Plusieurs pages se tournent pour Cradle Of Filth. Celle du line-up, suite aux départs du guitariste Richard Shaw et de la claviériste-chanteuse Anabelle Iratni, remplacés respectivement par les Américains Donny Burbage et Zoe Marie Federoff. Celle de la maison de disques, passant de Nuclear Blast à Napalm Records. Celle de l’album Existence Is Futile, le groupe étant actuellement en studio pour enregistrer son successeur. Alors pour acter la transition et faire patienter en attendant que le nouveau chapitre s’ouvre pleinement, Dani Filth et sa bande reviennent avec Trouble And Their Double Lives, le premier album live du groupe en… vingt et un ans !
Nous parlons en détail de tout ceci avec le frontman qui, comme à son habitude, se montre loquace et sans langue de bois. L’occasion de parler de son rapport au live en général et de certains rouages internes du groupe – il répond notamment aux propos de Richard Shaw concernant son départ et l’équipe qui entoure le groupe –, allant jusqu’à quelques confessions sur la vie d’une « star » du black metal, mais aussi sur la fameuse collaboration avec Ed Sheeran qu’on ne devrait plus tarder à entendre.
« Quand on porte des couches de cuir, des piques et d’énormes bottes, la chaleur peut devenir un vrai problème, en cas de surchauffe. Ma température corporelle a parfois explosé. C’est parfois dangereux de jouer dans certains clubs en portant ce que nous portons. »
Radio Metal : Vous sortez Trouble And Their Double Lives. Vingt et un ans se sont écoulés depuis le dernier album live, Live Bait For The Dead. Tu as d’ailleurs dit que cet « album live n’avait que trop tardé ». Alors pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Dani Filth (chant) : Naturellement ça n’a que trop tardé vu que ça faisait vingt et un ans. Eh bien, en fait, nous n’avons même pas attendu si longtemps que ça, car c’est arrivé de manière fortuite. C’était un produit du Covid-19. Ce dernier a repoussé d’un an ou deux les plans de tout le monde, nous y compris. Heureusement, quand le Covid-19 a frappé et que toutes les frontières ont été fermées, nous avions déjà enregistré la batterie pour Existence Is Futile, donc nous avons passé la première partie du confinement à enregistrer un album, ce qui fait qu’il était prêt un an avant sa sortie. Nous avons dû le retarder et à cause de ça, nous avons retardé notre transition de notre ancienne maison de disques, Nuclear Blast, à la nouvelle, Napalm Records. Nous nous sommes retrouvés avec un peu de temps et avons réalisé que nous avions enregistré plein de concerts sur la tournée mondiale de Cryptoriana, donc nous avons pensé que c’était le bon moment de sortir un album live, bien que le précédent ait vingt ans. Sans ça, je ne sais pas trop quand un album live se serait concrétisé. Evidemment, quand nous avons décidé de le faire, nous y avons mis beaucoup d’efforts et de détermination pour qu’il soit bien fait, sonne bien, soit joli, etc. Mais initialement, il n’était pas prévu du tout que nous fassions un album live.
Vu que vous en faites rarement, quelle est ta relation aux albums live, à la fois dans le contexte de Cradle Of Filth et plus généralement en tant qu’auditeur ?
Il n’y a pas vraiment de relation avec Cradle Of Filth vu que nous en avons très peu fait, donc je ne peux pas commenter là-dessus. Ce n’est pas le problème d’enregistrer des concerts. Nous en faisons des centaines et des centaines, ça ne fait aucune différence s’ils sont enregistrés ou pas. Nous en avons enregistré des tas, c’est juste que nous n’avons pas sorti des tas d’albums live, et la raison est que nous avons été trop prolifiques à écrire de la musique originale. Personnellement, je n’écoute pas trop les albums live. J’ai bien une collection de très bons bootlegs de certains de mes groupes préférés et parfois je les écoute. Evidemment, Live After Death était une porte d’entrée pour moi pour m’intéresser au metal. Mais en dehors de ça, généralement je n’écoute pas d’albums live. Je préfère la musique source.
Pourquoi avoir choisi spécifiquement de représenter la tournée de Cryptoriana pour cet album ? Était-ce une tournée spéciale pour toi et pour le groupe ?
C’était une grosse tournée ! Elle a pris trois ans, mais nous sommes restés sur la route une année de plus en présentant Cruelty And The Beast en intégralité, car nous venions de sortir la version Re-Mistressed – un remix et remaster – de cet album. Donc trois années se sont transformées en quatre années. C’était notre ingénieur live, Danny B., qui a suggéré : « Pourquoi ne sortez-vous pas un album live ? J’ai enregistré tous ces concerts, j’en ai environ cent cinquante. » A ce moment-là, nous avons récupéré ce que nous pouvions, peut-être pas tout, pour les passer en revue, mais quand nous avons pensé que nous pourrions faire quelque chose de vraiment bien, notre ingénieur de studio, Scott Atkins, a lui-même écouté en disant : « Ouais, ce concert est bien, sélectionnons des chansons là-dedans. Ce concert est bien aussi, vous avez bien joué, il y avait de l’énergie… » Nous avions aussi une liste de courses, avec un panel de chansons de notre discographie. Nous voulions des coups de cœur des fans, mais nous ne voulions pas non plus répéter quoi que ce soit figurant sur notre précédent album live, même si, comme tu l’as dit, il est sorti il y a vingt et un ans. Nous voulions que certains morceaux soient dessus, plus évidemment les deux nouveaux. C’était très difficile de tout caser en deux CD. Ça faisait beaucoup de choses à mettre. Nous avions cette période, la tournée mondiale de Cryptoriana et l’extension avec Cruelty And The Beast, nous avions ce butin, toutes ces chansons, donc le choix était vaste.
Ce n’était pas frustrant de ne pas inclure des chansons de votre dernier album, comme « Crawling King Chaos » ?
Existence Is Futile venait tout juste de sortir. Ça ne fait qu’un an, donc nous donnons d’abord une chance aux chansons passées de notre discographie. « Crawling King Chaos » apparaîtra sans doute sur le prochain album live, si nous sommes encore là dans vingt ans pour en faire un autre [rires].
Quelle a été ta tournée préférée avec Cradle Of Filth ?
C’est dur à dire, parce que j’ai aimé chacune d’entre elles. De temps en temps, il se passe quelque chose, un incident, qui ternit toute la tournée, mais c’est rare. Je repense toujours affectueusement à lorsque nous étions en tête d’affiche de la scène B sur le OzzFest américain. C’était dix semaines durant l’été 2003. Le succès était tellement grand que nous sommes revenus quelques mois plus tard avec Type O Negative et Moonspell en première partie aux US. C’était l’époque Damnation And A Day qui était parfaite. Je venais d’avoir trente ans à l’époque, donc c’était il y a vingt ans. C’était un long été chaud, avec tout ce qu’on imagine de l’Amérique, notamment de grands festivals, et je suis littéralement revenu avec quasiment du sang extraterrestre plein de Jägermeister – ou sponsorisé par Jägermeister. Il y avait plein de groupes qui ouvraient pour nous sur la scène B, Voivod, Killswitch, Shadows Fall, Motograter avec Ivan [Moody] qui a rejoint Five Finger Death Punch après ça, etc. C’était l’une de mes tournées préférées. La dernière que nous venons de faire était géniale aussi. Double Trouble Live, en co-tête d’affiche avec Devildriver. Evidemment, Dez [Fafara] de Devildriver est notre manageur, donc ça ressemblait vraiment à une aventure familiale. Nous partagions l’équipe, que nous connaissions. C’était comme des vacances de printemps.
