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Interview   

Mammoth : l’héritage sans le poids


Depuis 2021 et la sortie de son premier album, Wolfgang Van Halen poursuit son chemin avec Mammoth, projet qu’il a choisi de construire seul, de la composition à l’enregistrement. Loin de se reposer sur son héritage familial, il s’est imposé en trois albums comme un musicien complet, capable de mêler efficacité rock et sincérité dans l’écriture. Après un deuxième disque paru en 2023, il revient en 2025 avec un troisième qui témoigne d’une évolution naturelle : plus assuré dans son rôle de frontman, plus ouvert à l’expérimentation, il n’hésite pas à explorer des terrains variés, du heavy de « Selfish » aux ambiances plus atmosphériques de « The Spell ».

Enregistré avec son producteur de longue date Michael « Elvis » Baskette, ce nouvel effort confirme la volonté de Wolfgang d’installer Mammoth comme un projet pérenne, loin des comparaisons et des a priori. À travers ces nouvelles compositions, il aborde sans détour ses angoisses, ses doutes, mais aussi sa passion intacte pour la musique. Nous avons échangé avec lui autour de ce disque et de la manière dont il conçoit aujourd’hui son identité artistique.

« Je suis une boule de nerfs. Le live a été une vraie difficulté pour moi, mais comme c’est ma musique, ce que j’ai créé, je sens que c’est ma place d’être devant. Alors il faut, à un moment, mettre cette anxiété de côté et avancer. »

Radio Metal : Tu as récemment obtenu le droit d’appeler ton projet Mammoth, sans le WVH. Est-ce une manière d’aller vers une forme d’acceptation ou d’affirmation de toi-même ?

Wolfgang Van Halen (chant, guitare, etc.) : Oui, je pense qu’on peut le voir comme ça, mais, en réalité, c’était surtout ce que nous voulions depuis le début. Nous n’avions simplement pas les droits. C’est un peu comme Ghost, qui s’appelait Ghost BC aux États-Unis pendant un temps. Donc en quelque sorte, nous nous sommes débarrassés de notre « BC ».

Est-ce pour ça que tu voulais intituler ce disque One Of A Kind, parce qu’il parle d’unicité ?

Oui, je pense que la chanson « One Of A Kind » illustre vraiment cette idée de se trouver soi-même. Au final, c’est ça qui fait de toi ce que tu es, et Mammoth, c’est ce qui fait de moi ce que je suis.

Comment te décrirais-tu ?

Anxieux. Je suis une boule de nerfs. Depuis toujours.

Quelle est ta plus grande source d’anxiété ?

En fait, ça se retrouve un peu partout. Le live a été une vraie difficulté pour moi : apprendre à être le frontman de ce projet sur scène. Mais comme c’est ma musique, ce que j’ai créé, je sens que c’est ma place d’être devant. Alors il faut, à un moment, mettre cette anxiété de côté et avancer. C’est ce que j’essaie de faire. Trois albums plus tard, je suis déjà bien plus à l’aise qu’au début, mais c’est un travail constant.

Qu’est-ce qui t’aide le plus à être un frontman, à te révéler ?

Le soutien de mon groupe sur scène, clairement. Et puis tant que tu es dans un endroit où les gens veulent écouter de la musique, c’est tout ce qui compte, même s’ils ne te connaissent pas. Nous avons eu la chance d’ouvrir pour des groupes énormes, et ça ressemble presque à une audition. C’est amusant de devoir convaincre un public. Si, à la fin du concert, ne serait-ce qu’une seule personne hoche la tête sur la musique, pour moi, c’est mission accomplie.

Penses-tu que plus tu seras à l’aise avec toi-même, avec le fait d’être devant, la musique, le public, tu pourras expérimenter davantage dans ta musique ?

Oui. Je pense qu’on commence déjà à le voir avec ce disque. Il y a des morceaux dedans qui n’auraient probablement pas pu exister sur le premier album. Plus tu pratiques et plus tu te sens à l’aise, plus tu es prêt à expérimenter. Je pense que des titres comme « One Of A Kind », « The End » et « I Really Wanna » n’auraient sans doute pas existé de cette manière sans ça. Nous avons eu un nouveau processus de préproduction qui nous permettait d’expérimenter directement dans la salle, plutôt que de devoir d’abord faire une démo sur ordinateur. Donc je pense qu’entre ça et la confiance acquise en sachant ce qu’est Mammoth depuis le début du cycle, ça m’a permis d’aller dans cette direction.

