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Interview   

Buckcherry : enfers et contre tout


Avec son charisme, sa prestance sur scène, sa manière d’exhiber ses tatouages et de jouer avec son sex-appeal, son énergie et sa voix qu’il n’économise pas, Josh Todd a tout d’une rock-star – une des dernières ? – mais c’est surtout un gros bosseur. Il est l’incarnation du fantasme qu’on peut se faire du chanteur de rock, mais il est le premier à reconnaître que la réalité n’est pas aussi glamour qu’on peut croire et qu’il faut une sacrée volonté pour faire carrière dans un groupe Buckcherry, au sein duquel beaucoup d’autres membres ont jeté l’éponge. Mais la musique, ce n’est pas tant un choix pour lui qu’une destinée. Sa récompense : vingt-deux ans à parcourir le monde, neuf albums lui ayant servi de terrain d’expression, depuis la sortie de « Lit Up », ce single qui a tout changé.

Hellbound, nouvel album conçu plus tôt que prévu en pleine pandémie, est la démonstration que Josh Todd n’a pas perdu une once de sa motivation et de son énergie. Renouant avec le producteur Marti Frederiksen, Buckcherry nous gratifie de ce qu’ils considèrent, à raison, comme l’un de leurs meilleurs albums. Une leçon de rock n’ roll à une époque où Josh Todd déplore la faiblesse du rock, préférant paradoxalement se tourner vers le hip-hop et la pop… On parle de tout ceci avec lui.

« Une fois que j’ouvre les vannes pour écrire un nouvel album, je ne m’arrête pas tant que ce n’est pas fini. Je suis un peu un obsessionnel compulsif à cet égard. »

Radio Metal : Comment vas-tu ?

Josh Todd (chant) : Je vais bien mec. Je suis en pleine tournée Hellbound aux Etats-Unis et ça se passe très bien. Ça fait beaucoup de bien de se remettre au boulot. Comme tu le sais, tout le monde, partout sur la planète, a traversé une sale période. Nous avons travaillé très dur sur cet album en confinement et qu’il sorte enfin auprès du public, c’est génial, parce que nous l’avons fini en octobre 2020. C’est vraiment l’éclate de jouer enfin ces chansons en live !

C’est une sacrée longue tournée que vous avez là, vous faites toute l’Amérique du Nord sans temps mort jusqu’au 10 novembre, et ensuite vous avez prévu deux semaines en Angleterre. Cependant, vous avez quand même fait quelques concerts en 2020 et plus tôt cette année. Avez-vous eu des inquiétudes quant au fait de jouer en pleine pandémie ?

Il est clair que j’étais préoccupé, mais nous avons suivi toutes les mesures de sécurité, avec les masques et la prise de température ; nous avions même des bracelets avec moniteur de température à un moment donné. La plupart des concerts que nous avons faits étaient avec de la distanciation sociale et en extérieur, donc je n’étais pas trop inquiet pour ça. C’est sûr que c’était différent, parce que les gens étaient très écartés, donc ça semblait bizarre à cet égard, mais nous étions contents de pouvoir apporter un peu de divertissement aux gens qui voulaient vraiment sortir de chez eux et vivre une expérience live.

Ça fait plus d’un an que cette pandémie dure et Hellbound est ce qu’on peut qualifier d’album de confinement. Est-ce que le fait d’être créatifs vous a aidés à gérer la situation ?

Absolument. La situation était difficile, mais nous avons tenu à faire un album. Quand tous nos concerts ont commencé à être annulés en 2020, nous avons su qu’il fallait que nous travaillions pour faire un super album, car au moment où la poussière allait retomber et où tout le monde allait retrouver une vie normale, beaucoup de temps se serait écoulé depuis notre dernier album. C’était bien pour nous, car nous avions quelque chose sur lequel nous focaliser pendant que tout ce chaos avait lieu autour de nous – pas seulement avec le Covid-19, mais aussi le racisme, les violences par arme à feu, notre contexte politique, etc. –, c’est toujours propice à faire des chansons. Ce groupe est le meilleur quand nous sommes dos au mur. C’est ce qui s’est passé quand nous étions en confinement. Cet album nous a donné un centre d’attention. Dès que nous sommes en mode composition, nous ne pensons plus qu’à ça vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, jusqu’à ce que ce soit terminé et que l’album soit bon. Je ne peux que parler pour moi, mais personnellement, j’en avais vraiment besoin. Hellbound est, si ce n’est le meilleur album de Buckcherry, clairement au niveau des meilleurs. C’est un album de dix chansons, il est génial, il sort le 25 juin. En Europe et au Royaume-Uni, vous pourrez vous le procurer sur earache.com/buckcherry. Il est vraiment super !

