Hexvessel, Grave Pleasures et bien d’autres, mais on y entend aussi les sonorités froides et post-punk de Grave Pleasures justement, et de son ancêtre Beastmilk. On y entend aussi beaucoup de leurs illustres prédécesseurs : Sisters Of Mercy, The Fall, Killing Joke… Au premier coup d’œil, Slime Of The Times, le premier opus de ce nouveau projet, nous mène donc en territoire familier, surtout pour ceux qui suivent McNerney depuis ses débuts, voire vu et revu. Et pourtant sur la longueur, il se révèle une fois de plus sacrément accrocheur…

La filiation avec Beastmilk est évidente dès le nom du groupe, et en effet, dix ans après la fin de ce projet, Scorpion Milk poursuit sur la même lancée, celle qui utilise les sonorités et les névroses des années 1980 pour dire quelque chose des nôtres. On y retrouve le sens de l’accroche et de la formule du musicien, la sauvagerie et le côté DIY de Beastmilk en moins, la maîtrise et les moyens en plus. Slime Of The Times bénéficie en effet d’une sortie chez Peaceville, d’une esthétique léchée, d’une production impeccable, plus organique que glaciale, et d’un casting cinq étoiles : on y retrouve Tor Sjödén de Viagra Boys à la batterie, Nate Newton de Converge et Cave In à la basse, et deux guests de choix, Will Gould de Creeper, et surtout Big Paul Ferguson, dont la présence parachève l’atmosphère résolument Killing Joke de l’album. Car si le death rock de « She Wolf Of London » a quelque chose d’un peu Samhain, sur Slime Of The Times, McNerney est à son plus britannique, utilisant ici et là des touches de Godflesh (« Slime Of The Times ») voire de punk à la Rudimentary Peni : c’est en effet, et un peu paradoxalement, comme anarcho-punk que ce groupe qui semble taillé pour le succès se définit avant tout. Mais même avec ses paroles incisives, on imagine plus volontiers ces chansons bien troussées déclencher des manies dansantes que des émeutes, ce qui, au vu des circonstances, est toujours ça de pris : au-delà des plaisirs rassurants de la connivence et de la nostalgie, Slime Of The Times est la bande-son idéale d’une époque où, comme en 1980, tous les voyants sont au rouge.

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Caskets – The Only Heaven You’ll Know


Avec Reflections, son second album, Caskets dansait en permanence sur un fil ténu entre metalcore et post-hardcore. The Only Heaven You’ll Know semble clore le débat. Le désormais quatuor – le bassiste Christopher McIntosh s’est fait la malle début 2024 – affirme encore davantage ses inspirations rock alternatif et couche sur bandes un disque résolument axé sur les mélodies.

La musique de Caskets avait su séduire par son accessibilité et son dynamisme percutant. Les Anglais n’ont jamais vraiment dévié de constructions classiques, easy-listenning, très efficaces bien que formatées. The Only Heaven You’ll Know ne réinvente pas en profondeur le son du groupe. Il déroule cependant une petite série de compositions qui s’affranchissent plus franchement des gimmicks typiquement metalcore pour développer plus profondément la dimension émo de leur musique. L’album est de fait moins direct et certains riffs semblent, aux premières écoutes, retomber un peu à plat, d’autant plus que les accompagnements électroniques grignotent inexorablement du terrain. Caskets fait le choix de pousser en avant le chant de Matthew Flood, de laisser respirer les instrumentations afin de permettre au frontman de s’exprimer dans toute sa polyvalence. Ce dernier tire à de multiples reprises vers des horizons clairement pop à base d’envolées claires vibrantes et fragiles, sans totalement expurger les hurlements arrachés de son registre. Si les capacités de Flood ne sont plus à prouver, les traficotages numériques et autres filtres appliqués sur les voix auront tendance à irriter (le très niais « Our Remedy », « Broken Path »). La tendance n’est pas encore trop lourde, et le groupe contrebalance avec quelques gros morceaux qui se montrent moins hésitants à parier sur la puissance des guitares (« Make Me A Martyr », « What Have I Become »). Mais à trop vouloir explorer la palette émotionnelle, Caskets y perd cependant en naturel et en impact, même si ce troisième album se montre extrêmement travaillé et très bien produit. Dommage.

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Avralize – Liminal


Avralize avance en explosant toutes les barrières. Leur premier album Freaks sonnait comme une déclaration d’intentions. Technique, moderne et original, il ne posait pourtant que les prémices d’une formule de metalcore next-gen, registre que le combo allemand aborde avec une étonnante fraîcheur. Liminal, second opus aussi costaud que délirant, pousse littéralement les potards aussi loin que possible.