« Je suis trop vieux et j’en ai trop fait dans ce groupe pour me soucier de ce que dit telle ou telle personne, genre : ‘Oh, vous n’êtes pas un groupe de black metal, vous n’êtes pas ci, vous n’êtes pas ça.’ ‘Je m’en fiche. Foutez le camp, s’il vous plaît. Bloqués.’ Ça ne m’intéresse plus. »
On sait tous à quel point ça peut être compliqué d’avoir un bon son en live, surtout pour un groupe de metal extrême. Dirais-tu que vous y parvenez en toute circonstance maintenant ?
Oui, raisonnablement. Evidemment, c’est très difficile d’emmener l’équipement musical au sommet de la montagne, mais je pense que oui. Nous avons une très bonne équipe pour nous aider. On les appelle les Crewdle Of Filth. Il y a une version européenne de cette équipe et une version américaine pour gérer tous les coins du monde. Ils sont vraiment aptes et bons dans ce qu’ils font. Je touche du bois.
Ça fait trente ans que tu tournes avec Cradle Of Filth. Comment ta relation et ton approche de la scène ont-elles évolué au fil de ces trois décennies ? Ressens-tu une quelconque forme de pression ou de trac avant de monter sur scène ?
Naturellement, ça dépend du festival, mais de moins en moins, en fait. Ce weekend nous jouons au Sick New World à Las Vegas. Aux dires de tous, c’est un truc assez chaotique, donc personne ne sait encore vraiment ce qui se passe. Nous avons des balances, parce que nous sommes en tête d’affiche d’une des scènes, donc nous avons la chance d’avoir ça et ça soulage un peu la pression. Je suis donc peut-être un peu stressé pour ça, mais pas parce que je me demande si on va bien jouer. C’est plus : « Est-ce que tout va bien se passer ? » Au moment où nous montons sur scène, ça va. Ma principale inquiétude, c’est d’être prêt. Tout ce qui précède le concert peut être préoccupant.
As-tu une routine spéciale pour garder la forme ?
Eh bien, personne ne rajeunit, n’est-ce pas ? Les concerts, pour n’importe quel groupe, nous y compris, ce sont de grands événements et nous les prenons très au sérieux. Evidemment, quand on est plus jeunes, peut-être que l’idée de toute cette préparation et de toute cette préservation personnelles, et du niveau de professionnalisme, ne nous vient pas immédiatement à l’esprit. Quand tu pars faire la fête, tu es capable de rebondir beaucoup plus vite. Déjà, je ne bois plus, et j’ai plein de petits rituels. Nous sommes un groupe très professionnel, nous avons une super équipe, du genre qu’on n’a pas envie de déprimer ou de contrarier. Nous sommes dans la position enviable où nous faisons de nombreux concerts en tête d’affiche ou en ouverture de très gros groupes. En conséquence, nous devons constamment être en pleine possession de nos moyens. Je ne répète pas plus que nécessaire. Je veux dire que si une tournée arrive, je calerai cinq ou six répétitions, puis nous ferons une répétition de groupe un ou deux jours avant la tournée, et ça suffit. Je trouve que si on en fait trop, ça peut être néfaste aussi. Mais oui, je pense qu’avec l’âge, comme avec tout, on devient un peu plus conscient des choses et on se préserve un peu plus.
Malgré tout, t’arrive-t-il d’en avoir marre de la scène ?
Ça dépend si c’est une longue tournée, par exemple. Nous essayons de rendre ça aussi agréable que possible. Nous sommes impliqués dans le choix des salles et des groupes d’ouverture. Par exemple, la dernière tournée, comme je l’ai dit, c’était une co-tête d’affiche avec Devildriver aux US. Nous avons fait en sorte que ce soit aussi amusant que possible. Nous avons organisé des journées sympas. Nous sommes allés chez Dez d’ailleurs ; il a invité les deux groupes, nous a nourris et donné à boire, et nous avons profité de sa piscine. Nous avons donc fait en sorte que tout ça soit aussi amusant et facile que possible, sans psychodrame. Grâce à ça, tout le monde s’est très bien entendu et c’était une expérience agréable. Ça peut être un peu fatigant si on dort mal ou si on s’ennuie. Et quand on a plein de concerts d’affilée, ça peut faire beaucoup, mais nous ne faisons jamais plus de cinq concerts de suite. C’est une prérogative.
L’inflation et les problèmes mondiaux impactent aussi l’industrie du divertissement. Est-ce que Cradle Of Filth est affecté ? Ressentez-vous ces problèmes ?
Je pense que tout le monde dans la scène musicale le ressent. Tout le monde sur la planète a ressenti les répercussions de la guerre en Ukraine. La hausse des prix de l’énergie et des carburants a énormément impacté les tournées. Le coût des bus et de l’essence en Europe l’année dernière était astronomique. Pareil en Amérique. Les salaires augmentent, l’inflation augmente. C’est juste difficile. Et maintenant, il est question que les Américains augmentent le coût des visas de travail. C’est disproportionné. La Grande-Bretagne ne fait pas payer énormément aux Américains, genre trente à cinquante livres sterling pour un visa de travail, alors que pour nous, c’est plusieurs centaines de livres sterling, ce qui est beaucoup. Ensuite, il est aussi question, même si nous n’en avons pas été témoins – enfin, peut-être qui si, en fait –, que certaines salles réclament de l’argent en plus, une commission supplémentaire sur la vente de marchandises, ce qui n’est pas rien non plus, parce qu’évidemment, l’avènement des plateformes numériques et des gens qui téléchargent la musique gratuitement sans acheter les produits physiques implique que les concerts, la vente de t-shirts et le fait d’attirer les gens dans les salles, c’est vraiment vital pour les groupes.
« Tu es censé porter tous ces masques. Tu es censé être un personnage public. Tu es censé être un orateur, un parleur, un entrepreneur. Tu dois faire tout ça pour être en phase avec ce job, et parfois, on attend de toi que tu fasses des choses avec lesquelles tu n’es pas à l’aise ou même avec lesquelles personne ne serait à l’aise, mais comme t’es dans un groupe, on s’attend à ce que tu le fasses. Ce n’était pas sur le CV. »
Les difficultés financières rencontrées par les groupes mènent à une élévation du prix des places, donc c’est reporté sur les fans qui rencontrent les mêmes problèmes que les groupes. J’imagine que c’est un grand dilemme. Comment gérez-vous ça ?