L’album s’intitule Hellbound (destiné à l’enfer, NdT) : est-ce que ça traduit ce que l’année passée t’a fait ressentir ?

Oui, nous avons trouvé que ce mot résumait à peu près tout ce qu’on avait traversé. C’était juste un super titre d’album. Mais la chanson « Hellbound », en soi, ne parle pas de ça. Elle parle du tout premier concert que j’ai fait, c’était dans le comté d’Orange, en Californie, lors d’une soirée chez quelqu’un. Avant ça, je n’étais qu’un gamin qui cherchait sa voie. Je voulais être un surfeur professionnel, donc je surfais tout le temps, autant que je le pouvais, en semaine et en weekend. Il se trouve que j’ai surfé avec un gars qui était batteur et il n’y avait qu’un groupe à mon école et il m’a demandé si je voulais venir les voir, ils avaient besoin d’un chanteur. Je suis allé les voir, j’ai auditionné et c’était bon. J’avais essayé plein de trucs sur lesquels je m’étais concentré, mais à l’instant où je suis devenu un musicien, il n’y avait plus rien d’autre que je voulais faire. Je pouvais exprimer qui j’étais au travers de chansons. Ecrire des chansons était très important pour moi ; mettre des paroles et des mélodies sur des chansons est quelque chose pour lequel je suis doué depuis que j’ai commencé. C’était ce qui me convenait. Ça n’a cessé de me rendre heureux toute ma vie, et donc ce concert a été un tournant pour moi. C’est là que j’ai su quelle était ma destinée, ce que je voulais faire le restant de mes jours. C’était tout, il a suffi de ce concert. Donc c’est de ça que parle la chanson.

« Une fois que les gens rentrent dans le rythme et le font pendant un an, c’est épuisant, et ils se demandent si c’est vraiment ce qu’ils veulent faire. Donc être dans Buckcherry n’est pas dur si on veut travailler en étant dans un groupe de rock n’ roll. Si ce n’est pas ce qu’on veut faire, alors ça devient dur. »

Il me semble que l’album devait originellement s’appeler Breaking Down The Barricade…

Oui, mais ce n’était pas vraiment son titre d’origine. Je crois que c’est Stevie D. qui a balancé ça dans une interview et des gens l’ont retenu. Nous avons proposé deux ou trois titres et celui-ci en faisait effectivement partie, mais tout le monde n’arrêtait pas de revenir sur Hellbound. Ils trouvaient que c’était un meilleur titre et j’étais d’accord. C’était le premier titre que nous avons voulu collectivement.

Vois-tu le rock n’ roll comme un exutoire pour affronter l’adversité ou bien est-ce plus une échappatoire pour toi ?

Je le vois juste comme une expression de qui je suis. J’adore m’exprimer au travers d’une chanson et l’élaborer de façon à ce qu’un large public puisse s’y identifier. C’est vraiment le défi d’un auteur-compositeur. Ce qui m’a vraiment intéressé dans la musique, c’était le fait d’écrire des chansons. Mais il y a aussi un tas d’albums qui m’ont aidé dans les moments difficiles. Around The World In A Day de Prince, par exemple, avec ses paroles, est un album qui s’est présenté à moi pile au bon moment. Quand j’étais jeune, tous les albums et EP de Minor Threat que je possédais, j’avais vraiment l’impression de les avoir écrits. Voilà à quel point j’y étais attaché à un niveau personnel. Ils m’ont permis de traverser des moments difficiles quand j’étais adolescent. Ce ne sont que quelques exemples, mais je pourrais continuer à évoquer à quel point d’autres artistes et chansons m’ont suivi dans les moments difficiles et aussi dans les bons moments.

Vous avez de nouveau fait équipe avec Marti Frederiksen en tant que producteur pour Hellbound. Vous aviez déjà coproduit des albums et coécrit un paquet de chansons ensemble par le passé. Cependant, vous aviez réalisé vos deux derniers albums sans sa contribution. Penses-tu que vous aviez besoin de prendre un peu vos distances sur le plan créatif avec Marti à un moment donné ?