Tu composes et enregistres tout toi-même, mais tu dis « nous ». Tu travailles donc encore avec d’autres personnes ? Comment influencent-elles ton processus créatif et ton son ?

Oui. J’ai mon producteur, Elvis Baskette, qui est la personne à qui je lance mes idées. Il m’aide à ne pas trop douter de moi. Nous avons aussi Jeff [Moll], notre ingénieur, et Josh [Saldate], l’assistant d’Elvis. Donc à nous quatre, c’est comme ça que ça se fait. Elvis est une source de confiance pour moi quand je ne le sens pas. J’ai tendance à me perdre, tandis que lui a une meilleure vision globale. C’est ce qui permet d’avancer.

Selon toi, qu’est-ce qui fait qu’un album est cohérent ?

Avec cet album, c’est difficile de ne pas être au moins un minimum cohérent, puisque c’est la même personne qui fait tout, mais ça peut aussi venir d’un thème, d’une ambiance générale. Quand tout est enregistré au même moment ou au même endroit, ça crée une couleur sonore. Beaucoup d’albums de groupes que j’aime, comme les Foo Fighters, ont chacun leur identité propre. Tu entends une chanson de There’s Nothing Left To Lose, tu sais qu’elle vient de là et pas de Wasting Light, parce qu’ils reflètent une époque particulière.

« Quand j’ai entendu Travis Barker étant enfant, ça m’a vraiment marqué et j’ai voulu apprendre. Le niveau supérieur, c’est quand j’ai découvert Tool pour la première fois. »

Sur l’album, tu as « Selfish », qui est plutôt heavy, et « The Spell », plus atmosphérique. À un moment, as-tu voulu accentuer les contrastes dans le disque ou t’es-tu fixé certaines limites ?

En fait, je ne me fixe jamais vraiment d’intention du type : « Il faut qu’on mette ça à tel moment. » Je me laisse guider par l’idée. J’ai l’impression d’être un simple réceptacle : parfois l’idée se révèle d’elle-même au fur et à mesure du travail, plutôt que d’essayer de forcer un morceau à sonner d’une façon précise. Je pense que plus le temps passe et plus je me sens confiant dans ce qu’est Mammoth, plus des choses inattendues apparaîtront et influenceront la musique.

Comment une idée prend-elle vie ? Ça commence par une émotion ou par une image ?

En général, ça commence par un riff de guitare ou quelque chose du genre, mais c’est souvent une émotion ou une ambiance qui guide la direction. Si un morceau me fait ressentir une certaine chose, ça influence ma manière de chanter, puis la mélodie qui en découle. Cette mélodie inspire les paroles, et ainsi de suite, c’est un effet boule de neige.

Pour toi, qu’est-ce qui fait une bonne chanson ? Quand considères-tu qu’elle est terminée ?

C’est compliqué, car on n’est jamais totalement sûr. Il faut décider qu’elle est finie, plutôt que d’attendre une confirmation. Au final, tant qu’elle provoque une émotion, c’est ce qui compte. Peu importe si certains passages instrumentaux sont complexes ou non, tant qu’il y a une mélodie à suivre, qui reste en tête et que tu peux chanter, c’est ça l’essentiel pour moi. Si cette mélodie existe, alors la chanson est terminée.

Pour toi, quel est le morceau qui révèle le mieux ta véritable identité sur ce disque ?

Sur ce disque, je dirais que « One Of A Kind » est vraiment spécial dans ce processus, et je pense qu’il définit l’album, tout comme « The End ». Je trouve aussi que « Something New » est un morceau très représentatif du son de Mammoth. Il me rappelle « Mammoth », du premier album. Donc je pense que ce groupe de chansons incarne vraiment ce que représente le disque.

C’est amusant d’avoir « Something New » et « Same Old Song » comme titres. Tu voulais qu’elles se répondent ?

J’aime beaucoup l’ironie. L’idée d’avoir un morceau appelé « Same Old Song » et, en parallèle, un autre que j’avais en tête depuis un moment, intitulé « Something New », ça me fait sourire.

Quand tu as un titre très court, comme « Happy » ou « Selfish », c’est comme si tu voulais transmettre l’émotion brute, primaire, sans rien de plus. Est-ce que tu pensais à ça ?

Non, je n’y avais même pas réfléchi, mais ça a du sens. Ça dépend vraiment du moment, de ce que m’inspirent les paroles ou l’ambiance de la chanson. Parfois, je choisis simplement un mot qui apparaît dans le refrain ou un couplet, et c’est ce qui devient le titre. Parfois, c’est juste une question de ressenti. Cette fois, chaque chanson contient le mot qui sert de titre, mais je pense qu’on peut aller dans un sens ou dans l’autre.

