En 2020, début de la période Covid, pour occuper le temps, divers musiciens – les chanteurs Déhá et Renato Di Falco (Flayed, Trepalium, Les Tambours Du Bronx), les guitaristes Baptiste Ory (Nils Courbaron), Sylvain Sarrobert (Sidilarsen) et Nils Courbaron (Sirenia, T.A.N.K), le bassiste Jacou Pierre (Black Bomb A) et le batteur Boris Le Gal (Betraying The Martyrs) –, créent et enregistrent des morceaux sous le nom de Dropdead Chaos, dont tous les bénéfices sont reversés dans le but d’aider le personnel hospitalier. De cette belle initiative, et du retour très positif du public sur ses compositions, Dropdead Chaos devient définitivement un groupe qui s’attelle à la création de son premier album Underneath The Sound. Ce dernier, récemment sorti, mélange tous les horizons musicaux de ses membres pour nous proposer un metal moderne, qui nous rappelle les meilleures heures du neo-metal, mais pas seulement.
Le frontman Renato nous parle dans cette interview de la genèse du groupe, de sa manière de fonctionner à distance, de l’intégration de leurs divers horizons musicaux, mais aussi de sa gestion de ses différents projets musicaux. Un entretien plein d’énergie et d’enthousiasme pour un premier album à cette image et pleinement réussi.
« Ça va du black metal au heavy metal, au néo, au rap metal… Il y a vraiment de tout dans Dropdead Chaos au niveau des musiciens. Découvrir toutes ces facettes chez chaque personne et ces nouvelles identités artistiques, ça nous a vraiment nourris pour très vite écrire ensemble quelque chose que j’estime assez cohérent aujourd’hui. »
Radio Metal : Peux-tu nous raconter la formation et l’histoire du groupe ?
Renato Di Folco (chant) : Il s’agit d’un groupe « Covid ». Très tôt pendant le Covid, nous nous sommes aperçus que nous nous emmerdions un peu. C’est parti de Sylvain qui est bassiste de Sidilarsen qui a proposé des riffs à Jacou, car ils se sont croisés sur des plateaux une paire de fois. Jacou a trouvé ces riffs très chouettes, donc il s’est dit : « Faisons un petit titre, ce sera chouette ! Je vais appeler deux ou trois copains et ça va le faire ! » Il m’a donc appelé et Baptiste de Smash Hit Combo à la guitare, histoire qu’il y ait deux grattes, ce à quoi nous avons dit oui tout de suite. Quand nous avons commencé à mixer tout ça, nous nous sommes dit que c’était vraiment bien. Jacou a proposé d’appeler son pote HK qui est producteur et qui a son studio pour lui demander s’il ne s’ennuyait pas lui aussi de son côté et s’il n’avait pas envie de nous mixer toutes ces prises-là. Quand il l’a appelé, HK lui a dit que c’était vraiment un très bon titre et qu’il allait aussi appeler des copains. Il a appelé Boris Le Gal de Betraying The Martyrs, à la batterie, Déhà de Maladie, de We All Die (Laughing) et de tellement de groupes de black metal belge. Quand il s’est avéré que nous avions besoin d’un solo sur ce titre, il a dit : « Autant appeler Nils Courbaron, l’égérie ESP qui est aussi un copain et qui bosse chez Sirenia. » Ça s’est fait comme ça, nous avons fait ce titre-là dont nous étions très contents. Nous l’avons fait à huit parce que HK y a mis sa patte aussi. Nous nous sommes envoyé la balle à distance, nous avons écrit ça en un petit mois, tranquillement. Vu que nous avions le temps, nous ne nous speedions pas.
