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Interview   

Helloween : des dieux et des citrouilles, partie 1


Giants & Monsters, voilà un titre accrocheur pour un groupe qui, depuis quarante ans déjà, n’a jamais vraiment cessé de tutoyer les sommets du power metal. Helloween, véritable monstre à sept têtes, resurgit à nouveau des profondeurs de l’Allemagne, porté par l’élan d’un line-up complet réuni et plus solide que jamais. Depuis le succès de leur album éponyme en 2021 – premier opus à réunir à nouveau Michael Kiske et Kai Hansen aux côtés des membres historiques Michael Weikath et Markus Grosskopf – la pumpkin machine ne s’arrête plus. Trois chanteurs, des personnalités bien distinctes mais une vision partagée : chacun a mis la main à la pâte pour faire de Giants & Monsters un cocktail musical aussi varié qu’explosif. Car si les membres d’Helloween sont tous différents dans leur manière de penser, composer ou ressentir la musique, c’est sur leur perception de la spiritualité qu’ils se retrouvent – en tout cas concernant les deux frontmen.

À l’occasion de la sortie de ce nouvel album très attendu par les fans, Michael Kiske nous a accordé un entretien intense en toute décontraction, flirtant entre spiritualité (beaucoup), souvenirs et passion pour une musique qu’il veut avant tout pleine de sens.

« Les religions essaient surtout de diaboliser toute activité spirituelle que l’individu pourrait explorer, parce que c’est justement ce qu’il faut faire : établir sa propre relation avec Dieu, et pour ça, on n’a pas besoin de religion. »

Radio Metal : Merci de prendre le temps de nous parler…

Michael Kiske (chant) : J’adore les interviews. C’est toujours amusant ! Je pense que c’est lié à la scène hard rock et metal en règle générale, car les gens sont souvent intéressés et passionnés. C’est pourquoi ce sont généralement de bonnes conversations.

Giants & Monsters est le deuxième album de cette incarnation du groupe. J’imagine qu’il y avait cette fois-ci plus d’assurance et de confiance, car vous saviez où vous alliez ou dans quoi vous mettiez les pieds : qu’est-ce que cela a changé selon toi ?

Le groupe est globalement plus confiant, ce qui est un processus naturel. Au début, on a toujours une part d’insécurité, on ne se connaît pas encore très bien… Evidemment, je connaissais Markus [Grosskopf], Kai [Hansen] et Weiki, mais pas les autres, donc nous avons dû réapprendre à nous connaître. Tout ça s’est de toute façon plutôt bien passé dès le départ, mais c’est terminé maintenant : après toutes ces années, tout le monde se connaît, nous savons comment réagir quand quelqu’un est de mauvaise humeur, nous ne le prenons plus autant personnellement. Je pense que le groupe est globalement dans une très bonne dynamique et je crois que ça se ressent sur l’album – c’est toujours le cas. Un disque est toujours un reflet de l’endroit où on en est en tant que groupe.

Weiki dit que vos différences créent des tensions, mais aussi que l’humour et la passion vous réunissent toujours…

Les différences sont aussi stimulantes ! Si tout le monde était exactement pareil, nous n’aurions même pas besoin de parler puisque tout le monde penserait la même chose. Oui, ça crée parfois des tensions, mais je pense que c’est une bonne chose. Chacun a une vision très différente et parfois, c’est difficile de se mettre d’accord, mais c’est excitant parce que les autres ont des idées que je n’aurais jamais eues, et ça rend les choses intéressantes. Il faut juste relever le défi. Il faut être capable de faire fonctionner le tout avec sept individus très différents, et jusqu’à présent, nous avons vraiment super bien réussi. C’est impressionnant. Parfois, je ne comprends même pas pourquoi, mais ça fonctionne ! Les différences sont très productives. C’est génial quand quelqu’un a une vision et une approche complètement distinctes. Ce n’est pas toujours le cas, mais très souvent, nous pensons de manière très différente, et ça enrichit l’idée globale, ça rend le résultat un peu plus grand, plus intéressant si on arrive à rassembler le tout. Ce n’est pas que je compare Helloween aux Beatles, pas du tout, mais Paul McCartney a toujours dit à quel point John Lennon était différent de lui. Il avait une manière d’écrire qui lui était propre, et Lennon arrivait avec ce côté cynique et un peu ironique, ça rendait le tout excitant… Il a toujours dit qu’ensemble, ils étaient meilleurs, justement parce qu’ils étaient si différents. Nous, nous avons… pas sept John Lennon et Paul McCartney, mais sept têtes très différentes.