Non, ça n’a jamais été notre choix. Nous avons toujours adoré Marti. Il y avait de la vieille politique dans le groupe qui a fait que nous nous sommes éloignés de lui pour une raison ou pour une autre, mais j’aime beaucoup travailler avec lui. Je crois que je ne ferai plus jamais d’albums sans lui. Tout arrive pour une raison. Je suis fier de chaque album que nous avons sorti. C’était juste le bon moment pour qu’il revienne au bercail et nous avons tous beaucoup apprécié. Il est en train de devenir comme un sixième membre du groupe. C’est très facile de travailler avec lui. Il comprend parfaitement Buckcherry et c’est un type très talentueux. Nous nous éclatons ensemble.

Stevie a déclaré que vous avez « un nouveau processus maintenant avec Marti qui fonctionne très bien pour [vous] et que [vous aimez] beaucoup ». A quoi ressemble ce nouveau processus ?

Je ne sais pas si c’est un nouveau processus. Je pense juste que Marti et moi avons très longtemps travaillé ensemble et j’ai aussi beaucoup mûri en tant qu’homme et compositeur. Désormais, quand il m’emmène dans des directions qui sont peut-être un petit peu inconfortables pour moi au départ, je lui fais confiance. J’ai confiance en lui parce que j’ai longtemps travaillé avec lui. Ça rend notre collaboration plus harmonieuse et naturelle. Ce sont juste des subtilités, comme avec les mélodies, quand je suis derrière le micro en train d’enregistrer du chant, etc. Il est très doué avec les chanteurs. C’est très important d’avoir un producteur qui connaît le chant, il n’y en a pas beaucoup dont c’est le cas. Il est super dans ce domaine. Parfois il me poussera à changer des mélodies ou à retirer des mots ou en ajouter, etc. Je suis très concentré quand je me mets sur un album. J’ai du mal quand mon fil de pensée est perturbé, il me faut un instant, mais je lui fais confiance et j’ai besoin d’avoir cette confiance en la personne pour pouvoir suivre certaines idées que je n’avais pas déjà prévu de suivre. Enfin, nous avions déjà écrit plein de chansons avant de nous retrouver dans la même pièce avec lui, Stevie et moi avons composé vingt-deux chansons. Puis nous nous sommes retrouvés avec Marti et il y a eu cette énergie qui était extraordinaire. Honnêtement, nous ne pouvions pas composer de mauvaise chanson. Nous étions là pendant cinq jours, nous avons composé six chansons en cinq jours et cinq d’entre elles sont sur l’album : « So Hott », « Hellbound », « Wasting No More Time », « No More Lies » et une autre, je ne me souviens plus laquelle – peut-être « Here I Come » mais je ne suis pas sûr. Mais voilà à quel point notre collaboration est spéciale.

« Je suis très bon quand il s’agit de garder en tête l’objectif global. Je ne me laisse pas absorbé par : ‘Oh, je me sens mal aujourd’hui. Je ne peux plus faire ça.’ Je ne suis pas un déserteur. Je ne démissionne pas. »

Penses-tu que vous ayez mis dans cet album l’énergie que vous ne pouviez pas mettre dans une tournée à ce moment-là ?

Je mets toujours beaucoup d’énergie dans chaque album. Une fois que j’ouvre les vannes pour écrire un nouvel album, je ne m’arrête pas tant que ce n’est pas fini. Je suis un peu un obsessionnel compulsif à cet égard. Je ne sais pas, le timing était juste parfait. Nous avons fait travailler le muscle de la composition pendant un moment avant de retrouver Marti et ça a payé.

Marti est aussi plus ou moins le sixième membre d’Aerosmith depuis le milieu des années 90. En travaillant avec lui, comprends-tu pourquoi même un groupe aussi légendaire lui fait tant confiance ? Est-ce d’ailleurs ce qui vous a attirés à lui au départ ?

Non. Enfin, si, je comprends pourquoi Aerosmith l’adore. Ils veulent s’entourer de gens talentueux et qui comprennent le rock et la composition, et c’est exactement ce qu’est Marti. Son palmarès était clairement intéressant. Il a eu du succès et a écrit des tubes avec d’autres gens. C’est donc ce qui a fait que nous nous sommes retrouvés dans une même pièce, mais si on n’est pas capable de composer de bonnes chansons ensemble, le nombre de tubes que la personne a écrits n’a pas d’importance. Nous nous sommes tous appréciés quand nous nous sommes réunis pour la première fois. Il y a une alchimie qui a opéré avec la composition, donc nous avons continué à travailler ensemble. Il existe plein de gens talentueux. Certains groupes, pour une raison ou une autre, ont une meilleure alchimie avec d’autres gens. Nous, nous avions simplement une bonne alchimie avec lui. Nous avons écrit avec d’autres compositeurs par le passé, et ça n’a pas autant accroché qu’avec Marti. Nous continuons donc à revenir vers ce qui fonctionne. C’est un mec très talentueux et c’est agréable de le côtoyer. Nous l’adorons.