Il y a chez Avralize une approche du metalcore qui sort littéralement des sentiers battus. Les Teutons n’ont que faire des codes du genre, qui imposent bien souvent une atmosphère pesante en terreau fertile à l’intensité attendue. Le quatuor préfère tartiner du fun sur de gros riffs velus à souhait, et n’hésite jamais à s’embarquer dans une avalanche de bidouillages sonores qui confèrent au disque un esprit rétro-futuriste 80’s assez savoureux. Profitant à fond des technologies actuelles, Avralize fait de chaque composition un ensemble dense mais savamment structuré, sorte de roller-coaster aux twists musicaux ininterrompus et décalés. Le disque s’ouvre sur un banjo décomplexé (« Medicine »), multiplie les parties de claviers volontairement kitsch, invite un saxo jazzy (« Wanderlust ») ou patine les grattes de sons électro-dansants proches du jeu vidéo (« Helium »). Malgré toute sa dimension foutraque, Liminal affiche une science de l’écriture et de l’efficacité assez hallucinante. Avralize présente une faculté presque naturelle à coucher sur bandes de gros hits fluides et extrêmement percutants. L’ensemble vire avec violence entre tempos épileptiques et mélodies nostalgiques, profitant d’une technicité affûtée comme un rasoir et d’un chant versatile à souhait. Le disque impressionne par son groove monstrueux – la basse avec un son claquant quasi funk, qui n’est pas sans rappeler l’âge d’or du neo. Il hypnotise parallèlement par ses refrains impeccables. Décapant dans ses hurlements, le frontman Severin Sailer déroule une puissance émotionnelle dans son chant clair qui emporte loin, très loin (le mid-tempo « Close To You »). L’un des très gros disques de metalcore de l’année, assurément.

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Rise Of The Northstar – Chapter 04: Red Falcon Super Battle! Neo Paris War!!


L’ère de Shi est terminée. Place à celle du Red Falcon, nouveau totem d’un univers que Rise Of The Northstar redessine dans une lumière plus froide, plus cybernétique. Bienvenue dans Néo-Paris, mégalopole futuriste et suffocante où la survie devient un acte de résistance. Derrière ce décor dystopique, un constat : le monde est devenu une jungle métallique, et il faudra un sauveur pour s’en extirper. Cette tension, cette urgence viscérale, irrigue tout l’album. ROTNS sublime l’art de canaliser la rage. Chaque riff cogne, chaque break respire la maîtrise. Le groupe affine ses armes, toujours au service d’une construction millimétrée. Le morceau-phare, « Neo-Paris », en est la quintessence. Guitares massives, scratches et touches électro s’y mêlent dans un équilibre parfait entre old school et modernité. Les incursions de chant clair, désormais pleinement assumées, ouvrent de nouveaux espaces à la musique du groupe, tandis que la basse gronde, donnant une assise monumentale à l’ensemble.

Au-delà de la technique, Chapter 04 transpire la revanche. Les textes suintent la colère, la vengeance, la frustration accumulée après les mois d’enfermement. Une fureur post-pandémique qui explose ici sans filtre. Ce poids se ressent particulièrement sur « Nemesis », featuring Aaron Matts (ten56.), où le dialogue entre les deux voix devient un combat. Les coups s’enchaînent, les hurlements se répondent, et la voix de Vithia s’élève, de plus en plus acérée, face à la lourdeur abyssale d’Aaron. C’est probablement le moment le plus extrême du disque et l’un des plus réussis. Mais ROTNS ne se résume pas à la violence. Des morceaux comme « Under » ou « Pressure » marquent un tournant : le ton se fait plus introspectif. La voix se pose, parfois en français, révélant une vulnérabilité inédite. Le groupe y explore les recoins sombres de la dépression et du doute. La clôture, « Desolation Hawk », abandonne toute illusion d’optimisme. Un final pesant, où le collectif se dévoile en pleine cohésion. Car c’est sans doute là la plus grande réussite de Chapter 04. Rise Of The Northstar n’a jamais sonné aussi uni, fluide, cohérent. Les nouveaux membres sont totalement intégrés, chacun a trouvé sa place, et l’alchimie est totale. Le tout bénéficie d’un mix et d’un mastering signés Florent Salfati (Landmvrks), qui apportent cette clarté moderne. La rencontre entre Marseille et Néo-Paris, entre deux écoles du metal français, se concrétise jusque dans le clip où Salfati adopte les codes visuels du groupe, preuve d’un véritable crossover artistique. ROTNS signe ici son album le plus abouti, à la fois technique, organique et viscéral.