Est-ce que l’humour et ce retour à l’essentiel font la différence par rapport à l’époque où la tension prenait parfois trop de place ? Est-ce que c’est ça qui vous permet de continuer après quarante ans ?

Quand on est jeune, on est facilement plus égoïste, on essaie d’imposer son individualité, on n’a pas encore beaucoup d’expérience, on prend beaucoup de choses personnellement, alors qu’en vieillissant, ce n’est plus le cas. J’ai toujours aimé dire que l’individualité, ce n’est pas l’ego. L’ego, c’est comme l’ombre de l’individualité. Si quelqu’un n’a qu’un ego sans vraie personnalité forte, il risque de percevoir une autre personne forte comme une menace. Mais quand on grandit et qu’on est un individu solide, on ne voit plus l’autre comme une menace, on commence à l’apprécier, et on est content qu’il ait de la force et des choses à dire, parce que ça enrichit la soupe. Tout ça, ça change. Quand on est jeune, on fait toutes ces bêtises, ces erreurs, ces mauvais choix pour apprendre ! C’est tout l’intérêt de notre présence ici, non ? Clairement, tout le monde a mûri, tout le monde a beaucoup grandi. Nous avons toujours eu un bon sens de l’humour, mais nous étions jeunes… et maintenant, nous ne le sommes plus autant, et c’est génial que nous puissions faire ça aujourd’hui. Seule la vie peut écrire des histoires comme celle-là. Il y a quelques années, je n’aurais jamais pensé que nous ferions ça. Je l’aurais complètement nié – et pourtant, nous y voilà. C’est incroyable.

« J’ai toujours eu cette connexion avec Andi à un niveau très fort. Je ne sais pas, nous pouvons communiquer facilement et ça fonctionne vraiment. Peut-être que c’est avec lui que je peux communiquer le plus. »

Tobias Sammet nous a dit il y a quelques mois à ton sujet : « Avant Avantasia, il ne voulait même pas chanter au Wacken et refaire du heavy metal. Je pense qu’Avantasia l’a aidé à voir que les fans de heavy metal sont des gens adorables et qu’ils ne mangent pas tous des enfants ! » Est-ce qu’il a, d’une certaine manière, contribué à changer ta vision de la musique heavy ?

Après la séparation avec le groupe au début des années 90 – c’était au tout début de 1994 – j’étais vraiment déçu. C’était surtout à cause du groupe et de la manière dont tout s’était passé. Ensuite, quand j’ai sorti mes albums solos, la façon dont la scène metal a réagi, je l’ai pris très personnellement. Je ne l’ai pas supporté. Je me disais : « Pourquoi devrais-je essayer de faire semblant d’être Helloween ? Je ne suis pas Helloween, je faisais autre chose. » Aujourd’hui, je comprends un peu mieux cette période, même si artistiquement j’avais raison : il faut faire ce que tu veux faire, c’est important. D’un autre côté, c’est aussi compréhensible de la part des fans – ils avaient aimé ce que je faisais avant et là, je sortais quelque chose de complètement différent, donc c’était difficile pour eux de me suivre. À l’époque, je ne pouvais pas le comprendre. J’étais juste très en colère, très frustré. En plus de ça, j’ai aussi beaucoup évolué spirituellement. Beaucoup de choses auxquelles je ne pensais pas trop quand j’étais jeune, je sais aujourd’hui qu’elles sont bien réelles : les anges, les démons… toutes ces dynamiques spirituelles, je sais maintenant qu’elles existent. De même pour tous ces trucs sataniques qu’on retrouve dans la scène metal, j’ai commencé à ne plus du tout prendre ça à la légère. Tout ça réuni m’a poussé à tourner complètement le dos à cette scène pendant un bon moment.

