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Interview   

Paradise Lost : l’élévation dans la misère


Ce n’est un secret pour personne, Gregor Mackintosh est un athée convaincu, mais il n’est pas pour autant un antireligieux primaire. Il est même prêt à reconnaître dans l’Eglise de bons côtés et avoue envier les croyants. Trop terre à terre pour succomber à la foi, il n’en a pas moins vécu récemment une expérience que certains pourraient qualifier de nirvana ou d’illumination… Bref, à l’écouter, on comprend mieux sa fascination – une obsession même – pour l’art religieux dont il s’inspire comme composante de l’identité de Paradise Lost. C’est d’ailleurs à cette composante qu’il a voulu revenir plus largement sur Ascension, en retrouvant ces harmonies dites d’église et arrangement de guitares inspiré des chœurs liturgiques introduit sur les vieux disques du groupe.

Dans l’entretien qui suit, il est donc largement question de la conception de ce dix-septième album, qu’il a entièrement produit lui-même, et du rapport nuancé du musicien à la religion, mais aussi de la valse des batteurs qui s’est poursuivie ces dernières années et de la notion de « misère ». Le tout pour finir avec un petit mot au sujet d’Ozzy Osbourne qui nous a quittés la veille de cet échange.

« Nous avions un dicton : on doit pouvoir pleurer ouvertement face au pompeux. Ça signifie qu’on veut faire quelque chose de grandiloquent tout en étant très triste, mais il faut aussi faire très attention à ce que ça ne devienne pas kitsch. Il faut que ce soit subtil. »

Radio Metal : La dernière fois que nous avons discuté, c’était en 2023. Tu nous as dit que Vallenfyre et Strigoï t’avaient « aidé à saisir l’essence de Paradise Lost » et que tu espérais que l’album IX de Host aurait le même effet. En fin de compte, penses-tu que ce fut le cas par rapport Ascension ?

Gregor Mackintosh (guitare) : Je crois, oui, car si tu regardes les deux côtés de la médaille, si l’un est Host et l’autre est Strigoï, ce sont deux extrémités d’un spectre. Au milieu, on ne trouve que le cœur de Paradise Lost. Faire ce genre de chose – Host et Strigoi –, ça dissipe les nuages, en permettant parfois de voir ce cœur. Je ne dis pas pour autant que je ne veux plus expérimenter au sein de Paradise Lost – ça m’intéresse toujours d’essayer –, mais parfois, on peut perdre les choses de vue et faire ce type de projet m’aide à me recentrer. Cela étant, il y environ deux ans, j’avais six ou sept chansons écrites pour ce nouvel album de Paradise Lost, puis je les ai toutes jetées, je me suis débarrassé de tout, et je suis reparti de zéro il y a environ un an, car je n’étais pas content de la direction que ça prenait, je voulais que ça sonne autrement. Je pense que c’était en partie à cause de l’album Icon 30 que nous avons enregistré. Ça m’a fait penser différemment le travail de la guitare et de la mélodie.

Qu’est-ce qui ne te plaisait pas dans ce premier lot de chansons ?

Je ne sais pas. J’avais six ou sept chansons qui sonnaient très décousues, elles n’allaient pas bien ensemble. Tout sonnait un peu début des années 2000, un peu trop stagnant, ce n’était simplement pas intéressant. Je me suis dit que je pouvais poursuivre avec ces chansons et en faire de nouvelles versions pour les rendre davantage comme je voulais qu’elles soient, ou alors je pouvais me débarrasser du lot et tout recommencer, en réfléchissant à la façon dont je voulais que ça sonne. C’est ce que j’ai fait. C’était probablement la meilleure chose que je pouvais faire, parce que l’album sonne aujourd’hui totalement différent de ce avec quoi j’ai commencé.

Tu as mentionné le réenregistrement de l’album Icon : quelle expérience ça a été pour toi ? Comment le fait de replonger dans l’ambiance de ces vieilles chansons a déteint sur Ascension ?

Au départ, nous ne voulions pas vraiment faire Icon 30. C’est juste parce que quelqu’un d’autre – Sony – possède les droits de l’album d’origine. Nous l’avons donc fait comme un hommage et quelque chose qui attirerait l’attention sur l’album Icon historique. Ils ne nous ont même pas laissés utiliser l’artwork, nous avons dû le refaire, ce qui est vraiment énervant. Mais le fait de réapprendre ces chansons a transporté mon esprit en 1992 et début 1993, à l’époque de Shades Of God et Icon. Je me suis donc aussi mis à écouter la musique que j’écoutais à l’époque. Je joue de la guitare différemment aujourd’hui de ce que je faisais dans le temps, car en tant que guitariste, tu changes légèrement chaque année. Tu ne le remarques pas mais au final, tu finis par être très différent. Je voulais revenir à ce que j’appelle des harmonies et rythmes d’église, en formant presque des sortes de thèmes religieux dans la manière dont les guitares se fondent. Il s’agissait de penser les guitares plus comme des arrangements choraux. Faire Icon 30 m’a clairement mis dans cet état d’esprit et en réapprenant ces chansons, j’ai pensé : « Je ne joue plus trop comme ça. Essayons de rejouer comme ça. » Ça ne concerne pas toutes les chansons, mais peut-être la moitié de l’album a été directement influencé par le réenregistrement d’Icon.