Tu as beaucoup d’influences. Tu disais que quand tu as appris la batterie, tu voulais tout apprendre de Travis Barker (Blink-182), comme sur Enema Of State, mais tu dis aussi que tu es un grand fan de Tool. Qu’est-ce qui t’attire chez ces groupes ?

Je pense que c’est simplement le fait de voir des gens qui sont aussi bons avec leur instrument, ça t’inspire à vouloir progresser. Quand j’ai entendu Travis Barker étant enfant, ça m’a vraiment marqué et j’ai voulu apprendre. Le niveau supérieur, c’est quand j’ai découvert Tool pour la première fois, je me suis dit : « Je dois comprendre comment ils font, ou au moins essayer. » C’est vraiment une question d’inspiration.

« Peu importe si certains passages instrumentaux sont complexes ou non, tant qu’il y a une mélodie à suivre, qui reste en tête et que tu peux chanter, c’est ça l’essentiel pour moi. »

Quelle a été la première chanson de Tool que tu as écoutée ?

C’est drôle, parce que ce n’était pas un single. C’était le morceau « Third Eye » sur Ænima. J’étais presque effrayé. Un morceau aussi long, c’était fou pour moi. J’étais habitué à des chansons de trois ou quatre minutes. Là, un titre de treize minutes, c’était comme un monde entier à explorer. Ça m’a ouvert l’esprit sur ce qu’une chanson pouvait être.

Cette année, Travis Barker et Danny Carey ont tous les deux participé à une sorte de démonstration lors de l’hommage au dernier concert d’Ozzy Osbourne. Tu l’as vu ?

Oui. J’étais censé y être, mais je n’ai pas pu. C’était incroyable de voir Tool presque briser leur propre règle en acceptant d’être filmés pour ça. Ça montre à quel point Ozzy compte pour nous tous. C’était vraiment génial. J’avais rencontré Sharon il y a longtemps, mais ce n’est qu’au moment où Ozzy m’a appelé pour me demander de participer au Rock And Roll Hall Of Fame pour lui que j’ai eu l’occasion d’être dans la même pièce avec lui, de lui parler. Après le show au Hall Of Fame, j’ai pu discuter dix minutes avec lui, lui poser des questions sur des histoires que mon père m’avait racontées. Il m’a pris dans ses bras, m’a dit que j’avais fait du bon travail. C’était un moment très particulier. Je m’en souviendrai toute ma vie.

Alors, ton avis sur cette séquence avec Travis et Danny (à laquelle Chad Smith a également participé) ?

En tant que batteur, je pense qu’ils sont tous les deux parfaits dans ce qu’ils font, chacun avec son approche. Danny se concentre beaucoup sur les ambiances, même si ça reste très technique. Et ce qui est génial chez Travis Barker, c’est qu’il ne se contente pas de jouer un rythme, il joue des parties. Il y a une vraie finesse dans sa simplicité, si ça a du sens. C’est assez drôle à dire, mais c’est vrai. Je ne pourrais pas choisir, ce sont deux de mes batteurs préférés.

Est-ce qu’il t’arrive, en tournant ou en côtoyant d’autres musiciens, d’incorporer un peu de leur influence dans ta musique ?

Oui, bien sûr. Même si ce n’est pas un choix intentionnel, le simple fait d’être entouré de gens qui t’inspirent a forcément un impact. Par exemple, récemment, nous avons tourné avec Big Wreck, et rien que de traîner avec eux, ça m’a donné envie de mieux jouer. Si tu es entouré de quelque chose qui t’inspire, ça t’affecte d’une manière dont tu ne te rends même pas compte.

Ressens-tu la même chose pour le rôle de frontman ? Tu as des personnes qui t’inspirent ?

Oui. Je crois que l’un de mes chanteurs préférés, c’est Maynard [James Keenan] de Tool. J’ai eu la chance de le rencontrer et de passer un moment avec lui lors de l’événement au Rock And Roll Hall Of Fame. J’aime beaucoup sa manière d’être. C’est ironique, alors que je suis le fils d’Eddie Van Halen et que David Lee Roth est le frontman qu’il est, l’exubérance n’est pas du tout mon truc. Pour moi, c’est plus une question d’être une sorte de passeur de la musique vers le public, plutôt que de hurler, d’être déjanté ou de faire des saltos.

Oui, ils viennent de périodes différentes. Mais c’est drôle, parce que Maynard est un grand fan de Kiss, or Kiss, c’est justement l’excès total.