Ça devient de plus en plus difficile pour tout le monde de le gérer. Par exemple, sur la dernière tournée en co-tête d’affiche avec Devildriver aux Etats-Unis, et c’était la première étape – il est censé y en avoir trois aux Etats-Unis et au Canada, puis nous allons sans doute emmener ça en Europe et au-delà –, nous avons réussi à faire en sorte que ça fonctionne grâce à un bon management qui connaissait des entreprises de location proposant de bonnes offres. Comme je l’ai dit, les prix des visas sont exorbitants, mais nous avons utilisé une équipe américaine que nous avons partagée, nous avons également partagé la distribution du merch, etc. Nous avons fait plein de choses sans lesquelles ça n’aurait pas pu fonctionner. C’est une question d’organisation, de connaître des gens, de beaucoup de planification à long terme. Nous avons eu la chance de pouvoir tourner à la toute fin de la pandémie aux Etats-Unis, mais c’était à grands frais, car nous avons dû obtenir des visas spéciaux – nous avons dû aller en Irlande pour nous les procurer.
Certains membres de notre équipe utilisent ces visas spéciaux, que nous avons payés, pour travailler pour d’autres gens. Ce n’est pas un problème parce que c’est notre équipe et ça fait partie intégrante de la chose. Si ça nous avait gênés, nous n’aurions pas pu tourner. Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de planification et de réflexion. Dès que la tournée est annoncée, il faut tout de suite commencer à penser à l’envers et voir précisément si c’est viable, alors qu’avant c’était : « Oui, on va tourner, super ! » On n’y réfléchissait pas à deux fois. Aujourd’hui, tout doit être pris en compte, on doit impliquer des comptables, tout doit être scruté dans les moindres détails pour pouvoir faire en sorte que ça marche. Nous avons décliné des festivals. Nous avons décliné des tournées. Je sais que de nombreux gros groupes disent actuellement : « On va laisser tomber l’Europe. Nos fans nous manquent, mais on ne peut pas tourner là-bas pour le moment. Ça ne vaut pas la peine. » Quel intérêt de faire une tournée de six semaines pour perdre de l’argent ? La musique n’est pas gratuite malgré ce que pensent les gens. C’est peut-être un esprit éthéré, on ne peut pas le voir, on ne peut pas le toucher, on ne peut pas le goûter, mais ça reste une entité réelle et c’est le fruit d’un travail. On fait pousser les pommes de terre dans le sol, est-ce que ça veut dire que c’est la propriété de tout le monde ? Si j’entrais dans un supermarché en disant : « Je déclare que tous ces fruits et légumes appartiennent à la nature, donc je vais me servir », je serais arrêté. Les gens téléchargent… plus illégalement. Tout est gratuit ! [Petits rires] Ironiquement, le téléchargement n’est plus illégal. Tu peux trouver ton album sur YouTube le lendemain de sa sortie. Spotify et toutes les autres plateformes numériques ne payent pas les artistes, ou s’ils le font, c’est une misère. Nous avons eu plus de vingt-quatre millions de streams l’année dernière rien que sur Spotify et je n’ai même pas reçu suffisamment d’argent pour me payer un repas avec ma copine.
Tout semble aller contre les groupes. Je ne cherche pas à être négatif. Je veux juste dire que quand les gens voient des groupes et pensent : « Oh mon Dieu, il vit dans un château en Angleterre. Pourquoi le soutiendrais-je encore ? Je ne vais même plus acheter ses albums. Il est tellement riche ! » C’est genre : « T’es un idiot ! » Les gens sont bêtes parfois. Il faut qu’ils réalisent que les musiciens existent grâce à eux, nous sommes là grâce aux fans, mais nous avons aussi notre propre boulot, de la même manière que les gens peuvent se déconnecter des concerts et des groupes pour aller travailler et faire leur propre truc. Les groupes doivent faire ça pour survivre et ça devient de plus en plus difficile.
Est-ce que cette situation compliquée a changé ta relation au live ?
Pas vraiment. C’est juste plus difficile d’y accéder à cause de ça. Je pense que de nos jours, tout le monde apprécie beaucoup plus les choses. Comme je l’ai dit, nous sommes un peu plus méticuleux quand il s’agit de choisir des salles et les lieux où jouer et les publics. Nous essayons d’éviter de jouer dans de vrais trous à rat en tournée. Même si de temps en temps, nous jouons dans une petite salle et faisons le meilleur des concerts grâce à ça. Généralement, j’ai du mal avec les tout petits concerts à cause de la proximité et du volume sonore. A la fois, je pense qu’actuellement, j’apprécie chaque aspect des tournées. J’ai hâte de jouer sur les festivals qui arrivent aussi.
« Selon moi, ce qui fait que la collaboration avec Ed Sheeran fonctionne, c’est le fait que c’est un mariage d’extrêmes. C’est une cérémonie d’oppositions. C’est une juxtaposition complètement étrange de deux artistes très distincts, et ça me plaît. Par le passé, les meilleures collaborations que j’ai faites ont été avec des groupes complètement différents. »
La proximité des petits concerts est quelque chose que certains groupes recherchent, mais penses-tu qu’ils ne soient simplement pas adaptés à vivre l’expérience Cradle Of Filth ?
Il y a des choses que les fans ne prennent pas en considération. Nous avons un gros son, une grosse production, un gros kit de batterie. Donc évidemment, les petites scènes ne nous vont pas. Il y a six personnes dans le groupe. Nous avons une grande équipe. C’est vraiment une question de logistique. De même, pour que je puisse atteindre mes aigus, j’ai un certain mix qui est souvent perturbé quand il y a trop de bruit dans un espace trop petit. Donc pour une question de qualité sonore, je préfère les salles un peu plus grandes que les petits clubs intimes. Enfin, tout le monde est passé par là. Ce n’est pas être snob. Ce n’est pas parce que je veux qu’il y ait plus de monde. Certains des meilleurs concerts que j’ai faits étaient devant une centaine de personnes. Mais je préfère les concerts d’environ mille personnes – entre huit cents et mille cinq cents, ce genre de salle offre une scène plus grande, donc ça veut dire que nous pouvons faire une production, que le son est super ou qu’ils ont un bon système de son, et qu’il y a une marge de manœuvre. Les petits espaces sonnent très renfermés, très bruyants. Nous avons des choses très complexes qui se passent dans nos morceaux, en termes de son, donc l’ouïe et la perception sont primordiales. Et la chaleur aussi. Littéralement, c’est encore autre chose : quand on porte des couches de cuir, des piques et d’énormes bottes, la chaleur peut devenir un vrai problème, en cas de surchauffe. Ce n’est pas un groupe de hardcore qui joue en short. Ma température corporelle a parfois explosé. C’est parfois dangereux de jouer dans certains clubs en portant ce que nous portons. C’est une autre raison qui explique pourquoi je préfère les salles de taille moyenne.
Trouble And Their Double Lives contient deux nouvelles chansons. Il représente donc à la fois les facettes live et studio de Cradle Of Filth. Lequel de ces deux environnements apprécies-tu le plus ?
C’est difficile. Quand nous jouons live, genre vers la fin de la tournée, j’ai hâte d’aller en studio. Vers la fin du studio, j’ai hâte de repartir en tournée. Je crois que j’aime les deux tout autant. Ce sont deux créatures totalement différentes. L’une est une créature sociable, tandis que l’autre est totalement asociale, du genre à vivre dans une grotte façon Gollum [rires].
Ces deux nouveaux morceaux ont-ils été spécifiquement écrits pour cet album et, en conséquence, pour être mêlés aux pistes live ?