Est-ce que ce style de mélodie t’a vraiment été initialement inspiré par les églises ?

Oui, parce qu’à l’époque où nous avons fait Shades Of God et Icon, et dans une certaine mesure Draconian Times, tout ce que j’essayais de faire est de penser : « Qu’est-ce qu’un orgue d’église ferait ? Qu’est-ce qu’un chœur ferait pour assembler ces harmonies ? Comment ça fonctionnerait ? » Tout était une question de feeling. Je voulais m’imaginer au douzième siècle dans une église ou un truc comme ça, avoir ce genre d’atmosphère. Je sais que, dit comme ça, ça peut paraître forcé, mais c’est vraiment ce que j’ai essayé de faire à ce moment-là. Et ça faisait longtemps que je ne l’avais pas refait. J’ai donc essayé sur cet album. Il n’existe pas beaucoup de groupes qui font ce genre de chose et s’en sortent sans sonner kitsch. J’ai en tête un très petit nombre de groupes. L’un étant Dead Can Dance. Peut-être que Trouble l’a fait sur ses deux premiers albums. Peut-être Candlemass aussi sur son premier album. Je ne sais pas. Mais il y a très peu de groupes. J’ai donc voulu essayer à nouveau. Nous avions un dicton lorsque nous avons commencé à faire ce style vers la fin de l’année 92 : on doit pouvoir pleurer ouvertement face au pompeux. Ça signifie qu’on veut faire quelque chose de grandiloquent tout en étant très triste, mais il faut aussi faire très attention à ce que ça ne devienne pas kitsch. Il faut que ce soit subtil.

« J’estime que, majoritairement, les meilleures œuvres d’art créées sont religieuses… malheureusement [petits rires]. J’aspire à ça, même si je ne suis d’accord avec, ni ne crois, rien de ce qu’il y a derrière. »

C’est intéressant de voir à quel point tu es antireligieux et pourtant, tu cherches à intégrer ce côté religieux à ton art.

Oui, je suis obsédé par l’art religieux ! Je sais que c’est une contradiction. J’estime que, majoritairement, les meilleures œuvres d’art créées sont religieuses… malheureusement [petits rires]. J’aspire à ça, même si je ne suis d’accord avec, ni ne crois, rien de ce qu’il y a derrière. D’où également l’artwork d’Ascension. Je ne sais pas si l’artiste, George Frederic Watts, voulait dire ça quand il était en train de la peindre, mais quand je regarde ce tableau, je vois le personnage qui ressemble à un ange, l’air très serein, comme s’il avait atteint le nirvana ou l’illumination, tandis que tous les personnages autour sont meurtris de chagrin, dans le chaos. C’est ce qui m’a parlé dans le mot « ascension » ; c’est pourquoi j’ai pensé que ça ressemblait à quelqu’un en train de s’élever, à une forme d’illumination. Mais oui, j’ai quelques contradictions de ce genre. J’adore les thèmes, les sons, les visuels religieux, mais je ne crois en aucune idée religieuse.

C’est un vieux tableau datant des années 1890, début 1900. Vois-tu quelque chose de « vieux » ou venant d’un autre temps dans ta musique ?

Oui, absolument. Au Royaume-Uni, quand j’étais jeune, dans les années 70, on nous forçait à aller à l’église – on obligeait tous les enfants à aller à l’église, et tout le monde détestait y aller –, mais ça nous a donné une sorte de nostalgie pour ce genre de chose. En conséquence, en grandissant, on a en quelque sorte intégré ça en soi, ça fait presque partie de notre ADN. C’est simplement quelque chose à quoi j’ai toujours aspiré et que j’ai toujours aimé. Cela dit, notre musique aurait été trop bruyante pour les gens du dix-neuvième siècle. Au sein des mélodies et de leurs interactions, il y a des choses qui remontent effectivement à loin, à des siècles dans le passé, mais dans l’exécution, l’instrumentation et la façon dont nous le faisons, c’est très ancré dans ce qui s’est fait depuis Black Sabbath. Soit dit ne passant, il y a une étrange histoire au sujet de l’artwork : je suis tombé sur l’image il y a assez longtemps, peut-être un an et demi. Je l’ai gardée car elle m’a plu, j’aimais la regarder. Puis est arrivé le moment de trouver un artwork. Nous avons essayé de trouver un artiste pour s’en occuper et nous n’arrivions pas à en trouver un qui nous plaisait. J’ai alors dit à Vicky [Langham], une fille de notre management : « Peux-tu chercher qui a fait cette peinture ? Car je l’aime beaucoup. » Elle a dit : « Je n’ai pas à chercher qui l’a faite, car j’ai eu le véritable tableau face à moi il y a environ deux semaines quand j’étais en vacances. » Elle était allée en vacances dans le sud de l’Angleterre et s’était rendue à la Watts Gallery et l’avait vu. Et elle a ajouté : « Je sais même qui contacter pour lui poser des questions. » Nous avons donc obtenu les droits pour l’utiliser. Je l’aime tellement que j’ai fait faire une réimpression sur une toile. Elle est accrochée au mur de la pièce dans laquelle je me trouve actuellement !

