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Interview   

Chat Pile : Real American Horror Story


Si la pandémie de Covid-19 a été un coup dur pour la plupart des groupes, pour Chat Pile, cette crise a été un véritable coup d’accélérateur. Il faut dire que la musique des Américains, un mélange sombre de rock à la Big Black, de lourdeur à la fois très Korn et très Godflesh, de spoken-word et de hurlements sludge, était la bande-son idéale de l’angoisse et de la claustrophobie ambiante – d’un monde en train de s’écrouler, pour citer leur chanson « Anywhere ». Apparemment sorti de nulle part, le quatuor, avec ses pseudonymes cartoonesques et sa sensibilité politique bien affirmée, a créé le buzz en quelques EPs, ce qui lui a permis de sortir son premier album, le bien-nommé God’s Country, sur le label The Flenser.

Nous avons profité du premier concert européen du groupe lors de la dernière édition du Roadburn pour parler de ces débuts explosifs avec quatre musiciens amicaux, détendus, et manifestement très heureux d’être là. Luther Manhole (guitare), Stin (basse), le « petit plaisantin » revendiqué Raygun Busch (chant) et le très discret Cap’n Ron (batterie) sont revenus avec nous sur la genèse de God’s Country, leur vision de la musique, et la vie en Oklahoma, dont la religiosité étouffante et le passé industriel (« chat pile », ce sont les tas de résidus miniers qui émaillent le paysage de la région) imprègnent leurs chansons. De Nirvana à Crass en passant par Gus Van Zant et Bruno Dumont, c’est un univers singulier qui émerge, où les faits divers glauques se mélangent aux bad trips comme aux questions sociales brûlantes : une americana brute de décoffrage et sans illusions, version 2023.

« Nous avons commencé le groupe en 2019 et ne nous attendions à ce que notre premier album reçoive autant d’attention ou quoique ce soit de ce genre. C’est cool, cela dit ! »

Radio Metal : Est-ce que vous venez d’arriver en Europe ? C’est votre première fois ?

Luther Manhole (guitare) : Nous sommes arrivés il y a quelques jours. Nous avons pris un peu d’avance et passé quelques jours à Amsterdam parce que…

Raygun Busch (chant) : Il fallait que nous prenions le temps de tomber amoureux de Dam [ils rient tous].

LM : Nous y avons passé quatre nuits et nous sommes arrivés à Tilbourg hier midi. Depuis, nous traînons dans le coin et c’est formidable. Certains d’entre nous avaient déjà été en Europe. Nous venons d’un endroit où c’est vraiment compliqué de faire du vélo en toute sécurité, tout le monde est dans sa voiture… Être dans un endroit aussi adapté aux piétons et aux vélos, avec autant d’options pour manger de bonnes choses… En plus, ça semble très simple pour nous en tant qu’Américains d’être aux Pays-Bas, tout le monde parle anglais ! Ça va être très compliqué de se dire qu’il va falloir rentrer à Oklahoma City. Pour le moment, ça a été super.

God’s Country est votre premier album, le groupe s’est formé est 2019 donc c’est plutôt récent, mais il me semble que vous jouiez déjà tous de la musique auparavant. Quel a été votre parcours ?

Stin (basse) : [Cap’n] Ron (batterie) et moi sommes frères, nous jouons de la musique ensemble depuis que nous sommes enfants. Et je suis ami avec Raygun depuis le début de ma vingtaine, donc ça fait une vingtaine d’années maintenant. J’ai rencontré Luther il y a peut-être dix ans grâce à un ami commun…

LM : Mon cousin était très ami avec [Stin]. Surtout en vieillissant, ça devient compliqué de rencontrer de nouvelles personnes qui partagent tes centres d’intérêt, surtout dans la même ville. Si tu vis dans une ville pas très grande, au bout d’un moment, tu as l’impression de connaître tous les gens qui aiment les mêmes trucs que toi…

RB : Parfois, tu connais plein de gens qui aiment les mêmes trucs que toi, mais ce n’est pas nécessairement des gens avec qui tu as envie de traîner pour autant…

S : C’est rare de pouvoir se dire : « Oh, nous ne nous connaissons pas mais pourtant on dirait que nous avons beaucoup de point commun ! »

RB : Donc nous sommes des amis fidèles.

LM : Vous deux [Raygun et Stin] avez essayé de bosser ensemble pendant des années…

S : Nous avons collaboré sur certains projets au fil du temps. J’ai eu un petit studio d’enregistrement dans mon jardin pendant des années, et Raygun…

RB : J’étais très impliqué dans tout ça.

S : Nous étions juste de très bons amis. À part Ron et moi, nous n’avions jamais joué sérieusement dans un groupe ensemble. C’était plutôt que nous traînions ensemble et prenions du bon temps, honnêtement.

