Nous voici, en ce premier jour d’octobre, maintenant bien ancrés dans l’automne. Cette saison, si beaucoup l’apprécient – à juste titre – pour son atmosphère globale réconfortante et ses couleurs chatoyantes, les metalleux à qui les festivals paraissent déjà loin l’aiment quant à eux pour le lancement des tournées de leurs groupes favoris.
Et ce soir, Bordeaux ne fait pas exception. Pour faire office de démarrage, le Rocher de Palmer accueille ni plus ni moins que la première date de la tournée européenne et britannique d’Igorrr, fierté française, en compagnie des very special guests que sont Master Boot Record et Imperial Triumphant. Dès l’entrée au sein du Rocher, outre les complications logistiques du matériel informatique de la salle, le running order est quasi sur toutes les lèvres, puisque le public dispose d’une demi-heure seulement pour prendre possession des lieux avant de devoir se positionner pour Imperial Triumphant, étonnamment placé en première première partie d’une soirée promettant de nombreux rebondissements.
Artiste : Igorrr – Master Boot Record – Imperial Triumphant
Date : 1er octobre 2025
Salle : Le Rocher de Palmer
Ville : Cenon [33]
Le trio new-yorkais est de retour en France pour défendre son dernier album en date, Goldstar, sorti en mars 2025. Pour citer l’un des personnages les plus odieux de l’une des meilleures séries de tous les temps : « Le jazz, c’est stupide. Il suffit de jouer les bonnes notes ! » Certes, mais Imperial Triumphant a du chien et sait s’accommoder de la difficile tâche de rendre le tout plus accessible. En effet, s’ils sont ornés de leurs masques dorés semblant sortir tout droit de Metropolis de Fritz Lang, c’est par la déconstruction des repères musicaux que leur talent s’exprime.
Au menu donc ce soir, du black option piqûres de rappel de free-jazz américain. Armé de santiags, le trio monte sur scène calmement, sobrement, et la guitare de Zachary Ezrin se fait entendre seule de manière lente et planante, bientôt appuyée de la lourde basse de Steve Blanco. Les deux formeront tout au long du set un binôme complice, tantôt indépendant tantôt en symbiose malgré leurs instruments pouvant paraître dissonants. Prenons un peu de recul cependant : le Rocher 1200 semble très vide. Est-ce l’œuvre déjantée des Américains ou l’heure erronée de démarrage des concerts sur certains billets qui aura valu un public si clairsemé en cette première partie de soirée ? La fanbase du groupe est cependant active, arborant fièrement son merch – dont les visuels ne déçoivent jamais tant ils sont travaillés – fraîchement acheté au stand quelques marches plus loin. Bien que déconstruite, la musique est acclamée par les vaillants à la barrière et le groupe semble se satisfaire de cet échange.
Le chef-d’œuvre musical et visuel atteint son apogée lorsque les deux gratteux se passent de manière très cérémonielle une trompette dont jaillissent des étincelles qu’ils feront coulisser le long du manche de leurs instruments, avant de retourner sur un mélange de tempos lents et lourds contrastant avec des envolées lyriques qu’il est parfois dur de suivre. Petit bémol cependant : il semblerait que les décibels envoyés par les trois instruments couvrent un peu trop la voix gutturale d’outre-tombe du frontman. Survient alors la classique « champagne shower » – qui serait plutôt, de source sûre, du champomy ce soir, car il paraît que sans alcool la fête est plus folle – gratifiant un public heureux, et en un claquement de doigts, le groupe disparaîtra comme il est apparu, laissant planer dans l’air un sentiment étrange d’incertitude, de satisfaction et de confusion légère. En effet, la majorité de leur discographie, à l’exception de Goldstar, présentant des morceaux longs, il est compliqué d’abattre beaucoup d’entre eux sur le peu de temps qui leur est accordé. Une discussion quelques heures plus tard avec Zachary lui permettra de nous confirmer qu’ils furent, eux aussi, assez cois de devoir jouer en premier tout en nous assurant qu’ils sauront se rattraper lors de leur prochaine venue en terre bordelaise.
Après un changement de plateau laborieux d’une bonne demi-heure bien tassée, sont allumés face à nous de vieux téléviseurs cathodiques affichant des visuels bien vintage, une statuette de Goldorak et du retro gaming sur un tableau blanc en veux-tu en voilà. A noter que l’attente entre les deux premiers concerts fut longue, nous laissant essayer tant bien que mal de décoller nos semelles de chaussures du sol jonché d’éclaboussures collantes de champomy allègrement dispersé dans le pit photo. Un peu de culture : « Le master boot record ou MBR est le premier secteur adressable d’un disque dur dans le cadre d’un partitionnement Intel. Sa taille est de 512 bytes. » Merci Wikipédia pour ces précisions électro-geek dont seuls les initiés sauront traduire le message codé.