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Bukowski – Cold Lava


Bukowski verse un nouveau jerrican de fuel dans la machine. Rudement éprouvé par la disparition de Julien Dottel, bassiste et membre fondateur, le groupe a fait le choix de continuer à avancer. L’album éponyme avait été enregistré avant cet événement tragique, et aura aidé les musiciens à faire leur deuil. Cold Lava est pour sa part l’album de la résilience, un septième disque par lequel le groupe se reconnecte à ses racines.

S’il s’est toujours positionné en solide artisan d’un heavy rock’n’roll qui tape du pied, Bukoswki s’était laissé porter au cours des dernières années vers des structures plus alambiquées, voire quelques expérimentations ci et là. Rien qui ne trahisse fondamentalement son ADN initial, mais quelques petites touches qui auront pu rendre sa musique légèrement moins directe. Avec Cold Lava, le groupe revient à l’essentiel, sans superflu ni circonvolutions. Il fonce droit, tête baissée, bouillonnant de feeling et de gimmicks irrésistibles. Parfaitement calibré et agencé, le disque exhale une authenticité rock vibrante et entraînante (le redoutable « Isolation », « Communication in Silence » ou le cri de colère « Criminals »). Les morceaux sont concis et ultra efficaces, dopés par des refrains aussi soignés qu’écorchés. Bukowski renoue certes avec une certaine forme de fougue originelle, tout en profitant de son expérience pour soigner ses contrastes et ambiances. Si Cold Lava regorge de bons morceaux aux tempos expéditifs, le groupe conserve tout son doigté lorsqu’il s’agit de faire redescendre la tension et de s’orienter vers des ballades pétries d’émotions (« Howls », « Cold Lava »). Matthieu Dottel y fait état de toute sa polyvalence, signant avec ce disque une ribambelle de lignes de chant à fleur de peau. Le frontman semble constamment sur la brèche, à quelques pas de sombrer. Il parvient pourtant à insuffler dans son chant un espoir palpable et réconfortant. Cold Lava est un pur disque de rock. Accessible sans être simpliste, il sonne vrai et tape en plein cœur. Aucun doute possible : Bukowski est plus vivant que jamais.

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Destruction Ritual – Providence


Même si Providence est le premier album de Destruction Ritual, ses membres sont loin d’en être à leur coup d’essai. C’est en effet TerrorReign (Necroblood), un certain Arafel, et MkM (Antaeus, Aosoth), avec son camarade Blastum (Antaeus, Merrimack) en renfort à la batterie, que l’on trouve aux manettes de ce groupe franco-américain, dont la première démo sortie en été 2021 augurait le meilleur. Fort de ces débuts solides et maîtrisés, Destruction Ritual continue dans la même lignée avec Providence, qui reprend là où la cassette s’arrêtait, c’est-à-dire dans la bile, le sang, et à deux doigts de la crise d’hystérie.

Car Destruction Ritual a les nerfs à vif : sans fioritures, ses morceaux sont bruts, servis par une production organique qui use avec parcimonie des ficelles habituelles du metal extrême (distorsion, delay, etc.). Au fil de morceaux assez longs, l’intensité et l’atmosphère viennent d’ailleurs. La batterie est vivante et nerveuse, la basse pulse, les guitares s’entrecroisent et étourdissent, expressives tant dans les arpèges menaçants que dans les longs solos habités (« Pride & Corrupted Dreams », « Washed Away Sins »). De tout cela émergent des voix paradoxalement moins humaines que la musique, à commencer par celle, comme toujours gutturale, presque d’outre-tombe, de MkM, mais aussi celles de samples méticuleusement intégrés à partir du lent et malsain « Gone Days Of Splendor ». La continuité avec la démo est établie par la réutilisation de longs passages de l’inoubliable scène de fausse couche/crise de nerfs de Possession d’Andrzej Żuławski, dont l’héroïne a sans doute inspiré la pochette. « J’ai peur de moi car je suis la créatrice de mon propre mal », l’entend-on dire dans le bien nommé « Closure », qui ferme l’album : c’est bien de ça qu’il s’agit avec Providence. Écorchage en règle, anéantissement programmé, ce premier album galvanise un genre pourtant largement arpenté – le black orthodoxe mêlé de death – en préférant les tripes et les respirations aux machines et à la saturation.