C’est ça qui est amusant. Tu peux être inspiré par plein de choses, même si ça ne se voit pas tout de suite.

Dans le clip de « The End », c’était chouette de découvrir ce côté humoristique et horrifique chez toi. Ça devait être incroyable de travailler avec Robert Rodriguez.

C’était incroyable. Son enthousiasme était contagieux. Nous avons tourné deux jours de douze heures, et il plaisantait en disant que nous avions fait un tournage de quatre jours en deux. Malgré la charge de travail, nous avons tellement pris de plaisir que nous n’y avons même pas pensé. Il est génial.

« L’exubérance n’est pas du tout mon truc. Pour moi, c’est plus une question d’être une sorte de passeur de la musique vers le public, plutôt que de hurler, d’être déjanté ou de faire des saltos. »

Comment l’as-tu rencontré ? Comment est née cette idée ?

Il était venu à un concert il y a quelques années, et nous nous sommes bien entendus. Dans un coin de ma tête, je me suis dit : « Ce serait génial qu’il fasse un clip. » Une Nuit En Enfer est l’un de mes films préférés de lui. Quand j’ai eu « The End » prêt, je le lui ai envoyé et je lui ai demandé s’il serait partant. Quand il a dit oui, je lui ai partagé mon idée. Il est venu chez moi avec tout un script. C’était fou d’utiliser son talent pour un simple clip, mais nous l’avons fait. Un rêve devenu réalité.

C’est lui qui a eu l’idée d’inviter Danny Trejo ou Slash ?

Slash est juste passé ce jour-là pour dire bonjour. Danny Trejo, en revanche, c’était son idée, et ça faisait sens puisqu’il jouait le barman dans Une Nuit En Enfer. C’était un super clin d’œil.

Tu as cette culture des films d’horreur ?

Oui, j’adore ça. Qu’est-ce que j’ai vu récemment ? The Substance. Ce film m’a foutu une trouille incroyable. Je n’ai pas encore vu le film Évanouis mais j’ai très envie de le découvrir. Je suis fan de Zach Cregger et de ce qu’il a fait avec Barbare. J’adore les films d’horreur, mais aussi les jeux vidéo d’horreur. Le dernier Resident Evil était vraiment fun. Il y a quelque chose de spécial dans le fait de jouer à un jeu d’horreur : c’est presque plus intense qu’un film, parce que c’est toi qui dois ouvrir la porte qui va t’effrayer à mort.

Et quel est le lien avec ton anxiété ? Parce que ça peut être très stressant aussi.

Oui, bien sûr, ça peut jouer, mais il y a aussi un côté cathartique, parce que ce n’est pas une menace réelle. Ça reste contenu. Quand tu te laisses embarquer, ça t’emmène ailleurs.

Tu disais que pour ce disque, tu as vraiment mis beaucoup de toi-même, de tes difficultés et de tes problèmes mentaux. Comment as-tu géré ça ?

C’est difficile. Je crois que c’est surtout au niveau des paroles que c’est le plus dur, parce que ça t’oblige à aller dans des endroits où, la plupart tu temps, tu n’as pas envie d’aller, mais c’est la seule manière d’obtenir une œuvre honnête. C’est un mal nécessaire, surtout quand tu écris. Donc cette fois-ci, ça a été aussi difficile que les autres, en réalité. Ça fait partie du processus.

Quand tu relis tes paroles, est-ce que tu te dis que tu pourrais aller encore plus loin ?

Oui, bien sûr. Je pense qu’il faut toujours être prêt à apprendre et à s’améliorer, mais à chaque fois, je suis content de ce que j’arrive à faire. C’est une sorte de photographie de mon état d’esprit à ce moment-là. C’est amusant de relire les paroles et de me demander ce que je pensais à l’époque. C’est ça, l’art : une petite fenêtre sur mon processus de réflexion du moment.

Quel est ton prochain rêve ? Qu’aimerais-tu accomplir ?

Honnêtement, je veux juste continuer à faire ça. Je me sens déjà chanceux d’être dans un groupe de rock en 2025, de pouvoir jouer pour des gens. Tant qu’il y aura du public pour venir nous voir, j’aimerais simplement pouvoir continuer. J’ai beaucoup de chance de faire ça.

Interview réalisée en face à face le 9 septembre 2025 par Marion Dupont.
Retranscription & traduction : Marion Dupont.
Photos : Travis Shinn.

Site officiel de Mammoth : mammoth.band.

Acheter l’album The End.



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