A l’issue de ce titre-là, nous ne savions pas vraiment quoi en faire, donc nous nous sommes dit que nous allions le balancer sur le réseau, mais comme c’était la merde partout, nous nous sommes aussi dit que nous pourrions proposer aux gens de donner une petite contrepartie pour la Fondation de France et donc les soignants à l’époque, s’ils en avaient envie. En plus Nils Courbaron est infirmier, donc il était vraiment au cœur du sujet. Nous avons récolté pas mal d’argent que nous avons reversé instantanément à cette fondation. Derrière ça, nous nous sommes mis la chauffe et nous nous sommes dit que nous allions en faire un deuxième parce que le premier s’est très bien passé. Nous avons donc fait un deuxième titre, « Save Yourself ». Après ça, nous nous sommes vraiment très chauffés parce que nous nous sommes dit : « Les mecs, on a réussi à écrire deux titres à distance, on ne se connaît pas du tout, ou alors on s’est seulement croisés à droite à gauche sur des concerts, c’est quand même incroyable, essayons d’en écrire encore ! » Nous en écrivons donc un troisième, « Humans ». Nous l’avons aussi sorti. De là, le Hellfest nous a contactés pour nous proposer d’ouvrir l’Altar un samedi car notre projet leur plaisait. A partir de là, nous nous sommes dit que s’il y avait vraiment des gens qui s’y intéressaient, dont le Hellfest, peut-être qu’il allait vraiment falloir que nous nous mettions au turbin et que nous écrivions un album. Plutôt que d’être un regroupement de musiciens de la scène metal française et belge, nous avons décidé de vraiment faire un groupe et un album que nous irions défendre sur scène, ce que nous sommes en train de faire.
C’est atypique comme formation…
Clairement ! Ça ne m’est jamais arrivé de bosser avec des gens avec qui je n’avais jamais travaillé de ma vie et de ne pas connaître les obédiences artistiques de chacun, de découvrir de nouveaux univers à droite, à gauche, parce que ça va du black metal au heavy metal, au néo, au rap metal… Il y a vraiment de tout dans Dropdead Chaos au niveau des musiciens. Découvrir toutes ces facettes chez chaque personne et ces nouvelles identités artistiques, ça nous a vraiment nourris pour très vite écrire ensemble quelque chose que j’estime assez cohérent aujourd’hui.
A partir de quand c’est vraiment devenu un groupe ? A partir de la scène et puis de l’envie d’écrire cet album ?
C’est vraiment à partir du troisième titre. Au début, nous nous estimions comme un collectif de musiciens. Le deuxième titre c’est pareil, nous avions envie de soutenir les salles de spectacles qui étaient en train de crever toutes autant qu’elles étaient, mais la hype n’a pas autant marché que sur le premier titre. Nous nous sommes alors dit que nous n’allions plus faire ça pour le moment, parce que si c’était pour rapporter seulement trois clopinettes à personne, ça ne servait à rien. Nous avons donc décidé de faire de ce projet un vrai groupe de musique et de le faire arriver très vite, très haut pour qu’enfin nous puissions ramener un maximum d’argent à certaines causes qui nous sont chères avec une grosse légitimité.
« Nous nous sommes dit qu’effectivement, ça tendait vers le neo-metal, mais qu’est-ce que nous en avons à foutre ? Faisons-le ! On n’avait pas le droit de le faire au début des années 2000, mais en 2023, on s’en fout, on le fait ! »
Tu as parlé des styles musicaux. Comme ça s’est construit au fur et mesure, aviez-vous une volonté artistique, un style musical, ou est-ce qu’au contraire, c’est comme ça vient ?
C’est exactement comme ça vient ! Etant donné que nous sommes tous d’horizons différents et que nous sommes tous forces de proposition de choses très différentes musicalement, nous prenons tout ce qu’il nous vient, dès que quelqu’un a un riff ou un morceau qui est quasiment écrit en entier, même si nous le refaçonnons derrière. Ça peut partir de tout. Ça peut partir d’un riff heavy metal, black metal, metalcore, neo-metal… Peu importe ce qui vient, à partir du moment où nous arrivons à le travailler derrière, tous les huit, et où nous pouvons en faire quelque chose qui nous plaît et que nous estimons cohérent avec tous ces styles mélangés, nous le prenons et nous en faisons un morceau. Et ça se passe encore comme ça aujourd’hui, évidemment.
Il y a quand même une grosse cohérence – elle se fait peut-être dans le son ou la production. Ce qui ressort le plus, c’est un côté metal moderne, neo-metal, même si tout le monde n’aime pas ce terme…
Moi, il me plaît ! Tu sais, je suis un enfant du neo-metal. J’ai vécu mon adolescence fin 1990, début 2000, donc je suis à fond là-dedans évidemment, et je l’ai toujours été, surtout à cette époque-là. Ce que j’aime bien dire – et qui est la vérité –, c’est qu’à cette époque-là, début 2000, nous avions tous déjà des groupes. Le marché du neo-metal était complètement saturé. Faire un groupe de neo-metal pour des petits frenchies à l’époque, ça ne servait absolument à rien, donc nous sommes tous allés dans des horizons différents, même si nous avions cette culture-là, la culture Korn, Slipknot, Deftones, Linkin Park, nous avions tout ça. A cette époque-là, même si ça aurait pu nous faire plaisir, nous savions qu’il n’y avait aucun débouché. Aujourd’hui, en 2023, nous n’avons plus grand-chose à prouver musicalement, nous avons déjà tous bien roulé notre bosse. Nous nous sommes dit qu’effectivement, ça tendait vers le neo-metal, mais qu’est-ce que nous en avons à foutre ? Faisons-le ! On n’avait pas le droit de le faire au début des années 2000, mais en 2023, on s’en fout, on le fait !