Il m’a fallu du temps pour m’y adapter et adopter une vision moins binaire. Avantasia a fait partie de ce processus, oui, mais Place Vendome aussi – l’offre de Serafino [Perugino] de Frontiers Records. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Dennis Ward aussi. Travailler sur ces disques a joué un rôle. Avantasia a été plus important en ce qui concerne le retour sur scène. Je ne voulais pas faire la première tournée du projet. J’avais chanté sur le premier album, j’étais là dès le début, mais je ne voulais pas partir en tournée à ce moment-là, donc j’ai refusé. Je crois que ça a changé pour la deuxième tournée, si je ne me trompe pas, en 2010. À cette époque, nous avions déjà commencé à travailler sur Unisonic, donc nous prévoyions de faire des concerts. Nous avons même joué au Sweden Rock Festival sans avoir encore sorti d’album, donc nous jouions du Place Vendome, ce qui était super cool. Kosta [Zafiriou], qui jouait de la batterie dans Unisonic et était notre manageur – et qui fait aujourd’hui partie du management d’Helloween –, m’a encouragé. Il m’a dit : « Tu devrais le faire, tu devrais faire cette tournée, parce que tu n’as pas un concert entier sur les épaules, tu chantes seulement quelques morceaux, parfois juste quelques lignes, et c’est un super moyen de reprendre confiance sur scène. » Et c’est exactement ce que qui s’est passé. C’était vraiment la bonne chose à faire. Avantasia a certainement joué un rôle, mais il y a eu d’autres éléments à côté qui m’ont permis de retrouver un certain équilibre. Je pense que l’ultime étape, ça a vraiment été la réunion Pumpkins United. C’est là qu’il y avait le plus gros conflit à résoudre, il fallait crever l’abcès, en parler, pardonner et oublier. C’était une vraie guérison. C’est ça qui m’a vraiment motivé au départ, c’était ma principale raison d’accepter.

Tu as parlé de spiritualité. Dans l’album, il y a une chanson que tu chantes en solo, « Universe (Gravity For Hearts) ». Sascha [Gerstner], qui l’a écrite, a dit que c’est « un rappel que tout dans l’univers est connecté ». Est-ce quelque chose en quoi tu crois ? Si oui, comment cela se manifeste-t-il dans ta vie ?

C’est plus qu’une simple croyance. J’ai toujours su certaines choses, même si j’ai grandi dans une famille qui s’en fichait totalement. Je n’ai pas été élevé dans une religion, et je ne pense pas que la religion ait grand-chose à voir avec la spiritualité, je pense même que c’est le contraire [rires]. Ce ne sont en réalité que des mensonges, elles trompent les gens et leur donnent autre chose à la place. Elles essaient surtout de diaboliser toute activité spirituelle que l’individu pourrait explorer, parce que c’est justement ce qu’il faut faire : établir sa propre relation avec Dieu, et pour ça, on n’a pas besoin de religion. Le truc, c’est que ça a toujours fait partie de moi, je l’ai toujours eu en moi, c’est quelque chose que j’ai amené avec moi, ce n’est pas quelque chose que j’ai reçu de ma famille.

« J’ai eu des incarnations à l’époque médiévale. J’ai aussi été à Rome dans l’armée, j’y occupais une position assez puissante et je m’en souviens. C’étaient des images, mais plus important encore, je me souviens de l’état d’esprit de l’âme. »

C’est vrai que « tout est connecté ». On ne le remarque pas tellement quand on est dans ce corps physique, parce que c’est ça l’idée : on est censés expérimenter l’individualité, le bien et le mal, le bon et le mauvais, l’amour et la haine. On doit vivre tout ça, c’est ça la raison d’être de cette Terre. On se vit comme étant très isolés, mais c’est en réalité une illusion créée parce qu’on en a besoin pour être un individu à part entière. Dès qu’on est hors du corps, on sent qu’on est connectés à tout [il ouvre grand les yeux]. Tu peux regarder sur YouTube des vidéos d’expériences de mort imminente, quand des gens ont été cliniquement morts, parfois longtemps, puis ramenés à la vie. Presque tous disent avoir été surpris d’être encore là, ils se sont vus en dehors de leur corps, et très souvent ils racontent : « J’ai pu comprendre cette infirmière, j’ai vu toute son histoire, ce qu’elle a vécu, j’étais avec elle, j’étais tellement fier d’elle. » J’ai vu plein de vidéos comme ça et c’est parce que tout est connecté. C’est aussi comme ça que fonctionne le karma : après la mort, tout ce qu’on a fait, le bien comme le mal, on le ressentira, on fera l’expérience de ce que les autres ont vécu. C’est parfait, parce que c’est la manière la plus objective d’avoir une idée de ce qu’a été ta vie, de ce que tu as causé, de ce que ça te vaut ! Ce n’est pas un jugement qu’on reçoit, c’est nous-mêmes qui nous jugeons. On vit ce qu’on a fait à telle ou telle personne, le bien comme le mal, et à la fin on sait ce que ça valait. C’est comme ça que fonctionne le karma. Quelqu’un qui a eu une vie comme certains de ces politiciens, par exemple, responsables de centaines de milliers de morts et de populations vivant dans la peur, tous ceux qui déclenchent des guerres, ils vont en enfer ! Mais l’enfer, c’est ce qu’ils ont créé ! L’inhumanité qu’on crée, c’est le paradis ou l’enfer qu’on va vivre ensuite. Tout est connecté, et tout ça sert à apprendre, c’est juste une grande école. C’est le sens de la vie : apprendre et grandir.