Ils étaient originalement destinés à notre nouvel album, que nous allons commencer à enregistrer dans deux semaines, pour une sortie l’an prochain, mais comme ils ont été composés par un line-up différent, avec des anciens membres, nous avons décidé d’appuyer sur le bouton de rafraîchissement et de repartir du début, en écrivant avec les nouveaux membres de façon à ce que ce ne soit que du neuf, une nouvelle direction, etc. Par chance, cet album live s’est présenté à nous. Nous savions que ça allait être un double album. Nous savions que ce n’était pas d’énormes chansons, genre quatre ou cinq minutes, ce n’est pas la durée d’un « Bathory Aria », donc nous nous sommes dit pourquoi pas, que nous pourrions les intégrer là-dedans. Avec un album live, les gens regardent à travers la fenêtre du passé, ce sont des choses qui ont déjà été enregistrées et ils connaissent ces morceaux, donc nous avons voulu offrir un tableau complet en ayant des chansons pour mener la sortie. Ces deux nouvelles chansons sont là en tant qu’exemples de ce que Cradle Of Filth est en train de faire, de ce que nous aimons et de ce que sont les promesses du nouveau matériel en 2023.
Sur l’artwork de Trouble And Their Double Lives, on voit une foule de monstres humanoïdes : est-ce ainsi que tu vois les fans de Cradle Of Filth : comme des bêtes curieuses ?
Ça représente beaucoup de choses. On peut y voir ce qu’on veut. Il y a des gens qui ont adoré la pochette ; d’autres la détestent parce que c’est une image générée par IA. Je ne l’ai pas vraiment vue ainsi. Quand j’ai parlé avec l’artiste et qu’il m’a montré l’idée, j’étais là : « J’aime beaucoup. C’est très étrange et décalé. » Ça me fait légèrement le même effet que South Of Heaven de Slayer, ce côté peinture étrange, bizarre, abstraite. Même si ça vient d’une IA, qu’est-ce qu’on en a à faire ? J’aime beaucoup. Oui, ça renvoie à cette idéologie comme quoi nos concerts seraient d’étranges cérémonies sataniques, que nous prêchons auprès d’un public d’étranges et inhabituelles créatures, même si toute la chose a lieu au sein de la mythique cité de Midian, ce qui, par conséquent, établit des comparaisons et parallèles avec nos œuvres précédentes. Donc oui, voyez-y ce que vous voulez. Mais je ne pense pas qu’il y ait un fan typique, donc je ne pourrais pas les décrire. Ils sont différents d’un pays à l’autre. Nous avons des fans qui sont très rudimentaires, dans le sens où on ne pourrait pas les prendre pour autre chose que des fans de metal, et puis parfois, nous avons des avocats, des médecins, des gynécologues, des gens de tous horizons. Je peux être par monts et par vaux, je peux me retrouver au zoo avec ma famille ou me promener en ville et être accosté par quelqu’un qui ne ressemble pas du tout à un fan du groupe et qui me dit : « Oh mon Dieu, je suis un énorme fan ! » Alors je suis là : « Ouah ! » On ne peut jamais prévoir.
A ton avis qu’est-ce qui, dans ta musique, plaît à tant de gens de tant d’horizons différents ?
Je ne sais pas. Enfin, évidemment, il y a un attrait. Tout comme… C’est juste un exemple, ça n’a rien à voir avec le sujet en question, mais on voit des gens de tous horizons qui apprécient les films d’horreur, ou un certain genre de jeu vidéo. Je pense que la même chose s’applique à nous. Nous sommes attrayants.
« Beaucoup de musiciens de black metal très célèbres que je connais personnellement adorent la pop. »
Comme tu l’as mentionné, vous avez récemment connu un changement de line-up. A propos de son départ, Richard a dit qu’il ne pouvait plus supporter les psychodrames et les conneries et que « en bref, quand on traite mieux les gens et qu’on leur fait preuve du respect qu’ils méritent, ils restent ». Il a dit que tu as même dû aussi embaucher une toute nouvelle équipe…
[Coupe] C’était des grosses conneries ! Nous n’avons pas dû embaucher une nouvelle équipe. Nous avions terminé un cycle de tournées. Le truc avec l’équipe, c’est que quand on termine un cycle de tournées, ça implique généralement qu’on a un an et demi, ou au moins un an… Comme par exemple cette année, mais nous sommes parvenus à la découper de façon à être en studio pendant quatre mois. Nous avons fait ça pour ne pas perdre l’équipe. Quand la pandémie est arrivée, nous étions en studio pendant beaucoup plus longtemps, mais qu’arrive-t-il à l’équipe quand elle ne travaille pas pour toi ? Elle ne se tourne pas les pouces. Si tu es Kiss, tu as ta propre équipe, et qu’ils travaillent ou pas, ses membres reçoivent leur salaire. Eh bien, nous ne sommes pas Kiss. Je ne connais aucun groupe de notre taille qui emploie une équipe et la paye le restant de sa vie, qu’elle travaille ou pas. Donc s’ils ne sont pas en tournée mondiale avec nous ou que la tournée se termine, les membres de l’équipe partent chercher du boulot ailleurs. Elle appartient en premier lieu à Cradle Of Filth, mais nous n’allons pas leur imposer de ne pas travailler pendant que nous ne tournons pas, car ils ont une famille, des bouches à nourrir, etc.
Donc ce que Richard ne comprend pas… Car Richard était un employé, pas quelqu’un comme moi qui dois s’occuper de la gestion du groupe. Quand nous avons terminé la tournée mondiale, notre équipe a dû partir travailler pour d’autres gens pour gagner de l’argent. Celui qui s’occupe du merch est parti travailler pour Iron Maiden – il travaille pour Iron Maiden maintenant. Je ne vais pas lui dire : « Tu ne peux pas travailler pour Iron Maiden. » Il dirait : « Va te faire foutre. Je vais travailler pour Iron Maiden. » Notre ingénieur qui s’occupe des retours sur scène est parti travailler pour l’un de ses autres groupes. Notre tour manager britannique – car nous en avons un pour différentes parties du monde – est parti travailler avec les autres groupes pour lesquels il travaille, c’est-à-dire Blind Guardian, etc. Voilà ce que ça implique. Nous avons une équipe très fidèle. C’est une très bonne équipe. Quand nous tournons en Amérique, nous faisons appel à notre équipe américaine – encore une fois, c’est un problème de visas qui sont très chers. Parfois, l’équipe basée en Amérique vient en Europe. C’est ainsi que ça fonctionne. Malheureusement, certaines personnes ne comprennent pas les bases fondamentales du fonctionnement d’un groupe.