Avec les histoires de cycles dans la musique, les gens y sont sûrement réceptifs aujourd’hui.
Nous sommes vingt ans après et peut-être que ça va revenir et que nous tombons pile-poil au bon moment, je ne sais pas, on verra bien ce qu’il adviendra de ça. En tout cas, ce que nous remarquons à chaque concert et à chaque fois que quelqu’un écoute notre disque, c’est que notre musique fédère et que les gens sont très contents d’écouter ça. Même s’il y a pas mal de choses prises dans toutes les influences dont je parlais, aujourd’hui les gens y trouvent une certaine fraîcheur, ce qui fait extrêmement plaisir.
Dans les groupes, quand il y a de plus en plus de monde, ce n’est jamais facile d’avoir une unité, surtout pour la composition. Du coup, tu as l’air de dire que ça se passe assez simplement, chacun propose ses idées… Malgré tout, ce n’est pas trop dur avec autant d’univers différents ?
Non. C’est encore mieux, parce que nous avons une banque de riffs immense, vu que tout le monde propose. Nous avons un fichier Dropbox avec vraiment un maximum de matière et tout le monde propose un peu ce qui passe par la tête et ce qui fait plaisir. Généralement, nous allons piocher dans cette banque-là, nous écoutons et nous nous mettons d’accord. Je t’avoue que c’est souvent le chant qui fait le tout. Si un riff parle plus à Déhà ou moi, que nous nous mettons à poser du chant dessus, généralement ça veut dire que c’est un riff qui va fonctionner. Tout le monde derrière se met à broder autour et de là, nous en faisons un morceau. En tout cas, sur cet album, ça a été une partie de ping-pong permanente. Nous écrivons un riff, nous l’envoyons aux autres, il y a quelqu’un qui balance un autre riff par-dessus, après un autre fait des arrangements par-dessus, nous faisons des voix avec Déhà, nous nous les envoyons, etc. Derrière, HK apporte la touche finale. Il écrit aussi mais un peu moins que nous, donc il a une oreille vraiment extérieure. A la fin, il arrive à réarranger tout ça et il a un rôle de directeur artistique au milieu de ce joyeux bordel, parce que oui, quand il y a sept musiciens qui sont forces de proposition, il faut quand même quelqu’un qui cadre tout ça, et ça c’est le job d’HK.
« Pendant un an et demi, nous avons appris à nous connaître musicalement, alors que nous ne nous connaissions pas du tout. C’est ça qui est très excitant dans ce groupe pour des musiciens comme nous : nous avons tous plus ou moins la quarantaine et nous ne pensions pas du tout refaire un groupe de zéro. »
Il a une légitimité à le faire, vu qu’il a un peu plus de recul que vous.
Oui, parfaitement. Nous, nous pouvons partir au quart de tour et nous dire que c’est un morceau énorme, et le mec arrive et nous dit : « Ça, c’est un morceau à peine bien, pas énorme. On va essayer d’en faire quelque chose d’énorme, mais pour le moment, ce n’est pas énorme du tout les gars, réatterrissez… » C’est très pratique d’avoir un HK, cette oreille extérieure. Nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, y compris dans la composition, alors que cette façon de composer n’est pas si évidente. Avoir un HK est inévitable pour nous.
HK a donc aidé à former le groupe, à créer le lien artistique…
Mais en fait il fait tout, tout ce que tu ne vois pas sur le plateau. Il gère la team, c’est un manager à proprement parler, il s’occupe absolument de tout, des relations avec le label, des relations avec le booker, de nous driver, de driver le community manager, tous les artworks de t-shirt, la pochette, c’est lui, la photo c’est moi qui l’ai faite mais tout le travail autour du layout, c’est lui. Il fait tout, sans lui, nous ne serions pas grand-chose aujourd’hui, nous ne serions pas soudés. HK est le ciment de ce groupe. Nous sommes tous des briques et lui est le ciment du groupe. C’est clairement le huitième membre, il n’y a aucun secret là-dessus. Nous sommes sept sur un plateau mais en vérité nous sommes huit.