RB : [À Stin] N’oublions pas que nous avions un projet pour lequel nous avons jammé ensemble genre trois fois dans le studio de ton père. Avec nous deux à la guitare et [Ron] à la basse.

S : Sérieux ? Je ne peux pas dire que je m’en souvienne [ils rient tous]. Mais la période dont il parle, c’était il y a très longtemps, vingt ans peut-être.

LM : Mais nous sommes tous du même coin en tout cas. Je suis de la banlieue d’Oklahoma City, les trois autres viennent de plus loin mais ont emménagé par ici une fois qu’ils ont fini le lycée. Parce que bon, il n’y pas beaucoup d’alternatives…

RB : Il y a deux villes. Choisis ton camp [rires]. Nous avons choisi la ville moche où il y a un peu de culture plutôt que la jolie ville où il n’y a rien à faire quand on est jeune.

Les choses sont allées vite pour Chat Pile : vous avez enregistré deux EPs, un split, puis avez été signé par The Flenser pour God’s Country, votre premier album, le tout pendant une pandémie mondiale. Comment tout ça s’est déroulé ?

LM : Je crois qu’avec la pandémie, plein de gens restaient chez eux, ils n’avaient pas le choix, donc ils traînaient sur internet. Et je pense que bizarrement, la pandémie a eu un impact négatif sur nous dans la mesure où elle a eu un impact négatif sur tout le monde, parce que nous ne pouvions pas sortir et vraiment jouer, mais honnêtement, je pense que beaucoup de gens nous ont découvert en ligne à ce moment-là.

RB : Et puis ça nous a laissé incuber pendant un moment.

LM : Nous étions dans notre bulle, en gros : nous n’avons vu que les autres membres du groupe pendant pratiquement deux ans.

S : Lorsque que nous nous sommes confinés, nous n’avons pas répété ni joué pendant des mois…

RB : J’ai l’impression que ça a duré des années…

« L’aura du groupe et la musique que nous faisons sont très bruts de décoffrage, il y a un côté à l’arrache. Nous avons définitivement une approche assez punk. »

S : Nous nous sommes confinés en mars et je suis à peu près sûr que nous avons commencé à jouer ensemble en juin. Donc nous avons fait une pause mais ensuite nous nous sommes dit que nous allions jouer de la musique et que nous serions les seules personnes que nous allions voir pendant ce temps. C’est ce qui a mené à God’s Country et à la bande originale [du film Tenkiller]. Nous avons écrit la bande originale en pratiquement une seule longue fois.

RB : Nous portions des masques dans le studio, nous avons vraiment appliqué la diligence requise ! Il y a une photo de [Luther] qui joue de la mandoline et il porte un masque. C’est dingue.

LM : Oui, en fait nous avons fait la bande originale avant d’écrire l’album, même si nous l’avons sortie après parce qu’il fallait aussi vraiment que nous sortions l’album. La bande originale, c’est juste que des gens de notre coin ont pris contact avec nous, et nous nous sommes dit, « Pourquoi pas, ça a l’air d’être fun à faire ».

RB : J’ai toujours voulu faire une BO et nous nous sommes tous vraiment amusés.

S : Ça a aussi aidé à ouvrir certains horizons créatifs pour l’album, ça nous a poussés un peu au-delà de ce que nous avions l’habitude de faire… .

LM : Oui, je me souviens d’une chanson en particulier, et de certains trucs interstitiels qu’il y a entre les morceaux. Mais en tout cas oui, c’est allé très vite [petit rire], c’était complètement inattendu. Nous avons commencé le groupe en 2019 et ne nous attendions à ce que notre premier album reçoive autant d’attention ou quoique ce soit de ce genre. C’est cool, cela dit !

Vous avez commencé à vous faire connaître avant d’avoir vraiment tourné, ce qui est assez atypique. Est-ce que c’est une pression supplémentaire ? Comment envisagez-vous vos concerts ?

S : Ça dépend. Je dirais que ça ajoute définitivement de la pression pour que le concert soit à la hauteur des attentes des gens. Mais pour le moment, le public a l’air d’apprécier.

LM : Je pense que les gens comprennent l’atmosphère que nous essayons de mettre en place. Moi, je suis toujours stressé jusqu’à ce que ce soit fait et que ça ait été un bon concert. Là, par contre, je me dis que je ne ferai jamais mieux que ça. Ça peut te faire planer très haut.

RB : C’est fun de jouer en live, je crois que ça nous plaît à tous.

S : Je dirais que je me considère comme quelqu’un qui préfère l’écriture et l’enregistrement. C’est vraiment ça que je recherche.

RB : Oh, moi aussi, il n’y a pas photo.

S : Je ne suis pas le genre de personne qui va dire : « Ouais, il faut vraiment que tu nous voies en live ». Je pourrais honnêtement passer ma vie en studio à enregistrer des albums sans jamais tourner [petit rire].

