Primal Fear, c’est une machine à heavy ! Le combo y officie avec un amour du genre, une constance et un certain doigté non-négligeable construisant ainsi l’identité d’un groupe stable et définitivement volontaire. Et pourtant, comme nous l’explique ci-dessous Ralf Scheepers, chanteur du combo, les choses n’allaient pas au mieux, pour lui, après son départ de Gamma Ray, avant le début de cette aventure il y a plus d’une quinzaine d’années. Primal Fear est donc né de ces rencontres qui changent tout, d’abord celle avec Mat Sinner, enclenchant la première vitesse d’un rouage aujourd’hui bien lancé. Car depuis, Primal Fear c’est une équipe qui avance droit devant elle avec en plus, depuis quelques années, cette locomotive qu’est le guitariste Magnus Karlsson.
Armé de son nouvel album Delivering The Black, Scheepers revient avec nous sur la conception de ce disque et sur son contenu, sur une création délivrée, notamment, du souci du manque de moyens pour réaliser leurs œuvres comme ils l’entendent, avant de partir tracer les routes d’Europe, puis du monde, dans le cadre de sa nouvelle tournée.
Radio Metal : Primal Fear a connu son plus grand succès il y a deux ans avec l’album Unbreakable. Est-ce que vous aviez la pression quand vous avez écrit son successeur ?
Ralf Scheepers (chanteur) : Non, nous n’avons jamais la pression quand nous écrivons de la musique. Le seul sentiment que nous avons, c’est qu’il faut que nous fassions mieux que la fois d’avant, mais ce n’est pas vraiment de la pression. Quand tu écris de la musique, beaucoup de sentiments et de processus créatifs sont impliqués, tu ne penses ni au passé ni au futur, tu essaies de capturer l’instant présent au moment où tu écris. Mat [Sinner] et Magnus [Karlsson] ont écrit beaucoup de démos pour le nouvel album, me les ont envoyées, j’ai écrit des paroles sur les mélodies puis Mat est venu chez moi pour m’aider ; ça a vraiment été un travail d’équipe, personne n’a ressenti de pression. Nous savions juste qu’Unbreakable était un super album, et que nous aurions l’occasion de créer à nouveau de nouvelles chansons toutes aussi géniales !
Est-ce que vous vous êtes inspirés d’Unbreakable pour essayer de retrouver l’esprit de cet album et aller plus loin dans cette direction ?
D’une certain manière oui, mais nous nous sommes surtout inspiré de nos racines, d’où nous venons, des sentiments que nous avons pour le heavy metal. Notre intention, là d’où nous venons, c’est d’écrire des chansons qui viennent tout droit de nos émotions.
Apparemment, vous avez passé pas mal de temps en préproduction. Est-ce que cette étape de l’écriture d’un album est particulièrement importante à vos yeux, pour avoir un avant-goût de l’album peut-être ?
Oui… Nous n’avons pas passé tant de temps que ça en préproduction. Magnus est un mec très rapide, c’est une vraie usine à metal, il écrivait beaucoup de chanson chaque semaine parce qu’il travaille très rapidement avec son propre système, et c’est un très bon guitariste, donc il peut vraiment faire des démos très rapidement. Avec Mat, ils travaillent ensemble par Skype. Parfois, nous faisons des sessions Skype tous ensemble, et nous écrivons de la musique par internet parce que nous avons beaucoup de problèmes logistiques pour nous retrouver tous au même endroit. Nous avons fait les démos comme ça. L’avantage, c’est que comme ça tu as déjà le tempo et le rythme de la chanson, donc en tant que chanteur, tu peux déjà commencer à chanter sur la démo, et utiliser ça sur les morceaux de l’album. C’est pour cette raison que dès que je commence à chanter, je le fais comme il faut dès le début, vraiment de la manière dont je veux que ça sonne, comme ça j’ai le temps de reposer ma voix entre les chansons et j’ai plus de temps pour chanter l’album dans son ensemble. Il y a vingt ans, quand il fallait enregistrer tout l’album en dix jours, c’était très fatigant pour la voix…
Au milieu de l’album, on trouve deux chansons épiques, « When Death Comes Knocking » qui dure 7 minutes et cette pièce énorme intitulée « One Night In December ». Est-ce qu’il y a un concept ou une histoire derrière ces chansons ?