Comme tu l’avais déjà dit, vous avez tous vos histoires avec d’autres groupes et là, vous vous connaissez depuis moins longtemps, donc il faut aussi que vous appreniez à fonctionner ensemble. Ce rôle extérieur doit aussi aider sur ce plan-là.
Tout à fait. Déjà, nous avons appris à nous connaître dans la composition, avant même de nous connaître en vrai. Nous nous sommes rencontrés en vrai seulement un an et demi après que le groupe a été formé. La première fois que nous avons répété, nous sommes partis à Nantes et nous nous sommes tous retrouvés là-bas. C’était la première fois que nous nous voyons vraiment et nous avons appris à nous connaître humainement, pour de vrai. Mais pendant un an et demi, nous avons appris à nous connaître musicalement, alors que nous ne nous connaissions pas du tout. C’est ça qui est très excitant dans ce groupe pour des musiciens comme nous : nous avons tous plus ou moins la quarantaine et nous ne pensions pas du tout refaire un groupe de zéro. Nous l’avons tous déjà fait plein de fois tous autant que nous sommes et nous savons très bien que monter un projet et le faire arriver là où on le souhaite, ça prend vraiment du temps. Généralement, c’est une dizaine d’années avant qu’un groupe commence à être pérenne et à pouvoir remplir un frigo. Ce truc-là d’apprendre vite, de se découvrir tous ensemble, de découvrir de nouvelles personnes musicalement, ça a été une bouffée d’air frais. C’est ça qui fait que nous étions tout le temps forces de proposition, et que nous le sommes toujours d’ailleurs. Nous sommes encore en train de nous découvrir. Ça fait trois ans que le groupe existe, notre premier album vient de sortir et nous avons soif d’écrire un maximum. Je peux te dire que la banque de riffs et de morceaux est immense pour la suite !
Comment fonctionnez-vous pour les voix et les textes pour trouver un bon équilibre, vu que vous êtes deux ?
Il y a vraiment un truc qui est dingue avec Déhà, c’est que tout coule de source tout le temps. Quand un a une idée de lignes de chant, il va les placer, il va écrire un petit texte par-dessus, l’autre écoute et c’est très rare que nous n’aimions pas ce que l’autre fait. Généralement, tout de suite ça lui parle, il rebondit et il écrit la suite, ou alors il écrit des arrangements par-dessus, ou alors il harmonise, ou il pose un rap, moi je pose un refrain. Encore une fois, c’est une partie de ping-pong, mais avec Déhà, ce qui est vraiment magique, c’est que tout coule de source, tout paraît naturel au possible. J’estime que c’est une chance de dingue, parce que deux chanteurs dans un groupe, ça pourrait être la bataille de celui qui va en mettre le plus, celui qui va être le plus devant, etc. Là, ce n’est pas du tout le cas. Nous avons réussi à trouver un pied d’égalité où tous les deux nous servons le projet. Il n’y a pas de bataille d’ego, même avec tous les musiciens. Alors que ça pourrait, parce qu’il y a quand même dans ce groupe des grosses stars qui ont fait des tournées internationales, mais en fait pas du tout ! Avec Déhà, c’est vraiment magique, nous arrivons à nous comprendre en une ligne de chant ou en un texte. Donc oui, c’est nous qui écrivons. Généralement c’est soit moi qui pars sur un texte, soit lui, et nous arrivons même à les écrire à deux, c’est assez dingue. Que ce soit les lignes ou les textes, nous arrivons à tout faire à deux.
« Quand tu arrives à nos âges et que tu as choisi de faire ce métier, à un moment donné, c’est que tu as besoin de le faire. Ça fait clairement partie de nous et si nous ne pouvons ni jouer ni écrire, je ne donne pas cher de notre peau [rires]. […] Je ne dors pas beaucoup, mais j’adore tellement le faire que je trouve les moyens de le faire. »
Vous avez un style différent. Il y a des moments où Déhà aura un débit plus rapide et avec plus de paroles, là où toi tu auras plus de retenue avec du chant plus mélodique et un refrain plus travaillé.