RB : C’est un peu ce que nous faisions jusqu’à maintenant [ils rient tous].

LM : Je penche un peu plus de l’autre côté ; je ne partirais pas en tournée sept mois par an, mais je suis plus du genre à dire : « Allez, rien à foutre, faisons juste n’importe quel concert ».

RB : J’aime beaucoup être en tournée. C’est fun, tu voyages, les gens veulent entendre ta musique. Ça n’arrive pas à tout le monde, tu sais – clairement, ça ne nous est pas arrivé pendant vingt putain d’années !

S : Je dois dire que la pression que tu ressens aide à attiser une sorte d’énergie… Nos concerts sont très énergiques, il y a beaucoup d’énergie cinétique impliquée dans tout ça.

LM : Je me suis beaucoup promené la semaine dernière et je me suis fait mal à la cheville cette semaine, donc je me disais justement : « Je bouge vraiment beaucoup pendant les concerts, j’espère que je ne vais pas m’écrouler sur scène aujourd’hui ou demain à cause de ma cheville ! » [petit rire]

RB : Allez, tu joues en chaise roulante, comme Kurt [Cobain] !

LM : Ouais, ou assit sur un tabouret…

RB : James Hetfield a joué assis récemment, alors…

LM : La classe ! Si tu peux t’en tirer comme ça, c’est la chose à faire. Si je pouvais me débrouiller pour être assis sur scène ! [Rires]

RB : L’un des meilleurs guitaristes que j’ai jamais vu jouait assis sur un tabouret, donc…

Raygun, tu apparais dans le film Tenkiller, n’est-ce pas ?

RB : Je suis dans le film, oui, et [Stin] a un petit rôle aussi.

« Nous avons été empoisonnés par Nirvana. »

D’une certaine façon, tu joues un personnage aussi quand tu chantes. Est-ce que les deux choses sont similaires pour toi ?

RB : Oui, j’adore faire ça. Mon personnage dans le film est un redneck qui est dangereusement stupide et très grande gueule. Ils m’ont laissé raconter ce que je voulais, tout ce que je dis est improvisé. Je suis aussi dans leur nouveau film, je ne sais pas du tout ce que j’y ferais [ils rient tous]. Ce sera complètement différent parce que mon personnage sera triste et silencieux. L’un de mes films vus récemment préférés est L’Humanité de Bruno Dumont et j’ai essayé de m’inspirer de Pharaon, le personnage principal… Je ne sais pas trop, nous verrons bien, mais c’est fun de jouer la comédie, j’adore ça. J’adore les films, donc je le referais volontiers. Je le referai !

LM : Si quelqu’un a besoin de Chat Pile dans quelque configuration que ce soit…

RB : Et nous avons travaillé sur le projet de faire un film de groupe, ou un film dans lequel le groupe sera impliqué… La vidéo fera partie de ce que nous faisons en tant que groupe tant que mon avis sera pris en compte !

Est-ce que tu improvises en live ou quand tu enregistres ?

RB : Non. Parfois – mais pas souvent. Au début, quand j’ai commencé à chanter avec eux, je crois que « Rainbow Meat » a été trouvée en improvisant. Mais maintenant, peut-être au désarroi de certains autres membres du groupe, il me faut un moment pour trouver dans quelle direction aller, mais je trouve qu’en fin de compte, ça en vaut la peine.

S : Oui, ça nous prend des siècles aussi, alors bon…

RB : Donc oui, il n’y a pas beaucoup d’improvisation dans tout ça. Il y a en fait beaucoup de réflexion, mais à partir du moment où tu as trouvé comment caler les mots et les syllabes, ensuite tu peux ajouter le côté théâtral et là, ça commence à respirer, à prendre vie.

LM : En général, c’est la cadence, la mélodie, etc. qui te prennent du temps, parce que souvent, tu as un thème dont tu veux parler, ce n’est pas ça qui est difficile à trouver. C’est le côté musical, plutôt. Quant à nous, nous écrivons en jouant, mais seulement au début, ensuite il y a beaucoup de retouches. Nous enregistrons la guitare, la basse et la batterie live et nous essayons de le faire en une seule prise sans coupe. Pour chaque chanson de Chat Pile il y a au moins une piste avec la guitare, la basse et la batterie en une prise pas éditée du tout, et ça prend du temps d’arriver à ce résultat, de donner forme à tout ça.

RB : Maintenant que j’y pense, je dois admettre que les cinq dernières minutes de « Grimace » [« grimace_smoking_weed.jpeg »] ont été improvisées. Pour la deuxième moitié de la chanson, au bout d’un moment, je suis arrivé à cours de paroles donc j’ai commencé à hurler… Il y a un passage où je dis « I don’t want it, but here it is! » [« Je n’en veux pas, mais pourtant c’est là ! »] et en fait je veux juste dire [il crie] : « Cette chanson ne va jamais se finir, bordel ?! » [ils rient tous] Je l’ai fait deux fois de suite donc c’est de la frustration sincère et un peu méta que vous pouvez entendre : « Vous déconnez ? C’est toujours pas fini ? » À la fin, je me suis dit que j’allais juste gueuler jusqu’à ce que la chanson soit terminée. Et le résultat est vraiment bien !