Oui, il y a une histoire derrière si tu lis les paroles [rires]. Nous faisons ce genre de choses depuis Seven Seals. Nous trouvons que ça apporte quelque chose à notre musique d’ajouter ces cordes, ces orchestres, ces trucs un peu grandiloquents. C’était quelque chose de cool à ajouter sur cet album, et comme je l’ai dit plus tôt, Magnus sait vraiment ce qu’il fait, même avec ces samples d’orchestre. Nous ne sommes pas dans une position où nous pouvons louer un grand studio et un vrai orchestre comme Nightwish peut le faire par exemple, nous devons encore faire les choses pour le moins cher possible, sans qu’elles sonnent cheap non plus. Parce que c’est toujours ça, le risque… À l’époque de Nuclear Fire, il y avait déjà des samples de cordes, mais à notre avis, ils sonnaient vraiment trop cheap. Le son n’était pas suffisamment développé, donc nous avons préféré attendre un peu jusqu’à ce que nous puissions faire quelque chose de mieux de ce point de vue-là. Quand nous avons enregistré Seven Seals, tout était au niveau, donc nous nous sommes dit : « Maintenant, nous pouvons commencer à utiliser ce que nous voulions utiliser depuis des années sans avoir à louer un vrai orchestre avec de vraies personnes qui jouent, ce qui coûte très cher. » Nous pouvons avoir ce mélange de rock et de musique classique sans avoir besoin d’un orchestre.
Pourquoi avez-vous choisi l’une des plus longues chansons de l’album comme single ? Est-ce que vous avez pensé que « When Death Comes Knocking » est la chanson la plus représentative de sa diversité ?
C’est un peu une chanson artistique, c’est vrai, mais nous trouvons qu’elle a vraiment un bon groove. Nous avons pensé que les gens en boîte, par exemple ici au Rockfabrik à Ludwigsburg, pourrait faire de la air-guitare sur ce rythme : « dum, dubudum, dubudum ». C’est vraiment un rythme fait pour le headbanging… Et puis elle n’est pas longue, c’est une version single : nous avons coupé « When Death Comes Knocking » pour en faire une version plus courte, que nous avons aussi utilisée pour le clip. Nous avons pensé que ce serait un bon titre pour commencer. Ça ne veut pas dire : « Voilà dans quelle lignée est l’album » pour autant. Je pense que c’est bien de surprendre les gens avec la variété de l’album.
Liv Kristin apparaît en guest sur la chanson « Born With A Broken Heart ». Pourquoi ce choix ? Est-ce que vous avez écrit cette chanson en pensant à elle ?
Non. À l’origine, la chanson devait être chantée par moi seul, mais Mat a eu cette idée qui lui est venue à l’esprit quand il a entendu la démo sur laquelle je chantais : « Hé, dans le refrain il devrait y avoir une voix féminine en plus, pas nécessairement très forte, juste pour ajouter une couleur. » C’est ce que nous avons fini par faire. Je suis allé en studio avec elle et elle a chanté merveilleusement bien. Nous voulions mettre ça en arrière-plan pendant le refrain pour y ajouter une certaine couleur, comme je te le disais. Dans la version japonaise de l’album, il y a une version de la chanson où sa voix est plus forte, elle fait aussi une voix supplémentaire pendant les couplets, des harmonies etc. Nous nous sommes tout simplement dit que ce serait une bonne chose à ajouter à la chanson pour donner cette couleur au refrain.
Est-ce que tu penses qu’elle la chantera avec vous en live, un jour ?
Il ne faut jamais dire jamais mais a priori non…
Achim Köhler a mixé l’album. Il travaille avec vous depuis vos débuts ; apparemment, c’est un ami de longue date du groupe. Est-ce que c’est important pour vous de travailler avec des personnes en qui vous pouvez avoir confiance ?
Oui, mais en plus, tous les membres du groupe ont accumulé tellement d’expérience durant toutes ces années, notamment du point de vue technique, que maintenant tout le monde sait très bien ce qu’il fait, est conscient de ce qu’il faut faire pour aider les autres etc. Achim a enregistré la batterie à Winterbach quand Randy [Black] était au studio, et le reste a été mixé au Danemark par Jacob Hansen. Il a fait du bon boulot, et nous sommes très contents du son de l’album. Tout a commencé avec cette équipe, avec Achim pour enregistrer la batterie bien sûr, et ensuite nous avons poursuivi avec les home studios que nous avons tous, comme Magnus par exemple qui enregistre ses parties de guitare chez lui. Alex est venu au studio pour enregistrer ses parties de guitare avec Achim aussi, Mat a fait certaines parties de basse dans le grand studio de Winterbach et d’autres chez lui. J’ai enregistré toutes les voix chez moi, dans mon studio, parce que maintenant je sais vraiment ce que je fais, et à quel rythme je veux le faire, comme je le disais plus tôt. De la démo aux derniers détails de l’album, tout a été fait ici, chez moi, parce que je veux que ce soit aussi parfait que possible. Je me rappelle avoir travaillé avec toute l’équipe il y a vingt ans, et pour les premiers albums de Primal Fear aussi bien entendu. C’était un beau travail d’équipe, mais maintenant, j’ai la chance d’avoir mon propre matériel de haut niveau et de pouvoir dire : « Non, ce n’est pas assez bien, je veux faire mieux »… C’est comme ça que je travaille, maintenant.
Les paroles des albums de Primal Fear ont toujours été très importantes. Est-ce que tu peux nous parler de celles de cet album, des thèmes que vous avez choisis, et des raisons pour lesquelles vous les avez choisies ?
