Il y a presque quelque chose d’irréel dans le fait de revoir l’iconique logo Vandenberg apposé sur un nouvel album studio en 2020. Il faut dire que la dernière fois où c’est arrivé, c’était en 1983, sur l’album Heading For A Storm – le troisième album, Alibi, qui sonnait le glas du groupe, l’avait déjà abandonné. Mais revoir ce logo en gros, stylisé en metal brillant mais légèrement usé, c’est forcément un signal fort, le gage de retrouver un Vandenberg à la fois marqué par les années d’expérience et respectueux de ses racines.
Il faut dire qu’Adrian Vandenberg ne voulait pas faire les choses à moitié. Certes, le groupe n’a plus rien à voir avec celui qui comprenait en son sein le chanteur Bert Heerink, mais le guitariste, comme il a pu le prouver tout au long de sa carrière, sait s’entourer. C’est du côté du Chilien Ronnie Romero qu’il s’est notamment tourné. Un chanteur élevé à l’école des Ronnie James Dio ou David Coverdale, prisé par les grands guitaristes de rock comme Ritchie Blackmore qui l’a embarqué pour sa reformation de Rainbow, une voix idéale pour donner corps à la vision plus intense et hard qu’Adrian avait pour Vandenberg en 2020.
Dans l’entretien qui suit, le guitariste nous narre en détail les tenants et aboutissants de ce retour près de trente-cinq ans après la fin du Vandenberg originel, justifiant la direction musicale entreprise, donnant les clés pour comprendre qui est Adrian Vandenberg en 2020 et faisant quelques détours sur son passé et celui de son groupe emblématique.
« Je ne voulais pas donner l’impression que c’était une décision nostalgique. Pour moi, ça n’allait être possible que si je parvenais à trouver un chanteur incroyable capable d’impressionner tout le monde et de monter un line-up incroyable. »
Radio Metal : Six ans après avoir lancé ton groupe Vandenberg’s Moonkings, tu as finalement décidé de faire revenir ton groupe emblématique Vandenberg. Pourquoi ne l’avoir jamais fait en trente ans et pourquoi le faire maintenant ?
Andrian Vandenberg (guitare) : Tout d’abord, quand j’ai commencé Moonkings, je n’avais pas envie de prendre la voie de la facilité. J’aime à chaque fois faire des choses inattendues, ce qui explique aussi pourquoi je l’ai fait avec des musiciens totalement inconnus au lieu de prendre des musiciens célèbres. Il y a deux raisons qui expliquent pourquoi je fais ça maintenant. La plus importante est que le chanteur de Moonkings, Jan Hoving, possède une énorme entreprise agricole. Il l’a depuis le début mais je ne savais pas à l’époque comment ça allait évoluer et lui non plus. Au cours des cinq dernières années, son entreprise a considérablement grossi, donc c’est devenu un problème car il ne pouvait plus s’en éloigner plus d’un jour ou deux pour aller faire des concerts dans d’autres pays. C’est devenu frustrant pour moi parce que ça fait depuis 1982 que je joue partout dans le monde. Comme tu dois le savoir, la Hollande est un tout petit pays, donc quand tu as joué dans quatorze clubs en Hollande et quelques festivals en un an, tu as un peu tout fait. C’était donc une raison importante et l’autre raison était que je voulais faire une musique plus dure et plus rapide. Tu peux probablement te rendre compte qu’une chanson telle que « Tightrope » sur le second album de Moonkings aurait pu apparaître dans une version plus heavy sur cet album de Vandenberg.
Quand j’ai expliqué à mon management que je voulais faire quelques chansons pour les raisons que je viens de mentionner, ils ont suggéré que je change le nom du groupe en Vandenberg. Mais je ne voulais pas donner l’impression que c’était une décision nostalgique. Pour moi, ça n’allait être possible que si je parvenais à trouver un chanteur incroyable capable d’impressionner tout le monde et de monter un line-up incroyable. Dans ce cas, ce serait un groupe dynamique, nouveau, frais, qui déchire avec un nom possédant un héritage, avec lequel je suivrais la direction des chansons les plus hard de Vandenberg, comme « Waiting For The Night » et « Wait ». Dans ce cas, ça avait du sens et c’est ce que j’ai fini par faire. Quand j’ai commencé Moonkings, j’ai voulu que ce soit un groupe de heavy blues rock, or là c’est assez différent des trois albums de Moonkings. C’était plus logique de trouver un autre nom et de laisser Moonkings tel quel. Dans environ deux ans, il est possible que nous voulions faire cinq ou six concerts de Moonkings en Hollande. Jan, le chanteur, a envie de continuer à chanter, mais il ne peut pas trop en faire à cause de son exploitation agricole.
Vandenberg s’est séparé en 1987, deux ans après la sortie de votre troisième album Alibi. Peux-tu nous raconter ce qui a mené à la séparation de ce groupe à l’origine ?
D’abord, il a fallu que je vire le chanteur de Vandenberg. Ça ne me plaisait pas de le faire, mais il était devenu de moins en moins fiable. Il débarquait totalement ivre et a commencé à très mal chanter sur quelques concerts au Japon et en Hollande. Je n’ai pas envie de trop entrer dans les détails, mais une raison importante était aussi qu’il s’est rendu coupable de violences conjugales à l’encontre de sa femme à l’époque. Peu importe si tu chantes comme Pavarotti, la vie est trop courte pour passer du temps avec des gens qui font ce genre de chose. C’était probablement la raison la plus importante. Nous aurions pu essayer de contourner le fait qu’il était ivre et faisait de mauvais concerts, même si c’était très difficile. Les fans paient pour te voir et j’ai toujours pris ça très au sérieux, il faut donner le meilleur de nous-mêmes, pour le public et aussi pour soi. C’est très embarrassant d’être sur scène et de travailler dur sur son jeu, les chansons et tout, et d’avoir un chanteur qui fait des trucs stupides et se fait des ennemis à cause de son comportement.
