On en pense ce qu’on veut, mais Rhapsody (tout court, « Of Fire » ou « Luca Turrilli’s », et pourquoi pas « In Black ») est décidément un groupe atypique. Déjà la séparation, ou plutôt la scission, à l’amiable survenue il y a deux ans, générant deux entités distinctes partageant le patronyme de Rhapsody, produisant chacun des albums et se produisant en concert, en soi, ce n’est pas banal. Qui plus est, prétendre, comme Luca Turilli l’a fait, que les albums des deux entités pourront être considérés comme une continuation de la discographie de la maison-mère (et même si Alex Staropoli nous a récemment avoué ne pas tout à fait partager ce point de vue), ajoute au côté insolite de la situation. Mais même musicalement, on se rend compte que le groupe défie en quelque sorte les pronostics.
Dans le duo de compositeurs Turilli/Staropoli, là où on aurait cru, dans les derniers albums, le guitariste responsable du côté plus heavy et agressif et le claviériste des orchestrations de plus en plus pompeuses et envahissantes, on constate aujourd’hui qu’en fait c’était tout l’inverse. Le constat vient déjà du Ascending To Infinity de Luca Turilli qui fut le premier à dégainer. Un album plus grandiloquent que jamais, où la guitare se retrouve parfois noyée sous la masse orchestrale et de chœurs. Constat complété par la seconde pièce du puzzle, première œuvre du Rhapsody version Staropoli, du nom de Dark Wings Of Steel. Un opus qui, même s’il s’attache toujours à présenter de vraies orchestrations et chœurs pour sublimer sa musique, se montre plus modéré sur cet aspect que son homologue.
Dark Wings Of Steel dévoile un paysage plus dégagé où la guitare reprend possession de son royaume et rappelle que Rhapsody est d’abord un groupe de heavy metal avant d’être symphonique. Dans cette optique, les narrations cinématographiques – repris et exploités en concert par Turilli – ont été totalement abandonnées. Même si Roberto De Micheli s’efforce de retrouver l’approche guitaristique caractéristique de son prédécesseur, indissociable du style Rhapsody, surtout dans les passages rapides, il ne leurrera pas les habitués sur le changement. Plus encore, il renforce l’idée selon laquelle la guitare doit reprendre un rôle central de meneuse. Rhapsody Of Fire bénéficie ainsi d’une guitare davantage mise en avant dans le mix, un peu plus épaisse dans le son et délivrant même quelques riffs heavy testostéronés peu commun dans l’histoire du groupe, comme sur « Rising From Tragic Flames ». Et pour accentuer le côté heavy, et même si quelques chansons rapides à la double pédale demeurent, le mid-tempo règne sur ce nouvel opus. En sus, Staropoli retrouve lui-même une marge de manœuvre aux synthés, avec de nombreux leads très typés metal prog (on oublie les flûtiaux), et en tant que compositeurs, avec, par exemple, quelques passages atmosphériques (« Fly To Crystal Skies »).
Pour autant, même si la guitare modernise légèrement le visage de Rhapsody Of Fire et que son équilibre avec les orchestrations aère le tout, Dark Wings Of Steel n’en garde pas moins une allure très familière. Ça peut se comprendre : la pression pesait sur les épaules de Staropoli, séparé de son prolifique co-compositeur, par les doutes sur sa capacité à porter seul le style Rhapsody. Il nous l’a avoué au cours d’un entretien à paraître : « Nuclear Blast a décidé de garder Luca sur le label, parce qu’ils lui accordaient une plus grande confiance. Il a sorti ses albums solos chez eux, donc ils savaient qu’il était capable de s’en sortir et de composer seul. Ils ne savaient pas ce que moi je pouvais faire. » Il fallait donc montrer que l’âme même de Rhapsody n’était pas partie avec son guitariste-compositeur historique, que sa patte distinctive n’était pas défigurée. Voilà pourquoi, dans le fond, Rhapsody Of Fire, via Dark Wings Of Steel, s’efforce de mettre sur la table les éléments les plus identifiables et attendues de sa personnalité. A commencer par les thèmes qui, même s’ils ont changé de main – Fabio Lione ayant pris la plume sur tout l’album pour la première fois –, conservent leur image heroic-fantasy. Il suffit de voir le dragon sur la pochette et ce titre caricatural pour comprendre la continuité dans laquelle Dark Wings Of Steel a voulu être intégré. Musicalement, même si certains détails apportent de la nouveauté et que l’approche est moins speed metal sympho et un peu plus heavy prog, la donne globale ne change pas fondamentalement. Les leads de guitare virtuoses néoclassiques en sweeping, les mélodies vocales théâtrales typiques, les chœurs glorieux et même la présence de la traditionnelle ballade en italien, sont là pour que l’auditeur n’ait aucun doute sur la marchandise.
Dark Wings Of Steel, album du changement prudent ? Il y a un peu de ça. Ou peut-être n’est-ce qu’un recentrage. Le groupe remanie subtilement sa formule, en épurant les couches et se montrant plus digeste, sans toutefois se détacher de ses attributs principaux. Certains le trouverons peut-être mou et pas assez « exotique » ou grandiloquent pour les standards du combo, d’autres au contraire estimeront que Rhapsody se montre un peu plus adulte. En tout cas Dark Wings Of Steel a mis en parallèle avec Ascending To Infinity donne une vue plus concrète sur la scission de l’entité et montre à quel point celle-ci est justifiée par des visions musicales divergentes. A chacun ensuite d’estimer le camp qui lui correspondra le mieux.
Album Dark Wings Of Steel, sortie le 22 novembre 2013 chez AFM Records.
ROF sans Luca Turilli, je m’en doutais un peu, et mes doutes se sont révélé exact, maintenant musicalement je trouve que Rhapsody a suivi Turilli, et ROF est devenu un groupe de Power Metal Italien normal avec juste Fabio Lione au chant. J’attendais beaucoup de la composition de Staropoli, ben voilà le résultat, juste 3 morceaux valables et le reste c’est du pipeau. J’ai acheté l’album juste pour compléter mon étagère. Donc voilà c’est fait je me range du côté Turilli.
De même qu’Apeth, cet album m’ennuie. Entre ces passages fades et banales et ceux carrément mauvais, il n’a pas grand chose pour lui.
J’ai écouté l’album en entier, et honnêtement je me suis pas mal ennuyé … Et pourtant Rhapsody est l’un des 3 groupes fondateurs de ma culture musicale ! Mais là ils font du ACDC selon moi, à faire ce qu’ils savent faire, à remplir leur contrat sans plus :/
A une époque on mettait leurs chansons sur des vidéos de gaming parce qu’elles apportaient vraiment un côté guerrier et épique sur leur passage. D’ailleurs, pour faire écho à la façon dont l’article fais le parallèle entre les musiciens, les premiers albums de Turilli solo (Demonheart) étaient musicalement riches et bien plus novateurs que ce qu’on nous livre là. Dommage … Je m’en vais réécouter les classiques.