Organiser une première, c’est toujours un exercice d’équilibriste. Il faut poser des bases, définir des règles, inventer une identité et espérer que le public suive. Pour cette première édition des Foudres du Metal, entièrement consacrée à la scène française, le pari était immense. Comment célébrer tout ce qui fait la richesse du metal hexagonal, de ses musiciens à ses artisans de l’ombre ? Et malgré quelques accrocs, le résultat est là : une soirée à la fois drôle, fédératrice et symbolique.

Sur scène, un duo d’humoristes bien trouvé, Dedo et Harold Barbé, introduit la soirée. Les deux comiques les plus connus du metal pour faire patienter avant l’entrée en scène de Thomas VDB et son style inimitable qu’il va entretenir tout au long de la soirée. L’ancien rédacteur de Rocksound et premier président du fan club de Korn alterne vannes absurdes, clins d’œil générationnels et autodérision. Le ton est juste, c’est à la fois accessible, complice, mais respectueux.

La soirée débute avec Gravekvlt, formation émergente au black metal ritualiste. Le groupe ouvre la cérémonie dans une ambiance lourde et occulte, même si la fosse bouge encore timidement. Choisir une formation underground pour lancer la soirée est un pari risqué, mais cohérent. Les Foudres veulent montrer tout le spectre du metal français, des ténèbres confidentielles aux têtes d’affiche internationales. Plus tard, place à Grandma’s Ashes, trio féminin bientôt de retour avec Bruxism. Le choix du titre « Dormant » est audacieux : une longue montée en tension, presque minimaliste, où la batteuse incite le public à frapper dans les mains pour donner du rythme. Le final explose dans un cri guttural inattendu. Musicalement, ce n’est pas la performance la plus percutante de la soirée, mais elle marque les esprits. Elle prouve surtout à quel point la présence féminine sur scène reste essentielle.

À l’opposé, Rêvnoir met tout le monde d’accord. Le groupe livre une prestation d’une intensité folle, portée par un son massif et une énergie scénique impressionnante. L’ambiance dans la fosse est électrique, les cris fusent, et leur victoire avec la Foudre de la révélation de l’année semble aussi logique qu’incontestée.

Côté palmarès, certaines récompenses coulent de source, d’autres surprennent. Landmvrks rafle la mise avec la Foudre de l’artiste de l’année et celle de l’album de l’année (The Darkest Place I’ve Ever Been), confirmant leur statut de locomotive du metal moderne français. Absents physiquement – en pleine tournée américaine –, ils restent omniprésents dans les esprits. La Foudre des ventes revient à Ultra Vomit. Le groupe qui écoule encore des disques physiques en 2025, preuve que le metal peut rassembler toutes les générations, des ados aux quadragénaires nostalgiques.

La Foudre de l’événement de l’année revient sans surprise au Hellfest 2025. Une récompense logique, mais sans prise de risque, d’autant que Ben Barbaud n’était même pas présent pour la récupérer. Le Hellfest reste un monument, mais il aurait été plus intéressant de voir briller des initiatives plus inattendues, comme la Philharmonie ou le Motocultor.

Autre belle image de la soirée, la présence de Norbert « Nono » Krief de Trust, venu représenter une génération fondatrice. Entre lui, les jeunes pousses comme Rêvnoir ou Houle, et les géants comme Gojira, la cérémonie tisse un fil entre hier et aujourd’hui. C’est cette diversité, autant humaine que musicale, qui donne tout son sens aux Foudres. C’est une scène vivante, plurielle, unie malgré ses différences.

Un moment fort avec la remise de la Foudre de l’engagement sociétal et environnemental, remportée par More Women On Stage. L’association milite depuis plusieurs années pour plus de représentations féminines dans les festivals, les équipes techniques et les jurys. Un prix essentiel, salué par un tonnerre d’applaudissements. Voir cette catégorie exister dans une cérémonie metal est déjà, en soi, une victoire.

Autre moment marquant : l’intervention de Victor Le Magne, compositeur et directeur musical à l’origine de la présence de Gojira lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Il raconte comment, face à un brief sur le thème de la « révolution », il a choisi le metal comme langage universel. « Rien n’incarne mieux la révolte que le metal », explique-t-il. Une reconnaissance symbolique, mais immense, pour un genre longtemps ignoré.

La Foudre d’honneur revient d’ailleurs à Gojira et aux frères Duplantier qui brillent par leur absence. Certains trouvent la remise « un peu facile », tant le groupe domine déjà la scène française depuis deux décennies, mais impossible de nier leur rôle fondateur et leurs valeurs. Gojira est devenu plus qu’un groupe. C’est une passerelle entre underground et mainstream, capable de captiver les foules et de débattre sur France Inter.

Pour conclure, Carpenter Brut livre un set d’electro-metal incandescent. Entre riffs synthétiques, projections rétro et moshpits sous stroboscopes, la cérémonie se termine dans une explosion de lumière et de décibels. Une conclusion parfaite, fidèle à la diversité du metal français.

Il y a eu des flottements, quelques maladresses, un peu de timidité, mais l’essentiel est là : une cérémonie vivante, inclusive, drôle et fière. Les Foudres du Metal ont offert à la scène française ce qu’elle attendait depuis longtemps, une reconnaissance institutionnelle, un espace à elle, une vitrine de sa vitalité. Une première historique, imparfaite, mais essentielle. Rendez-vous en 2026 pour voir si la foudre frappe deux fois.

⚡ Palmarès complet – Les Foudres du Metal 2025

Foudre de la Révélation de l’année
🏆 Rêvnoir
– Houle
– Ten56

Foudre de l’Album de l’année
🏆 Landmvrks – The Darkest Place I’ve Ever Been
– Alcest – Les Chants de l’Aurore
– Sun – Krystal Metal

Foudre de l’Artiste de l’année
🏆 Landmvrks
– Last Train
– Rise of the Northstar

Foudre de la Création audiovisuelle de l’année
🏆 Hotu & Vithia – “Neo Paris” (Rise Of The Northstar)
– Les Furtifs – Que ton règne vienne : une histoire du satanisme en France
– RSTLSS – Bang! Bang!

Foudre de la Performance live de l’année
🏆 Gojira – Festival de Carcassonne 2025
– Landmvrks – Olympia (février 2025)
– Mass Hysteria – Zénith de Paris (janvier 2025)

Foudre du Projet éditorial de l’année
🏆 Children Of The Sabbath – Artbook de Mathieu Yassef
– Metal Hurlant × Hellfest – hors-série spécial
– Rituel – hors-série Rock Hard

Foudre de l’Événement de l’année (amplifiée par Ticketmaster)
🏆 Hellfest 2025
– Diabolus in Musica – Exposition à la Philharmonie de Paris
– Motocultor 2025

Foudre de l’Artwork de l’année
🏆 Yoann Lossel – Pochette de Les Chants De l’Aurore (Alcest)
– Fortifem – Identité “40 ans de Loudblast”
– Guy Mishima – Pochette de The Darkest Place I’ve Ever Been (Landmvrks)

Foudre de l’Engagement sociétal et environnemental
🏆 More Women On Stage
– AÜTFËST – Festival caritatif
– Savage Lands – Army of the Trees

Foudre des Métiers de l’ombre
– Pascal Larre
– Cotentin Charbonnier
– Garmonbozia

Prix des Foudres (contribution exceptionnelle à la scène metal française)
🏆 Ultra Vomit

Foudre d’Honneur
🏆 Gojira