J’ai essayé différents chanteurs pendant quelques semaines, mais entre-temps, j’ai reçu un appel de John Kalodner, le manageur A&R de Geffen Records aux Etats-Unis. Il avait entendu que nous étions sortis de notre contrat avec Atlantic Records et voulait me proposer un nouveau contrat pour Vandenberg. Il m’a envoyé un billet d’avion et m’a demandé de venir à Los Angeles pour en parler. J’ai pris l’avion pour Los Angeles et en réalité, il avait deux offres pour moi. La première consistait à former un nouveau line-up, car il ne pensait pas que les autres membres de Vandenberg étaient suffisamment bons et il voulait que certains des meilleurs musiciens de Los Angeles rejoignent le groupe. La seconde idée était que je rejoigne Whitesnake. Comme tu le sais peut-être, David [Coverdale] m’avait déjà demandé plusieurs fois auparavant. Je lui ai dit que j’allais y réfléchir. Entre-temps, pendant que j’étais à Los Angeles, Kalodner et David m’ont demandé de créer un nouvel arrangement pour « Here I Go Again » parce qu’ils trouvaient que la manière dont John Sykes jouait était trop metal, pour ainsi dire, ils voulaient que ce soit plus accessible, dans le style de Vandenberg, en gros. J’ai donc fait ça et je suis rentré chez moi. Pendant que j’étais dans l’avion du retour, j’ai réalisé que j’avais eu une excellente discussion avec David et je me suis dit que si Geffen voulait monter un nouveau line-up pour Vandenberg, nous n’allions jamais réussir à trouver un chanteur aussi bon que Coverdale, donc autant que je rejoigne David. Et c’est tout, j’ai mis fin à Vandenberg.
« C’est le genre de musique que j’écris et que je joue constamment parce que j’en suis fan. Je ne suis pas un de ces musiciens provenant de la même école de rock que moi et qu’on voit parfois s’essayer à un nouveau style de metal. Ça ne paraît jamais très authentique. »
Aucun des membres originaux de Vandenberg ne prend part à cette nouvelle incarnation. As-tu essayé de les contacter ?
Non, parce que jamais plus je ne jouerai avec ces gars. Il y a environ six ans, ils ont intenté une action en justice contre moi parce qu’ils voulaient être propriétaires de mon nom, Vandenberg. C’était très étrange, comme si des membres de Bon Jovi, Van Halen ou Santana essayaient de réclamer ces noms. C’est mon nom de famille. Cette action en justice a duré quatre ans et il y a eu six procès car ils n’ont cessé d’essayer, encore et encore. Tu peux imaginer comment était l’atmosphère entre ces membres et moi. Voilà pourquoi je ne veux jamais plus voir ces gars, car c’était la chose la plus irréelle et stupide que j’ai jamais vécue de ma vie. Je ne ferai jamais plus rien avec ces gars, comme tu peux le comprendre… Aussi, comme je l’ai dit plus tôt, pour moi, ça n’avait de sens de raviver le nom Vandenberg que si j’avais un line-up et un chanteur extraordinaires. Quand je suis entré en contact avec Ronnie, c’était parfait, car c’est un chanteur extraordinaire, son style épate tout le monde et il colle parfaitement au style de musique que je voulais refaire. Donc je suis très content !
Justement, comment es-tu entré en contact avec Ronnie, mais aussi le bassiste Randy Van Der Elsen et le batteur Koen Herfst pour monter ce nouveau line-up ?
Il y a environ cinq ou six ans, j’ai lu quelque part que Ritchie Blackmore allait faire quelques concerts de Rainbow. Je suis un énorme fan de Ronnie Dio et Ronnie est décédé… Je savais que Ritchie Blackmore ne s’entendait pas très bien avec Joe Lynn Turner, donc j’étais curieux de savoir qui allait chanter. J’ai commencé à chercher sur YouTube et j’ai vu que Ronnie faisait un boulot extraordinaire, il m’a vraiment impressionné. Je me suis demandé d’où pouvait bien sortir ce chanteur ! Je l’ai cherché sur Facebook et je lui ai envoyé un petit message pour le féliciter et lui souhaiter beaucoup de succès dans ce business. Il m’a tout de suite répondu en disant : « Merci beaucoup. J’espère qu’on aura l’occasion de se voir quelque part un jour car je suis un grand fan de ton travail. » Quand j’ai commencé à réfléchir à cette idée de monter un nouveau line-up pour Vandenberg, je n’arrivais pas à songer à un autre chanteur que Ronnie parce que, comme je l’ai dit, je ne voulais pas que Vandenberg soit un trip nostalgique. J’en ai parlé à Ronnie et il a répondu avec beaucoup d’enthousiasme. J’ai pris l’avion pour Madrid, là où il habitait, et nous avons discuté, fait des plans, ensuite je suis rentré chez moi et j’ai commencé à composer les chansons. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous étions en studio à Los Angeles, donc c’est allé très vite.
J’étais très content d’avoir trouvé notre batteur Koen, car Ronnie vivait en Espagne et je préférais que les autres gars vivent en Hollande pour que ce soit moins compliqué lorsque nous commencerions à tourner et repérer. A un moment donné, j’ai réalisé qu’il existait un magazine pour les batteurs en Hollande, comme dans chaque pays, et ils faisaient un classement annuel des dix meilleurs batteurs. Quand j’ai regardé ce classement, il s’avérait que Koen avait été élu meilleur batteur de rock en Hollande pour la septième fois d’affilée, donc je me suis dit qu’il devait être très bon. Je l’ai cherché sur YouTube et il m’a impressionné. Je l’ai contacté et il a réagi avec beaucoup d’enthousiasme. Il a dit que ça faisait des années qu’il attendait une offre comme celle-là. Comme tu le sais, il n’y a pas beaucoup de groupes de rock hollandais voire pas du tout, en dehors de Within Temptation, mais c’est différent parce que ce ne sont que des programmations [petits rires]. Voilà comment j’ai trouvé Koen, et Randy c’était un tuyau d’un bassiste hollandais très connu qui enseigne la basse rock dans une école de musique en Hollande. Il m’a dit qu’il avait le mec parfait pour moi et m’a donné le nom de Randy. Je l’ai cherché sur internet et j’ai vu que ses groupes préférés étaient Rainbow, Deep Purple et Led Zeppelin. Il n’a que vingt-sept ans, donc c’est assez inhabituel pour un gars de sa génération. Ça avait donc du sens. Nous nous sommes rencontrés, c’était un mec vraiment super et un merveilleux bassiste. Quand nous avons enregistré cet album, ça sonnait comme si nous étions ensemble depuis dix ans, car c’est très en place et ça fonctionne super bien.
En janvier, lorsque tu as révélé le retour du groupe avec un enregistrement de la chanson « Burning Heart », c’était mentionné : « Adrian Vandenberg (guitare), Ronnie Romero (chant), Brian Tichy (batterie) et Rudy Sarzo (basse) ont enregistré neuf nouvelles chansons. » Et effectivement, Brian et Rudy apparaissent sur quelques chansons, mais est-ce que ça veut dire qu’ils étaient censés être la section rythmique du groupe au départ ?