Absolument. Il fait des trucs que je ne sais pas faire, tout simplement, et inversement sûrement. C’est là que la complémentarité se trouve très vite, parce qu’il y a des passages qui méritent des choses que je ne sais pas faire. Déhà sait les faire, donc il y va, il le fait, terminé. C’est pareil dans l’autre sens. Nous sommes complètement différents mais complémentaires dans ce projet. Je t’avoue que ça me surprend ; à chaque fois que nous écrivons un titre, je suis surpris. A chaque fois que nous nous retrouvons sur un plateau et que la complicité débarque toute seule, je suis surpris. Je suis vraiment content de ça parce que j’estime que c’est un coup de chance extraordinaire.
Les textes sont assez sombres, j’ai l’impression…
C’est assez sombre dans l’approche. Les textes se veulent « dark », nous les avions écrits en plein Covid-19, donc à un moment donné, nous ne pouvions pas écrire la joie de vivre en permanence. Les textes sont profondément « dark », mais ils laissent tous une lumière au bout du tunnel. Quand tu arrives à la fin du morceau, ce n’est jamais la merde ; si jamais tu t’accroches, à un moment donné ça va passer.
J’imagine que c’est une approche que vous partagez, que vous avez conçue ensemble ?
Clairement. Nous ne nous sommes jamais dit sur quoi nous allions écrire. Généralement, dans nos autres groupes, nous racontons des histoires. Nous partons d’un fait réel, de quelque chose qui nous est arrivé, nous brodons autour et nous fabriquons une histoire. Mais à part un titre, tout ce que nous disons Dropdead Chaos, c’est la vérité. Nous parlons de nous, du groupe, des sentiments et des états d’âme du moment, tout ce qui s’est passé pendant le Covid-19, tout ce que DDC nous a amené. Nous parlons aussi de DDC, c’est pour ça que ces textes transpirent la vérité un maximum. Ça a été une catharsis, bien plus que jamais. Je sais que tous les groupes disent ça, mais là, c’est une putain de vérité. Ça nous a libérés de pouvoir faire ça à ce moment-là et aujourd’hui de voir comment c’est reçu et l’interprétation des gens… Parce que les gens lisent les textes et connaissent les paroles en concert, c’est complètement dingue. Ils nous posent ces questions. Ils ont des interprétations différentes et elles sont complètement plausibles. C’est souvent pas du tout ce que nous voulions dire, mais ce sont des interprétations plausibles. Tu peux prendre les textes comme tu veux et les prendre pour toi.
Vois-tu aussi la création musicale comme une manière d’évacuer certaines choses ?
Oui, tellement ! Quand tu arrives à nos âges et que tu as choisi de faire ce métier, à un moment donné, c’est que tu as besoin de le faire. Ça fait clairement partie de nous et si nous ne pouvons ni jouer ni écrire, je ne donne pas cher de notre peau [rires].
Tu m’avais dit la dernière fois que tu gérais une chorale, est-ce qu’il y a un lien avec le premier titre de l’album où il y a plein de voix différentes ou pas du tout ?
Eh bien, pas du tout ! Mais il se trouve que oui, nous allons utiliser à un moment donné le fait que je sois chef de chœur. Nous ne l’avons pas encore fait, mais ça arrive. En tout cas, ce premier titre sort de nulle part. La vérité histoire est que si tu traînes sur mon Instagram, tu vas tomber sur les ébauches de ce truc-là. Il y a deux ou trois ans, je me suis acheté un SM7B, un micro dont je rêvais depuis longtemps et que je peinais à m’offrir parce que je suis un débile. Et quand je me le suis acheté, j’ai trouvé que le son brut, en sortant d’une carte son, était incroyable, donc j’ai fait ce truc-là avec les « Hey oh ! », a capella, d’une petite minute, qui ressemble beaucoup à ce titre, « Underneath The Sound », le titre éponyme de l’album. Quand j’ai fait ça, sur les réseaux, les gens étaient plutôt contents, et tous mes musiciens de tous mes groupes ont eu envie de faire quelque chose avec ce titre. Les Tambours ont eu envie de faire quelque chose avec, les musiciens de Flayed ont eu envie de faire quelque chose avec et dans DDC, la même chose. Il y a plusieurs propositions sur ce titre-là et ce que Déhà et Sylvain ont proposé, ça m’a scotché. J’ai dit : « Ce truc-là que j’ai fait à l’arrache, on le prend et on en fait un titre, ce sera une belle ouverture d’album et de concert. »
« Les chanteurs que j’adore sont des chanteurs qui écrivent des gros refrains, des trucs qui fédèrent, que les gens retiennent, je suis nourri à tout ça. Je suis nourri à Steven Tyler, Phil Anselmo, John Bush d’Anthrax, Chester de Linkin Park, que des mecs qui arrivent à écrire des gros refrains. »
Tu interviens dans différents groupes, ce n’est pas trop dur de se démultiplier partout ?