L’album s’ouvre sur « Serpent On The Cross ». La biographie promotionnelle y mentionne un riff presque Metallica. Curieusement, j’ai toujours vu Paradise Lost comme l’équivalent gothique de Metallica. Cette comparaison est-elle pertinente pour toi ? Comme Metallica, vous êtes la quintessence de votre genre musical, le sens riff est important, vos mélodies sont caractéristiques, vous avez une certaine efficacité…

C’est intéressant. C’est la première fois que je l’entends. Je n’y avais jamais pensé. J’imagine que chacun a son propre regard faisant d’un groupe ce qu’il est. Pour ma part, j’aime certaines musiques gothiques, mais je n’ai jamais particulièrement été fan de Metallica. Je trouve qu’ils ont de bonnes chansons, j’aime « Welcome Home (Sanitarium) ». Comme tu le sais, je n’ai pas grandi avec le metal. Je ne m’y suis pas intéressé avant la fin de mon adolescence. Metallica ne signifiait donc pas grand-chose pour moi. Mais c’est flatteur dans le sens où ça a été un groupe révolutionnaire qui a fait de grandes chansons. A côté, j’aime la musique gothique, donc en ce sens, c’est une belle chose à dire, mais en fin de compte, ça ne me touche pas tellement, car tout ce qu’on peut faire, c’est faire son propre truc et voir ce qu’il en ressort.

Ce qui rend Paradise Lost si efficace et mémorable, ce sont bien sûr, en partite, tes leads de guitare envoûtants, mais aussi une certaine simplicité. Le mantra « reste simple » fait-il partie de ta philosophie artistique ?

Pas exactement. Je n’aime pas jouer trop. Je n’ai jamais été fan des guitaristes qui jouent trop de notes. Mais je ne pense pas trop à ce genre de philosophie lorsque je compose une chanson. Ce qui important, c’est la chanson avant tout : est-ce qu’elle procure la bonne émotion ? Est-ce que les harmonies se mélangent bien ? Est-ce que ce que je joue complète ce que chante Nick ? Est-ce que tout s’assemble bien ? A côté de ça, je n’ai jamais trop réfléchi à la simplicité, au fait d’être dépouillé ou à quoi que ce soit de ce genre. Ça vient juste de notre style de jeu.

« Pour être le producteur d’autres groupes, il faut faire de la diplomatie et s’entendre avec les gens, or je n’aime pas particulièrement les gens et je ne m’entends pas très bien avec eux, généralement. Je ne suis donc pas sûr que ce serait bon pour moi ou pour eux. Je crois que mes compétences sociales me font défaut [petits rires]. »

Paradise Lost existe depuis près de quarante ans, et pourtant, le chant de Nick Holmes semble s’être constamment amélioré au cours de ces vingt dernières années. Comment perçois-tu son évolution, vue de l’intérieur ?

C’est drôle, car il a commencé simplement en tant que vocaliste rauque. Vers Shades Of God, nous avons dit : « Ecoute, on fait beaucoup plus de parties mélodiques. Peux-tu essayer de mettre de la voix un peu plus claire dedans ? » C’est comme ça que c’est venu au départ. Puis sa voix est devenue de plus en plus claire. Les gens ont commencé à dire qu’il sonnait trop comme James Hetfield, donc il a de nouveau changé [petits rires]. Puis il s’est mis à faire des lignes de chant très claires. Maintenant, il mélange tout. C’est sympa pour moi, à titre personnel, d’avoir un chanteur avec qui échanger qui est capable de faire au moins trois styles différents, car ça signifie que nous pouvons essayer plus de choses de manière dynamique dans une chanson. A moins d’avoir un chanteur vraiment extraordinaire qui a un incroyable contrôle de sa respiration, tu ne pourras pas faire beaucoup de parties dynamiques, sauf si tu le fais dans des styles différents. C’est pourquoi j’ai la chance d’avoir quelqu’un comme Nick, car il a tous ces styles vocaux à disposition, sur lesquels il peut s’appuyer. Et nous essayons tous les styles vocaux qu’il a sur toutes les chansons, jusqu’à trouver ce qui fonctionne sur quelle partie. Nous procédons façon puzzle lorsque nous composons les lignes vocales. Je lui donne un morceau de musique et il me renvoie une version growlée, une version rugueuse, une version claire, une version encore plus claire, une version plus susurrée, etc. Puis nous jouons avec toutes ces pistes jusqu’à obtenir la bonne dynamique pour la partie. Depuis Obsidian, ou juste avant, comme il fait tous ces styles ensemble, il a gagné en confiance, ce qui, j’imagine, en conséquence, le rend aussi plus compétent.