Non, c’est vraiment parce que Rudy et Brian sont de bons amis à moi et je n’avais pas le line-up complet, en dehors de Ronnie, deux semaines avant notre supposée entrée en studio. J’ai donc appelé Rudy et Brian pour leur demander s’ils aimeraient jouer sur l’album, car je reformais mon groupe. Ils ont accepté mais ensuite, quand j’ai assemblé le line-up avant d’aller à Los Angeles, je me suis dit que ce ne serait pas juste pour les nouveaux membres s’ils ne pouvaient pas jouer sur l’album, car nous sommes un groupe, pas des musiciens de session. J’ai recontacté Brian et Rudy, je leur ai expliqué que nous avions un line-up complet et je leur ai demandé s’ils aimeraient apparaître comme invités sur l’album et ne jouer que deux ou trois chansons. Ils ont été d’accord parce qu’ils sont tous les deux dans des groupes et ont beaucoup d’expérience, donc ils savent que ça n’aurait pas été super pour les nouveaux membres du groupe de ne pas pouvoir jouer sur l’album parce que d’autres gens jouent déjà dessus. Voilà comment ça s’est passé, tout le monde était content. Au final, les membres du groupe, Koen Herfst et Randy Van Der Elsen, ont joué sur quatre-vingt-dix pour cent de l’album et Rudy et Brian ont joué sur deux morceaux.
« C’est une chose importante que j’ai apprise avec Whitesnake, comment traduire les émotions de manière que les fans et le public ressentent ce que tu ressens quand tu joues. »
Ronnie est en train de devenir un chanteur très demandé, on dirait que tous les grands guitaristes de hard rock se l’arrachent : Ritchie Blackmore, Leo Leoni, Michael Schenker et maintenant toi…
Quand je me suis rendu à Madrid pour la première fois pour lui parler, je lui ai dit qu’il y avait un problème : je voulais vraiment que ce soit un groupe et pas juste deux ou trois musiciens de sessions. Je lui ai demandé si, selon lui, il aurait suffisamment de temps malgré tout ce qu’il fait. Ronnie m’a expliqué qu’il était obligé de faire tous ces trucs pour vivre en tant que musicien. Tu le sais probablement, surtout en Amérique, la plupart des musiciens sont dans deux ou trois groupes pour pouvoir survivre. Ronnie a quitté CoreLeoni, Ritchie Blackmore ne veut faire que deux ou trois concerts tous les deux ans et Ronnie a été approché pour être l’un des quatre chanteurs du Micheal Schenker Fest. Deux des chanteurs ont été hospitalisés il y a quelques mois. On a diagnostiqué quelque chose à Robin McAuley mais il est de retour maintenant et Graham Bonnet a eu aussi un problème, donc il a dû aller à l’hôpital. Ils ont demandé à Ronnie s’il pouvait les remplacer et il l’a fait. Il fait deux ou trois chansons avec Schenker, mais ça ne sera pas permanent. Vandenberg, en revanche, sera un truc permanent, donc ce n’est pas un problème pour l’instant.
Qu’est-ce qui fait que Ronnie soit un chanteur si convoité par les guitaristes, selon toi ? Penses-tu qu’il soit du même calibre que David Coverdale et Ronnie James Dio ?
Oui, je le crois vraiment, parce que Ronnie James Dio, David Coverdale, Robert Plant et tous ces grands chanteurs sont devenus célèbres il y a très longtemps. Si tu regardes les trente dernières années, il n’y a pas eu beaucoup de nouveaux grands chanteurs de rock. Il y en a plein qui sont très bons… Par exemple, j’aime Danny [Bowes], le chanteur de Thunder, et Chris Robinson, le chanteur des Black Crowes. J’ai toujours préféré les chanteurs qui ont du blues en eux, comme Paul Rodgers qui a toujours été mon chanteur préféré. Bien sûr, dans d’autres styles de musique, il y a de grands chanteurs, comme Bruce Dickinson. Mais mes préférés ont toujours été ceux qui avaient un côté soul et blues. C’est pourquoi les chanteurs comme Ronnie et Danny de Thunder sont toujours parmi mes préférés. Pour moi, Ronnie est un de ces rares fantastiques chanteurs de rock à avoir émergé au cours des vingt ou trente dernières années.
Ce qui est intéressant, c’est que finalement, Ronnie et toi avez tous les deux un certain lien avec Deep Purple. Tu as travaillé avec David Coverdale et il a travaillé avec Ritchie Blackmore. Penses-tu que ça crée un lien d’autant plus fort entre vous deux ?
Oui ! C’est l’une des toutes premières choses que j’ai dites à Ronnie et lui m’a dit la même chose. Nous avons réalisé que nous avons une très bonne raison de mettre des chansons de Rainbow et Whitesnake dans notre setlist quand nous faisons des concerts. Car nous sommes tous les deux liés à ces groupes. Il se peut même que nous fassions des chansons de Deep Purple, qui sait ? C’est un arbre généalogique. C’est vraiment super que nous nous soyons trouvés. J’ai fait quelques interviews au cours desquelles le journaliste m’a dit que nous étions faits pour jouer ensemble et c’est aussi ce que je ressens.
A l’époque de la sortie du tout premier album de Vandenberg’s Moonkings, pour expliquer pourquoi tu avais appelé ce groupe Moonkings plutôt que Vandenberg, tu nous a dit que tu ne voulais pas vivre dans le passé. Aujourd’hui, tu es de retour en tant que Vandenberg mais le nouvel album s’intitule 2020, indiquant ce que tu disais déjà un peu tout à l’heure, c’est-à-dire que tu veux ancrer le groupe dans le présent. Du coup, qu’est-ce que Vandenberg en 2020 ?
Quand mon management a suggéré de réutiliser le nom Vandenbeg au lieu de trouver un nouveau nom, j’ai d’abord pensé qu’il y avait une histoire chargée derrière ce nom. Mais comme je ne voulais le faire qu’à condition de trouver un chanteur et un line-up incroyables, ma manière de voir le groupe et ce que je veux maintenant, c’est que ce soit un groupe vraiment hard, qui sonne comme un groupe moderne avec des racines classic rock. Les chansons auraient pu être sur un album de Whitesnake ou de Vandenberg car ce sont mes racines. J’ai grandi avec des groupes comme Cream, Free et plus tard Hendrix. Dans les années 80, j’écoutais des groupes comme AC/DC, Van Halen, Aerosmith et tous les groupes de hard rock que j’ai toujours adorés. C’est le genre de musique que j’écris et que je joue constamment parce que j’en suis fan. Je ne suis pas un de ces musiciens provenant de la même école de rock que moi et qu’on voit parfois s’essayer à un nouveau style de metal. Ça ne paraît jamais très authentique. Si tu as vingt-trois ans aujourd’hui et tu joues du metal moderne, il y aura forcément un autre feeling que si tu viens de ma génération de musiciens de rock et tu essayes de faire un nouveau style de metal. J’ai toujours voulu rester fidèle à mes racines, mais à la fois, je voulais sonner frais et dynamique, comme le rock actuel. Je trouve que nous avons vraiment réussi avec cet album à établir un pont entre un son frais et moderne et les racines du hard rock dans les années 70 et 80.