S : Est-ce que « Crawlspace » n’a pas été improvisée aussi ?

RB : Oui, c’est vrai. Et c’est dingue mais je crois qu’il y a eu une part d’improvisation pour « Dallas Beltway » aussi.

S : C’est quelque chose qui se produisait plus souvent au début, mais maintenant, plus tellement.

LM : Oui, maintenant, nous avons plus de temps, nous n’avons plus besoin de faire avec les premières prises. Je trouve que nos vieilles chansons sont très bien, mais nous avons consacré bien plus de temps à l’album.

RB : Je suis polyvalent, je crois. Je peux le faire de toutes les façons possibles [rires].

S : Nous ne sommes pas un groupe comme Phish qui change sa setlist tous les soirs. Une fois que nous avons trouvé les parties qui fonctionnent, elles ne bougent plus.

Apparemment, vous avez enregistré l’album vous-même. Est-ce que c’est un choix délibéré ou un concours de circonstances ?

LM : Oui, en effet. Nous avons payé quelqu’un pour le mastering parce que ça nous semble être un truc très nébuleux – je ne sais pas si quelqu’un sait ce que c’est, le mastering [rires] – mais en gros, Stin est notre ingénieur du son. Nous appuyons sur « Record », nous essayons d’enregistrer le truc en entier, et ensuite nous ajoutons quelques overdubs de guitare et la voix, évidemment.

S : Nous avons aussi tendance à enregistrer au fur et à mesure que nous écrivons. Pour God’s Country, nous écrivions une chanson, l’enregistrions, puis écrivions la suivante, l’enregistrions, etc. Ça s’est passé comme ça, en gros.

LM : J’en ai parlé avec des amis et des fans et ils m’ont dit : « Waouh, vous êtes tarés, les mecs. Pourquoi vous faites comme ça ? Ça n’a pas l’air efficace du tout comme méthode, ça doit être super long ! » Je leur réponds à chaque fois : « Oui, mais c’est comme ça que nous faisons ! » [ils rient tous]

S : C’est gratuit, voilà pourquoi nous nous y prenons comme ça !

« L’americana, c’est quelque chose de très spécifique pour beaucoup de gens, des trucs qui parlent de la route 66, de cowboys, de pick-ups, etc. Mais pour nous, la vraie americana, c’est les centres commerciaux et les puits de pétrole… C’est ça, l’Amérique. »

Donc c’est un choix délibéré, c’est plus pratique comme ça…

S : Il y a plein de raisons pour ça. Je préfère clairement que nous gardions le contrôle du plus de choses possible, parce que quand tu as joué dans des groupes par le passé où tu as payé quelqu’un pour enregistrer l’album et que la personne t’a renvoyé un mix qui te fait te demander si elle avait ne serait-ce qu’une vague idée de ce à quoi le groupe aspirait… J’ai eu des albums entiers gâchés par des ingénieurs du son qui n’avaient aucune idée de ce que nous voulions faire. Mais il y a aussi le fait qu’au départ, nous étions juste des potes qui jouions ensemble. Nous ne voulions pas dépenser de l’argent pour ça, donc nous avons trouvé une manière de le faire nous-même.

LM : Nous avons GarageBand, un iMac et des micros, donc…

RB : Nous avons toujours été farouchement indépendants. J’ai fait beaucoup de musique de mon côté et quand je travaille sur mes trucs solos, je veux complètement garder le contrôle.

S : Il y a aussi un aspect artistique : l’aura du groupe et la musique que nous faisons sont très bruts de décoffrage, il y a un côté à l’arrache, et le fait d’enregistrer nous-même accentue ce côté-là.

LM : En live aussi nous sommes assez à l’arrache. Nos concerts sont bien, mais si tu t’attends à la précision laser d’un groupe de prog, tu vas être déçu, ce n’est pas ce que Chat Pile va t’apporter.

S : Nous avons définitivement une approche assez punk, de ce point de vue-là, c’est ce qui nous distingue de pas mal de groupes qui jouent à ce festival. Ils ont cette précision européenne et nous, nous débarquons avec notre côté punks américains à l’arrache [« sloppy » en VO] [rires]…

RB : Mais ils aiment les sloppy joes, alors ! [ils rient tous]

Vos influences sont assez larges, vous aimez manifestement les groupes de noise rock comme Big Black et Scratch Acid, mais vous mentionnez aussi Korn…

S : Oui, ça, c’est moi ! [Rires]

Est-ce que vous avez toujours joué ce genre de musique ou est-ce que vous avez essayé d’autres choses ?