Je ne dors pas beaucoup ! [Rires]. Evidemment ça fait du boulot de partout, dans tous les sens, ça ne s’arrête jamais, mais encore une fois, si je fais ce métier, c’est pour faire ça. Plus je suis sur scène, plus je suis content ; plus j’écris, plus je suis content. Je fais en sorte que tout matche. Après, c’est sûr que c’est une gestion de calendrier au poil de fion, il n’y a pas de secret. J’ai aussi une famille, je dois gérer ma fille, ma compagne, plus les groupes, plus les chorales, etc. Donc oui, je ne dors pas beaucoup, mais j’adore tellement le faire que je trouve les moyens de le faire.
Penses-tu que ces trois ou quatre dernières années, il se passe un truc spécial pour toi en tant que chanteur ?
Oui, c’est sûr, ça fait quatre ans que j’arrive doucement à ce dont je rêvais quand j’avais quatorze ans, c’est-à-dire déjà remplir mon frigo et payer mon loyer [rires] ; rien que ça, j’y arrive. Bien sûr, mon intégration dans les Tambours m’a ouvert beaucoup de portes, donc je ne remercierai jamais assez Steph Buriez de m’avoir appelé pour être le troisième chanteur des Tambours, parce que ça m’a ouvert des scènes que je n’avais encore jamais faites. J’ai joué devant des milliers de personnes, alors que je ne l’avais que très peu fait avant. Là, c’était quasiment monnaie courante tous les week-ends, donc tu prends de l’expérience très vite. Ensuite, il s’est trouvé que Flayed a pu ouvrir pour les Tambours sur certaines dates, donc il a fallu faire deux shows d’affilée. Ça a été drastique, ça m’a beaucoup fait bosser à fond. Je t’avoue que j’adore bosser, j’adore savoir faire le plus de choses possible, j’adore les défis, donc quand il y a des nouvelles choses qui se présentent à moi, généralement je les prends. Maintenant, je me calme un peu et je choisis bien plus méticuleusement parce que je n’ai plus trop le temps, mais c’est ce que je faisais à l’époque. Pour en revenir à ce que tu disais, ces quatre dernières années, il s’est passé quelque chose pour moi, je suis devenu chanteur professionnel, tout simplement, c’est mon métier. Alors qu’avant non. J’ai toujours travaillé en intérim jusqu’à mes trente-six ans. C’était une bonne manière de pouvoir partir en tournée ou de pouvoir me libérer quand je le voulais, de ne pas être en CDI et de pouvoir me casser de n’importe quel boulot à n’importe quel moment. Mais je préfère le statut d’intermittent du spectacle et de chanteur professionnel !
Tu as quand même une voix associée à un style et que l’on reconnaît très facilement. Ça peut être surprenant de voir qu’en fait, ça fonctionne très bien dans différents styles musicaux. Tu te l’expliques ? Tu réfléchis à ça ?
Encore une fois, ça revient à une question de travail et d’apprentissage. Dans l’absolu, j’aimerais savoir tout faire, donc j’apprends tout le temps et je n’ai jamais cessé de le faire. En fait, mon style est de prendre un chanteur que j’adore et mon but est d’arriver à faire tout ce qu’il fait. Donc je pompe un maximum. Je n’arrive pas à tout faire, il ne faut pas déconner non plus, mais une fois que j’arrive là où je voulais arriver, je passe à un autre chanteur, j’apprends et je le mets dans mon panel et je ressors ça dans les moments et projets différents, quand l’opportunité s’y prête. Par rapport à tous ces groupes et à ce qu’il faut faire dedans, je porte un soin particulier à ne pas faire la même chose d’un groupe à un autre. J’arrive à prendre des fois deux ou trois trucs que je fais à droite, à gauche et que j’estime pertinents dans un groupe. Des fois, il y a des petites choses qui reviennent mais j’essaye d’être original dans chacun de mes projets, sinon les gens entendent à chaque fois le même chanteur dans tous ces groupes, c’est tout le temps la même voix, et ça fait chier tout le monde en vérité, moi le premier !
Donc lorsque tu es dans un groupe ou un projet particulier, tu te mets à chaque fois dans un état d’esprit un peu différent ?