« Je pense être un mec très critique, je critique tout ce que je fais parce que j’essaye toujours d’enregistrer mes albums comme si c’était le dernier et le dernier souvenir qui resterait de mon art. »
Le dernier album que tu aies fait était Rugged And Unplugged avec Vandenberg’s Moonkings. Penses-tu que tu sois sorti de cette expérience acoustique en ayant encore plus faim de riffing électrique bien hard et que 2020 en ait bénéficié ?
C’est un point de vue intéressant. Je n’y ai jamais pensé de cette manière, mais il se pourrait bien ! Je sais qu’entre le premier et le second album de Moonkings, il y a eu une longue pause involontaire parce que j’avais contracté la maladie de Lyme pendant un certain temps, donc ça a tout retardé et j’ai été très frustré. Après le second album de Moonkings, j’ai pensé qu’il fallait que nous nous assurions de pouvoir sortir quelque chose beaucoup plus rapidement, mais Jan traversait une période très difficile avec son exploitation agricole à cause de l’absence de pluie cette saison-là. J’ai donc décidé de sortir ce disque acoustique. Tu as peut-être raison, peut-être que ça m’a donné encore plus envie d’y aller plus fort, d’être plus bruyant et plus heavy. J’ai aussi commencé à réaliser que Moonkings était beaucoup plus heavy en concert que sur album. Je me suis donc probablement naturellement orienté vers des trucs plus heavy. Quand j’entends certains morceaux live de Moonkings sur YouTube, je me dis que nous étions beaucoup plus heavy que sur album. Je pense que c’est une progression naturelle, tu as peut-être raison, peut-être que j’ai inconsciemment pensé : « L’album acoustique, c’est fait, maintenant mettons le turbo pour la phase suivante ! »
Comme c’était très important pour toi d’avoir un grand chanteur pour Vandenberg, à quel point la voix de Ronnie a-t-elle influencé ta composition et ton approche de la musique pour cet album ?
Ça a beaucoup influencé parce que quand je suis revenu de mon premier séjour à Madrid où vivait Ronnie, j’ai commencé à composer des chansons en ayant la voix de Ronnie en tête. Je compose toujours mes chansons en ayant la voix du chanteur en tête, exactement comme je l’ai fait avec Moonkings. Jan est un chanteur un petit peu plus bluesy et sa voix est un petit peu plus bluesy, alors que Ronnie a son propre style mais on peut entendre ses influences. Les influences principales de Ronnie sont des gars comme Ronnie James Dio, David Coverdale et Steve Perry. Il se situe entre ces trois-là, mais après quatre mots on peut quand même entendre que c’est Ronnie. Il a vraiment son propre timbre de voix, ce qui est super. On dirait qu’il chante sans limites, que ce soit dans les aigus ou dans les graves, ça sonne toujours super bien. Je n’avais pas l’impression d’avoir de contrainte quand j’ai commencé à composer et c’était génial parce que j’avais une grande liberté. J’ai écrit les chansons dans le style que j’avais en tête, des trucs un peu plus hard et rapides, en les imaginant avec la voix de Ronnie. J’étais très content du résultat.
Dès la première chanson et le premier single, « Shadows Of The Night », on entend un riff qui est vraiment dans la veine de Ritchie Blackmore, et on retrouve l’influence de Rainbow et Deep Purple sur plusieurs autres chansons. A quel point l’expérience de Ronnie aux côtés de Ritchie a été une inspiration pour cet album ? Ou alors est-ce que ça vient directement de ton amour pour Ritchie Blackmore ?
Un peu des deux. J’ai toujours été un énorme fan de Rainbow et de Deep Purple. Si tu écoutes les riffs dans le tout premier album de Vandenberg, des chansons telles que « Ready For You » ou « Out In The Streets » reposent sur des riffs inspirés par Ritchie Blackmore aussi. Pour moi, c’est très naturel. De même, avec cet album, je trouvais que ça avait vraiment du sens de laisser mon inspiration venir sans vraiment trop y réfléchir. Quand j’ai commencé à écrire, j’étais très curieux de voir où ça me mènerait par rapport à tout ce que Ronnie et moi avions fait jusqu’à présent, sans penser à quoi que ce soit d’autre. Je m’attendais, sans non plus trop réfléchir, à ce que ça finisse quelque part entre les trucs plus hard de Vandenberg et mes influences acquises lors de mes treize années à jouer avec Whitesnake, le tout évidemment avec le style vocal de Ronnie – qui est la raison pour laquelle Ritchie l’a voulu pour Rainbow.
Une chanson comme « Let It Rain » est probablement plus du Vandenberg actuel qu’elle n’est dans la veine de Rainbow ou Whitesnake. D’un autre côté, la chanson que tu as mentionnée et quelques autres possèdent plus d’influences de Rainbow, Deep Purple et Whitesnake que le reste. Au final, ça a du sens parce qu’en tant que compositeur, on est comme un cuisinier qui utilise les ingrédients à sa disposition pour réaliser une tarte ou un plat dans un restaurant. Il a certains ingrédients qu’on aura toujours à l’esprit quand on compose. Quand on est un compositeur classique, on ne peut ignorer des gars comme Bach, Mozart et Chopin, ils auront toujours une influence sur notre composition, d’une manière ou d’une autre. C’est la même chose pour moi et mes influences principales qui sont quelque part entre Deep Purple, Led Zeppelin, Rainbow, Free et Jimi Hendrix. Ceux-ci sont les grands groupes que j’écoute depuis que leurs albums sont sortis. Ils auront toujours une grande influence sur ma composition.
« [L]a technique [de Bert Heerink] était très bonne, par contre, il ne savait pas de quoi parlaient les textes car il comprenait mal l’anglais. Donc il chantait les chansons très bien mais personnellement, je préfère la profondeur émotionnelle que Ronnie apporte. »
« Hell And High Water” semble même aller encore plus loin : son riffing et les lignes de chant rappellent beaucoup la chanson « Stargazer » de Rainbow. Pourrait-on aller jusqu’à la considérer comme un hommage ?