Sa performance dans la partie centrale de « Salvation », cette ligne de chant qui gagne en intensité et part dans les aigus, est assez étonnante…

Je crois que tu parles d’une partie qu’il a initialement faite, mais sur l’album c’est quelqu’un d’autre. Nous avons sur cet album deux invités qui ont fait de petites parties. Il y a Heather Tompson de Tapping The Vein qui fait le chant féminin sur « Lay A Wreath Upon The World », et il y a Alan Averill de Primordial qui fait une petite partie de chant sur « Salvation ». Il chante donc avec Nick sur la seconde partie de la section centrale. C’est peut-être de ça que tu parles. C’est un bon ami à nous. Habituellement, nous n’aimons pas trop avoir des invités sur nos albums, à part peut-être des chanteuses, mais nous étions en studio pour enregistrer les parties de chant de Nick et il a fait cette section centrale. Nous avons alors dit : « Ce serait sympa d’avoir une autre texture là-dessus. Un autre type de voix. » Nick a dit : « Que penses-tu d’Alan ? » J’ai dit : « Oui, il a le genre de voix qui marcherait. » Il l’a donc appelé au téléphone pendant que nous étions dans la cabine de chant et lui a demandé : « Est-ce que tu pourrais aller dans un studio pas loin de chez toi pour essayer d’enregistrer cette partie ? » Nous lui avons envoyé la partie par e-mail et il nous l’a renvoyée vingt minutes plus tard ! Nous l’avons intégrée avec la partie de Nick et nous étions là : « Oui, ça fonctionne ! »

Ascension a été entièrement produit par toi dans ton studio Black Planet, la batterie et le chant ayant été enregistrés aux studios NBS et Wasteland en Suède. Tu étais déjà impliqué dans la production de vos précédents albums avec Jaime Gomez Arellano, mais pourquoi vous êtes-vous passés de producteur externe cette fois ? Qu’est-ce qui t’a poussé à franchir le pas et à tout faire toi-même ?

Parce que les producteurs ne sont plus vraiment des producteurs comme dans les années 1980 et début 1990. Ils ne s’immiscent pas dans la structure et les mélodies de vos chansons, et ne passent pas des mois en préproduction à vous aider à réécrire vos morceaux. Souvent, à partir du milieu des années 90, les producteurs sont devenus des ingénieurs du son, à qui on demande simplement : « Tu peux faire ci ? Tu peux faire ça ? » Au cours de ces dernières années, je me suis demandé pourquoi nous faisions appel à quelqu’un pour ça, alors que nous ne faisons que lui demander de faire quelque chose. J’avais enregistré la plupart des guitares pour Obsidian et Icon 30 dans mon studio, alors je me suis dit autant que je fasse tout. J’ai fait un test en produisant un autre groupe, baptisé High Parasite, dans lequel on retrouve Aaron [Stainthorpe] de My Dying Bride au chant. J’ai produit leur album Forever We Burn et j’ai fait appel à Lawrence Mackrory, de Suède, en tant que mixeur. Ça a bien fonctionné, donc je me suis dit : « Ok, voilà comment je ferai le prochain album de Paradise Lost. » Et c’est comme ça que nous l’avons fait ! Ça n’a pas de sens de faire faire par quelqu’un d’autre quelque chose que tu sais faire toi-même.

Tu as mentionné l’album de High Parasite que tu as produit : te lances-tu dans une nouvelle carrière de producteur en même temps ? Est-ce quelque chose que tu souhaites développer ?

Pas vraiment. Je me suis toujours intéressé à la musique faite par ordinateur avant que ça ne devienne à la mode. En 1997, j’ai utilisé la première version de Cubase pour faire l’album One Second, puis Host. Je suis impliqué là-dedans depuis très longtemps, donc j’en connais un rayon, mais je n’ai jamais eu l’ambition d’enregistrer d’autres musiciens. C’est plus un truc personnel. High Parasite m’a demandé en disant : « Est-ce que tu peux venir nous aider ? Car on ne sait pas trop ce qu’on fait et on ne veut pas faire appel à un producteur qui ne comprend pas ce genre de musique. » Alors j’ai accepté, et ça m’a assez plu de le faire, mais je ne suis pas un grand diplomate. Pour être le producteur d’autres groupes, il faut faire de la diplomatie et s’entendre avec les gens, or je n’aime pas particulièrement les gens et je ne m’entends pas très bien avec eux, généralement. Je ne suis donc pas sûr que ce serait bon pour moi ou pour eux. Sur le côté sonore, j’aime le faire, mais je crois que mes compétences sociales me font défaut [petits rires].