La chanson « Gun » a un superbe groove et feeling à la Aerosmith : a-t-elle été délibérément faite comme un hommage ou un clin d’œil à eux ?

C’est marrant parce que Marti n’a pas du tout participé à « Gun ». Je n’avais même pas Aerosmith en tête quand j’ai fait les parties de chant. En fait, j’avais B-Real en tête. J’aime Cypress Hill et ils ont une chanson qui s’appelle « (Rock) Superstar ». J’aime la manière dont B-Real découpe sa cadence et sa… Ce n’est pas vraiment une mélodie, c’est du rap, peu importe comment on veut appeler ça, mais il a un certain rythme. J’ai donc abordé le refrain avec ce rythme et tel est le résultat. Tout le monde croit que c’est inspiré par Aerosmith, mais c’était vraiment B-Real de Cypress Hill, je l’aime beaucoup. Stevie et moi avons composé cette chanson et c’est une super chanson, mais c’était aussi une de ces chansons dont personne ne parlait vraiment jusqu’à la toute fin et à ce moment-là, nous avons dit : « Ouah, cette chanson se démarque vraiment. C’est un peu une chanson qui dormait dans un coin que nous avons fini par adorer, mais ce n’était pas le cas au moment où nous l’avons composée.

Quand j’ai présenté pour la première à Stevie les mélodies de cette chanson, il venait de me donner la musique. Je l’ai chantée et il était là : « Ça va. » Il n’était pas très emballé. Je lui ai dit : « Non, je te dis, cette chanson est vraiment cool. D’abord, finissons-la et ensuite voyons ce que tout le monde en pense. » C’est ce que nous avons fait. Nous avons fait notre due diligence, comme on dit, nous avons mis « Gun » sur la liste et nous sommes passés à la suite, et c’est devenu une chanson qui n’arrêtait pas de revenir. Niveau paroles, tu vas rire, mais ma fille adore le théâtre et elle était en train de faire une pièce à l’école qui s’appelait Bonnie And Clyde. Je trouvais que c’était une super histoire et c’était aussi une super pièce de théâtre, et elle a assuré. C’était à peu près au moment où j’avais la musique de Gun et j’ai vraiment écrit la chanson sur Bonnie et Clyde. Il y avait aussi un gros problème avec les armes à feu aux Etats-Unis. Ce mot, « gun », n’arrêtait pas de revenir dans ma tête et puis il y avait cette pièce de théâtre, donc j’ai écrit les paroles en adoptant ce point de vue.

« Peu importe si ce sont des chansons de rock ou de pop, quand on les réduit seulement à une guitare et du chant, c’est là qu’on comprend vraiment si on a une bonne chanson. »

Vous avez donc composé près de trente chansons pour un album qui en compte dix. Est-ce que c’est souvent ce qui se passe ou bien ces sessions ont-elles été particulièrement productives ?

C’est plus ou moins le processus standard pour nous. Nous composons beaucoup de chansons. Il faut écrire beaucoup de chansons pour faire un super album. On ne peut pas juste écrire dix chansons et dire : « Ok, c’est l’album. » Ça prend du temps pour obtenir des chansons qui sont vraiment bonnes. Nous ne voulons pas mettre des chansons juste pour remplir l’album et faire plaisir au label ou je ne sais quoi. Nous voulons faire un super album du début à la fin. De toute façon, tout ce qui m’intéresse c’est de faire des albums de dix chansons. Donc il a fallu que nous composions cette quantité de chansons pour arriver aux dix qui nous paraissaient incontestables. On peut mettre l’album sur la platine et le laisser tourner, c’est ça le but.