LM : Je crois que Chat Pile, c’est assez différent de tout ce que nous avons fait par le passé. Je n’ai jamais été dans un groupe qui sonne comme ça.

S : C’est une sorte de mélange des goûts des uns et des autres.

LM : J’ai toujours voulu jouer ce genre de musique, mais je n’avais personne pour le faire avec moi.

RB : Ça faisait longtemps que je voulais juste chanter dans un groupe.

S : Mais je ne crois pas que nous avons commencé le groupe avec un son défini à l’esprit. Nous l’avons trouvé en jammant ensemble.

LM : Je me souviens être venu chez [Stin], il m’a montré certain de ses riffs de basse et j’ai joué un peu de guitare par-dessus pour voir si ça pouvait fonctionner – j’ai plein d’amis qui sont de super musiciens mais quand nous jouons ensemble, il n’y a aucune alchimie. Peu importe si tu joues bien : l’alchimie est un facteur hyper important. Bref, j’aime bien raconter ça, mais littéralement, la première chose que nous avons joué ensemble, c’était le riff principal de « Dallas Beltway » de [Stin] et un truc de guitare complètement différent qui était encore plus pompé sur The Jesus Lizard que le résultat final. C’est la première chose que nous avons jouée et c’est toujours notre chanson la plus populaire, je crois, en tout cas si on regarde les streams. Mais en effet, je ne pense pas que nous nous soyons dit : « Il faut que ça sonne comme ça ». C’est juste le genre de riffs que nous écrivons, le style de [Cap’n Ron] en tant que batteur, et la façon dont [Raygun Busch] écrit ses paroles. C’est une combinaison de nos styles individuels.

S : Peut-être que je ne devrais pas dire des choses aussi définitives mais je crois vraiment qu’à aucun moment nous nous sommes dit : « Ça va ressembler à ça » ou « Nous allons être ce genre de groupe ». Et c’est toujours le cas : nous sommes complètement ouverts à l’idée de changer de voie et d’écrire de la musique qui ne rentre dans aucune catégorie prédéfinie. Nous jouons ce qui sonne bien à nos oreilles, et c’est avec ça que vous vous retrouvez !

Votre musique est à la fois très intense et extrême d’un côté, et groovy et accrocheuse de l’autre. Il y a des passages qui restent vraiment dans la tête…

LM : Nous sommes de gros fans de pop et de mélodies accrocheuses, j’aime vraiment entendre une chanson et me dire : « Attends, c’est quoi, ça, déjà ? » J’espère que nos chansons se distinguent à l’oreille des gens, qu’elles sont mémorables, d’une certaine façon. C’est un parti-pris délibéré.

RB : Nous aimons tous Nirvana et Rage Against The Machine, et ils ont des chansons très accrocheuses.

LM : Mais il y a une façon de s’y prendre – nous ne nous sommes pas dit : « Tiens, prenons de la musique extrême et rendons-la plus accessible ». Ce n’est pas une mauvaise chose en soi : [Stin] et moi aimons le black et le death metal, et nous aimons tous la musique accrocheuse, mais nous ne voulions pas faire du death metal catchy ou quoi que ce soit de ce genre.

S : C’est aussi plus facile d’écrire des chansons de cette manière. Si tu sais qu’il va te falloir des couplets, un refrain, un pont et une outro, ça te fait un plan pour composer. Alors que si tu te dis : « Je vais écrire une chanson de quatorze minutes avec des tonnes de blast-beat »…

« Nous avons des pseudonymes et tout mais je ne crois pas que nous soyons un groupe très mystérieux. J’aime bien être très honnête en ce qui concerne notre manière de faire les choses. »

LM : J’adore ce genre de truc, mais je ne suis pas sûr que ça colle avec ma manière de composer.

S : Non, et ça ne colle pas avec la mienne non plus.

LM : Nous essayons de faire en sorte que ça reste groovy.

S : Nous avons été empoisonnés par Nirvana.

C’est pareil pour vos paroles et votre esthétique : ce n’est pas sinistre comme le metal extrême ou le grindcore, mais c’est aussi horrifique, d’une manière un peu plus sardonique et terre-à-terre. Apparemment, à l’origine Raygun avait une approche un peu plus cartoonesque au départ ; à la Rob Zombie… Comment avez-vous trouvé le ton juste ?