Pour ceux qui ne connaissent pas, un petit tour rapide sur une plateforme de streaming audio leur permettra de se rendre compte qu’MBR présente des titres à plusieurs millions d’écoute. Ils comprendront mieux tous les t-shirts du groupe présents dans la salle, déjà un chouïa plus étoffée. Master Boot Record s’offre donc la médaille d’argent ce soir, une sorte d’interlude plus mélodieuse et pleine de nostalgie entre deux ovnis de la scène metal extrême. Bien que la DA retro gaming / metal soit presque un classique du genre avec, souvent, des groupes penchant plutôt dans le power, le cliché fonctionne bien ici sur un thème un peu plus violent, mêlant riffs appuyés du guitariste soliste sorti tout droit d’un film des années 80 et armé d’une guitare orange fluo, faisant face à un autre guitariste bien plus sombre mais tout autant énergique, ainsi que d’un batteur plus en retrait derrière ses fûts. Si l’absence de chant vient peut-être à manquer, le jeu de lumières est quant à lui si bien amené qu’il en fait presque oublier ces menues lacunes. La seule prise de parole sera la suivante : « Bonsoir, c’est MBR, du computer metal. » Le public, envahi de geeks à la nuque légère, répondra vivement aux sollicitations du trio pour un mouvement de foule globalement électrisant, se montrant parfois mélodieux, parfois bien heavy avec des musiciens de qualité, même si l’absence de basse laisse un peu de vide dans l’ensemble. C’est ainsi qu’en trente minutes seulement, Master Boot Record aura réussi à offrir aux Bordelais un retour vers le futur quasi parfaitement réalisé.
Setlist :
CONFIG.SYS
CPU
Doom
FTP
CLS
Virus.Dos
BAYAREA.BMP
Igorrr, le projet du multi-instrumentiste Gautier Serre, est dorénavant un collectif bien établi, ce qui a permis au groupe de monter d’un cran au-dessus le niveau des prestations live. Preuve en est avec la révélation de la scéno particulièrement léchée de cette tournée, mettant en avant de nombreux détails qu’il sera agréable de noter au cours de la soirée, comme un cerveau transpercé de pics, des mains jaillissant de sous un drap ou encore des silhouettes capées de plusieurs mètres de haut encadrant l’estrade.
C’est sur fond de piano d’ambiance que la salle se remplit fort et vite, et la setlist gaffée au pied des micros laisse présager que, de ses dix-huit morceaux, les fans devraient être satisfaits. Mention spéciale pour la vice-présidente de l’association locale Dark Lifestyle Entrepreneurs, qui préviendra juste avant le lancement des hostilités : « Devant Igorrr je me transforme » – c’est bien noté. C’est à la suite d’un battement de cœur accéléré que démarre « Daemoni », full crescendo, et que JB Le Bail prend place en plein milieu de la scène, capuche sur la tête. Il commence alors à extirper ses démons intérieurs d’une voix au grave surprenant, son maquillage d’or et de noir venant trancher avec le bleu de ses yeux. Effet de contraste oblige, il renverra la balle à la dansante Marthe Alexandre, dont la voix lyrique apportera subtilité et légèreté aux titres proposés, bien que ses expressions faciales semblent parfois être habitées.
Parlons justement de la setlist : sept des chansons proposées sont issues d’Amen, album très complet sorti il y a moins de deux semaines. Ainsi, ce soir, exit « Cheval » ou encore « Tout Petit Moineau », l’ambiance est à la grandiloquence. L’intro de « ADHD » rappelle au public le talent de Serre – qui reste discret derrière ses instruments dans sa plus grande humilité – pour la musique électronique et augmente encore un peu la chaleur torride régnant au sein de la salle. Ce morceau, décrit comme autobiographique, secoue le tout sur fond de détabouisation sociale. Car oui, chaque titre lancé est une pirouette sonore repoussant un peu plus encore les frontières des genres, alternant diverses sonorités et influences, le tout évoquant une histoire grandiose, et ça fonctionne carrément bien en live. Igorrr et sa musique c’est un ballet d’oxymores, une ambiance grasse et voluptueuse à la fois. Et ce travail est aussi accompli grâce aux musiciens techniques qui composent la formation : un Rémi Serafino pointilleux et puissant à la batterie qui trouve son égal chez Martyn Clément dont le jeu de guitare est aussi explosif que son headbang.
Le premier wall of death de la soirée verra le jour au milieu de cette heure et demie allouée et le public scandera dès que faire se peut le nom du groupe à s’en griller les cordes vocales. Les trois quarts du set sont passés et c’est déjà l’heure du rappel, dans lequel se sont glissées la fameuse « Camel Dancefloor » et son ambiance planante orientale. Puis, sans crier gare, les lumières se rallument, le quintet délaisse ses instruments pour venir saluer le public qui en redemanderait jusqu’au bout de la nuit, et le concert finit par sentir le sapin sur fond de la dramatique « Marche Funèbre » de Chopin. Cette première date de la tournée semble être de bon augure pour la suite des évènements qui attendent les trois groupes.
Setlist :
Daemoni
Spaghetti Forever
Nervous Waltz
Blastbeat Falafel
Downgrade Desert
ADHD
ieuD
Hollow Tree
Polyphonic Rust
Headbutt
Infestis
Himalaya Massive Ritual
Viande
Pure Disproportional Black And White Nihilism
Silence
Rappel :
Very Noise
Camel Dancefloor
Opus Brain


































Vu et entendu hier soir au Transbo, plein à craquer.
C’est fou le succès de ce groupe. En même temps, il représente la qualité et une proposition vue nulle part ailleurs.
Marthe apporte un sensuel contraste dans cette débauche de violence jouissive.
Gauthier est bien plus participatif avec sa guitares et interventions au devant de la scène.
Le trio de musiciens joue sans faille.
La bande à Igorrr, c’est comme la clio, elle a tout d’une grande \,,/