J’imagine aussi qu’un des avantages d’avoir autant de chansons pour faire son choix, c’est qu’on peut vraiment élaborer un album ayant un peu de tout : vous avec une super chanson d’ouverture « 54321 », « No More Lies » qui est bien groovy, la ballade « The Way », le morceau rock n’ roll rapide « Here I come »…

Oui. Tous les vieux grands albums de rock que j’adorais reposaient sur une grande dynamique. Il y avait les chansons mid-tempo, les ballades, les morceaux bien rock, etc. Du point de vue de l’auditeur, cet album a une grande dynamique et c’est pour ça qu’il est super. C’est très important pour moi de créer une expérience. Tu sors une œuvre, tu veux t’assurer que les gens restent plongés dedans du début à la fin, ou sinon à quoi bon ? C’est ainsi que je le vois. Il faut être minutieux et c’est là que nous sommes très bons.

Que faites-vous généralement des morceaux restants ?

Nous avons probablement deux ou trois morceaux qui sont suffisamment bons et qui pourraient trouver leur place sur un album, mais la plupart du temps, quand une chanson n’est pas sélectionnée pour être sur un album, c’est pour une bonne raison. C’est parce qu’elle n’est pas assez bonne. C’est rare que nous revenions sur d’anciennes chansons. Quand vient le moment de faire un album, j’entre dans une nouvelle phase et j’aime partir de rien. C’est super excitant pour moi de construire quelque chose de zéro.

Hellbound est le premier album avec le guitariste Billy Rowe, qui a remplacé Kevin Roentgen en juillet dernier. Dans son communiqué, Kevin a expliqué qu’il a pris « la décision de se retirer des tournées et de passer plus de temps avec [sa] famille ». Au final, Kevin n’est resté que trois ou quatre ans avec le groupe. Penses-tu que les gens ne réalisent pas forcément ce qu’implique le fait de faire partie d’un groupe qui tourne beaucoup comme Buckcherry ?

Effectivement, ils ne le réalisent pas. Nous usons les gens, comme tu peux le voir ! Ce n’est pas facile de faire une tournée complète en soutien d’un album avec Buckcherry. Malgré tout, je ne pense pas que Kevin avait du mal avec ça. Je pense qu’il a juste réalisé une fois rentré chez lui qu’il y avait des choses pour lesquelles il devait être présent. Je ne peux pas parler à sa place, je ne connais pas sa vie personnelle, mais il devait prendre cette décision pour lui et sa famille, et c’est parfaitement louable, on n’y peut rien. Ceci étant dit, ça faisait un petit moment que nous avions un œil sur Billy. Ça fait plusieurs fois que nous vivons ce genre de transition avec des musiciens. Billy convient très bien jusqu’à présent, nous venons juste de commencer cette tournée. Ça fonctionne super bien.

Tout le monde veut être une rock-star, mais à quel point est-ce difficile d’être dans un groupe comme Buckcherry ?

Je pense que le fantasme qu’on se fait dans sa tête avant de faire ce métier est plus fort que lorsqu’on se met vraiment au travail, car le travail que ça nécessite est vraiment épuisant, c’est physiquement exigeant, et puis en plus de ça, il faut tout le temps voyager ; vivre avec un sac, c’est éprouvant. Les sacrifices qu’on doit faire, en étant loin de ses amis et de sa famille, en n’ayant rien de tout ça… Tu es pieds et poings liés à ton groupe, à ton équipe et aux concerts que tu dois faire. Tu es toujours sur la route. Une fois que les gens rentrent dans le rythme et le font pendant un an, c’est épuisant, et ils se demandent si c’est vraiment ce qu’ils veulent faire. Donc être dans Buckcherry n’est pas dur si on veut travailler en étant dans un groupe de rock n’ roll. Si ce n’est pas ce qu’on veut faire, alors ça devient dur. Par le passé, certaines personnes en sont arrivées à un point où le cœur n’y était plus. Si tu veux être dans ce groupe, ton cœur doit y être à cent pour cent, sinon ça ne marchera pas, car ça ne marchera pas pour moi et ça ne marchera pas pour les autres gars dans le groupe qui sont dévoués et veulent faire ça de leur vie.