RB : L’anecdote vient d’une seule chanson, « Crawlspace ». L’histoire penchait plus du côté Satan à l’origine, mais ils m’ont dit : « Ne fais pas ça », parce que ça avait déjà été trop fait. Et c’est vrai que c’est mieux comme ça. C’est plus effrayant si le personnage est chrétien. Mais il n’y a pas vraiment de règles ou de restrictions concernant ce que je vais dire dans les paroles. C’est juste que j’aime ce genre de trucs. L’un de mes films favoris est Henry, Portrait D’un Serial Killer, j’aime aussi beaucoup Schizophrenia, Golden Glove… Je voulais apporter ce réalisme sombre à la musique. Mais ça n’a même pas à être des histoires de tueurs en série – Elephant de Gus Van Zant est aussi une grosse influence pour moi, ou Le Roi Pêcheur… J’aime les films d’horreur, mais je ne sais pas…

S : Il y a une sorte de réalisme qui imprègne tout ce que nous faisons. Comme tu le mentionnais, avec l’esthétique de l’album, nous voulons simplement montrer une tranche de vie, sa part sombre évidemment, mais de manière réaliste. Ou même juste nous inspirer des trucs glauques qu’il y a autour de nous mais que nous ne remarquons même plus parce qu’ils font partie de notre quotidien.

LM : Je trouve ça marrant que notre musique plaise à tant de gens en Europe et au Royaume-Uni parce que j’ai l’impression que notre contenu en tant que groupe est vraiment très américain… C’est notre version de l’americana, d’une certaine façon. L’americana, c’est quelque chose de très spécifique pour beaucoup de gens, des trucs qui parlent de la route 66, de cowboys, de pick-ups, etc.

RB : Et nous vivons sur la route 66 !

LM : Mais pour nous, la vraie americana, c’est les centres commerciaux et les puits de pétrole…

RB : Des rêves brisés et pas de crème glacée… [rires]

LM : C’est ça, l’Amérique. Donc les fast foods, etc., c’est ça la vraie americana. Ça a vraiment été intéressant de voir que ça peut parler à des gens en dehors de notre petite bulle, c’est vraiment génial. Je suis sûr que des gens du monde entier ont aussi ce sentiment que là d’où ils viennent, c’est naze, c’est quelque chose d’universel. Même quand tu viens d’un endroit cool d’ailleurs – j’ai des amis qui vivent depuis toujours à Brooklyn et qui me disent qu’ils détestent ça !

S : [Rires] Mec, qu’est-ce qu’il te faut de plus ?

RB : Nous nous disions pour rigoler qu’il devait bien y avoir un ado à Amsterdam qui se dit que c’est complètement nul comme ville [ils rient tous]…

S : Il y a eu des artistes européens qui ont pris contact avec nous pour que nous travaillions ensemble et honnêtement, ça a été un peu compliqué parce qu’ils nous proposent des choses, et ce n’est juste pas assez américain. Donc nous avons dû répondre des trucs du genre : « Nous sommes très flattés que vous vouliez travailler avec nous et votre concept est cool et tout, mais ça a l’air vraiment européen à mes yeux. »

LM : C’est même pire que ça : nous avons collaboré avec des gens d’autres régions que nous et nous nous sommes dit : « Ça sonne vraiment trop new-yorkais ».

S : « Vous apportez une atmosphère très urbaine. » Notre atmosphère à nous, c’est plutôt « survol du milieu du pays ». C’est ça que nous essayons de faire.

RB : Il doit y avoir des équivalents en Europe, mais je ne sais pas trop.

Je ne suis jamais allée aux États-Unis ni a fortiori dans votre ville, mais j’ai l’impression de pouvoir m’en faire une idée grâce à votre musique.

S : Ça me fait plaisir d’entendre ça, c’est vraiment fait pour être évocateur.

Pas sûre que ça me donne envie de venir, par contre…

S : [Rires] Ce n’est pas le premier endroit à aller visiter aux États-Unis, non.

LM : Ce n’est pas le dernier non plus cela dit, il y a pire !

S : C’est un peu au milieu [rires].

« Quand tu vois tous ces trucs terribles qui arrivent, tu as envie de leur dire : ‘Ce n’est pas de ce genre de trucs que Jésus parlait ?’ Pourquoi il y a des gens qui vivent dans la crasse sous des ponts ? Par contre, nous avons un paquet d’églises ! »

C’est une prison qu’il y a sur la pochette de l’album, c’est bien ça ?

S : Oui, c’est l’Oklahoma County Jail, la maison d’arrêt du comté d’Oklahoma. Elle se trouve dans le centre d’Oklahoma City et c’est l’une des pires prisons du pays. En fait, nous vivons dans l’un des états les plus punitifs de tout le pays : aucun état n’a plus de personnes incarcérées que l’Oklahoma. Et cette prison en particulier est notoirement mortelle. Il y a chaque année des dizaines de personnes qui y meurent à cause de négligences. Et ce n’est même pas une prison, c’est une maison d’arrêt, ce qui est encore plus dingue.

LM : C’est là que tu vas en attendant d’aller dans une vraie prison. Mais ça ressemble à une énorme prison, c’est un bâtiment gigantesque.

RB : Des gens y restent des années.