Je suppose qu’on peut le voir ainsi, parce que j’ai toujours été très transparent quant aux groupes et aux artistes qui m’ont influencé. Quand je commence à composer, surtout ces quinze dernières années, je me sens libre d’ouvrir toutes les fenêtres et portes de mon esprit pour me laisser m’inspirer par des choses que j’aime beaucoup. Si tu écoutes la chanson « The Fire », en l’occurrence, sur le second album de Moonkings, c’est vraiment dans cette veine aussi, mais évidemment, vu que Ronnie Romero et Ronnie James Dio ont un timbre similaire, « Hell And High Water » se rapproche encore plus de Rainbow que « The Fire » ou « Tightrope », même si ces chansons n’en sont pas très loin non plus. Je trouve que c’est un point de vue intéressant parce que j’ai toujours adoré rendre hommage aux artistes que j’admire beaucoup. En l’occurrence, sur l’album de Manic Eden sorti en 1994 et que j’ai enregistré avec Rudy Sarzo, Tommy Aldridge et Ron Young, il y avait une ballade intitulée « Do Angels Die ». C’était mon hommage personnel à Jimi Hendrix parce que l’intro a un côté à la « Little Wing » vraiment évident. J’adore ça. Si tu repenses à l’album 1987 [de Whtiesnake], plein de gens ont comparé « Still Of The Night » à Led Zeppelin parce qu’il y a des similarités dans l’approche. C’est la même chose que pour « Hell And High Water ». Je suis fier que les gens comparent cette chanson à Rainbow parce que je préfère qu’ils la comparent à Rainbow qu’à Barbra Streisand ou Justin Bieber [rires].
Quelle empreinte est-ce que Ritchie Blackmore a laissée sur ton éducation en tant que guitariste ?
J’avais environ quinze ans quand nous avons commencé un groupe avec mes trois meilleurs amis. Nous essayions de jouer des chansons de l’album Deep Purple In Rock – qui était énorme à l’époque –, comme « Black Night, par exemple. Je n’ai jamais eu la patience de déchiffrer les solos d’autres guitaristes parce que j’étais posé à côté de mon tourne-disque pendant cinq minutes à faire avancer et reculer le saphir, en me disant : « Oh bon sang, c’est tellement chiant ! » En gros, j’essayais de jouer en gardant le même type d’atmosphère, que ce soit celle de Jimi Hendrix, de Ritchie Blackmore ou de Johnny Winter et tous les gars que j’aimais beaucoup. Il y a toujours eu une influence de Ritchie Blackmore dans mon riffing, surtout si tu écoutes des chansons comme « Too Late » ou « Out In The Streets » sur le premier album de Vandenberg, où tu joues deux notes à la fois dans un riff au lieu d’une seule note comme un riff de Led Zeppelin. J’ai toujours été inspiré par les riffs de Hendrix, Blackmore, Jimmy Page et Clapton de l’époque Cream. Les influences qu’on acquiert des musiciens qu’on admire vraiment, c’est ça qui construit notre identité. Ça a toujours été comme ça, y compris chez les compositeurs de classique et de jazz.
Tu as ressorti le logo classique de Vandenberg mais tu l’as volontairement rendu légèrement usé pour symboliser les trois décennies qui se sont écoulées. Comment, selon toi, as-tu vieilli en tant que musicien au fil de toutes ces années ?
C’est une bonne question. Je me sens vraiment privilégié de pouvoir encore faire ce que j’aime le plus, parce que quand j’avais dix-huit ou dix-neuf ans, je ne m’imaginais pas pouvoir vivre du genre de rock que j’aime jouer. Quand mon père a dit que je devais choisir le domaine d’études qui à mon avis me permettrait de gagner ma vie, pour moi ça avait du sens d’aller en école d’art et non au Conservatoire de musique, parce que je savais que je ne voudrais jamais être un musicien classique, même si j’adore la musique classique. Je pensais que je préférais être professeur d’art que de devoir faire des concessions sur le genre de musique que je voulais faire. Je ne voulais pas être un musicien pop commercial et essayer de gagner ma vie avec ça, surtout pas en Hollande. De façon réaliste, j’ai toujours voulu jouer le hard rock que j’aimais, même si ce n’était qu’en tant que hobby. C’est le choix que j’ai fait à l’époque et je me sens vraiment privilégié et chanceux de pouvoir encore le faire. Je n’aurais jamais pu m’attendre à faire encore ce type de musique et être heureux, à allumer mes amplis Marshall, à jouer sur ma Les Paul et à créer l’excitation dans une salle de concert avec ma musique.
Pour revenir à ta question – je me suis un peu égaré [petits rires] –, toutes ces années où j’ai pu jouer ce type de musique, surtout mes treize ans avec Whitesnake, m’ont vraiment appris comment traduire les idées que j’ai dans ma tête en tant que guitariste et compositeur, car on veut faire passer une certaine émotion. C’est une chose importante que j’ai apprise avec Whitesnake, comment traduire les émotions de manière que les fans et le public ressentent ce que tu ressens quand tu joues. En tant que guitariste, je pense être maintenant revenu davantage à l’essence de mon style qu’avec Moonkings. Autant je suis très fier de Moonkings, autant j’ai commencé à réaliser que je me limitais un peu plus sur les albums qu’en live, car comme je le disais plus tôt, Moonkings était vraiment plus heavy en live que sur album, rien que par l’excitation qu’on ressent sur scène en allumant l’amplificateur. Je pense que c’est aussi lié au fait qu’entre Whitesnake et Moonkings, il y a eu douze années pendant lesquelles je n’ai pas fait beaucoup de musique, je me suis concentré sur ma peinture, l’écriture et aussi la guitare gipsy que j’ai toujours beaucoup aimée et je voulais apprendre un peu plus. Quand j’ai repris la musique avec Moonkings, j’ai voulu commencer plus modestement et revenir à mes racines blues rock pour voir où ça irait.
« Mon but est toujours que le solo fasse partie de l’histoire plutôt qu’être une plateforme pour montrer à tout le monde ce dont je suis capable techniquement. »
Quand j’ai commencé à penser à cette nouvelle approche avec Vandenberg, j’ai réalisé que j’avais fait une transition similaire quand j’avais mon vieux groupe Teaser à la fin des années 70, qui était très blues rock, dans la veine de Bad Company et Free, et ensuite j’ai voulu ouvrir mes horizons avec Vandenberg. J’opère une transition semblable aujourd’hui en passant de Moonkings à cet album de Vandenberg. Ça me paraît naturel, car en repensant à l’ensemble de ma carrière, il y a toujours eu une route principale, et parfois je prenais quelques voies secondaires à gauche, et quelques années plus tard j’allais un petit peu plus à droite. Au final, on revient toujours sur la route principale. Sur chaque album que je fais, il y aura toujours des similarités entre le blues rock et le classic rock qu’on retrouve sur cet album de Vandenberg.
Même si le line-up de ce Vandenberg est complètement différent et que trente-cinq ans se sont écoulés depuis Alibi, parviens-tu quand même à connecter ce nouvel album aux trois premiers ?