« Into The Sun » est un des duos que tu fais avec Andi et parle de réincarnation. Andi a dit que vous partagez des croyances similaires à ce sujet. Parlez-vous souvent de spiritualité ensemble ?

Tout le temps ! C’est vraiment drôle avec Andi, nous traînons toujours ensemble, ou du moins très souvent, et nous parlons toujours. Il a une femme très spirituelle, peut-être que c’est pour ça qu’il est ouvert, mais moi, j’ai toujours eu cette connexion avec lui à un niveau très fort. Je ne sais pas, nous pouvons communiquer facilement et ça fonctionne vraiment. Peut-être que c’est avec lui que je peux communiquer le plus. Ce n’est pas que j’essaie de dire quelque chose aux gens ; je ne suis pas un missionnaire. Quand on me parle, j’en viens facilement au sujet de la spiritualité parce que ça fait partie de ma vie, donc quand j’essaie d’expliquer des choses, on y revient facilement, mais pour autant, je n’ai pas besoin d’en parler tout le temps. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus extravagant, mais en vieillissant, tu réalises que ça n’a pas beaucoup de sens. Tu peux partager des choses, partager des idées, mais ça ne sert à rien si la personne en face s’en fiche. Dans ce cas, pourquoi parler ? Moi aussi, je n’écoute pas ce que je n’ai pas envie d’entendre. Du coup, on parle avec des gens qui s’intéressent, on partage, c’est tout. C’est juste de la communication, rien de plus. En l’occurrence, avec Andi, ça part très vite dans cette direction.

Ce qui est drôle avec cette chanson, c’est que je ne savais pas de quoi elle parlait, parce que je ne regardais pas trop les paroles au début. La chanson devait être sur l’album précédent, mais ils l’ont tellement changée, y compris sa tonalité, qu’elle ne plaisait plus à Andi, alors ils l’ont mise de côté pour cet album. Au début, c’était une chanson à connotation sexuelle, mais comme il voulait que ce soit un duo, nous ne pouvions pas chanter ça vu que nous ne sommes pas gays [rires]. Il a donc changé les paroles pour en faire une thématique spirituelle, et il a été surpris de voir à quel point c’était facile. L’amour physique n’est pas si difficile à transformer en amour spirituel. Spirituellement, ça a du sens : plus ton amour devient désintéressé, plus il devient spirituel ; moins c’est une question de satisfaction personnelle, plus c’est une question de don. L’amour spirituel est désintéressé, alors que le désir sexuel est beaucoup plus égoïste et lié à la luxure. Tout ça peut bien sûr se mélanger, mais j’ai trouvé intéressant ce qu’il disait sur la facilité avec laquelle il a transformé les paroles en quelque chose de spirituel. Ça ne m’a pas surpris ; c’est possible aussi au niveau de l’individu.

Quelle est ta vision de la réincarnation ?

Oh, je sais que c’est vrai, je l’ai toujours su ! Ça n’a pas grand-chose à voir avec la spiritualité indienne, tout cela est indépendant des religions. De même pour ma relation avec le Christ : je sais qui il est, je sais qui il était. Il est le « je suis » de Dieu, il l’a dit lui-même : « Mon ‘je suis’ et le Père, nous sommes un. » Les gens ne savent même pas ce que ça veut dire, mais il est macroscopiquement ce que nous sommes dans le microcosme. Tu as un « je suis » à l’intérieur de toi, tu développes un « je suis », et lui le nourrit. Lui, c’est le grand « je suis » et nous, nous développons le petit « je suis ». C’est pour ça que Paul, par exemple, a dit : « Le Christ vit en moi. » Il l’a dit très clairement. C’est mal traduit, mais quand tu trouves de meilleures traductions, ou même des traductions linéaires où toutes les possibilités de mots sont mises bout à bout, tu comprends la pensée, le Christ a dit : « Mon ‘je suis’ et le Père, nous sommes un. »