« J’hésite à qualifier quoi que ce soit de spirituel, car je pense que tout, en fin de compte, peut probablement s’expliquer, mais nous ne sommes capables de comprendre que le monde physique. L’art nous fait voir au-delà du voile de notre compréhension. »

Ascension est un titre plutôt positif pour un disque de Paradise Lost. D’un autre côté, les paroles évoquent tout ce que la vie nous envoie à la figure. Il semble donc y avoir une opposition ou une ironie délibérée. Cette tension, entre notre aspiration à l’élévation et toutes ces choses qui nous rabaissent constamment, est-elle la définition même de la vie pour vous ?

Je ne sais pas. Comme je l’ai dit, nous avons voulu rendre tout plus religieux, thématiquement parlant. Nous voulions revenir à la racine du nom Paradise Lost, le livre [de John Milton], et des sujets que ce dernier traite. L’élévation en fait partie. Je crois que Nick cherche quelque chose. Surtout dans les paroles, il parle toujours de vouloir être quelque part, de vouloir atteindre un certain éveil spirituel. Personnellement, je vois ça plutôt sous l’ange historique de la religion, bien que le titre Ascension soit plus pertinent qu’il n’y paraît à première vue. Je ne veux pas trop m’enliser dans le côté déprimant de la vie réelle, mais il y a environ un an, j’ai vécu l’une des pires années de ma vie ; c’était une très mauvaise période. J’avais de gros ennuis. Je suis allé faire un concert dans un château avec Strigoï et tout d’un coup, un déclic s’est produit dans mon cerveau. Je me suis alors senti très calme. Pendant environ un mois, j’ai pu adopter un point de vue extérieur. C’est comme si je me regardais du dessus et non de l’intérieur. C’était un sentiment très étrange. Je me souviens avoir pensé : « C’est sans doute ce que les gens entendent par expérience religieuse, ou lorsqu’ils ont trouvé Dieu, ou lorsqu’ils ont atteint l’illumination ou le nirvana. » Comme je l’ai dit, ça a duré environ un mois – j’aurais aimé que ça continue ! Ça a dû être un truc dans le cerveau qui s’est enclenché, un genre de mécanisme de sécurité, c’est-à-dire que si tu es dans une grande tourmente, tout d’un coup, l’interrupteur se déclenche pour te sauver du pire. Je pense que ça doit être ça l’élévation. Ça me parle donc encore plus, parce qu’à un moment donné, il y a un an, je l’ai presque atteint par hasard.

Penses-tu que la musique de cet album est le résultat de cette année noire que tu as vécue ? Car nous avons déjà parlé par le passé du fait que le côté obscur et négatif de la vie t’inspirait, à l’inverse de Nick…

Oui, je crois, car c’est à cette époque que l’écriture de l’album a commencé. Comme je l’ai dit, j’ai jeté les vieilles chansons que j’avais composées pour l’album, puis recommencé. C’était presque exactement au même moment où nous avons fait les concerts d’Icon 30. Et à peu près à la même époque que ces concerts, quelque chose de très mauvais s’est produit dans ma vie et tout ce que je viens de raconter est arrivé, et la composition a aussi commencé au même moment. Je pense donc que tout est lié. Ce n’est pas parce que j’ai essayé de faire que ce soit ainsi parce que je crois en l’intervention divine ou quoi que ce soit de ce genre, pas du tout. Ce sont juste les circonstances qui m’ont poussé à emprunter cette voie, et le résultat est cet album.

En parlant du mot « ascension », penses-tu que la musique et l’art en général nous élèvent ?

Oui, bien sûr. Ils nous font voir au-delà du voile de notre compréhension. J’hésite à qualifier quoi que ce soit de spirituel, car je pense que tout, en fin de compte, peut probablement s’expliquer, mais notre esprit ne peut le comprendre ; nous ne sommes capables de comprendre que le monde physique. A cet égard, je pense que c’est probablement vrai. Je ne sais pas si faire cet album m’a élevé, mais ça m’a aidé. Ça m’a assurément aidé à traverser la période que j’avais besoin de traverser et j’ai tout mis dedans. Si on classe ça comme une forme d’élévation, peut-être, mais je pense que lorsqu’on crée, c’est différent, ce n’est pas exactement une élévation. L’élévation est atteinte par l’auditeur ou le spectateur. Pour le créateur, c’est plus une catharsis.