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Bent Sea – The Dormant Ruin


Avec son casting de choix aux allures de super groupe – Dirk Verbeuren (Megadeth, Scarve, ex-Soilwork), Sven de Caluwé (Aborted), Shane Embury (Napalm Death, Lock Up) – et sa flopée de splits et d’EP prometteurs, Bent Sea a de quoi attiser la curiosité. Ça tombe bien : une grosse dizaine d’années après sa formation, le combo sort enfin son premier album, The Dormant Ruin. Conçu depuis le départ comme un hommage aux débuts du grindcore par des musiciens expérimentés (après tout, le titre de sa première sortie, Noistalgia, disait déjà tout), Bent Sea propose avec ce nouvel opus un concentré jubilatoire de musique extrême…

Car même si le bon vieux grind de l’époque où il pataugeait encore dans les mêmes eaux boueuses que le death metal a la part belle, ce premier album propose plus que ça. C’est que le passé n’est jamais révolu, à peine assoupi, et que cette ruine n’a rien d’ensommeillé. Elle est même bouillonnante d’énergie, tordue de dissonance, et étoffée de touches ambient voire industrielles lugubres (« Final Corridor »), de ralentissements méphitiques (« My Fall »), de riffing presque black (« Paragon Of Inhumanity ») ou de solos furieux (« Locked In Glitch »). Par définition pas très novateur, The Dormant Ruin a quelque chose de paradoxalement classique et soigné dans son respect du genre, mais aussi une complexité affûtée, jamais ostentatoire, servie par une production organique. La collection de guests prestigieux et passionnés appelés en renfort – Kevin Sharp (Venomous Concept, Brutal Truth), John Cooke (Venomous Concept, Napalm Death), Sylvain Coudret (Soilwork, Scarve) – parachève l’édifice. Malgré la violence de l’assaut, il s’agit avant tout de se faire plaisir, et celui des musiciens impliqués est contagieux au fil de cette succession de morceaux évidemment brefs mais variés et roboratifs – jusqu’au rendormissement en un long titre ambient, presque évanescent, justement intitulé « The Dormant Ruin ». Gageons que cette fois-ci, le sommeil ne durera pas aussi longtemps…

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Moonspell – Opus Diabolicum


Adapter la musique de Moonspell à la sauce orchestrale résonne presque comme une évidence. Le groupe portugais est un pilier indémodable du metal gothique, style originel qu’il a su transcender au fil des années en témoignant d’une créativité aventureuse, et l’approche extrêmement théâtrale de son art s’accorde harmonieusement avec la puissance d’un ensemble symphonique. Comme à leur habitude, les Portugais abordent l’exercice sans jamais sombrer dans la facilité et apportent au travers de cet Opus Diabolicum une vision nouvelle de leur musique.

De nombreux groupes metal se sont risqués à habiller leurs travaux de cordes et de cuivres. La force de Moonspell est probablement de disposer d’un terreau fertile à une collaboration de cette ampleur, le travail conjoint proposé pour ce concert événement évitant avec brio l’écueil de l’ajout anecdotique d’arrière-fond. Moonspell et le Lisbon Sinfonietta Orchestra misent sur une partition symphonique ample et audacieuse. L’orchestre respire littéralement et prend le temps de s’installer le temps d’une introduction longue et sinueuse, qui impose une atmosphère inquiétante inspirée des compositeurs de la Renaissance. Une ambiance qui s’entremêle parfaitement à la noirceur vénéneuse des guitares, épaisses et hypnotiques. Il pourrait, à ce titre, paraître évident de les accompagner majoritairement par la puissance des cuivres, mais le chef Vasco Pearce de Azevedo fait le choix pertinent de laisser s’exprimer la finesse des cordes. Il évite également de multiplier les couches d’arrangements inutiles, respectant les fabuleux contrastes de la musique de Moonspell, et notamment ses passages les plus éthérés (les couplets de « Breathe »). Les décharges épiques gagnent elles en grandiloquence, dynamitées par des superpositions d’harmonies vocales profondes. Moonspell surprend parallèlement en optant pour des morceaux devenus peu courants ces dernières années, projetant notamment le mésestimé album 1755 au premier plan avec quatre extraits. Un superbe témoignage live.