Et quand il parle de psychodrame, la seule personne qui a créé un psychodrame, c’est Richard en quittant le groupe. Il a causé pas mal de contrariétés, entre moi, le management, les autres gens dans le groupe qui étaient très contrariés, les fans, etc. Ça nous a mis un peu dans l’embarras, parce qu’il fallait trouver des visas de travail, parce que lui et Anabelle sont partis seulement six semaines avant que nous partions en soutien de Danzig aux Etats-Unis, et en conséquence, c’était trop risqué d’essayer d’obtenir des visas pour tout le monde côté européen, nous n’avions que trop peu de temps. Donc à la place, nous avons pris des musiciens américains, Zoe et Donny, qui sont restés dans le groupe malgré les coûts pour leur faire faire des allers-retours, car nous sommes un groupe fidèle. Nous avons fait un très bon choix et ils se sont magnifiquement intégrés au groupe. Ils ont tous les deux contribué au nouvel album. Ils font partie du groupe désormais. Malheureusement, les gens vont et viennent parce qu’ils pensent mieux réussir seuls. Dans le cas de Richard, il a toujours dit : « Je n’aime pas ce genre de musique. » Il aime Coheed And Cambria, il aime Muse, il aime Adele… Donc, je ne sais pas. C’est étrange de faire des commentaires quand on ne… Je pourrais dire n’importe quoi sur n’importe qui sans preuve ou quoi que ce soit. On peut tout inventer et malheureusement… Je ne pense pas que Richard a cherché expressément à inventer des trucs, c’est juste qu’il n’était pas au courant de beaucoup d’informations, comme la problématique avec l’équipe, par exemple.
N’est-ce pas étrange qu’il ait intégré le groupe en sachant qu’il n’aimait pas ce genre de musique ?
En fait, il aime une incroyable quantité de musiques, mais son domaine d’expertise principal ou ce qu’il aime le plus, c’est des choses comme Evanescence, comme je l’ai dit Coheed And Cambria, Metallica, Slipknot… Il déteste le black metal. Donc oui, ça allait forcément être un peu… Bon, ça n’allait pas être difficile. J’admire quand les gens ont leur propre personnalité et puis nous ne sommes pas un pur groupe de black metal, donc ça n’a pas vraiment d’importance. Mais ça montre aussi l’état d’esprit qu’il avait vers la fin de son mandat avec le groupe. Il est aussi parti parce qu’il avait une famille et il a déménagé loin de ses parents et tout. Il avait beaucoup de responsabilités, en plus des problèmes qu’apparemment il avait. Mais tout ça, c’est du passé. Je veux dire qu’il a aussi contribué au récent morceau d’Ed Sheeran. Il a dû revenir pour donner son opinion et tout pour l’album live aussi. Donc les ponts ne sont pas totalement coupés.
« J’accorde du crédit aux fans de metal pour leur intelligence. D’un autre côté, je trouve aussi qu’ils peuvent être très étroits d’esprit. »
Anabelle Iratni est partie après avoir passé seulement deux ans dans le groupe : as-tu l’impression que c’était une sorte d’« erreur de casting », de ta part ou de sa part ?
J’ai bien peur d’admettre que oui. C’était totalement une erreur de casting de notre part. Ça arrive rarement. Ça n’a simplement pas fonctionné, malheureusement. Il y a tant de paramètres à prendre en compte, et c’est pourquoi nos membres actuels, Donny et Zoe, sont parfaits pour le groupe. Nous avons fait trois énormes tournées avec eux et des festivals d’été, et écrit un album. C’est très important d’avoir une forte personnalité, ne pas être générateur de psychodrame, avoir un sens de l’humour, être affectueux, attentionné, gentil. Toutes ces choses sont également attendues des gens malgré la liste de conditions requises pour faire partie d’un groupe. Evidemment, ils vont devoir jouer les morceaux, aimer la musique, etc. Il y a tant de critères qui doivent être remplis que tu peux être pardonné si tu en manques une partie, mais là, il n’y avait tout simplement pas de compatibilité. C’est devenu gênant en tournée. En plus, Annabel a rejoint le groupe vers la fin d’Existence Is Futile, donc la majorité de la composition était déjà faite. Puis on a eu la pandémie peu de temps après. Donc nous n’avions pas l’impression qu’elle était vraiment un membre du groupe. Quand Rich est parti, elle a décidé que ce n’était pas pour elle, parce que je pense qu’elle s’est sentie un peu dépassée par le groupe et s’est rendu compte que ça ne fonctionnait pas pour elle. Nous étions là : « D’accord. Pas de problème. » Nous n’avons pas envie d’être aux côtés de gens qui ne sont pas à fond dans le groupe. Nous avons d’autres chats à fouetter. Les problèmes internes et les psychodrames ne nous intéressent pas, et il faut s’en débarrasser. Nous avons trop d’enjeux, trop de fans, un trop grand héritage, trop de personnes sympas autour du groupe. Nous avons une très grande famille autour du groupe, du management à l’équipe, en passant par les avocats, les notaires et d’autres gens avec qui nous travaillons, qui sont cool et qui accompagnent le groupe depuis des lustres. Donc moins que ça, c’est au revoir. C’est comme ça. Je ne supporte plus les conneries.
Tu as connu pas mal de changements de line-up au fil des années, donc il n’y a là rien de nouveau pour toi, mais est-ce que tu ne deviens pas las avec le temps ?
Bien sûr, mais ça aide aussi à maintenir la fraîcheur de la musique. Je crois que nous avons viré deux personnes dans toute notre carrière – deux sur, genre, trente-six personnes. Tout le monde semble soit penser être capable de faire mieux seul, soit vouloir arrêter parce que c’est trop dur pour soi d’être dans ce groupe, car ça nécessite un gros engagement, ou simplement à cause de problèmes familiaux, du fait d’être longtemps loin de chez soi, etc. Donc oui, c’est chiant, mais ce n’est pas différent de gens qui travaillent dans d’autres domaines, dans un grand magasin, dans une piscine, dans un pub, dans l’industrie musicale, dans une radio, dans un magazine, les gens vont et viennent, trouvent un autre boulot, etc. C’est ma vision des choses.
Dans ta déclaration, tu as dit qu’il fallait respecter « les gens qui ont des engagements personnels et/ou trouvent le choix de carrière consistant à faire partie d’un groupe comme Cradle un brin écrasant ». Y a-t-il eu des moments où toi, personnellement, tu as trouvé ce choix de carrière écrasant ?
A certains moments, oui, absolument. Il y a eu des moments où je me suis dit : « Bons sang, je n’ai plus envie de me prendre la tête avec ça », car il y a toujours plein de choses qui t’occupent et t’es toujours à fond. J’aime bien être occupé, ne te méprends pas, j’adore. C’est juste que parfois on attend des choses de ta part. Quand tu es dans un groupe, tu es tout d’un coup censé porter toutes ces casquettes pour un tas de rôles différents auxquels tu n’es pas totalement préparé. Tu dois être un porte-parole, en tout cas quand tu es chanteur. Tu dois être une sorte de star dans les vidéos. Tu dois être un paquet de trucs différents et assurer un tas de situations qui sont parfois vraiment embarrassantes. Surtout s’il se passe aussi beaucoup de choses, ça peut être assez éprouvant. Je pense que la pandémie, pas seulement pour les musiciens… Enfin, ça a inquiété les musiciens, ça a inquiété toute l’industrie du divertissement, ça a inquiété le monde entier à un moment donné, mais ça a clairement eu un profond effet sur les gens, ça les a réveillés, ils se sont dit : « Tu sais quoi ? En fait, c’est vraiment une superbe vie que je mène avec ce boulot. Peut-être que je le regarderai autrement et que je ne me stresserai plus autant avec ces choses. »
Tu viens de dire que parfois on attendait des choses de ta part. Est-ce la responsabilité de devoir porter tout l’héritage et toute l’identité de Cradle Of Filth sur tes épaules qui est le plus difficile ?