Il y a beaucoup de références à la religion. Nick lui-même a évoqué les béquilles auxquelles les gens ont recours face à la mort. Nous avons déjà évoqué par le passé ton côté antireligieux et ton obsession pour ce sujet, mais comprends-tu parfois que certaines personnes ont besoin de ces béquilles pour faire face à la mort, à la maladie, à la misère, etc. ?

Bien sûr. En fait, j’envie tous les gens qui ont n’importe quelle forme de béquille. J’ai dû arrêter l’alcool il y a quatre ans – donc je ne bois pas, je ne prends pas de drogue… J’ai eu de gros problèmes de drogue il y a vingt ans. En gros, je vis comme un moine. Sauf que je n’ai pas de croyance religieuse. J’envie les gens qui en ont une. Donc oui, je comprends totalement, et j’aurais aimé être pareil, mais je ne le suis pas. Ce que j’ai, c’est la chance d’avoir un exutoire constant grâce à la musique, et c’est ce que je fais. Ça peut aussi être d’autres formes d’art. Tout ce que chacun entreprend pour donner un sens au monde et atténuer les difficultés ne peut être qu’une bonne chose, tant que ça ne nuit pas aux autres.

« J’ai dû arrêter l’alcool il y a quatre ans – donc je ne bois pas, je ne prends pas de drogue… En gros, je vis comme un moine. Sauf que je n’ai pas de croyance religieuse. J’envie les gens qui en ont une. »

N’as-tu jamais été tenté de croire à certaines de ces idées rassurantes ?

J’ai toujours voulu, mais j’ai un côté trop réaliste… Enfin, ce n’est pas du réalisme… C’est compréhensible que la religion existe chez une espèce qui ne peut saisir qu’une infime partie de ce qui est en jeu. Si on ne peut comprendre qu’une infime partie de quelque chose, alors pour tout le reste, il faut inventer des idées pour tenter de l’expliquer, car il n’y a pas de mot. Je comprends ce besoin et pourquoi ça arrive, mais je ne peux pas m’impliquer dedans, car je peux voir les raisons qu’il y a derrière, pourquoi ça apparaît, les formes de contrôles, etc. Je n’aime pas le côté organisé de la religion. Les Romains ont dit que la religion était super, car grâce à elle, les gens se contrôlent eux-mêmes. Même si je n’aime pas l’aspect contrôle, peut-être que certains autres aspects ont été bons. Ça a permis de maintenir une paix relative dans certaines régions pendant longtemps. Je ne sais pas, je pars dans des pensées trop profondes, mais personnellement, je ne peux pas attribuer quoi que ce soit à la religion simplement parce que je ne le comprends pas.

Sur un autre sujet, vous avez annoncé le départ du batteur Guido Montanarini. Il n’est pas resté longtemps. C’est le sixième batteur à quitter Paradise Lost, alors que tous les autres membres du groupe sont là depuis le début. Il semble y avoir une véritable malédiction chez les batteurs de Paradise Lost : comment l’expliques-tu ?

Ils sont tous partis pour des raisons différentes. Certains, nous leur avons demandé partir à cause d’un problème. Certains sont partis pour des intentions louables. En l’occurrence Adrian Erlandsson a été l’un de nos batteurs, il est parti parce qu’At The Gates s’est reformé, or c’était son premier groupe. C’est parfaitement compréhensible et il a bien fait. Le batteur Jeff [Singer], qui est désormais de retour dans le groupe, était parti parce qu’il n’avait pas d’enfant quand il a rejoint le groupe, puis il a eu des enfants et s’est marié, en conséquence il ne pouvait pas passer du temps loin de ses enfants. Très bien, c’est une bonne raison. Avec Guido, c’était différent. C’était parce qu’il est très têtu. Il est arrivé dans une période de troubles dans le groupe, car Waltteri [Väyrynen] venait de quitter le Paradise Lost pour rejoindre Opeth et nous avions besoin d’un batteur rapidement pour pouvoir faire la tournée Obsidian. Il faisait partie de Strigoï à l’époque, donc j’ai dit : « Penses-tu pouvoir jouer les morceaux de Paradise Lost ? » Il les a appris et les a joués en tournée, puis il est resté, mais il ne s’entendait pas avec beaucoup de gens. En l’occurrence, notre technicien batterie est aussi parti parce qu’il ne s’entendait pas avec Guido. Il avait des problèmes personnels avec des membres du groupe et de l’équipe. J’étais un peu la dernière personne à dire : « Allez, s’il vous plaît, donnez-lui une chance. » Puis nous avons enregistré la batterie pour cet album et ce qui aurait dû prendre trois jours a pris près de trois semaines, à cause de caprices, de défauts d’écoute, d’entêtement et que sais-je encore.