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Chat Pile / Hayden Pedigo – In The Earth Again


Si ce sont avant tout leurs deux albums, les remarqués God’s Country et Cool World, qui les ont fait connaître, les Américains de Chat Pile sont depuis leurs débuts ouverts aux collaborations, comme le montrent leurs splits avec Nerver et Portrayal Of Guilt. C’est avec un autre Texan, le guitariste Hayden Pedigo, qu’ils ont décidé de pousser cette logique encore plus loin. En effet, In The Earth Again n’est pas un split, mais le résultat des efforts conjugués de ces deux projets aux sonorités éloignées, mais partageant un rapport ambivalent avec l’Amérique rurale dont ils sont originaires, et un amour pour ce que la musique a de plus cinématographique. Grands espaces, villes désolées et société en décomposition sont donc au programme de cet album unique, à la fois parenthèse et ouverture pour tous les musiciens impliqués.

Cinématographique, In The Earth l’est résolument. De l’introduction douce et mélancolique « Outside » à l’intense et dépouillé « A Tear for Lucas », l’americana instrumentale d’Hayden Pedigo, avec son finger-picking traditionnel et son approche anticonformiste, se fond remarquablement bien dans les paysages plus chargés peints par Chat Pile. Protéiforme – les chansons oscillent du très Chat Pile (« Never Say Die! », « Fission/Fusion ») au très Pedigo (« I Got My Own Blunt to Smoke »), atteignant ici et là l’équilibre, voire de véritables moments de grâce (« Behold A Pale Horse ») –, cette collaboration donne lieu à des morceaux variés, inventifs et évocateurs, désespérés parfois, amers ou rêveurs, ponctués d’arpèges délicats et de couches de noise, de l’intermède (« Inside ») à la fresque dystopique (« The Matador »). C’est peut-être le single « Radioactive Dreams » qui illustre le mieux ce que ces deux entités se font l’une à l’autre : la guitare de Pedigo devient liminale, crépusculaire, et la rage de Chat Pile se teinte de beaucoup de vulnérabilité et d’une mélancolie très années 1990. Les musiciens de Chat Pile nous avaient confié qu’ils considéraient leur musique comme une forme – glauque, brute, urbaine – d’americana : aux côtés de l’un des représentants les plus rafraîchissants du style, c’est bien ainsi qu’elle apparaît, envers sombre et désabusé d’un rêve américain qui ne dupe plus grand monde.

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Mass Hysteria – Vae Soli : Hellfest MMXXIV


Mass Hysteria est un groupe de scène. S’il a su se construire une discographie culte, le groupe s’est parallèlement taillé une solide réputation de performeurs. En témoigne sa programmation sur l’une des mainstages du Hellfest 2024, événement qui lui aura offert l’occasion de s’exprimer dans toute sa démesure. Vae Soli : Hellfest MMXXIV est certes la septième sortie d’un enregistrement live pour le quintet français. Elle est cependant l’une des plus marquantes.

Mass Hysteria est à son firmament. Une position éphémère, que les musiciens semblent pourtant occuper sans vaciller depuis de nombreuses années. Mass Hysteria a traversé des périodes de doutes, de recherche artistique, connu des remaniements d’effectifs. Il reste « tenace », d’une résilience rare, et constant dans sa positivité. Ce nouvel enregistrement étale jusqu’à plus soif toute la puissance d’une musique compacte, redoutablement efficace et ponctuée de refrains fédérateurs. Mass Hysteria est d’une générosité débordante lorsqu’il s’agit de la scène. Un sens du partage authentique, palpable et sans filtre. Le quintet ne triche pas et livre avec ce disque une retranscription d’une absolue fidélité. Le chanteur Mouss Kelai n’est pas toujours parfaitement juste voire occasionnellement légèrement essoufflé – le refrain de « Positif À Bloc ». Le label aurait pu également couper quelques interventions entre les morceaux. Mais Mass Hysteria privilégie l’authenticité d’un enregistrement vrai, vibrant et vivant. Les musiciens déroulent leurs morceaux sans pilotage automatique, épaulés par un son extrêmement massif qui transporte sans difficulté dans la folie épique du moment. On aurait aimé retrouver cette générosité à travers une tracklist XXL. Mass Hysteria se concentre sans surprise sur son répertoire récent, faute de bénéficier d’un temps de jeu illimité. Qu’importe les classiques absents (pas de « Furia », un choix étonnant), Vae Soli : Hellfest MMXXIV est un instantané précieux qui marque l’un des jalons essentiels d’une carrière remarquable.

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  • Arch Enemy + Eluveitie + Amorphis @ Paris
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