Pas vraiment. Enfin, ça a pu être le cas il y a quelques années, mais plus vraiment maintenant. Je pense que nous en sommes arrivés à un point où les gens savent qui est Cradle Of Filth maintenant. Je ne pense pas qu’il faille le défendre. J’en ai marre de le défendre. Je suis trop vieux et j’en ai trop fait dans ce groupe pour me soucier de ce que dit telle ou telle personne, genre : « Oh, vous n’êtes pas un groupe de black metal, vous n’êtes pas ci, vous n’êtes pas ça. » « Je m’en fiche. Foutez le camp, s’il vous plaît. Bloqués. » Ça ne m’intéresse plus. Ce genre de petites choses ne m’empêche pas de dormir. Ça a peut-être été le cas par le passé. Pas que je m’en fiche maintenant, c’est juste que j’ai soudainement pris conscience que c’était vraiment insignifiant. Nous avons tellement de fans qui sont très positifs que j’essaye de ne plus m’appesantir sur le négatif. Les seules choses qui me dérangent vraiment sont certaines qui t’affectent à titre personnel. Je vais te donner un petit exemple : nous sommes en train de faire une interview maintenant, mais vendredi, j’en avais qui étaient calées le matin, ce qui signifiait que je devais me lever. Ma copine avait un jour de congé, donc j’aurais pu rester au lit avec elle jusqu’à midi, passer une belle matinée, me détendre, etc. Au lieu de ça, j’ai dû me lever à six heures et demie du matin pour traverser la ville dans une circulation dense, pour tout mettre en place, et finalement, les deux interviews ont été annulées. Aucun avertissement, rien, juste annulées. C’est le genre de connerie que je n’aime pas et qui arrive avec le groupe. Ou être obligé de faire certaines choses… Tu es censé porter tous ces masques. Tu es censé être un personnage public. Tu es censé être un orateur, un parleur, un entrepreneur. Tu dois faire tout ça pour être en phase avec ce job, et parfois, on attend de toi que tu fasses des choses avec lesquelles tu n’es pas à l’aise ou même avec lesquelles personne ne serait à l’aise, mais comme t’es dans un groupe, on s’attend à ce que tu le fasses. Ce n’était pas sur le CV. Quand tu t’imagines dans un groupe, tu penses à toutes les choses que tu dois être, et parfois, certaines sont vraiment merdiques.
« Si notre public est contrarié parce que nous avons du succès et que nous travaillons avec les artistes de notre choix, il peut aller se faire foutre [rires]. »
Tu as participé à un duo avec Ed Sheeran qui a déjà fait beaucoup de bruit – alors que personne ne l’a encore entendu. Tu l’as qualifié de « mariage gagnant ». Vous êtes des artistes très différents, presque diamétralement opposés : au final, qu’est-ce qui vous réunit ? Selon toi, qu’est-ce qui fait que ça fonctionne ?
Le morceau n’est pas encore fini. Je pars d’ailleurs au studio aujourd’hui, après cette interview, pour mettre les touches finales sur le mix de la chanson d’Ed Sheeran. Selon moi, ce qui fait que ça fonctionne, c’est le fait que c’est un mariage d’extrêmes. C’est une cérémonie d’oppositions. C’est une juxtaposition complètement étrange de deux artistes très distincts, et ça me plaît. Par le passé, les meilleures collaborations que j’ai faites ont été avec des groupes complètement différents. C’est frais. Enfin, j’ai fait des collaborations avec des groupes très similaires, et pour être honnête, une oreille non avertie ne saurait pas que j’étais sur l’album si elle ne savait pas qui j’étais. Mais j’ai fait des choses avec Bring Me The Horizon, Twiztid, The 69 Eyes, je me souviens avoir fait chanter King Diamond sur une reprise de « Devil Woman » de Cliff Richard… J’adore ces trucs à la fois bizarres et merveilleux. Ce n’est pas pour un effet comique ou quoi que ce soit de ce genre. C’est parce que je trouve que c’est un défi. Je pense que les gens sont aussi excités de voir ce que ça va donner. Le truc avec Ed est génial. C’est l’un des plus grands artistes au monde, donc le fait qu’on ait l’un des artistes les plus extrêmes au monde collaborant avec l’un des plus grands artistes au monde est, en soit, une énigme. Les gens sont là : « Ouah, je n’arrive pas à le croire ! » Ça pique leur curiosité. Le fait que le single soit caritatif ajoute à cet effet.
A quoi ça ressemble, au final ?
C’est une bonne chanson. C’est exactement ce à quoi on s’attendrait. C’est Cradle Of Filth mélangé à Ed Sheeran. Le résultat est évident. Vous allez adorer. Ce sera un véritable morceau pour faire la fête. Il est clair qu’Ed Sheeran, ou son management, ne mettrait pas son nom dessus si la chanson n’était pas super. Mais on verra bien. Nous ne nous forçons pas à la sortir. Elle sortira quand elle sera prête. Encore une fois, c’est caritatif, donc beaucoup de choses doivent être mises en place pour que ça fonctionne, mais nous ne sommes pas pressés, car nous n’avons rien à prouver. Ce n’est pas genre : « Regardez-nous, on fait quelque chose avec une énorme rockstar ! » Il n’est pas là : « Regardez-moi, je suis cool parce que je fais quelque chose avec l’underground ! » C’est ce que c’est, et ça sortira quand ça sortira, et avec un peu de chance, ça marchera bien pour les œuvres caritatives visées, car c’est une chanson très sérieuse et les œuvres caritatives que nous avons choisies sont très bénéfiques pour les gens de tous horizons, et la nôtre en particulier pour la communauté alternative.
La collaboration vient du fait qu’Ed a dit qu’il pourrait un jour écrire un album de heavy metal, révélant qu’il écoutait du death metal étant gamin, et tu as répondu sur Instagram : « Je le croirais quand je le verrais. » Je suppose que tu as maintenant eu l’occasion de parler metal avec lui : dans quelle mesure est-il metalleux ?
Je n’ai pas vraiment pu beaucoup parler de metal avec lui. En fait, nous ne parlons pas vraiment de musique. Nous avons rigolé d’autres choses, de certaines situations et que sais-je encore. Je savais qu’il a grandi en nous écoutant. Il y a une histoire comme quoi il devait faire son stage d’université – ou peu importe où il était – dans notre studio lorsque nous étions en train d’enregistrer Nymphetamine, mais en fait, nous n’avions pas prévu d’enregistrer l’album dans ce studio. C’est l’ingénieur du studio qui a dit ça à tout le monde pour attirer plus de clients. Nous avons seulement fait des démos là-bas et ensuite nous avions prévu de faire une résidence. Je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne sais pas s’il a annulé le stage d’Ed ou si c’est Ed qui a décidé qu’il irait ailleurs parce que nous ne serions pas là. Peu importe ce qui s’est passé, au lieu de faire son stage dans l’industrie musicale, il s’est retrouvé à faire un travail de bureau au conseil municipal local, ce qu’il a vraiment détesté. Il a dit : « Plus jamais je ne ferai ça. Je vais passer mon temps dans la musique. » Il a bien fait [rires].