Quand nous sommes sortis du studio, nous sommes allés en Amérique du Sud, au Mexique et en Amérique du Nord, et nous avons dit : « Voyons comment il se débrouille sur cette tournée. » Pendant que nous étions en tournée, un autre technicien batterie a dit : « Ecoutez, je ne peux pas travailler avec Guido. » Nous avons donc dû lui demander de partir. J’ai mis ça sur le compte de différences de tempérament, ou peut-être qu’il n’était pas prêt à faire partie d’un groupe qui fait des tournées comme nous, car c’est dur. Les gens ne comprennent pas que passer autant de temps avec des gens, c’est difficile. Tu dois trouver tes propres routines et méthodes de travail qui garantissent que tout le monde soit content. Il a fâché trop de gens, donc il fallait qu’il parte. Et Jeff est revenu parce que ses enfants avaient grandi maintenant.

Justement, comment avez-vous décidé de le faire revenir ?

C’était la première personne à laquelle nous avons pensé, car il avait quitté My Dying Bride. Nous étions là : « Je me demande s’il est disponible, s’il peut faire quelques dates. » Nous l’avons tout de suite contacté et il a dit : « Je peux, mais peut-être juste quelques jours, je ne sais pas », car il a un gagne-pain. Mais il a demandé à son patron, qui a dit : « Ecoute, je sais que Paradise Lost était ta passion. Fais ce que tu dois faire. » Jeff peut donc tout faire maintenant. Nous pensions qu’il serait là seulement pour le reste de cette année, mais il nous a envoyé un message il y a quelques jours en disant : « Je peux faire toute l’année prochaine et l’année suivante. » Donc tout va bien.

« Quatre-vingt-dix pour cent de la société est à l’opposé de moi : ils veulent bouger sur de la musique joyeuse, qui les unit, sur laquelle ils peuvent danser ensemble, etc. Ça, ça me fait frémir de dégoût. Pour moi, la musique est un truc solitaire. Je veux être seul quand j’en écoute. Et plus c’est triste, mieux c’est. »

À l’époque, il était parti juste avant une tournée prévue en Amérique du Sud que vous avez dû annuler. Vous ne lui en avez jamais voulu pour ça ?

Non, parce qu’il est parti pour des raisons admirables. Si c’est pour passer du temps avec tes enfants et que tu ne supportes pas d’être loin d’eux, je le comprends, car j’ai vécu un peu la même chose des années avant. J’ai continué avec le groupe. J’avais le choix d’arrêter, j’aurais pu le faire, mais je ne l’ai pas fait. Ça te donne des regrets, c’est sûr. Tu n’étais pas là pour tel ou tel anniversaire. Mais au final, ce qui m’a fait rester, ce sont deux choses. L’une est : et si je travaillais sur une plate-forme pétrolière ou quelque chose comme ça ? C’est pareil. Tu pars plusieurs mois d’affilée. Une autre est qu’à l’époque, mon voisin travaillait comme plombier et il était tous les jours avec ses enfants, mais il se levait tous les matins avant qu’ils partent à l’école et revenait tard le soir quand ils étaient sur le point d’aller se coucher, et il était grincheux à cause de sa journée de travail, donc il ne passait pas de bons moments avec eux. Et ses journées se répétaient comme ça. Je me suis dit qu’au moins, quand je suis à la maison après une tournée, je passe des moments de qualité, agréables et heureux en famille. J’ai donc pris la décision de rester dans le groupe. Ce n’est pas sans regrets, mais c’est la voie que j’ai prise. Jeff a pris une autre décision. Peu importe, c’est à chacun de décider.

Nick Holmes a déclaré : « Les gens devraient s’attendre à ce qu’on devienne de plus en plus misérables. » Il plaisantait, mais quand même, penses-tu que plus on vieillit, plus on devient misérable ?

[Rires] J’ai vu cette citation de sa part. Ça m’a fait rire parce que, d’une certaine manière, les gens ont l’air de devenir plus misérables, mais c’est seulement aux yeux des jeunes générations. Je pense que, probablement, en réalité, les gens sont de plus en plus satisfaits d’eux-mêmes avec l’âge, mais ils ne cherchent plus à faire la fête et les choses qu’ils faisaient quand ils étaient jeunes. C’est pourquoi, pour les plus jeunes, tu auras l’air plus malheureux et grincheux. J’imagine qu’avec l’âge, tu as tes petites habitudes, tu as ta manière de faire les choses, et là encore, ça peut donner une impression d’être misérable, mais ce n’est la pas la réalité. En ce sens, on peut s’attendre à devenir plus misérable, mais en vérité, ce que ça signifie est que tu prends des habitudes. Personnellement, avec l’âge, je suis devenu de plus en plus solitaire. Je ne socialise pas du tout, je ne vais pas au restaurant, je ne vais pas au bar. Je vois ma famille, je pars en tournée, et ça s’arrête là, ce sont les seules personnes que je vois. Je suis heureux comme ça. Je ne veux rien faire de plus. Ça, ça peut être vu comme étant malheureux. Surtout sur les festivals, où il y a plein de groupes américains qui se tapent dans la main et hurlent. Pendant ce temps, les gars de Paradise Lost restent dans leur coin [rires].

