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Chronique Focus   

Coroner – Dissonance Theory


On commençait à ne plus y croire. Depuis sa reformation il y a quinze ans, en 2010, Coroner a pris son temps, franchissant lentement les étapes. Rappels en quelques dates. En 2011, Tommy Vetterli exprimait déjà son envie de faire un nouvel album, mais précisait qu’il allait devoir convaincre ses camarades qui, eux, n’avaient pas joué depuis plus de dix ans. En 2012, Ron Broder avouait que Marky Edelmann ne souhaitait plus enregistrer d’album et que si cela devait arriver, ils devraient prendre un autre batteur. Chose faite en 2014 avec l’arrivée de Diego Rapacchietti. En 2016, les Suisses déclarent être entrés en studio en vue d’une sortie en 2017. L’album est finalement annoncé pour 2020 et sort… en 2025. Il faut les comprendre, outre un Vetterli accaparé par ses activités de producteur, fort d’une discographie passée novatrice, modèle d’évolution constante, devenue source de vénération et d’influence – souvent post mortem –, les attentes autour d’hypothétiques nouvelles musiques atteignaient des hauteurs stratosphériques, proportionnelles aux années écoulées.

« Je me suis beaucoup demandé à quoi Coroner devait ressembler aujourd’hui, mais j’ai vite compris que regarder en arrière ne nous aiderait pas », explique le guitariste sur la manière dont il a pensé Dissonance Theory. Un album dont le titre a moins à voir avec la musique – dont la dissonance est pourtant l’une des composantes – qu’avec les thématiques touchant au concept de dissonance cognitive en psychologie. Coroner reste intellectuel, cérébral, mais aussi fondamentalement humain. Après « Oxymoron », une énigmatique introduction qui conditionne l’auditeur et le plonge dans un univers sombre, froid, dystopique, « Consequence » pose les bases du Coroner 2.0. La production est massive mais organique. Les riffs et rythmiques sont précis, techniques, alambiqués, sans aliéner. La voix est immédiatement reconnaissable, tout en ne ressemblant à aucune autre. Tout l’art de la formation helvétique est résumé en quelques mesures, familières et fraîches à la fois, dans ce jeu du juste équilibre, dans cette ample dynamique, dans ce torrent de décibels capable de laisser place au plus dépouillé des arpèges. Coroner puise autant dans la matière grise que dans le cerveau émotionnel, à l’image de ce refrain fluide, harmonieux, accrocheur, qui prend par surprise. La terminaison robotique de la ligne vocale sur le mot « default » n’est pas anodine : c’est l’être humain qui se fait peu à peu dénaturer par la machine (« qui est aux commandes maintenant ? » demande Broder en appuyant chaque syllabe).

Dissonance Theory a le sens du détail. Des pas-grand-chose font la différence : ce palm mute sur « Transparent Eye » que Vetterli désaccorde progressivement en appuyant sur la tige de vibrato (reproduit sur la basse en tournant directement la clé d’accordage !), donnant l’impression d’une perte d’équilibre, de chute en arrière, ou ce solo d’orgue Hammond décalé, presque hors contexte, sur l’outro « Prolonguing », qui « prolonge », justement, jusqu’au bout le sentiment d’un ailleurs qui contorsionne les lois naturelles. Le travail d’atmosphère reprend là où il s’était arrêté sur la compilation de 1995 où les claviers et les effets gagnaient subtilement en importance. Il tapisse, nébuleux, fantomatique, le fond sonore pour porter les accords, quasi orchestral sur « Sacrificial Lamb » ou faisant résonner des notes qui s’évanouissent dans le néant sur « Crisium Bound ». Jamais les arrangements de synthé ne prennent le dessus, le trio demeurant le cœur battant des compositions. La basse gronde, pendant que la guitare déroule sa riche partition soutenue par une batterie volubile et polyvalente, capable de terrasser comme de soulager (« The Law »), d’étourdir de circonvolutions comme de reprendre par la main. Sans parler de l’exercice du solo qui prend tout son sens, comme un joyau serti, à la fois sophistiqué et mélodique ; exemple de raffinement qui participe à l’éclat de la chanson.