« J’ai appris grâce à tous les hauts et les bas qu’a connus Buckcherry. Je suis reconnaissant pour tout. Ça devait se passer ainsi pour une raison ou une autre. C’était souvent douloureux, mais c’est là qu’on grandit le plus. »

Ça se résout toujours tout seul. Les gens qui ne sont pas de tout leur cœur dans le groupe, ils partent. Nous n’avons viré peut-être qu’une personne dans ce groupe. Tous les autres sont partis parce qu’ils ont pris leur propre décision de partir. Ceci étant dit, nous continuons d’avancer. Les albums n’ont cessé de s’améliorer à chaque nouveau line-up. C’est tout ce qui compte pour moi, le fait que nous continuons à être super. Stevie est dans le groupe depuis 2005, ça fait donc treize ans, et Kelly est dans le groupe depuis sept ans, donc je n’y pense même pas tant que ça. Quand nous devons remplacer quelqu’un, je pense que c’est juste… Au bout du compte, c’est un business. Il faut le voir comme ça et pour que le business perdure pendant vingt-deux ans, ce n’est pas facile. Parfois on perd du personnel en cours de route. Ça fait partie de la vie.

Ne ressens-tu toi-même jamais de lassitude dans cette vie frénétique ou un besoin d’être plus souvent avec ta famille ?

Si bien sûr. Bien sûr qu’il y a des moments où je ressens ça, mais je suis très bon quand il s’agit de garder en tête l’objectif global. Je ne me laisse pas absorbé par : « Oh, je me sens mal aujourd’hui. Je ne peux plus faire ça. » Je ne suis pas un déserteur. Je ne démissionne pas. Il faut être passionné par ça pour pouvoir continuer. Je dois me demander : « Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? » Si je ne faisais pas ça, je serais chez moi et je ferais un boulot à plein temps à la maison, et ce serait la différence. Alors je me demanderais : « D’accord, mais qu’est-ce que je ferais ? » et là je ne trouve rien que j’aurais envie de faire à part de la musique. Donc je laisse toujours tomber ces pensées. La décision est très vite prise pour moi.

As-tu un mode de vie particulier sur la route pour entretenir ton niveau d’énergie et ta santé physique et mentale ?

Oui, bien sûr. Je fais plein de choses pour que mon corps reste en état de marche, surtout à mon âge. C’est très ennuyeux et il me faudrait du temps pour détailler tout mon régime, mais en tant que chanteur, c’est très bon de travailler son cardio et de faire de l’exercice, il faut bien manger, il faut beaucoup dormir et ce genre de chose. Il faut savoir que ce n’est pas marrant d’être un chanteur, si c’est ce que vous voulez faire. Si vous voulez faire la fête, vous éclater et tout ça, et que vous voulez être bassiste, batteur ou quelque chose comme ça, c’est peut-être plus facile. C’est sûr que c’est dur aussi pour les bassistes et les batteurs, mais ce que je veux dire, c’est que si vous voulez vous amuser un peu plus en tournée, ce serait probablement une meilleure position que d’être chanteur, car les chanteurs doivent prendre soin de leur corps. Quand on est chanteur, il faut être très discipliné avec son corps, car c’est son instrument. Si on l’abîme, on ne peut pas chanter.

Vous avez commencé à sortir une série de sessions acoustiques sous forme d’EP. Ce n’est pas la première fois que vous faites des versions acoustiques de vos chansons. Dirais-tu que le format acoustique est le test ultime pour une chanson de rock ?

Ce sont juste des chansons ; les chansons restent des chansons. Peu importe si ce sont des chansons de rock ou de pop, quand on les réduit seulement à une guitare et du chant, c’est là qu’on comprend vraiment si on a une bonne chanson, je pense. C’est donc amusant de prendre certaines de nos chansons pour les approcher différemment et les épurer de cette façon. « Check Your Head » en particulier était une chanson très personnelle pour moi, je l’adore, et j’avais oublié à quel point elle me manquait. Nous nous sommes bien amusés à faire ça. Nous aurions pu continuer sans nous arrêter. Je voulais faire des versions acoustiques vraiment sympas de chansons telles que « Lit Up », « Crazy Bitch » et ce genre de choses, ça aurait été marrant, mais nous avons fait quelques-unes des chansons plus lentes que nous avons et ensuite, nous nous sommes mis en mode composition pour Hellbound. Nous allons probablement revenir là-dessus à un moment donné, mais pas tout de suite.

« Je trouve que la dernière décennie ayant engendré du très bon rock, c’était les années 90. C’est ça le truc : j’essaye d’écouter les radios qui diffusent du nouveau rock et j’ai l’impression d’entendre le même groupe pendant quarante-cinq minutes. Je ne trouve pas ça intéressant. »

Il y a vingt ans, Buckcherry sortait son second album, Time Bomb. Le groupe avait connu un gros succès avec son premier album, grâce au single « Lit Up ». Quel niveau de pression avais-tu ressenti sur tes épaules à l’époque pour donner suite à ce premier album avec Time Bomb ?