C’est un album très sombre. Je pense que pour chaque groupe, il y a des raisons qui font que les paroles sont ce qu’elles sont. Nous accumulons beaucoup d’expériences personnelles et les mettons dans nos chansons, sans montrer avec trop d’évidence que ce sont des histoires vraies. Parfois, nous sommes très critiques, dans des chansons comme « Rebel Faction » par exemple qui parle de ces histoires de banques dans le monde entier qu’il y a en ce moment, du fait que les banques sont en train de ruiner l’économie tout entière et qu’ensuite, nous devrons payer les pots cassés. Nous parlons de choses graves, parfois. Nous parlons de la guerre, de cœurs brisés de différentes façons, etc. Ce n’est jamais vraiment évident mais tout le monde peut lire ce que nous essayons de dire, et ensuite ajouter ses propres idées, ses propres histoires à nos paroles. Tout le monde peut se retrouver dans les paroles que nous écrivons.
Apparemment, Mat Sinner aime beaucoup les paroles de cet album, ce sont ses préférées de tous les temps. C’est sans doute plutôt une question pour lui, mais est-ce que tu sais pourquoi ?
Parce que c’est aussi un parolier ! (Rires) Bien entendu, tous ceux qui ont des idées peuvent participer, mais il écrit pour beaucoup d’autres projets comme Sinner, Voodoo Circle, Kiske/Somerville, etc. C’est un mec très créatif, et il a aussi beaucoup d’expérience en tant que parolier.
Maintenant, un peu d’histoire : j’ai lu dans une interview que tu as créé le groupe à un moment où tu songeais à arrêter la musique. Est-ce que c’est vrai, et si oui, est-ce que tu peux nous en parler ?
En gros, j’étais en plein passage à vide. C’était à l’époque où je venais de partir de Gamma Ray pour différentes raisons, qui sont désormais de l’histoire ancienne. Nous nous entendons très bien maintenant, Kai [Hansen] et moi, nous sommes à nouveau amis. Quoi qu’il en soit, c’était une époque critique pour moi, et le fait de ne pas avoir été pris pour Judas Priest ne m’a pas aidé à rester motivé pour travailler dans la musique. Les gens qui m’entouraient à l’époque n’étaient pas nécessairement très bien non plus, mais par la suite j’ai rencontré Mat et Tom [Naumann] et nous avons écrit quatre chansons ensemble. Ensuite, nous les avons envoyées au Japon, et on nous a immédiatement proposé un contrat, parce qu’ils attendaient que je me lance à nouveau dans quelque chose et que je signe avec JVC cette époque. Ils ont adoré ce que nous avions fait, et tout d’un coup, il y a eu une sorte de compétition entre les maisons de disques en Europe pour nous faire signer un contrat… C’est super de commencer dans de telles conditions !
Est-ce qu’une tournée est prévue pour ce nouvel album ?
Oui, c’est pour ça que je suis un peu stressé. Nous allons commencer à répéter aujourd’hui, et mercredi le bus m’emmènera à Hambourg pour notre premier concert jeudi. La tournée va durer trois semaines, ensuite nous ferons une petite pause, puis quatre membres du groupe participeront à la grande fête du Rock Meets Classic. Nous ferons ça pendant quatre semaines, à partir de début avril, puis nous ferons une petite pause à nouveau avant la tournée de Primal Fear en Amérique du Nord pendant quatre autres semaines, jusqu’à fin mai. Ensuite, nous ferons quelques festivals dont le Summer Breeze en Allemagne – d’autres seront annoncés – puis nous sauterons dans l’avion pour l’Amérique du Sud. Ensuite, après une pause, nous avons le Japon et l’Australie au programme. Ça va être une année bien remplie, et nous avons tous vraiment hâte de montrer au public la musique que nous venons de créer.
OK, c’est tout pour moi. Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose ?
Absolument ! J’aurais adoré passer un peu plus de temps en France, nous ne savons pas trop ce qu’il se passe avec les promoteurs mais notre management y travaille. Avec un peu de chance, nous reviendrons bientôt faire des concerts ici. Nous passons toujours de bons moments en France !
Est-ce que tu connais des villes françaises ?
Oui bien entendu, Paris, on ne peut pas rater Paris ! J’ai été en vacances plusieurs années dans le sud de la France, je connais un peu Lille… J’ai toujours aimé l’attitude des Français le matin, s’asseoir dans un café, prendre son temps pour déjeuner, pour dîner, se poser, mettre son téléphone de côté et parler vraiment les uns avec les autres… Cette atmosphère calme et agréable où on est tous ensemble. Les Français parviennent vraiment à créer ce genre d’environnement, et j’adore ça.
Interview réalisée le 20 janvier 2014 par Metal’O Phil.
Retranscription et traduction : Chloé.
Introduction : Alastor.
Site internet officiel de Primal Fear : www.primalfear.de
Album Delivering The Black, sorti le 27 janvier 2014 chez Frontiers Records.