D’aucuns trouveront Dissonance Theory difficile à pénétrer la première fois, par l’afflux d’informations qui percutent les tympans. Il en faut des écoutes pour l’apprivoiser et en révéler tous les trésors enfouis. Mais est-ce que ça n’a pas toujours été le propre de Coroner, antithèse de la musique fast-food ? Complexe mais pas élitiste, le disque poursuit étonnamment bien une discographie arrêtée trente ans plus tôt. Vetterli a beau dire qu’ils n’avaient « pas l’intention de prolonger un héritage » et voulaient l’« ancrer dans le présent », le résultat – sorte d’oxymore ou de dissonance cognitive à lui seul – convoque en permanence le passé… sans jamais être daté, sans la moindre nostalgie. Peut-être parce que le Coroner de Mental Vortex (1991) et de Grin (1993) est, en 2025, encore en avance sur notre temps. A moins que ce groupe ne soit juste… hors du temps.

Chanson « Symmetry » :

Clip vidéo de la chanson « Renewal » :

Album Dissonance Theory, sorti le 17 octobre 2025 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici



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  • Salut les Metallers🤘Album très lourd et très fast, ombrageux, really strong.
    La voix et les riffs avec les drums et les basses sont synchros. Hymnes de guerre, faisant pas rigoler du tout lol. Ils sont géniaux Coroner, porter cet album en t-shirt peut révolutionner le monde du Metal. Album intelligent perpétuant la couleur darkness du Metal même si au fond les Metallers sont des anges camouflés hihihi God bless 🙏✝️

  • Je suis vraiment content que cet album fasse autant réagir, car je m’enjoint aux critiques déjà faites, cet album est vraiment impressionnant.

    Je suis d’autant plus étonné que je n’étais pas un immense fan de coroner, j’adorais punishement for décadence, mais les albums suivants étaient âpres, sec. Et même maintenant je les trouves pas évident, malgré le fait qu’ils soient acclamés par la critique.

    Mais cet album, est lourd, bien produit (bien ? INCROYABLEMENT OUI), et on sent d’autant plus toute la maitrise qu’ils ont, ce qui permet de créer une sorte de tension dramatique toujours contenue et qui tient en haleine tout du long.

    Il y a même une sorte de travail de sound design, parfaitement suggéré dans la chronique, « des sons de pas grand choses » qui font la différence, c’est toute une atmosphère qui est (im)posée et appuis tout le propos.

    chaque piste, CHAQUE piste est impressionnante !

    Quand on écoute ça, on se rappelle pourquoi on écoute du metal. ON VEUT DU LOURD.

    de toute manière, Nicolas Gricourt écrit bien mieux que moi alors je vais m’arrêter là.

    Excellente chronique d’un album absolument bluffant.

  • Quel album ! Un voyage prog-trash qui nous emmène dans la stratosphère, une merveille… et un nouveau chapitre qui commence. En espérant pouvoir les voir bientôt en live.

  • Attendre plus de trente ans pour ça, je dois dire que j’ai bien fait d’attendre alors 😁😁😁
    Qu’attendre de plus? Une ou deux dates en France?
    Merci Coroner de ne pas avoir abandonné, cela aurait été du gâchis.

  • Un groupe rare autant par leur production que par cet énorme talent. Tommy est un maître de la six cordes et des arrangements. Même si je regrette l’absence de Marky aux drums ( il l’avait annoncé :  » pas de nouvel album pour ma part »), ce groupe est hors norme.
    J’ai toujours ma copie vinyle de RIP achetée à Lausanne en 1987. Je ferai ensuite l’erreur de passer aux CDs ensuite … Mais ils auront pondu du très lourd.
    L’album est dantesque, comment pourrait-il en être autrement ?

  • géant énorme.
    Sous le choc ⚡️

  • rien à dire, ils nous ont pondu un chef d’œuvre du genre .

  • Ce CD est exceptionnel

  • Arch Enemy + Eluveitie + Amorphis @ Paris
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  • 1/3