Il y a tout le temps énormément de pression. C’est la règle du jeu. J’ai ressenti beaucoup de pression, mais je prospère vraiment sous la pression, l’adore ça. J’étais excité d’avoir… C’est un problème de riches. Il y a des problèmes qui sont bons à avoir et le fait d’avoir ce type de pression en était un. Nous avons travaillé très dur sur cet album. Nous avions un grand élan grâce au premier album et à des chansons comme « Lit Up », « For The Movies » et « Check Your Head ». Je m’y suis mis et nous nous sommes tous fait plaisir à ce moment-là. Puis nous sommes partis en tournée avec AC/DC après la sortie de l’album, et c’était génial, nous avons fait plusieurs concerts avec eux. Malgré tout, j’ai l’impression que cet album s’est perdu dans toute l’histoire de Buckcherry. Notre label n’a pas fait preuve de beaucoup d’amour envers lui et il y avait des tensions entre nous à cette époque. Ça a vraiment affecté la promotion de l’album, ce qui est malheureux. Mais les vrais fans me parlent tout le temps de cet album et ça me rend heureux, car nous avons beaucoup travaillé sur cet album.

Tu as mentionné les tensions, le groupe s’est justement mis en hiatus après cet album à cause de ça…

Trois gars sont partis. L’un est même parti sans nous prévenir en pleine tournée, il nous a lâchés, c’était n’importe quoi. Nous avons dû le remplacer à la volée et son remplaçant ne connaissait pas très bien les morceaux, mais il a fait du mieux qu’il pouvait. Je n’aime pas trop rentrer dans les détails pour expliquer pourquoi les gens ont fait ce qu’ils ont fait. Il faudrait leur demander, parce que ce n’est pas moi qui ai fait ça, ce n’est pas moi qui ai quitté le groupe. J’ai ma propre compréhension de l’agissement des gens. Tout ce que je peux faire, c’est avancer, et c’est ce que Keith et moi avons fait : nous avons été de l’avant, nous sommes revenus à la maison et nous avons commencé à écrire de nouvelles chansons pour un nouvel album. Puis nous avons fait une pause, parce que nous n’arrivions pas à trouver les bonnes personnes à l’époque. C’était une période difficile, mais nous avons persévéré et c’est tout ce qui comptait. Nous avons simplement dû gérer plein de choses. Tout dans la vie est un processus d’apprentissage. J’ai appris grâce à tous les hauts et les bas qu’a connus Buckcherry. Je suis reconnaissant pour tout. Ça devait se passer ainsi pour une raison ou une autre. C’était souvent douloureux, mais c’est là qu’on grandit le plus. Donc je ne peux pas vraiment me plaindre de quoi que ce soit. Je reste fidèle à mon parcours de vie et je fais tout ce que je peux pour être le meilleur gars possible.

Entre Time Bomb et 15, tu as joué avec Slash, Duff McKagan et Matt Sorum pour leur nouveau projet, qui est finalement devenu Velvet Revolver avec Scott Weiland. Tu avais passé un mois en studio avec eux. Avec le recul, comprends-tu pourquoi tu as été soudainement retiré du projet ?

Je ne sais pas. Il faudrait poser la question à Slash. Il ne le sentait pas. Je sais ce que j’apporte et peut-être que ce n’est pas pour tout le monde. Il faut l’accepter. Je n’étais pas la bonne personne pour lui pour je ne sais quelle raison.

On vient d’apprendre que le troisième album de Buckcherry, 15, a été certifié double disque de platine. Est-ce une preuve de ton inébranlable détermination et de ta résilience, surtout à l’époque ?

Oui, je suis très content de cette réussite. Je suis désormais un artiste multi-platine, ce qu’il est très dur de faire de nos jours en tant que groupe de rock. Donc j’en suis très fier. Ceci étant dit, je regarde toujours l’avenir. Je ne regarde pas tellement dans le rétroviseur. Je me concentre sur l’album Hellbound aujourd’hui. Je suis reconnaissant d’avoir une telle longévité et de tout ce que nous avons eu ainsi que des jours et concerts à venir. J’ai une motivation sans faille qui affecte chaque album que nous sortons. Avoir fait un album tel que Hellbound aujourd’hui, à ce moment de ma carrière, après huit albums, c’est assez extraordinaire. On sait que c’est extraordinaire parce que la plupart des groupes n’ont pas autant d’albums dans leur discographie. Il y a plein de groupes qui ont peut-être trois, quatre ou cinq albums dans leur carrière. J’en suis très fier.