Comment la collaboration a-t-elle fonctionné ?
Ça a été très dur de nous réunir, parce qu’évidemment, je suis très occupé et lui est encore plus occupé, et donc nos emplois du temps ne coïncidaient jamais jusqu’à ce que chacun de nous ait terminé son travail l’an dernier. Ça s’est donc fait très soudainement, juste avant Noël. C’était sans plus de cérémonie, aucun détail de sécurité. Ed s’est juste pointé dans notre studio, qui est à la campagne. Il y avait peu gens dans les parages, mais ceux qui étaient là ont tous eu des autographes et des photos avec lui. Il est venu seul, avec sa guitare sur l’épaule et un sweat à capuche Cradle Of Filth. Il y a d’ailleurs un documentaire sur Disney Channel en ce moment où il revenait du studio avec nous et il mentionne Cradle Of Filth. C’est probablement vingt minutes après avoir fini de manger ensemble, car il habite à environ vingt minutes du studio et à probablement quarante minutes de chez moi. C’était donc un autre lien que nous avions, le fait que nous soyons tous les deux fans du comté où nous vivons, qui est très rural, et ça surprend beaucoup de gens que nous vivions tous les deux ici. Nous disions tous les deux : « Eh bien, on passe tout notre temps dans de grandes villes. La dernière chose qu’on veut en revenant en Angleterre, c’est vivre à Londres ou Manchester. On veut partir à la campagne, à l’endroit où on a grandi et qu’on adore. » C’était donc très terre à terre, comme si nous étions à nouveau des gosses, avec personne d’autre. Enfin, nous aurions pu rameuter tous nos amis, des fans… Il nous faisait vraiment confiance pour ne pas nous comporter comme des cons, en gros.
« Au final, nous sommes un putain de groupe de black metal. Vous ne pouvez pas créer un monstre, le libérer et vous attendre à ce qu’il respecte vos règles. »
Evidemment, les metalleux ont cette idée négative de la pop et des popstars…
[Coupe] En fait, non, je ne suis pas tout à fait d’accord. Je pense que de nombreux metalleux sont quoi qu’il arrive des gens très négatifs. Les metalleux sont très engagés, ils sont très fiers de la musique qu’ils écoutent. Ils la soutiennent plus que dans n’importe quel autre style musical, en dehors des préados et de leur engouement passager pour One Direction et ce genre de chose. Les fans de metal vont aux concerts, ils collectionnent tout, ils aiment les versions physiques, ils achèchent des vinyles. C’est comme un fanclub. A la fois, ils sont très négatifs. Si tu lis Blabbermouth, ça peut parler de Lamb Of God et de Kreator, et ils seront là : « J’adore Kreator. Que Lamb Of God aille se faire foutre, c’est de la merde ! » Il n’y a jamais un mot sympa. Quand on est à un festival ou un concert, là il y a un sentiment de communauté, mais si tu vas sur un forum en ligne, c’est honteux la quantité de gens qui disent du mal : « Ce groupe c’est de la grosse merde, pourquoi même je me fatigue à en parler ? » C’est genre : « Putain, mais de quoi tu parles ? C’est un groupe de metal. » On nous balance pas mal de saloperies. Les gens nous disent de la merde sur Dimmu Borgir. T’es là : « De quoi tu parles ? » Nos deux groupes ne sont pas si éloignés que ça. Ce n’est pas comme si nous étions un groupe de reggae et eux de trap metal. Je ne comprendrai jamais la haine que les fans auront pour une personne et l’amour qu’ils auront pour une autre, même si on est tous dans cette communauté ensemble. D’un autre côté, je ne mentionnerai personne, mais beaucoup de musiciens de black metal très célèbres que je connais personnellement adorent la pop. Je crois que nombre de mes amis qui sont vraiment à fond dans la musique extrême ont aussi un faible pour divers artistes avec lesquels ils ont grandi, des artistes des années 80, par exemple – je généralise pour ne pas isoler un groupe ou un autre. Donc non, j’accorde du crédit aux fans de metal pour leur intelligence. D’un autre côté, je trouve aussi qu’ils peuvent être très étroits d’esprit.
Pour revenir à ma question : penses-tu que dans le rock n’ roll, il s’agit de ne pas avoir peur de perturber le statu quo et de contrarier son public ?
Absolument. Bon, pourquoi contrarierions-nous notre public ? Si celui-ci est contrarié parce que nous avons du succès et que nous travaillons avec les artistes de notre choix, il peut aller se faire foutre [rires]. C’est ça le truc. Dans le temps, les gens se plaignaient, du genre : « Oh mon Dieu, Dani a dit quelque chose sur scène avec lequel je ne suis pas d’accord » ou « Ils ont joué un show de deux heures et ils ne sont pas venus à la fin, alors que je suis resté à les attendre. » Au final, nous sommes un putain de groupe de black metal. Ils veulent que nous soyons méchants et diaboliques, et à la fois, ils veulent que nous soyons charmants. Nous ne pouvons pas constamment répondre aux critères de tout le monde. Nous venons tout le temps signer des autographes, mais si nous ne le faisons pas, c’est probablement parce que nous sommes vraiment fatigués. Et si nous faisons quelque chose de fâcheux et que les gens disent : « Oh mon Dieu, je n’arrive pas à croire qu’il ait fait ça ! », c’est genre : « Eh bien, c’est ce que vous vouliez qu’on soit. » Vous ne pouvez pas créer un monstre, le libérer et vous attendre à ce qu’il respecte vos règles. Je crois vraiment que c’est rock n’ roll de faire ce qu’on veut. Si vous êtes un groupe de black metal extrême et que vous ne faites que ce que tout le monde attend de vous, je n’appelle pas ça rock n’ roll. Je trouve ça juste pathétique. Genre : « Je vais sonner comme le premier album de Darkthrone. C’est tout ce que je vais faire. Je vais ressembler à tout le monde, mais je suis true. » « Vraiment ? T’es true ? Pas envers toi-même. Tu ne fais que copier d’autres gens ! »
Pourrait-on s’attendre à ce qu’Ed monte un jour sur scène pendant un concert de Cradle Of Filth ou quelque chose comme ça ?
Je ne sais pas. Pour l’instant, il passe un moment difficile à New York. Il est accusé de plagiat. C’est complètement absurde. Je veux dire que, littéralement, la pop est construite autour de quatre accords, donc je trouve que c’est ridicule. Avec un peu de chance, il gagnera ce procès et il ne sera pas trop rebuté et découragé pour continuer à faire de la musique, car c’est une accusation ridicule à son égard. Mais oui, nous avons hâte de sortir notre single collaboratif, j’espère, cet été ou peut-être au début de l’automne. C’est pour une bonne cause, donc voyons où ça nous mènera. Pour l’instant, on ne peut que spéculer. Je ne peux rien prédire.
Cradle Of Filth est passé de Nuclear Blast à Napalm Reocrds – Trouble And Their Double Lives ressemble d’ailleurs à un pont entre ces deux époques. Qu’est-ce qui t’a fait dire que c’était le moment de changer de label ?