Nous avons déjà discuté dans le passé de la façon dont la musique joyeuse te rend dépressif, mais qu’est-ce qui rend la musique misérable si agréable à écouter et à composer, selon toi ?

Je pense que c’est parce que ça me donne des frissons. Pour moi, la musique est un truc autant visuel que sonore. Quand j’en écoute, ça me fait penser à des images et différentes scènes, ça m’emmène ailleurs. C’est de l’évasion. Donc si ça t’emmène quelque part qui te plaît ou où tu as envie d’être, que tu trouves ça inspirant, que ça te donne des frissons, alors ça te rendra heureux. C’est ce que la musique triste produit chez moi. Ça me met dans un espace où je peux m’échapper du monde. Quatre-vingt-dix pour cent de la société est à l’opposé de moi : ils veulent bouger sur de la musique joyeuse, qui les unit, sur laquelle ils peuvent danser ensemble, etc. Ça, ça me fait frémir de dégoût, en me disant : « Oh mon Dieu, ce doit être la chose la plus horrible au monde ! » Pour moi, la musique est un truc solitaire. Je veux être seul quand j’en écoute. Et plus c’est triste, mieux c’est.

En parlant de tristesse, peut-être as-tu un mot à partager au sujet d’Ozzy Osbourne qui nous a quittés hier ?

Oui, j’ai été assez choqué ! En fait, je suis encore plus choqué par la façon dont je suis choqué, car c’était un homme assez âgé, mais je suppose que c’est à cause de la proximité avec le concert final. Son adieu paraît davantage prophétique maintenant. Et c’est très triste, évidemment. Il faisait partie d’un groupe pionnier qui a créé un type de musique qui nous a tous amenés ici, je suppose. Personnellement, je l’ai rencontré pour la première fois au milieu des années 90, probablement en 1994 ou 1995. Nous avons fait la tournée Monsters Of Rock en Amérique du Sud avec lui. Il était venu dans notre loge à notre rencontre. C’était une très belle personne. D’ailleurs, il était en très mauvaise santé à l’époque, il pouvait à peine marcher. Je crois qu’il a eu une attaque ou quelque chose comme ça. Puis il était en bien meilleure forme les dernières fois où nous avons joué avec lui. Nous avons fait le Ozzfest au Dôme du Millénaire (l’O2 Arena en 2010, NDLR) à Londres et quelques autres concerts ensemble au fil des années, et son état de santé était presque celui d’un gars qui aurait la moitié de son âge. Il était toujours parmi tout le monde. Par exemple, je me souviens l’avoir vu en backstage au Hellfest, en France, et au Rockwave en Grèce. Il était juste assis au catering, à manger son repas avec tout le monde, alors que la plupart des groupes de cette envergure ont leurs propres quartiers, avec leur propre catering, etc. à l’écart des autres. C’est donc bien qu’il ait gardé cette mentalité terre à terre, ce côté « héros pour les ouvriers ». Je suis fier que nous ayons pu jouer avec lui à plusieurs occasions et le rencontrer. Mais oui, c’était une fin prophétique, mais au moins il a pu dire au revoir et il laisse un sacré héritage !

Etais-tu présent au concert à Birmingham ?

Non. Nous n’étions pas là, nous étions sur un festival ailleurs. Mais je connais des gens qui étaient présents. Ils ont dit que c’était génial. Je pense que si on regarde en vidéo, ce n’est pas aussi super, car la retransmission live ne sonnait pas terrible par moments, certains groupes sonnaient un peu faux, etc. Une retransmission ne sonne jamais aussi bien que quand on est sur place. Il y a eu des choses surprenantes. Par exemple, Yungblud : bon sang, de qui est venue cette idée ? Je ne sais pas du tout qui c’est, sa musique ne m’intéresse pas, mais je dois dire qu’il a fait une superbe version de « Changes » ! On ne peut pas dire que ça ne sonnait pas bien. Et les gens que je connais et qui y sont allés ont trouvé ça excellent. J’aurais aimé y être, mais malheureusement, ce n’était pas possible. De toute façon, j’ai la chance d’avoir vu Ozzy et Black Sabbath pas mal de fois, donc je suis content avec ça.

Interview réalisée en visio le 23 juillet 2025 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Ville Jurrikkala.

Site officiel de Paradise Lost : www.paradiselost.co.uk.

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