« Quand le monde spirituel veut te transmettre ou te révéler quelque chose, il doit savoir que tu es digne de confiance, parce que tu peux aussi mal utiliser l’information ou ce qu’il te donne, parce que ça te donne du pouvoir. Tu dois donc être moralement prêt à le recevoir. »

Il y a même un passage où il parle aux Juifs et il dit : « Si Dieu était votre père, vous m’aimeriez parce que je viens de lui, je ne suis pas venu de moi-même, c’est lui qui m’a envoyé. » Et puis il a ajouté : « Si vous croyez en Moïse, vous croyez aussi en moi, parce qu’il a parlé de moi. » Quand tu regardes le passage où Moïse, à travers son initiation, a donné les premiers principes moraux aux Israélites – tu sais, « ne pas tuer », « ne pas voler », tout ça – il a demandé à cet être… A cette époque, c’était le Christ dans Yahweh. Yahweh est un être Élohim qui était parfois le vecteur du Christ. Ce n’est pas Dieu, c’est un être très élevé, mais il n’est ni le Père ni le Christ, c’est le Christ qui parlait à travers lui. Quand tu regardes le passage dans l’Evangile où il dit « Moïse a parlé de moi », il demande à cet être : « Que suis-je supposé dire au peuple qui m’a parlé ? » Et il a répondu : « Le ‘je suis’, le ‘je suis’ m’a dit cela. » Encore une fois, il pointe vers le « je suis », l’individualité ! Mais comment en suis-je arrivé là ? Ah, la réincarnation… Il se trouve que je me souviens même de bribes de vies antérieures ! Ça ne s’est pas toujours bien terminé ; on a tous eu des incarnations qui se sont très mal passées, c’est comme ça qu’on apprend.

Comment identifies-tu ces petits morceaux de tes vies antérieures ?

Ça a pris du temps. C’étaient juste des images, une attirance pour certaines choses, mais plus tard, j’ai aussi rencontré des gens très précis et très spéciaux que je ne vais pas nommer. C’est encore une histoire de karma – si tu es prêt pour ce genre de choses, tu es aussi béni par des rencontres avec des personnes spéciales. Je connais une fille depuis plusieurs années, je sais qu’elle est sincère parce que je la connais personnellement, j’ai pu suffisamment échanger avec elle pour savoir qu’elle dit la vérité et elle approuvait ce que je disais. Elle confirmait ce que je supposais. J’ai eu des incarnations à l’époque médiévale. J’ai aussi été à Rome dans l’armée, j’y occupais une position assez puissante et je m’en souviens. C’étaient des images, mais plus important encore, je me souviens de l’état d’esprit de l’âme. Je me souviens de moi en train de parler avec quelqu’un de l’Empire romain, et j’étais surpris que cette personne ne voie pas que les dieux aient voulu un Empire romain. Ce genre de pensée était typique à l’époque. C’était plus intéressant que les flashs que j’ai pu avoir, cet état d’esprit, du genre : « Tu ne vois pas ? Dieu veut que l’Empire romain règne et continue d’exister. » C’était ce genre de choses, et plus tard, ça a été confirmé par la personne dont je parlais.