LM : Elle se trouve sur Classen, l’une des artères principales d’Oklahoma City, donc si tu habites dans cette ville, tu passes devant cette monstruosité super glauque en permanence…

S : Nous vivons tous à moins de deux kilomètres de cet endroit.

LM : [Stin] prend des photos et c’est l’une d’entre elles. Nous ne nous disions pas nécessairement qu’il fallait que nous ayons une photo de la prison sur notre album, mais elle nous a semblé vraiment évocatrice du sentiment que nous avons essayé de capturer.

S : Nous savions au moment de l’écriture que cet album serait politique. Et comme il parle beaucoup de notre environnement immédiat, nous voulions aborder une question politique locale.

LM : Et ce n’est pas comme si ça allait de soi que c’était une prison. Si tu n’es pas d’Oklahoma City et que tu n’as jamais lu l’une de nos interviews…

RB : J’ai vu que certaines personnes l’avaient confondue avec le poste électrique qui est juste devant, la perspective fait que ça n’a pas l’air aussi grand que ça…

LM : Oui, j’ai aussi entendu parler de centrale électrique. Mais même des gens qui vivent dans d’autres états m’ont dit : « Je viens d’Oklahoma et dès que j’ai vu la pochette, j’ai compris de quoi il en retournait. »

S : C’est un clin d’œil aux gens d’Oklahoma qui connaissent cet endroit et ces problèmes.

LM : Mais nous sommes toujours très contents de pouvoir parler de ces questions. Tu sais, nous avons des pseudonymes et tout mais je ne crois pas que nous soyons un groupe très mystérieux. J’aime bien être très honnête en ce qui concerne notre manière de faire les choses.

RB : Nous avons des pseudonymes juste parce que c’est marrant, comme Elvis Costello.

Le fait que vos chansons abordent des faits divers et des questions politiques me fait penser à des groupes de punk des années 80 comme Crass…

LM : Je ne peux pas parler pour les autres mais c’est une influence énorme en ce qui me concerne. C’est un grand compliment !

RB : Oui, les Dead Kennedys ont eu une influence massive sur moi, c’est clair. J’aime aussi beaucoup MDC, un groupe de hardcore dont on ne parle vraiment pas assez, et Bad Brains.

LM : J’ai toujours été très attiré par, même au-delà du punk, des choses comme The Mountain Goats par exemple. J’aime le langage simple dans les chansons, quand les gens chantent et écrivent des paroles comme ils parlent au lieu de faire plein de métaphores…

RB : Lou Reed est le grand-père de tout ça, globalement.

LM : Ce n’est pas qu’il n’y a pas de métaphores, de thèmes, etc. dans les textes de ces artistes, mais le côté réaliste, presque documentaire qu’il y a dans beaucoup de vieux punk me parle vraiment beaucoup. Quand j’ai entendu « Kill the Poor » des Dead Kennedys pour la première fois…

RB : « California Über Alles », « Holiday in Cambodia »…

LM : Complètement.

On sait que la religion est très importante aux États-Unis. Votre album est intitulé God’s Country [Le pays de dieu], mais apparemment, dans un premier temps, vous aviez envisagé un autre titre…

LM : Execute God ! [Ils rient tous]

On dirait donc que vous avez décidé d’opter pour l’ironie plutôt que l’agression frontale. Vous avez aussi fait une courte tournée qui s’appelait « Hell Is Real » avec Lingua Ignota, dont le dernier album parle aussi de paysages américains et de la religion qui y est attachée. Est-ce que vos approches sont similaires ?

LM : Elle y va plus fort que nous, mais je pense que nos démarches vont bien ensemble…

S : La sienne est plutôt catholique alors que la nôtre est protestante.

RB : Absolument, nous sommes clairement protestants – ou disons que c’est la perspective que nous adoptons.

LM : Comme elle, nous avons vécu dans des endroits où l’influence chrétienne est tellement forte…

S : L’influence de la religion est vraiment étouffante en Oklahoma en particulier : l’état est considéré comme la boucle de la Bible Belt [ceinture].

RB : Quand tu vois tous ces trucs terribles qui arrivent, tu as envie de leur dire : « Ce n’est pas de ce genre de trucs que Jésus parlait ? » Pourquoi il y a des gens qui vivent dans la crasse sous des ponts ? Par contre, nous avons un paquet d’églises ! Dans chaque quartier, il y en a qui sont abandonnées. Je connais un mec dont les parents achètent ce genre de propriétés, ils possèdent plein de vieilles églises bizarres abandonnées dans la ville.

« Ce n’est même pas marrant ces histoires de pentagrammes, c’est juste une pose, redescendez sur terre, bordel ! Je ne crois ni en dieu ni au diable. Je vois de la vraie méchanceté, de la cruauté partout autour de moi. »

S : Il y en a littéralement une à chaque coin de rue. Et ce n’est pas comme ici où elles ont cinq cents ans…

RB : Ce ne sont pas des belles cathédrales…

S : Elles ont été construites il y a deux ans – par exemple c’est un ancien Walmart qui a fait faillite et qui a été transformé en église. Ce genre de chose.