Je trouve que c’est une progression logique, parce que ce n’est pas trop difficile de lier ces chansons aux chansons plus hard de Vandenberg comme « This Is War », « Fighting Against The World » ou « Waiting For The Night ». Au Japon, certaines de ces chansons ont même été reprises par des groupes de metal vraiment heavy. « Waiting For The Night » a été repris par un groupe de metal japonais, c’est du metal très heavy, fort et moderne. La connexion est donc clairement là et pour moi, ça a aussi du sens parce qu’après trente-cinq ans, ayant acquis beaucoup d’expérience avec mes treize ans dans Whitesnake, à jouer dans des stades, à écrire des chansons avec David, ça aurait été étrange si j’étais totalement revenu au côté relativement plus léger de Vandenberg. A cette époque, ce genre de rock était considéré comme étant assez heavy. Si tu écoutes des groupes considérés comme étant heavy au début des années 80, comme Scorpions, UFO, Michael Schenjer, Van Halen ou même Whitesnake, ça sonne assez léger comparé à ce que les groupes font aujourd’hui, donc ça a vraiment du sens.
Si j’avais voulu à l’époque suivre la direction des chansons les plus heavy de Vandenberg, je suppose que ça aurait sonné comme cet album. Evidemment, la manière dont Ronnie chante fait une grande différence, parce que le chanteur originel de Vandenberg, Bert Heerink, était un chanteur de rock plus passe-partout, plus dans la veine de gars comme Steve Perry ou Klaus Meine. Mais même à cette époque, si tu écoutes les vieux albums de Dio, par exemple, c’était l’intensité de la prestation de Ronnie James Dio qui faisait que ça sonnait heavy, ce n’était pas vraiment la production de l’album. La production et les sons de guitares étaient assez légers, comme tout le monde en ce temps.
Les années 80 sont une décennie qui donnait vraiment une couleur aux productions musicales, et les trois albums que tu as sortis à l’époque ont clairement cette étiquette « années 80 ». Le travail de production sur un tel album est-il très différent en 2020 par rapport au milieu des années 80 ?
Je ne pense pas que ce soit très différent. D’un côté, ça a beaucoup à voir avec l’attitude avec laquelle tu joues. Par exemple, Led Zeppelin sonnait heavy à cause de l’attitude de John Bonham lorsqu’il jouait et son énorme son de batterie. A la fois, on peut aussi entendre des albums des années 80 qui ont un gros son de batterie, mais le groupe sonne léger. En l’occurrence, le groupe Poison était considéré comme un groupe de rock, mais pour moi c’est de la pop légère, c’est presque de la pop à la Justin Bieber Ou David Cassidy, même si la batterie est relativement lourde parce que Bob Rock l’a produite. Je pense que c’est toujours une combinaison entre le jeu des musiciens et la manière dont on parvient à faire sonner la musique. Evidemment, sur cet album j’ai opté pour un son de guitare plus heavy que dans le temps. Les seuls qui avaient vraiment un son de guitare heavy à l’époque, en termes d’intensité, étaient probablement Eddie Van Halen et les gars d’AC/DC. Ils jouaient avec une telle intensité que ça donne l’impression d’être heavy.
C’est l’une des choses que j’ai apprises au fil des années : comment obtenir cette intensité sur un album, si c’est l’impression que tu cherches à donner. La manière dont Ronnie chante est très intense comme tu peux l’entendre, à l’instar de l’intensité qu’avaient des gars tels que Dio et Coverdale. C’est intéressant parce qu’avec tes questions, ça me pousse à réfléchir tout haut à la manière dont on percevait les choses dans le temps. Comme je l’ai dit, Dio ou Iron Maiden étaient des groupes considérés comme étant très heavy dans les années 80. Si tu écoutes leurs albums aujourd’hui, le son des guitares et de la batterie, ce n’est pas très heavy, c’est généralement l’intensité du chant qui faisait que ça sonnait heavy à l’époque. Aujourd’hui, si tu veux que ton message passe avec intensité et de manière heavy, si tu as l’expérience, comme celle que j’ai acquise au cours des trente dernières années, tu peux y arriver, je suppose. Nous sommes partis sur une discussion assez philosophique là, en fait ! [Rires]
« J’ai toujours pensé que ne pas bouger revenait à reculer, donc je voulais vraiment explorer différentes avenues pour essayer d’emmener le groupe, la partie acoustique et la production globale un peu plus loin. Mais parfois, on peut aller un peu trop loin, je suppose que c’est le risque quand on expérimente. »
Au final, dirais-tu que 2020 est plus conforme à ce qu’est vraiment Vandenberg ou à l’idée que tu te faisais à l’origine de ce groupe ?
Je ne peux que l’espérer. Dès que je fais un album ou compose de la musique, je le fais d’abord pour me faire plaisir. Je fais la musique que j’aimerais vraiment acheter en tant que fan de rock. Je pense être un mec très critique, je critique tout ce que je fais parce que j’essaye toujours d’enregistrer mes albums comme si c’était le dernier et le dernier souvenir qui resterait de mon art. Ça peut paraître un peu dramatique, mais c’est vraiment ça, car tu seras toujours jugé sur la base de ton dernier album. Je suis ridiculement perfectionniste à cet égard. J’ai travaillé très dur sur cet album. Nous n’avions qu’une courte période de temps parce que nous voulions sortir l’album fin mai et la maison de disques avait besoin de l’avoir au plus tard début février. Ça marche comme ça aujourd’hui, car ils doivent mettre l’album sur Spotify et faire tout un tas de choses des mois avant que l’album ne sorte. Si ça n’avait pas été fait à temps, l’album aurait pu ne pas sortir avant septembre ou octobre, et vu que le coronavirus n’était pas encore un problème, nous avions prévu de commencer à faire des concerts à la fin mai. Malheureusement, ça n’arrivera pas, mais avec un peu de chance, nous pourrons commencer à tourner en septembre, on verra comment ça se passe… Il y a des deadlines très strictes, donc j’ai bossé comme un malade. Je commençais à dix heures du matin et je travaillais parfois jusqu’à deux heures du matin, j’oubliais de manger, j’ai fini mes parties de guitares dans mon home studio, etc. Mais nous l’avons fait à temps, et j’en suis content parce que j’ai écouté l’album pour mon propre plaisir, or c’est quelque chose que je n’avais jamais fait avant.