« Nous sommes la brebis galeuse du rock n’ roll depuis que nous avons commencé. Nous sommes sur notre propre île, à faire notre carrière, en profitant d’une sorte de succès silencieux depuis vingt-deux ans. Je suis content comme ça. »

Vous avez aussi une vraie constance dans vos sorties…

Il faut entraîner ce muscle. Je pense que quand les groupes prennent beaucoup de temps, genre des années et des années, pour faire des albums… Je ne comprends pas comment on peut faire un album quand on n’a pas écrit de chanson avec son groupe ou été constant dans le processus de création. Je ne pige pas ça. Je n’écoute pas beaucoup d’albums de groupes qui ont passé des années sans faire d’album, qui sont revenus et ont fait de super albums ensuite. C’est très rare que ça arrive.

Comment vois-tu l’évolution du rock depuis que tu as commencé au milieu des années 90 ?

Je ne veux rabaisser le rock, mais je trouve que ça fait longtemps qu’il se perd un peu ; ça fait plus d’une décennie que ce genre musical n’est plus très intéressant. Je ne suis pas en train d’essayer de dénigrer les nouveaux groupes de rock ou quoi que ce soit. J’ai juste l’impression… Je ne sais pas si c’est la production ou le fait qu’il n’y a plus beaucoup d’âme, d’espace ou de dynamique dans les chansons de rock. Il n’y a plus tellement de rock-stars non plus. Je trouve que la dernière décennie ayant engendré du très bon rock, c’était les années 90. Il y avait plein de de très grands chanteurs et une vraie dynamique avec des groupes très différents. C’est ça le truc : j’essaye d’écouter les radios qui diffusent du nouveau rock et j’ai l’impression d’entendre le même groupe pendant quarante-cinq minutes. Je ne trouve pas ça intéressant. Je n’écoute pas énormément de rock. J’écoute surtout du hip-hop et de la pop. Je trouve que le rock n’est plus dangereux ; le hip-hop est dangereux. J’adore ça. Certains de ces gars ont leur propre vocabulaire et je trouve ça assez extraordinaire, et leur manière de faire des chansons est intelligente. Ce n’est pas facile et je trouve ça très intéressant. D’un point de vue chant et mélodies, la pop est la référence, c’est là qu’on trouve les meilleurs compositeurs au monde. Toutes ces chansons qui sont vraiment super se basent beaucoup sur le chant, c’est l’instrument principal, donc j’adore les disséquer et les analyser. Quand je prends toutes ces informations et que je les applique au rock, quand je me mets à écrire des chansons, ça produit des choses très intéressantes mélodiquement parlant. Je pense que c’est ce qui rend Buckcherry unique, mais ce n’est pas pour tout le monde. Je le comprends bien.

Penses-tu que Buckcherry est aussi là pour montrer ce que devrait être le rock ? Te sens-tu investi d’une mission ?

Non, Buckcherry n’a jamais fait partie du mainstream depuis que nous avons sorti notre premier album. Quand nous sommes arrivés avec notre premier album en 99, c’était la mode du rap rock, le rock shoegaze était très populaire à l’époque, etc. Nous étions une brebis galeuse. Nous sommes la brebis galeuse du rock n’ roll depuis que nous avons commencé. Nous sommes sur notre propre île, à faire notre carrière, en profitant d’une sorte de succès silencieux depuis vingt-deux ans. Je suis content comme ça. Je ne savais pas que ça allait être comme ça, mais… Je ne me doutais pas que le rock serait dans cet état aujourd’hui, mais il faut vivre avec son temps.

Est-ce un choix délibéré de ne pas faire partie du mainstream ?

Ce n’était pas mon choix. Je ne peux qu’être fidèle à moi-même et sortir une interprétation honnête de ce que je veux faire. Peu importe quelle place ça prend dans l’ordre des choses avec le rock, c’est comme ça. C’est ça qui est super avec internet : il n’y a plus de marché contrôlé avec la musique, on peut aller chercher et trouver les groupes qu’on aime, faire des playlists et créer son propre univers par rapport à ce qu’on écoute. Ce n’est plus un marché dicté par la radio. Ce n’est plus contrôlé. C’est le Far West là-dehors.

Interview réalisée par téléphone le 7 juin 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Buckcherry : buckcherry.com

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