RB : Ça craint.

LM : Du coup, c’est facile de faire comme on le voit souvent dans le metal, d’y aller à fond dans l’imagerie anti-chrétienne avec Satan, les pentagrammes, etc. Mais il y a d’autres façons d’être saoulé par tout ça sans nécessairement utiliser cette esthétique. Je pense que c’est plus facile de s’identifier à ça – il y a plein de gens qui sont saoulés par tous ces trucs mais qui ne sont pas à fond branchés pentagrammes pour autant. Bon, moi j’ai un putain de pentagramme tatoué, mais…

S : Mais quand tu as quarante ans…

LM : Et puis ce n’est pas tellement que je veux dire « Fuck God ! », mais…

S : C’est l’ironie de tout ça qui est terrible. Nous vivons dans l’un des pires lieux de ce point de vue-là…

RB : Nous vivons dans un état où ils ont voulu exécuter un gars mais s’y sont mal pris, et à plusieurs reprises ! C’était il y a quatre ou cinq ans. Il est mort dans des souffrances atroces parce qu’ils n’ont pas réussi à faire l’injection létale comme il faut. Merci Mary Fallin [gouverneuse de l’Oklahoma de 2011 à 2019] ! Donc bon. Les enseignements de Jésus sont transférables à toutes les autres figures que d’autres personnes vénèrent, ce sont des croyances humanistes de base. Et en tant qu’humaniste, je suis profondément choqué par beaucoup de choses que je vois. Et comme je suis un petit plaisantin [ils rient tous], c’est ce que ça donne à la fin.

LM : Ça semblait vraiment approprié vu d’où nous venons. Une fois que nous avons pensé à God’s Country, vu la pochette, le sujet des chansons et où nous vivons, il n’y avait plus vraiment d’autres options envisageables.

S : Toutes ces idées convergeaient ensemble parfaitement.

RB : Et puis ce crétin de Blake Shelton qui vient aussi d’Oklahoma a sorti un hit intitulé « God’s Country » la même année, donc ça faisait une alternative…

Beaucoup de groupes « à pentagrammes » viennent de pays finalement assez sécularisé : ça semble logique qu’en étant dans un contexte différent, plus agressivement religieux, vous vous y preniez différemment.

S : Oui, et puis nous nous rendons bien compte que pour tous les aspects négatifs qu’à la religion, c’est toujours une force positive dans la vie de plein de gens, je pense. Et certaines personnes n’arrivent pas à approcher ça comme il faut et en fin de compte ça devient un moyen d’oppression. Mais d’un point de vue individuel, que ta maman de soixante-dix ans soit religieuse ne fait de mal à personne.

RB : Non ! Et puis ma mère est une meilleure personne que pas mal de gens que j’ai rencontrés au cours de ma vie, alors.

LM : En fin de compte, si nous voulons faire de la musique à propos d’où nous venons, de l’Oklahoma, ce serait hypocrite de ne pas aborder ces questions-là. Comment parler de l’Oklahoma sans parler de ça ? C’est une part si importante de la vie là-bas, que nous le voulions ou pas.

RB : Et puis ce n’est même pas marrant ces histoires de pentagrammes, c’est juste une pose, redescendez sur terre, bordel ! Je ne crois ni en dieu ni au diable. Je vois de la vraie méchanceté, de la cruauté partout autour de moi.

LM : J’aime bien le côté théâtral que ça peut avoir parfois…

S : Il y a un temps et un moment pour ça.

RB : Mec, la métaphore est un outil très puissant et j’aime beaucoup l’imagerie, mais c’est juste un uniforme pour plein de gens. Tu te coinces dans ce truc-là et tu ne peux plus aller nulle part.

S : Satan est partout autour de nous, pas besoin de toute cette imagerie ! [Rires]

Est-ce qu’il y a des groupes que vous voulez voir au festival ?

RB : Brutus !

LM : Nous avons vraiment envie de voir Brutus…

S : Et Portrayal Of Guilt, Deafheaven, Ken Mode, Elizabeth Colour Wheel…

LM : Nous avons essayé de voir Antichrist Siege Machine hier mais il y avait la queue et ils ne nous ont pas laissé entrer, donc…

RB : Par contre nous avons vu Deafheaven, c’était génial.

LM : Je ne m’étais pas rendu compte que c’était la première fois qu’ils jouaient Sunbather en entier, donc c’était vraiment unique, comme concert. Et le son était super ! Je me réjouis à l’avance de jouer dans cette salle demain, je pense que nous allons y avoir un son nickel…

Interview réalisée en face à face le 21 avril 2023 par Chloé Perin.
Retranscription & traduction : Chloé Perrin.

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