Je te dis, ça va revenir naturellement chez beaucoup de gens, de plus en plus. Et ça a un lien avec le « je suis » car notre individualité progresse. Plus tu traverses la vie avec conscience, plus tu développes ton individualité, et plus tu te souviens de tes vies passées. Mais comme le matérialisme est une vision du monde tellement forte de nos jours, beaucoup de gens vont penser qu’ils deviennent fous. Nombre d’entre eux iront voir des médecins, et les médecins leur diront probablement qu’ils sont fous, parce qu’eux-mêmes sont matérialistes. Ce ne sera pas facile. Ça reviendra naturellement, mais ce sera très difficile pour beaucoup de personnes d’avoir ces souvenirs qui ressurgissent. Elles auront besoin qu’on leur dise quelque chose de juste, quelque chose pour les aider à gérer ça, plutôt que de leur dire qu’elles sont folles, car elles ne le sont pas ! On était censés oublier tout ça, ne te méprends pas. Le matérialisme et l’athéisme qu’on a tous traversés étaient nécessaires. Ça devait arriver parce que ça te rend plus individuel, plus indépendant. C’était pour qu’on apprenne à nous débrouiller seuls. On avait besoin d’oublier les dieux et le monde spirituel pendant un moment pour devenir des individus. Mais on a dépassé ce stade maintenant. Il faut désormais activement se reconnecter. On a gagné notre liberté, on a gagné notre indépendance et on est censés les garder – c’est important qu’on ait développé ça – mais maintenant, il faut volontairement se reconnecter à la spiritualité. Ça ne se produira pas à moins qu’on le veuille. C’est encore une affaire d’individus. Aucune religion ne fera ça pour qui que ce soit.

J’ai l’impression que les gens étaient plus conscients de leur spiritualité avant…

Oui, c’était naturel. Plus tu remontes dans le temps, plus c’était un état naturel de l’humanité. Ils ne rêvaient pas des dieux, ils ne les imaginaient pas : ils les voyaient. Les anciennes tribus savaient. Par exemple, Thor était un être archangélique. Ils le représentaient simplement avec les images de leur culture. Chaque culture le fait, elles mettent leurs visions en images, mais les êtres sont réels. Les images sont conçues selon ce que notre esprit est capable de comprendre. Même les anges, quand ils apparaissent, ils le font d’une manière que tu peux saisir. Bien sûr que ce n’est pas leur apparence réelle, mais ils apparaissent sous une forme que tu peux intégrer. Le Christ a fait pareil, d’ailleurs : il est apparu sous forme humaine. C’est pareil pour le karma ou les inspirations, elles prennent une forme qu’on peut comprendre.

« Markus s’est pointé un jour dans le local de répétition de mon groupe de lycée et il m’a dit qu’ils cherchaient un chanteur comme moi. Il m’a donné Walls Of Jericho et je n’ai pas aimé. C’était trop thrash pour moi. Je ne les ai pas rappelés. »

Et à propos des signes… tu sais toujours. D’une certaine manière, tu sais. Tu comprends instinctivement le message. Mais il faut aussi toujours travailler ses sens pour voir la vérité. Il faut travailler son cœur, le purifier de tout égoïsme, de tout ce qui est de l’ordre de l’ego, car ça peut te tromper. Prenons le Graal : plus tu deviens une coupe claire, plus on peut y verser quelque chose. Réfléchis-y – je sais que je m’éloigne un peu du sujet, mais c’est génial, j’adore ça – quand le monde spirituel veut te transmettre quelque chose, s’il veut te révéler quelque chose, il doit te faire confiance pour ça. Il doit savoir que tu es digne de confiance, parce que tu peux aussi mal utiliser l’information ou ce qu’il te donne, parce que ça te donne du pouvoir. Tu dois donc être moralement prêt à le recevoir. C’est pour ça qu’on doit toujours faire le premier pas ! On doit travailler sur soi-même, sacrifier son égoïsme, sacrifier son obscurité, devenir meilleur. Plus on se purifie, plus son cœur devient une coupe, comme un Graal, et plus l’esprit peut y entrer. C’est un échange : on doit donner et ensuite on reçoit. On recevra, absolument, il n’y a aucun doute là-dessus, à la hauteur de ce qu’on mérite. Si on devient dignes de confiance, les autres nous feront confiance. C’est aussi très individuel. Chacun est différent. On est tous humains, donc bien sûr qu’on se comprend, on est du même type, mais on est aussi très singuliers. Chacun est à un endroit différent, à une étape différente de son évolution.

J’aurais adoré poursuivre cette conversation sur la spiritualité, mais on va manquer de temps…

Je comprends. Cela dit, la thématique spirituelle colle, car ça fait partie des paroles de l’album. Et puis, c’est important aujourd’hui ! Les bafouilles habituelles, « c’est la meilleure production qu’on ait jamais eue, achetez l’album, bla-bla-bla », personne n’en a besoin. Les conversations spirituelles, en revanche, on en a besoin, car autrement, les gens vont retomber dans toutes ces religions qui ne les aideront pas. Les religions vous réduisent à l’esclavage. Les religions utilisent le concept de Dieu, elles utilisent les vieilles révélations spirituelles, en font des systèmes dogmatiques et vous asservissent, tandis que la spiritualité vous libère. Certaines personnes ne font pas la différence. Même s’il peut y avoir une part de vérité dans un système dogmatique, si tu te contentes de l’avaler sans réfléchir, tu en deviens l’esclave. Alors que si tu comprends la vérité spirituelle, tu la sauras et elle te libèrera. C’est une question de connaissance, de compréhension, et de recevoir de la lumière en soi. On n’est pas censés être des esclaves.