Tu as présenté cette nouvelle incarnation du groupe avec une nouvelle version du classique « Burning Heart ». N’était-ce pas risqué de faire ça avec une chanson que tous les fans connaissent très bien et à laquelle ils sont très attachés ? Je veux dire qu’il suffit de voir sur YouTube : plein de gens ont comparé la version de Ronnie à la version originale avec Bert…
Je m’en fichais un peu parce que déjà, « Burning Heart » n’était pas censé être sur cet album. C’était une suggestion de mon manageur. Quand le communiqué de presse allait sortir il y a deux ou trois mois, nous n’avions pas encore enregistré l’album. Mon manageur a dit que nous pouvions sortir le communiqué de presse mais que ça enverrait un signal plus fort si les gens pouvaient vraiment entendre que Ronnie était dans le groupe. Comme nous en avons discuté plus tôt, tout le monde sait que Ronnie fait plein de choses et nous ne voulions pas que les gens croient que ce n’était qu’un job de session. C’est pourquoi mon manageur a dit que le communiqué de presse ferait un meilleur effet s’il était accompagné de musique, mais comme nous n’avions pas encore enregistré l’album, nous ne pouvions pas utiliser de nouvelle chanson. Donc, à l’origine, l’idée était de sortir « Burning Heart » avec le communiqué de presse et c’est tout. Mais quand nous avons terminé l’album, ma maison de disques a dit que la chanson était tellement bien qu’ils aimeraient la voir apparaître sur l’album et m’ont demandé d’y réfléchir. Pour moi, elle n’avait pas à être sur l’album parce qu’elle était juste prévue pour être en bonus du communiqué de presse. Mon manageur a trouvé que ça créait un pont sympa, émotionnellement, entre Vandenberg en 2020 et Vandenberg en 1982, donc je me suis dit qu’effectivement, ce serait pas mal.
Mais je me fiche de ces commentaires parce que de ce que j’ai entendu, la plupart des gens l’ont aimée, tout comme moi. C’est un peu étrange de comparer parce que les gens ont vécu pendant presque quarante ans avec la version originale et je sais ce qu’on ressent. En l’occurrence, quand j’ai entendu les remixes de chansons de Bad Company ou de Free, j’ai trouvé ça bizarre. Free a toujours été un de mes groupes préférés et quand ils ont sorti un album dans les années 80 remixé par Bob Clearmountain, qui est pourtant un de mes producteurs et mixeurs préférés – par exemple lorsqu’il a travaillé avec Bryan Adams, donc un autre genre de musique –, c’était très étrange d’entendre ce mix à la manière des années 80. Je préfère la version originale parce que j’ai vécu avec pendant quasiment vingt ans. Donc je peux imaginer que si les gens comparent la nouvelle version de « Burning Heart » à l’originale, qu’ils ont longtemps aimée, ils aillaient initialement trouver ça très différent. Mais c’est logique que ce soit différent, c’est censé être différent, parce que ça n’a aucun sens d’essayer de la faire sonner exactement pareil. Chacun a le droit d’avoir ses préférences et ça ne me dérange pas du tout, car je fais la même chose. Mais comme je l’ai dit, c’était juste prévu pour être un bonus accompagnant le communiqué de presse.
« Pour moi, le succès ça veut dire pouvoir jouer ton style de musique devant des gens, que ce soit trois cents ou trente mille personnes. C’est bien quand c’est trente mille personnes, mais pour moi, personnellement, ça ne fait pas une grosse différence. »
Cependant, je préfère la version avec Ronnie, car Ronnie est un chanteur davantage émotionnel que ne l’était Bert Heerink. Bert Heerink était un bon chanteur mais il chante chaque chanson de la même manière. Sa technique était très bonne, par contre, il ne savait pas de quoi parlaient les textes car il comprenait mal l’anglais. Donc il chantait les chansons très bien mais personnellement – ce qui ne veut pas dire que l’un sonne mieux que l’autre –, je préfère la profondeur émotionnelle que Ronnie apporte. Quand Ronnie chante une chanson, il étudie toujours les textes en premier et il adapte son style de chant au sens des textes, et c’est pour ça que j’aime ce que fait Ronnie : il y a une différence entre les couplets et les refrains dans « Burning Heart ». Il ouvre vraiment son cœur dans le refrain de la chanson et ça libère vraiment l’émotion chez l’auditeur. Comme je l’ai dit plus tôt, chacun a le droit d’avoir sa préférence, mais je vois ça surtout comme des interprétations différentes d’un même morceau de musique, comme on le ferait avec une musique classique ou un morceau de jazz. Les musiciens classiques jouent sans cesse des compositions originales, et ensuite un gars dit qu’il aime tel violoniste, un autre dit qu’il aime la version de tel autre violoniste… C’est comme ça. Je m’en fiche.
Tu as déclaré que le solo de « Burning Heart » est devenu un peu ton solo signature. Te souviens-tu de l’instant où tu as trouvé ce solo ?
A l’époque, quand nous avons enregistré le premier album de Vandenberg, je travaillais déjà un peu comme je travaille aujourd’hui. J’ai vraiment envie que le solo fasse partie de la chanson. Quand le chanteur arrête de chanter et que tu prends le relais avec ta guitare, j’aime continuer à raconter l’histoire que le chanteur a commencé à raconter au début de la chanson, de façon que, lorsque le chanteur reprend le relais, il puisse poursuivre l’histoire à son tour. C’est comme un passage de témoin, d’une certaine façon. Ça a toujours été important pour moi ; c’est peut-être parce que j’écris aussi les chansons. Mon but est toujours que le solo fasse partie de l’histoire plutôt qu’être une plateforme pour montrer à tout le monde ce dont je suis capable techniquement. C’est différent pour tout le monde mais personnellement, je trouve ça toujours un peu étrange quand j’écoute une chanson, je suis emporté par la prestation du chanteur et tout d’un coup, le solo prend le relais et part dans [chante un solo shred]… Ça me sort de la chanson, mais c’est très personnel, évidemment. C’est probablement la raison pour laquelle j’ai toujours été fan de gars comme Jeff Beck, Brian May et Michael Schenker, car ils racontent une histoire avec leurs solos. C’est ainsi depuis que j’ai commencé à jouer ; j’ai commencé avec Blackmore et Jimi Hendrix. Si tu écoutes les solos de Blackmore sur les vieilles chansons de Deep Purple, comme le solo de « Child In Time », ou celui que Jimi Hendrix a fait sur « The Wind Cries Mary » ou « Little Wing », ce sont des solos qu’on peut chanter, ils font partie de la chanson. C’est pareil pour Clapton. Ce sont mes premières influences et tous ces guitaristes racontent une petite histoire dans leur solo, donc je suppose que c’est aussi la raison d’être de mes solos.
Avec le recul, comment perçois-tu les premières années de Vandenberg ?