Nous sommes enclins à vagabonder dans le réseau des maisons de disques. C’est probablement notre sixième ou septième maison de disques. Nous avons fait notre temps chez Nuclear Blast. Nous pensions qu’ils n’avaient plus rien à nous offrir. Nous avions signé pour trois albums. Nous leur avons livré trois albums. Je leur ai aussi donné deux albums de Devilment. Ça paraissait simplement être le bon moment de passer à autre chose. Plein de gens avec qui nous avons travaillé chez Nuclear Blast avaient changé de boulot. Certains sont partis chez Napalm Records. Si nous avons opté pour ce label, c’est parce qu’il nous a été recommandé par des amis très proches, dont mon manager Dez qui en a dit beaucoup de bien. Il a plusieurs groupes qui ont signé chez Napalm Records, comme The 69 Eyes et Jinjer. Je crois même que Devildriver est chez eux, je n’en suis pas sûr, peut-être. Nous avons entendu de très bonnes choses sur Napalm Records. Tout était bien à leur sujet. C’était le moindre de nombreux maux [rires]. Ça semblait être un bon foyer, en l’occurrence. Ils sont très terre à terre. Enfin, si je suis en train de te parler, c’est parce que leur service presse est exemplaire. C’était clairement le bon choix. Depuis que nous sommes avec eux, ça se passe très bien. Les conversations que nous avons avec tous les services sont super, ils ont fait un boulot merveilleux sur la promotion et tout ce qui est lié à l’album live, ils sont à fond derrière. Ils sont aussi à fond derrière le nouvel album que nous allons enregistrer et je suis sûr qu’ils vont faire du bon boulot avec ça aussi quand ça sortira. C’est vraiment tout ce que nous demandons. Le label nous traite avec respect, nous nous entendons merveilleusement bien, ils font leur job, nous faisons le nôtre, et tout le monde est content.
« Si vous êtes un groupe de black metal extrême et que vous ne faites que ce que tout le monde attend de vous, je n’appelle pas ça rock n’ roll. Je trouve ça juste pathétique. Genre : ‘Je vais sonner comme le premier album de Darkthrone. C’est tout ce que je vais faire. Je vais ressembler à tout le monde, mais je suis true.’ ‘Vraiment ? T’es true ? Pas envers toi-même. Tu ne fais que copier d’autres gens !' »
Un changement de label, un changement de line-up… On dirait qu’un nouveau chapitre est en train de s’ouvrir pour Cradle Of filth. Quelles sont tes attentes pour celui-ci ?
C’est effectivement un nouveau chapitre pour le groupe, absolument. Nous devons entrer en studio dans moins de deux semaines pour commencer à enregistrer. Nous allons y passer tout l’été. Le nouveau chapitre est déjà bien entamé. Mais c’est dur à dire. Il s’agit d’avancer ! Ça nous amènera à un autre niveau. Depuis la pandémie, nous avons élaboré un plan managérial qui nous emmène jusqu’en 2025 pour le moment, donc les trois prochaines années sont à peu près planifiées. Evidemment, ça dépend des différentes offres. Des choses se passent chaque jour de la semaine. Je reçois un appel de Dez qui dit : « Il y a ceci », « On vous a offert cela », « Est-ce que vous aimeriez faire ceci ? », « Cela va changer »… C’est une autre raison pour laquelle c’est dur d’être un groupe qui réussit : on ne peut jamais prévoir la vie. On essaye, mais d’autres choses se présentent. Par exemple, on nous a offert un énorme festival que nous avons dû refuser parce que nous étions en studio. Autrement, nous aurions dit : « Oui, absolument, on sera là », mais ça aurait impliqué pas mal de soucis pour tout le monde dans le groupe, car ils auraient dit : « Merde, on ne savait pas qu’il y aurait ça. Il faut revoir notre vie privée. Cette semaine ma femme travaillait et je devais garder… » Bref, il aurait fallu que beaucoup de choses changent. Pour en revenir à Richard, je me souviens d’une fois où il a dû annuler des vacances en Floride avec sa famille parce que Cradle avait tout d’un coup une grosse activité qui s’est présentée à la dernière minute. J’étais vraiment là : « Ouah, Richard, c’est cool que tu ne nous aies pas envoyés chier pour quand même partir en Floride, car c’est probablement ce que j’aurais fait » [rires].
Quel est ton sentiment jusque-là sur cette nouvelle incarnation de Cradle Of Filth, du point de vue de la composition et de la direction que ça prend ?
C’est super ! Evidemment, nous n’irions pas en studio si nous n’étions pas contents de la musique. Je ne peux pas vraiment en parler, parce qu’on m’a dit de ne pas le faire. De même, c’est très difficile de décrire exactement comment ça sonne. C’est subjectif. Pour moi, c’est à la croisée de Dusk et de Midian, très old school, mais très moderne. De gros riffs, très complexe, beaucoup de New Wave Of British Heavy Metal, c’est rapide… Il y a beaucoup de maniérismes, trop pour les mentionner, mais j’ai très hâte de l’enregistrer. Ça sera clairement un pas de plus dans la bonne direction.
Un mot sur le décès l’an dernier de l’ancien guitariste de Cradle Of Filth Stuart Anstis, qui a fait partie de ce qui est considéré comme deux des classiques du groupe, Dusk et Cruelty ?
C’était extrêmement triste. Je ne me souviens plus, il avait quarante-sept ans ? Quarante-sept ou quarante-huit. Mais bref, c’est trop jeune pour mourir. Personne n’a vu de certificat de décès, donc on ne sait pas vraiment de quoi il est mort. Pas que ça ait une quelconque importance, c’est juste que c’est triste de savoir que quelqu’un ait été fauché aussi vite. Je n’étais pas en accord avec Stuart, évidemment. C’était la toute première personne que j’ai virée du groupe, donc nous ne nous parlions pas. Mais je ne peux que lui faire des compliments, car à un moment donné nous étions de bons amis et c’était un guitariste extraordinaire, genre incroyable.
Pour finir sur une note plus légère. Jean Driege, un chef cuisinier français qui est aussi fan de metal et que l’on a pu voir dans l’émission Master Chef en France, nous a dit qu’il aimait écouter Cradle Of Filth. Penses-tu que votre musique a sa place en cuisine ?
[Rires] Bien sûr ! J’ai d’ailleurs profité de la pandémie pour apprendre à cuisiner. Avant ça, j’étais marié et disons que je ne portais pas la culotte en cuisine. J’ai donc appris à cuisiner moi-même pendant la pandémie. Nous étions en train d’enregistrer notre nouvel album à ce moment-là, Existence Is Futile, et je l’ai pas mal écouté dans la cuisine. J’ai trouvé que ça améliorait mes compétences culinaires et donc je le recommande vivement à tous les chefs !
Interview réalisée par téléphone les 3, 4 et 9 mai 2023 par Nicolas Gricourt, Emma Hodapp & Eric Vergnaux.
Retranscription, traduction & introduction : Nicolas Gricourt.
Photos : James Sharrock (1, 3, 5, 7), Annie Atlasman (6) & Anthony Ponce (8).
Site officiel de Cradle Of Filth : www.cradleoffilth.com
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