Revenons à Helloween qui célèbre actuellement ses quarante ans d’existence. Tu as rejoint le groupe en 1986, mais quelle était ta relation avec eux pendant les deux années précédentes, quand Kai Hansen était au chant ? Est-ce que tu les connaissais déjà à l’époque ?

Oui, je les connaissais ! [Il sourit] J’étais encore à l’école quand j’ai entendu parler d’eux pour la première fois. C’était avec ce mini LP qu’ils avaient sorti, avec une citrouille verte dessus (c’est le logo du groupe qui est vert, NDLR) et des morceaux comme « Victim Of Fate ». Un ami à moi, qui était dans ma classe, l’avait, et il me l’a fait écouter. Ce n’était pas trop mon truc à l’époque, mais j’en avais entendu parler.

Apparemment, tu as refusé la première proposition de Helloween parce que tu n’aimais pas Walls Of Jericho…

Oui. Markus s’est pointé un jour dans le local de répétition de mon groupe de lycée. Nous avions le droit de répéter dans les salles de l’école gratuitement. Nous n’avions pas d’argent, mais ils nous laissaient les salles, genre le vendredi après les cours, c’était incroyable, c’est dire à quel point ils étaient cool. Donc, Markus est venu et il m’a dit qu’ils cherchaient un chanteur comme moi. Il m’a donné Walls Of Jericho et je n’ai pas aimé. C’était trop thrash pour moi. Je ne les ai pas rappelés. Quelques semaines plus tard, Weiki m’a appelé et il m’a expliqué : « Ouais, je sais que c’est légèrement thrash et punk, mais on a fait ça pour attirer un peu l’attention. On veut quelqu’un comme toi pour aller plus loin. » Et puis il m’a dit : « On a écrit quelques chansons pour ta voix. Pourquoi tu ne viendrais pas faire un tour en répète ? » Ils avaient déjà des morceaux de Keeper à l’époque, je ne me souviens plus lesquels exactement, mais c’était peut-être « Twilight Of The Gods », voire « March Of Time », des morceaux dans ce style. Et ça, j’aimais vraiment. On ne m’a même jamais dit un truc du genre « tu es dans le groupe », nous avons juste continué à répéter ; nous n’en parlions pas. J’étais là, ça marchait, alors nous avons continué. C’est marrant parce que je me suis rendu compte plus tard qu’il n’y avait jamais eu de discussion officielle disant que je faisais maintenant partie du groupe, c’était juste comme si c’était évident.

« Sois tu es capable de transmettre quelque chose dans ta performance, soit tu ne l’es pas. Je pourrais citer des chanteurs qui sont dix fois meilleurs techniquement que moi, mais qui ne rencontrent pas le succès parce que les gens ne ressentent rien. »

Tu as déclaré que certains groupes retrouvent de l’intérêt quand une voix emblématique revient, et c’est clairement ce qui s’est passé avec Helloween quand tu es revenu. Mais toi, comment vois-tu et juges-tu ta propre voix ? Qu’est-ce qui, selon toi, la rend si iconique ?

C’est toujours difficile pour un chanteur, parce qu’on ne s’entend pas soi-même comme les autres nous entendent. Tu dépends un peu de ce que les autres te disent. Je ne veux pas dire que je ne suis jamais satisfait, il y a bien des jours où je chante et me dis « ouais, c’est cool », mais je suis toujours très critique envers moi-même. En ce qui concerne les chanteurs en général, j’ai ma propre théorie. Je ne pense pas que ça ait tant à voir avec les aspects techniques. C’est bien de les avoir, bien sûr, mais c’est comme pour un guitariste : c’est chouette de savoir jouer vite, de connaître toutes les gammes, etc., mais ça ne te connecte pas forcément aux gens. Encore une fois, tout revient à l’individu. Soit tu es capable de transmettre quelque chose dans ta performance – tu ne le fais pas consciemment, ça se produit – soit tu ne l’es pas. Je pourrais citer des chanteurs qui sont dix fois meilleurs techniquement que moi, mais qui ne rencontrent pas le succès parce que, d’une manière ou d’une autre, les gens ne ressentent rien.