J’avais arrêté mon groupe Teaser avant ça, et Teaser avait un lien avec ce que nous avons fait avec Moonkings, c’était un groupe de heavy blues rock. J’avais la même envie irrépressible de me diversifier musicalement et harmoniquement et de partir dans une direction plus heavy quand j’ai commencé Vandenberg. Donc en général, j’appréciais beaucoup d’écrire des chansons ayant un horizon plus vaste en termes d’harmonies, de refrains et de riffing. Avec Teaser, mes riffs étaient très basés sur des accords, alors qu’avec Vandenberg, c’était une combinaison d’accords et de riffs sur une corde. Quand j’ai trouvé le chanteur Bert Heerink, il faisait de très bonnes reprises de gars comme Uriah Heep, par exemple ; le groupe avec lequel j’ai découvert Bert Heerink jouait des reprises. C’était un chanteur mélodique, donc ça a été l’occasion pour moi d’écrire des lignes vocales mélodiques et d’y mettre derrière des guitares relativement heavy. C’était en gros le point de départ de Vandenberg. J’étais influencé par des trucs comme Deep Purple, Scorpions, UFO, Led Zeppelin, Free, Bad Company et Whitesnake.
« Je suis content de pouvoir jouer ma musique et d’avoir la bouteille de vin d’un bon ami sur la table et d’être entouré de mes amis et de ma famille. Pour moi, c’est ça l’essence d’une vie riche. Il ne s’agit pas d’être riche par l’argent, mais riche par les expériences, la musique et son entourage. »
Sur le premier album, on peut entendre ça sur des chansons comme « Your Love Is In Vain » ou « Wait » et sur le second album, il y a des chansons qui ont été un peu plus loin dans cette direction, comme « Waiting For The Night », « This Is War » et la ballade électrique-acoustique « Different Worlds ». J’ai été encore plus loin sur le troisième album de Vandenberg, Alibi. La ballade « How Long » avait une approche encore plus douce que « Différente Worlds », même si c’est très lié. Ensuite, il y a une chanson comme « Fighting Against The World » qui est très liée à « This Is War » sur le second album, mais la production est un peu plus heavy et imposante. Je pense que ces chansons sont toutes connexes et marquent une progression, en termes d’horizons musicaux. Sur l’album Alibi, d’un côté, ça sonnait un petit peu plus heavy, et d’un autre côté, ça sonnait un peu plus léger ou clair au niveau des guitares, et nous en avons presque un peu trop fait avec les chœurs, je pense. C’était une expérimentation. J’ai toujours pensé que ne pas bouger revenait à reculer, donc je voulais vraiment explorer différentes avenues pour essayer d’emmener le groupe, la partie acoustique et la production globale un peu plus loin. Mais parfois, on peut aller un peu trop loin, je suppose que c’est le risque quand on expérimente. Si je connecte ça à 2020, ce nouvel album de Vandenberg, on y retrouve tous ces éléments et à la fois, il y a bien plus de testostérone et de turbo. Ça, pour moi, c’est encore un progrès.
Votre premier album avait connu un joli succès, surtout avec la chanson « Burning Heart ». Est-ce que ça t’avait mis la pression ?
J’ai ressenti un peu de pression seulement sur le troisième album Alibi parce que les gens qui nous avaient signés sur Atlantic et qui m’avaient donné carte blanche pour enregistrer ce que je voulais étaient partis. Ils ont quitté Atlantic et tout d’un coup, nous avions un nouveau manageur A&R, un Allemand qui a essayé de pousser dans une direction plus à la Duran Duran, parce qu’il n’aimait pas trop le rock. Ça a donc ajouté un peu de pression et c’est probablement pourquoi l’album est devenu un peu plus pop ou pop rock. A la fois, à cette époque, c’était assez courant, des groupes comme Bon Jovi et Def Leppard étaient pop. Mais à l’origine, je voulais que Vandenberg prenne la même direction que Deep Purple et Dio, plutôt que celle de Bon Jovi. Tous les groupes subissent un peu de pression à un moment donné.
Penses-tu que ça a joué contre Alibi ? Car cet album a été moins bien accueilli que les deux premiers.
Oui, mais je ne pense pas que c’était une mauvaise chose, car à la fois, je commençais à avoir l’impression d’avoir atteint un plafond en termes de possibilité pour ce groupe avec ce line-up. Ça faisait cinq ans que nous étions ensemble et j’ai réalisé que le chanteur Bert n’avait pas tellement évolué en tant qu’artiste. Les maisons de disques n’arrêtaient pas de dire qu’elles aimeraient former un nouveau line-up autour de moi, au lieu de continuer avec ces gars. Généralement, si tu regardes l’histoire du rock, la plupart des groupes atteignent un plateau après cinq ou six ans passés ensemble. C’était donc logique, quelque chose devait changer.
Penses-tu qu’il serait possible en 2020 d’avoir le succès que Vandenbeg a connu en 1982 ou bien que cette époque est définitivement révolue ?
Je ne sais pas. Je compare toujours ça au jazz dans les années 50. A un moment donné, un certain type de musique atteint un pic de popularité. Pour nous, c’était évidemment dans les années 80, car les principales stations de radio et chaines de télévision diffusaient beaucoup de hard rock, que ce soit Whitesnake, Aerosmith, Van Halen ou AC/DC. On entendait ces groupes à la radio et ce n’est plus le cas aujourd’hui, en tout cas pas sur les principales stations de radio, peut-être sur les stations rock. Je ne pense pas que ce soit très réaliste de penser que ce sera comme à l’époque mais je dois dire que pour moi, le succès ça veut dire pouvoir jouer ton style de musique devant des gens, que ce soit trois cents ou trente mille personnes. C’est bien quand c’est trente mille personnes, mais pour moi, personnellement, ça ne fait pas une grosse différence, parce que je veux juste jouer ce type de musique. S’il y a suffisamment de personnes aux concerts et que je peux continuer à tourner et faire des concerts, c’est parfait pour moi. Je n’ai jamais pensé que je gagnerais de l’argent avec ce type de musique et je n’ai pas besoin de beaucoup d’argent pour survivre, car mon style de vie est plus ou moins le même qu’il y a trente ans. Je suis content de pouvoir jouer ma musique et d’avoir la bouteille de vin d’un bon ami sur la table et d’être entouré de mes amis et de ma famille. Pour moi, c’est ça l’essence d’une vie riche. Il ne s’agit pas d’être riche par l’argent, mais riche par les expériences, la musique et son entourage. Ça facilite les choses, ce n’est pas compliqué.
Interview réalisée par téléphone les 10 & 17 avril 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Stefan Schipper (1, 3, 9) & Alex Solca (2, 5, 10).
Site officiel de Vandenberg : vandenbergband.com.
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