Exactement. Je me mets dans une manière d’écrire, de composer et de chanter différente et surtout, j’essaye de faire des trucs nouveaux. Par exemple DDC, je dirais que soixante-dix pour cent de ce que je fais dans cet album, je ne l’ai jamais fait ailleurs. Je pense même que ce groupe-là, c’est un concentré de ce que j’ai appris ces vingt dernières années. Il y a un peu de tout. Il y a des passages qui peuvent faire penser à du Flayed, d’autres à du Trepalium, d’autres à God Damn, mon tout premier groupe de stoner. J’ai pioché à droite, à gauche et j’ai ramené de nouvelles choses que je ne faisais pas avant, c’est-à-dire balancer des chants clairs, harmonier un max, des refrains grandiloquents, je ne l’avais jamais vraiment fait, et il me semble que dans ce groupe-là, c’est vraiment le concentré de tout ce que j’ai appris ces dernières années. Je t’avoue que j’ai même la pression pour faire le deuxième, parce que j’ai l’impression d’être arrivé au bout, donc il va vraiment falloir que je bosse à fond encore pour la suite !
« Sur un plateau ce n’est pas chorégraphié, nous nous sommes laissé une énorme partie de spontanéité possible, et heureusement d’ailleurs, mais tout le reste, la logistique, le light-show, le son, le merch, tout est carré et nous ne laissons aucune place au hasard. »
S’il y a vraiment un truc qui marche bien sur cet album de Dropdead Chaos, ce sont les refrains. Il y a vraiment un accroche mélodique forte, ils sont très mémorisables.
C’est chouette, je te remercie. En vérité, les refrains, c’est le truc que j’écris le plus vite. C’est une chance. Les chanteurs que j’adore sont des chanteurs qui écrivent des gros refrains, des trucs qui fédèrent, que les gens retiennent, je suis nourri à tout ça. Je suis nourri à Steven Tyler, Phil Anselmo, John Bush d’Anthrax, Chester de Linkin Park, que des mecs qui arrivent à écrire des gros refrains. Tout ça, j’en ai tellement bouffé que je sais qu’il y a un refrain qui arrive sur un titre, généralement j’écris le refrain en premier. J’écoute le titre, ça arrive au refrain, s’il me parle, je l’écris directement et généralement ça ne me prend vraiment pas longtemps, et après, je me tape toute la trame du morceau. En tout cas, tous les refrains sont vraiment nature-peinture, ce n’est vraiment pas le plus dur pour moi. Ce qui est chouette, c’est que le plus dur pour moi, Déhà est capable de le faire, donc c’est super !
Quand tu ne sais plus, tu laisses, c’est ça ? [Rires]
C’est juste que quand j’écris un refrain et que je me suis fait un couplet pour l’amener, derrière, pour ne pas faire de redite… Ce qui peut être très facile, écrire un morceau, c’est couplet, refrain, couplet, refrain, pont, refrain, refrain et terminé. Déjà, nous ne faisons pas ça dans DDC, donc pour l’éviter, dès que j’ai écrit une partie que j’estime chouette, je passe le relais à Déhà – et inversement, il fait pareil – qui balance des nouvelles choses. Ça me nourrit et après, je peux réécrire d’autres trucs par-dessus auxquels je n’avais pas pensé à la base.
Pour parler des concerts, vous avez fait une résidence du côté de Nantes, c’est le premier moment où vous vous êtes retrouvés tous ensemble. Était-ce dans le but de préparer le Hellfest ? Une tournée ?
C’était carrément pour préparer le Hellfest. Déjà, c’était pour nous rencontrer, jouer ensemble et savoir si ça marchait [rires]. Tu peux faire trois-quatre et ne pas te comprendre musicalement avec les instrus en vrai, c’est un peu chaud, mais ça s’est évidemment très bien passé. Quand Boris a fait trois-quatre sur son charley et que nous sommes partis, les morceaux ont tournés exactement comme si c’était un CD. C’est le truc très chouette de jouer avec des requins de la scène, avec des mecs qui savent faire leur métier. Ça a fonctionné instantanément et c’était très chouette. Nous avons fait une première résidence vers Nantes et ensuite, nous nous sommes quand même fait un petit concert de chauffe à Lomme, près de Lille, chez Jacou, au Furious Cirkus qui était un chouette petit festival, qui a été incroyable de nous accueillir pour la première fois et de croire en nous d’entrée de jeu. Dans cette salle-là, avant le festival, nous avons fait une résidence de trois ou quatre jours et c’est là que nous avons peaufiner le son, le light-show et l’identité scénique de Dropdead Chaos. Sans les résidences, nous ne pourrions pas fabriquer cette identité scénique, parce que nous ne pouvons pas répéter. Nous sommes vraiment éclatés partout en France et en Belgique, donc lorsque nous voulons fabriquer quelque chose pour le live, nous faisons une résidence. En trois ans, nous avons dû en faire quatre pour vraiment peaufiner tout ça. Nous nous prenons trois ou quatre jours, nous allons dans une salle de concert avec notre lighteux et notre soundier, histoire que toute équipe de live soit au jus de ce qu’il va se passer, et c’est là que nous fabriquons ce que nous faisons en live.