C’est pareil pour moi [en tant qu’auditeur]. J’ai découvert ma voix féminine préférée il y a environ un an. Elle vient des Pays-Bas, peu de gens la connaissent en dehors de là-bas, mais elle est très présente sur Instagram et Facebook, elle a genre deux millions d’abonnés. Elle est devenue très célèbre aux Pays-Bas après une réaction de Pink à une reprise qu’elle avait faite – Pink l’a entendue et a dit : « C’est qui ça ? Ça sonne mieux que moi ! » Elle a même ajouté : « Maintenant, je sais à quoi la chanson est censée ressembler ! » On ne peut pas rêver de plus beau compliment venant d’une autre chanteuse, et j’adore Pink pour avoir été aussi honnête. Ça a lancé sa carrière ; c’était en 2017, je crois. Pour moi, c’est la meilleure chanteuse que j’aie jamais entendue. Elle a toutes les compétences techniques : elle peut chanter du Jessie J, Adele, Whitney Houston, Lady Gaga… Elle a la technique, mais elle a aussi l’âme. Il y a quelque chose dans sa voix… Je meurs quand elle chante, je ne peux pas faire autrement. Elle a commencé sa carrière en enregistrant une reprise chaque semaine, et c’est comme ça qu’elle s’est fait connaître. Les gens étaient simplement choqués par la qualité de sa voix. Elle est incroyable. Il faut absolument que tu l’écoutes, elle s’appelle Davina Michelle. Il y a quelques années, elle a fait une reprise de « Halo » de Beyoncé – je l’ai préférée à celle de Beyoncé ! Beyoncé a une voix incroyable, mais elle a aussi ce côté diva, cette attitude que je n’aime pas trop. Davina ne l’a pas. Elle chante, mais elle ne se prend pas pour une princesse. Elle est terre à terre, très « fille néerlandaise ».

J’ai vu une vidéo il y a un peu plus d’un an, c’était un live à la télé hollandaise, elle chantait « What About Us », elle avait des tresses blondes. J’étais époustouflé ! Je me suis dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ?! » Cette chanson m’a tué. Je suis tombé dedans à ce moment-là. Même avec son copain – il jouait de la batterie jusqu’à récemment – les chansons qu’ils ont faites ensemble sont incroyables. Ils ont sorti un album en septembre dernier qui s’appelle Higher. C’est du niveau mondial ! Les compositions sont excellentes, les morceaux sont aussi bons que ses reprises, voire meilleurs. Elle, c’est comme une injection de vitamine C pour moi. Quand quelque chose comme ça existe, alors il y a encore de l’espoir [rires]. Surtout à une époque où tout le monde est paresseux, veut de l’argent facile, rêve de devenir millionnaire avec une chaîne YouTube, se contente de rapper ou peu importe… Elle, elle incarne tout ce que j’admire. Elle sait vraiment chanter. Elle contrôle parfaitement sa voix, elle a appris à chanter, elle peut sortir une énorme puissance vocale quand elle veut, mais il n’y a pas que ça… Je ne peux pas l’expliquer. Il y a cette énergie exaltante et positive qu’elle fait rayonner. C’est comme si, lorsqu’elle est dans un environnement où elle est à l’aise, elle avait des super pouvoirs artistiques. Evidemment, il faut qu’elle se sente bien, autrement elle ne dégage pas autant, mais quand c’est le cas, elle est intrépide, elle n’a pas peur sur scène, c’est incroyable. Pink l’a prise en tournée plus tard – en tout cas, aux Pays-Bas –, elle peut jouer devant quatre-vingt mille personnes et elle monte sur scène avec son groupe comme si elle n’avait jamais rien fait d’autre. Elle ne connaît pas la peur et j’adore ça. Bref, pour moi, c’est une véritable maître. En plus, c’est une belle personne.

Interview réalisée en visio le 11 juillet 2025 par Mathilde Beylacq.
Retranscription & traduction : Mathilde Beylacq.
Photos : Mathias Bothor & Nicolas Gricourt (live).

Site officiel de Helloween : www.helloween.org

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