Il y a un vrai professionnalisme, pour arriver en si peu de temps à caler tout ça !
Il y a un maximum de taff. Nous sommes tous à fond dedans. Je pense que nous y passons entre deux et six heures par jour, chacun. Nous nous séparons les tâches, mais effectivement, nous y passons un maximum de temps. Nous calons tout au poil de fion pour qu’il y ait peu de place au hasard. Sur un plateau ce n’est pas chorégraphié, nous nous sommes laissé une énorme partie de spontanéité possible, et heureusement d’ailleurs, sinon c’est quand même pourri de faire tout le temps le même show, mais tout le reste, la logistique, le light-show, le son, le merch, tout est carré et nous ne laissons aucune place au hasard là-dessus, c’est sûr. La seule place que nous laissons au hasard, c’est lorsque nous nous retrouvons face au public et que nous agissons en conséquence vis-à-vis de la relation public-groupe.
Il y a pas mal de dates en cours et à venir, c’est quoi l’idée ? Est-ce que vous allez faire une tournée spéciale Dropdead Chaos ou vous allez essayer de jouer dans des festivals ?
Pour les festivals de cet été, c’est un peu plié, nous n’en avons qu’un, c’est le Festival 666 avec une très belle affiche. En sortant un album en avril, tu ne peux pas booker l’été. Donc pour les festivals, nous verrons en 2024. Sinon oui, il y a déjà une dizaine de dates cet automne, nous allons sillonner la France. Nous allons un petit peu en Belgique aussi. L’idée est d’écumer les salles et de voir comment nous les remplissons. Jusque-là, c’est super chouette, nous n’avons pas encore fait de four. Nous voulons montrer que nous existons de partout, nous avons beaucoup de gens qui nous suivent maintenant, c’est d’ailleurs hallucinant. C’est trop cool car nous les voyons à la fin des concerts, ils nous suivent avec ferveur, c’est incroyable. Je les remercie, je vous remercie ! Le projet jusqu’à fin 2023, c’est de faire des dates à droite, à gauche et de ne pas s’arrêter, il n’y a pas de pause, sauf cet été, il y a peut-être un mois où nous nous arrêtons, mais sinon il n’y a pas de pause. En 2024, nous avons déjà des petits plans pour choper de vraies tournées.
Est-ce qu’il y a une ambition de se développer en dehors de la France et de la Belgique ?
En vérité, sortir de France est très compliqué, mais oui, nous estimons que nous avons un projet avec lequel, possiblement, nous pouvons sortir du pays, nous pouvons braver les frontières. C’est une possibilité mais nous n’avons pas vraiment tous les contacts pour ça. Il faut donc déjà écumer la France. Notre projet est d’être un vrai groupe français, à l’instar de Gojira quand ils ont commencé. Ils ont d’abord défoncé la France et ensuite ils ont eu des opportunités. Si nous avons des opportunités, évidemment, nous les prendrons, mais ce n’est pas le projet du moment. Le projet du moment est d’exister dans notre pays.
J’ai compris qu’il y avait pas mal de titres potentiels pour un second album…
Oui. Nous n’avons pas trop le droit d’en parler. Nous avons déjà cet album à défendre, mais en tout cas oui, il y aura une suite. Nous commençons à faire de ce groupe une priorité. Ce n’est pas du tout un side project. C’est notre groupe à tous les huit et nous y croyons dur comme fer. Donc oui, évidemment que nous avons des projets pour la suite, c’est sûr.
Interview réalisée par téléphone le 17 mai 2023 par Sébastien Dupuis.
Retranscription : Emma Hodapp.
Photos : Mathilde_Miossec.
Site officiel de Dropdead Chaos : dropdeadchaos.com